Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je n’ai pas pu être présent lors de la discussion générale, mais, à la lecture du projet de loi et des comptes rendus des débats, j’ai le sentiment que le Gouvernement se trouve dans une situation de grande ambiguïté, pour ne pas dire de grande incohérence.
Effectivement, ce gouvernement participe aux réunions du Conseil européen à Bruxelles. Il y est partisan d’une coordination étroite des politiques économiques et budgétaires. Il y défend même l’idée d’un gouvernement économique européen. De cette étroite coordination résultent des recommandations adressées à la France, et approuvées par les institutions de l’Union.
À lire ces recommandations, on comprend que, en revenant partiellement sur la réforme de 2010, la France est allée à leur encontre. On apprend aussi qu’il conviendrait de relever de nouveau l’âge légal de départ à la retraite. On découvre, enfin, qu’il faut éviter d’augmenter les niveaux de cotisations de sécurité sociale, en raison des incidences négatives sur le coût du travail et, par conséquent, sur la compétitivité et l’emploi.
Si ce gouvernement faisait preuve de cohérence et de sens de la prospective, nul doute qu’il appliquerait les recommandations européennes, puisqu’il est partisan d’une étroite coordination des politiques sur le continent !
Pourtant, ce n’est pas le cas : à Paris, le discours est tout autre. Je dirais même que le Gouvernement fait à peu près le contraire de ce que préconisent les institutions de l’Union européenne. À croire qu’il y aurait deux gouvernements, l’un à Bruxelles, l’autre à Paris ! En France, en effet, le Gouvernement ne veut pas toucher à l’âge de départ à la retraite, et il finance ce refus par une hausse des cotisations.
J’ignore combien de temps ces deux gouvernements français vont pouvoir cohabiter. Nos partenaires vont finir par se lasser de ce double langage. Nos économies sont interdépendantes, nous avons la même monnaie : nous ne pouvons plus prendre de décisions économiques et sociales majeures sans considérer ce que disent et ce que font nos partenaires européens.
Tous les pays de la zone euro ont fixé l’âge légal de départ à la retraite à soixante-cinq ans – voire à soixante-six ans –, avec, il est vrai, parfois des règles plus favorables pour les femmes. Nous sommes les derniers à croire que, en éliminant précocement les seniors du marché du travail et en taxant toujours plus les actifs, nous allons donner du travail aux plus jeunes. Il se passe exactement le contraire : la France est le pays où l’âge effectif de départ à la retraite est le plus bas, et plus d’un jeune Français sur quatre est au chômage. En Allemagne, où le départ à la retraite a lieu en moyenne deux ans plus tard, le taux de chômage des plus jeunes y est trois fois plus faible !
Je ne peux souscrire à une réforme qui nous éloigne de nos partenaires européens, qui va à l’encontre des recommandations de l’Union européenne, et qui va nuire à notre compétitivité. Étant résolument pour la construction européenne, et voulant être cohérent avec moi-même, je ne la voterai donc pas. §