Intervention de Dominique Watrin

Réunion du 5 novembre 2013 à 14h30
Avenir et justice du système de retraites — Vote sur l'ensemble

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

Nous voici parvenus à la conclusion d’une semaine de débats, qui ont été parfois intenses. On ne le dira jamais assez, débattre des retraites, c’est discuter d’un projet de société.

Au final, la copie sénatoriale est bien maigre. Quelques articles seulement ont été adoptés, dont l’article 1er. Or celui-ci, modifié à la suite d’une alliance entre la droite et le RDSE, consacre le passage, dès 2017, à un système de retraite par points, que le groupe CRC continue de combattre avec la plus grande détermination. En effet, ce basculement ferait des pensions de retraite la variable d’ajustement – avec les conséquences désastreuses que certains pays ont connues – et ouvrirait la voie au renforcement des mécanismes de capitalisation.

C’est donc bien d’un échec qu’il faut parler.

Cet échec est d’abord celui du Gouvernement, qui s’est obstiné à imposer le présent projet de loi, sans prendre en considération les pistes alternatives que nous n’avons eu de cesse de présenter. Les quelques amendements du groupe CRC adoptés au cours du débat l’ont d’ailleurs été, le plus souvent, contre son avis.

Ce texte contenait, c’est vrai, quelques avancées, au demeurant bien timides, en matière de réparation et de prévention de la pénibilité, notamment, et offrait quelques nouveaux avantages pour le calcul de trimestres cotisés.

Mais s’il est un échec, c’est que, pour l’essentiel, il tourne le dos aux valeurs de gauche.

Je pense en particulier au passage à quarante-trois annuités de cotisations pour les jeunes et les salariés âgés de quarante ans et moins qui leur impose de travailler jusqu’à soixante-six ans – voire plus – ou de partir avec des pensions de retraite amoindries.

Je pense aussi à la non-revalorisation des pensions de retraite au 1er avril, excepté celle de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, comme si un retraité qui perçoit plus de 787 euros était un privilégié, qui doit, lui aussi, faire des sacrifices !

Je pense enfin au choix, effectué au nom d’une conception particulièrement étroite de la compétitivité, de faire porter tout le poids des efforts sur les salariés et les retraités, et d’en exonérer totalement les employeurs.

Tout au long de nos débats, nous avons constaté que le présent texte ne pouvait rassembler la majorité sénatoriale, ni même la mobiliser, face à une droite décomplexée.

Quelle erreur d’avoir ignoré le message de confiance en l’avenir délivré ici même par Pierre Mauroy, en 2010 ! Effectivement, ce message indiquait la voie à suivre – une voie progressiste ! –pour consolider la formidable conquête que représente la retraite à soixante ans.

Quelle erreur, encore, de présenter un projet de loi qui, pour l’essentiel, valide, et donc légitime, les réformes précédentes, notamment la réforme Sarkozy-Woerth de 2010, contre laquelle la gauche unie avait alors bataillé !

De fait, un espace politique a été ouvert à la droite. Elle s’y est engouffrée sans retenue et le groupe CRC a été souvent bien seul à la contredire. Comme le projet de la droite, pourtant, doit être combattu ! Ce qui a été soutenu par la droite dans cet hémicycle mérite d’être rappelé et porté à la connaissance de tous. Au nom du courage politique, la droite propose de faire reculer l’âge légal de départ à la retraite de soixante-deux ans à soixante-cinq ans. Au nom de la convergence avec le régime général du régime du secteur public et des régimes spéciaux, la droite veut punir les actifs qui dépendent de ces derniers. Cette convergence, d’ailleurs, est déjà en cours : elle se fait au prix de bien des sacrifices, qu’illustre, entre autres, le maintien du gel du point d’indice des fonctionnaires. Je ne reviendrai pas sur l’insistance de la droite à développer les systèmes de retraite par capitalisation, qui, partout, font faillite. §

C’est une autre réforme des retraites qu’il aurait fallu opposer à ce projet régressif. Oui, il était possible de faire autrement, de remuscler notre système de retraite par répartition, en prêtant l’oreille à nos propositions. Je pense à celle qui vise à taxer les placements financiers des entreprises et des banques qui nuisent à l’économie réelle, mais sont exemptés de toute cotisation sociale, par exemple. Je pense aussi à celle qui tend à faire des cotisations sociales des entreprises des outils intelligents : celles qui jouent contre l’emploi, et donc assèchent les comptes de la sécurité sociale, devraient cotiser plus ; les exonérations de cotisations, quant à elles, seraient conditionnées au respect de la loi.

Vous avez préféré ignorer ce qui aurait pu être une base de rassemblement et de résistance. Nous le regrettons, même s’il n’est jamais trop tard pour bien faire.

C’est donc avec le sentiment d’un rendez-vous manqué que le groupe CRC votera contre ce projet de loi, dont certaines dispositions, en plus de ne pas aller dans la bonne direction, ont été sérieusement aggravées par la droite. §

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