Je suis très heureux d'être devant un tel auditoire dont l'expertise sur les problèmes qui se posent à l'outre-mer est reconnue.
Alors que le budget 2013 était un budget de combat qui marquait le retour de l'État dans les outre-mer, le projet de loi de finances pour l'année 2014, que j'ai l'honneur de vous présenter, inscrit les territoires ultramarins comme une priorité pour l'action du Gouvernement. Pour preuve, les crédits de la mission Outre-mer augmentent de 1 %, tandis que le budget global de l'État connaît, pour la première fois, une baisse. Le budget des outre-mer enregistre ainsi une progression de 20 millions d'euros par rapport à son niveau de 2013.
Ce budget assure la consolidation de l'ensemble des priorités engagées lors de l'alternance, et ce, dans quatre secteurs prioritaires.
Tout d'abord, le logement, qui bénéficie de la hausse des crédits de paiement de la ligne budgétaire unique (LBU) pour s'élever à 244 millions d'euros, soit une progression enregistrée de l'ordre de 25 % depuis 2011, de 15 % depuis 2012 et de 8 % par rapport à 2013 et la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.
Ensuite, la jeunesse et l'emploi forment une seconde priorité, qui vont bénéficier de la poursuite de la montée en puissance du service militaire adapté (SMA), tant en matière de rémunérations, de fonctionnement que d'investissement pour s'élever à 159 millions d'euros en autorisation d'engagement et à 151 millions d'euros en crédits de paiement, soit une progression respective de 6 % et de 8 % par rapport à l'année passée.
Une troisième priorité est l'investissement public que renforce une nouvelle enveloppe de 50 millions d'euros au titre du fonds européen d'investissement, l'augmentation de 10 millions d'euros des autorisations de paiement au bénéfice des contrats de plan État-régions, qui sont en train de s'achever, par rapport aux dotations triennales, l'augmentation de 10 millions d'euros des crédits de paiement du troisième instrument financier pour la Polynésie française et, enfin, le maintien d'une capacité d'engagement de 20 millions d'euros pour les constructions scolaires en Guyane et à Mayotte.
Enfin, les entreprises représentent une priorité que le Gouvernement assume pleinement. Ainsi, le montant des compensations d'exonérations est maintenu à un niveau proche de celui de 2013 pour s'élever à 1 131 millions d'euros, soit une baisse de 24 millions d'euros sur une ligne budgétaire de plus d'un milliard d'euros qui a été préservée à 98 % par rapport à son niveau de 2013.
De façon concomitante, les autres aides aux entreprises, dont les crédits supplémentaires seront fléchés dans le cadre du prochain projet de loi sur la compétitivité outre-mer, enregistrent une remarquable progression, avec 25 millions d'euros d'autorisations de paiement et 16,5 millions d'euros de crédits de paiement, soit une hausse respective de 178 % et de 83 % par rapport à 2013.
Je m'arrête un instant sur ce sujet, car la réforme des barèmes d'exonérations s'inscrit dans un recentrage assumé de l'action de l'État qui encourage le recrutement par la baisse du coût du travail. En effet, l'ensemble des études conduites sur le coût du travail démontre que les réformes les moins défavorables à l'emploi sont celles qui préservent les bas salaires - c'est-à-dire ceux inférieurs à 1,4 SMIC ou, dans les secteurs considérés comme prioritaires, à 1,6 SMIC. En effet, 73 % des salariés ont un salaire égal ou inférieur à 1,6 SMIC. De fait, la situation de près de 93 % des établissements et de 90 % des salariés s'améliore ou demeure inchangée suite à cette réforme que renforce le crédit d'impôts compétitivité et emploi avec son apport supplémentaire de 320 millions d'euros en 2014.
Les hauts revenus seront-ils pénalisés ? Pour un salarié percevant deux fois et demi le SMIC, la hausse du coût du travail induite par la refonte des exonérations couplée au crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) sera de 43 euros, soit une augmentation de 0,9 % ! Et ce sont près de 30 % des 90 millions d'euros, représentant une moindre dépense par rapport au prévisionnel de 2014, qui sont redéployés en faveur des entreprises ultramarines. Comme vous pouvez le constater, le Gouvernement soutient les entreprises !
2014 est l'année de la cohérence fiscale, fixée comme objectif par le président de la République et mise en oeuvre par le Premier ministre, comme en témoigne l'article 13 du projet de loi de finance sur l'aide fiscale à l'investissement , qui permet d'investir près de deux milliards d'euros pour une dépense fiscale de plus d'un milliard d'euros. S'agit-il d'une réforme risquée ? Nous ne le pensons pas, car nous avons respecté trois principes : le refus du désengagement de l'État- aucun euro d'économie ne sera réalisé sur le dos des entreprises ultramarines -, la recherche d'une plus grande efficience dans l'allocation de la dépense publique et la conduite de la réforme en concertation avec les acteurs concernés.
Cette réforme s'accompagne d'un meilleur encadrement de la défiscalisation qui demeure inchangée pour les petites et moyennes entreprises, dont le chiffre d'affaires est inférieur à 20 millions d'euros, les entreprises du secteur du logement social et dans les collectivités d'outre-mer à autonomie fiscale qu'il est de notre devoir de soutenir. Davantage, l'expérimentation d'un crédit d'impôt attractif, avec un taux de 38 % à l'impôt sur le revenu et de 35 % à l'impôt sur les sociétés - ce taux étant porté à 40 % pour le logement social - représente un avantage pour l'exploitant supérieur à celui de la défiscalisation.
Le projet de budget de mon ministère manifeste cette cohérence que l'on retrouve à l'échelle de l'État. L'effort budgétaire et financier de l'État pour les outre-mer est ainsi stable par rapport à celui de l'an passé, pour s'élever à 14,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 14,2 milliards d'euros en crédit de paiement. Les dépenses fiscales s'élèvent, quant à elles, à 3,98 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2014, soit une progression de 1,9 % par rapport à la loi de finances intégrale pour 2013 et de 25 % par rapport au projet de loi de finances pour 2013, sous l'effet de la hausse de la défiscalisation au titre des investissements effectués dans le secteur du logement social.
Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les sénateurs, je connais l'attention toute particulière que vous portez au processus de départementalisation de Mayotte. Vous avez accompli un travail considérable dans votre rapport présenté l'année passée pour définir les priorités de cette départementalisation et j'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises, de souligner que je partageais largement votre avis.
En effet, deux ans et demi après le lancement officiel de la départementalisation, il est temps d'en dresser un bilan d'étape et d'envisager ses prochaines échéances. Beaucoup a déjà été accompli, particulièrement depuis ces dix-huit derniers mois, comme l'alignement sur les niveaux de métropole ou la montée en charge d'un certain nombre de prestations telles que le revenu de solidarité active, les allocations logements, le SMIC, la sur-rémunération des salaires des fonctionnaires. Nous avons également pris en compte les difficultés récurrentes qui se posent à Mayotte, comme l'immigration illégale, le manque de constructions scolaires, la situation des mineurs étrangers isolés et la coopération avec l'Union des Comores.
Nous avons aussi honoré les engagements jusqu'ici repoussés, en matière de transition fiscale notamment. À ce titre, nous pourrons compter sur la transformation de Mayotte en région ultra-périphérique (RUP) et les fonds européens qui compléteront les moyens financiers déjà mobilisés pour le développement du territoire. Mais une double critique se fait jour : pour ceux qui craignent que des changements trop brutaux ne déstabilisent un territoire aux équilibres fragiles et qui ne voient dans la départementalisation qu'une accumulation de contraintes nouvelles, nous allons trop vite tandis que pour d'autres, nous n'accordons que trop lentement des droits notamment sociaux.
Je reçois ces deux reproches comme une obligation pour le Gouvernement de donner plus de sens et de visibilité à l'action de l'État à Mayotte. Non pas que cette action en était jusqu'à présent dénuée, mais il nous paraît essentiel, à ce stade, de s'entendre sur un calendrier partagé. La feuille de route élaborée lors de la conclusion du pacte pour la départementalisation fixait des échéances parfois très lointaines - 25 ans pour certains droits que nous avons accordés en deux ans. C'est dans cet esprit que le Gouvernement, les élus et les représentants de la société civile doivent actualiser ensemble la feuille de route adossée à un calendrier plus réaliste. En ce sens, une clause de revoyure a été établie à mi-parcours pour que l'État, désormais représenté, en tant qu'autorité de gestion, par un nouveau secrétariat général aux affaires régionales, y évalue la consommation des crédits.
La départementalisation est aussi dénoncée par certains comme destructrice du tissu social mahorais et un facteur de déséquilibre en matière fiscale, s'agissant notamment du foncier et de la fiscalisation des indemnités d'éloignement. Il y a en ce moment une grève des fonctionnaires à Mayotte. Mais je tiens à vous dire que la fiscalité sera neutralisée pour les revenus perçus en 2013. Mais au-delà, il faut que chacun, dans le contexte difficile que traverse le pays, participe à l'effort commun.
A Mayotte, la fiscalité des ménages a été alignée sur le régime le plus favorable qui est celui de la Guyane, avec l'augmentation de l'indexation de 8 % cette année, soit de 40 % étalés sur quatre ans. Un abattement, correspondant à 40 % de l'impôt plafonné à 6 700 euros, sera également accordé, tandis que pour les autres collectivités ultramarines, l'abattement s'élève à 30 % et est plafonné à 6 200 euros.
A ceux qui reprochent que nous n'allons pas assez vite, je rappellerai que si nous avions appliqué le pacte initial de départementalisation signé en 2009, il eût fallu attendre 25 ans, au bas mot, pour que le salaire minimum se rapprochât du SMIC national alors que 18 mois auront suffi pour qu'il en atteigne 98 %. Et un effort exceptionnel a été consenti cette année pour le revenu de solidarité active (RSA), qui atteint désormais 50 % du niveau national, alors qu'un tel rattrapage était également prévu dans un horizon de vingt-cinq ans. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault envisage d'ailleurs d'atteindre la parité, voire l'égalité, en matière de RSA d'ici la fin du quinquennat.
Mais quel rythme imprimer à cette démarche ? Nous attendons des élus de Mayotte des propositions, qui feront l'objet de notre examen attentif, pour rénover le pacte de départementalisation.