La question de l'égalité des territoires est un sujet prégnant aujourd'hui. Les inégalités entre régions se sont résorbées au fil du temps ; on constate en revanche une augmentation des inégalités infrarégionales. Cela doit nous conduire à tisser une politique fondée sur des relations renouvelées entre l'Etat et les collectivités locales, trente ans après le début de la décentralisation. Ce projet sera bientôt incarné par un nouvel outil à la main de l'Etat, mais aussi ouvert aux territoires et à leurs élus, le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) dont la création a été décidée à l'été 2013. Comme vous l'ont indiqué récemment le préfigurateur du CGET, Eric Delzant, et Raphaël Le Méhauté, le commissariat sera mis en place à la fin du premier trimestre 2014. Je crois beaucoup à l'enrichissement mutuel des trois structures qui le composent : le Secrétariat général du Comité interministériel des villes (SG-CIV), l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSé), la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR). Il convient de saisir l'opportunité de cette nouvelle organisation pour renouveler notre appréhension de la politique d'égalité des territoires.
L'un des objectifs majeurs portés par le CGET est l'accessibilité des services au public. Il s'agit d'un objectif complexe à atteindre mais impératif. En effet, la disparition des services publics en milieu rural engendre, au-delà du déficit d'usage, un sentiment d'abandon et d'injustice. Ma détermination sur le sujet est entière. Il y faut une vraie vision interministérielle, transversale : les réflexions « en silo », ministère par ministère, ont conduit à des meurtrissures indélébiles sur les territoires. Pour y remédier, j'ai lancé un travail avec tous les ministères de tutelle concernés. Nous avons également signé une convention d'objectifs et de gestion avec la CNAF qui inclut des obligations de présence territoriale. Les maisons de services au public sont de mon point de vue un outil remarquable de reconquête de la présence des services publics sur les territoires. Je vous confirme que l'Etat assurera son rôle de soutien : d'ici 2017, 1 000 maisons de services au public - contre 320 aujourd'hui - seront financées de façon pérenne, l'Etat et ses opérateurs intervenant en complément des collectivités. Douze millions d'euros y seront consacrés en 2014 afin d'amorcer la montée en charge. Un fonds sera créé en 2014, doté à terme de 35 millions d'euros par an, pour financer 50 % des coûts de fonctionnement du réseau. J'ai réuni hier les dirigeants des grands opérateurs de services pour les mobiliser sur le sujet. Ils doivent travailler en commun, ce qui exige un changement d'état d'esprit.
Dans cette logique, nous allons anticiper, avec les départements et les conseils généraux qui le souhaiteront, la mise en oeuvre des schémas départementaux d'accessibilité des services au public, prévus dans le deuxième volet de la loi de décentralisation, afin de repenser le maillage des territoires. Nous mènerons ainsi une expérimentation législative originale : nous testons la disposition prévue avant son vote, de manière à pouvoir améliorer le texte final.
Au-delà de l'accueil du public, un autre enjeu est celui de la reconstruction de l'image des territoires - je l'ai bien compris lors de mon tour de France des territoires. Cela passe notamment par des lieux bien identifiés, sur lesquels figurent les logos de l'ensemble des opérateurs présents. La vue de bâtiments vides, sur la façade desquels demeure la trace d'enseignes démontées, France Télécom, la Poste ou autres, suscite inévitablement le sentiment d'un délaissement. En outre, les élus locaux se démènent pour compenser le départ des services publics, mais ne parviennent pas à suivre le rythme : à peine l'ouverture d'une médiathèque est-elle annoncée en réaction à la fermeture d'un tribunal d'instance, que l'on apprend la suppression de la sous-préfecture. Désespérant !
De façon plus générale, nous devons agir pour redynamiser les territoires ruraux et périurbains. En ma qualité de ministre de l'égalité des territoires, je considère que la France ne peut se réduire à quelques métropoles locomotives entourées de terrains de relégation ou récréatifs, qui n'auraient pas vocation à s'appuyer sur leur propres capacités de développement. Bien au contraire, les espaces ruraux sont des laboratoires d'expérimentation et d'innovation dont la France ne peut se priver. Les pôles d'excellence rurale (PER) en constituent une excellente illustration. Le gouvernement tiendra les engagements qu'il a pris. A ce jour, 114 millions d'euros ont été engagés sur les 150 de 2013. En 2014, les crédits de paiement nécessaires pour financer tous les projets sont prévus.
Le gouvernement a également pris la mesure des enjeux liés au dépérissement du centre des bourgs ruraux. Le Premier ministre présentera un programme spécifique assorti de financements, pour répondre aux problèmes nés des déprises de terrains en centre-ville, tandis que les constructions s'étendent en périphérie - évolutions territoriales difficiles à gérer pour les élus locaux. La solidarité nationale doit s'exprimer par des dotations d'Etat.
Sur le plan économique, il convient d'initier un cercle vertueux de création d'emplois et de valeur. Nous maintiendrons la prime d'aménagement du territoire à son niveau actuel - soit 40 millions d'euros par an - en veillant à recentrer son utilisation en faveur des territoires les plus en difficulté et les PME, en cohérence avec les nouvelles règles européennes de zonage des aides à finalité régionale. Les pôles de compétitivité, qui ont fait leurs preuves, continueront également d'être soutenus, à hauteur de 4 millions d'euros, par le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) en 2014. Ils devront prendre en compte les enjeux de la transition énergétique et écologique et renforcer leur impact territorial.
Le soutien au secteur de l'économie sociale et solidaire constitue un autre volet de notre action en faveur du développement économique. L'ancrage territorial de ce secteur est solide, ses activités ne sont pas délocalisables. Ce constat nous a amenés, Benoît Hamon et moi-même, à élaborer un appel à projets pour des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), doté de 3 millions d'euros, destiné à soutenir une quinzaine de projets en 2014. Ce montant peut sembler modeste mais il ne faut pas négliger l'effet de levier très important de l'aide de l'Etat.
Vous m'interrogez sur les contrats de plan Etat-régions. La contractualisation, renouvelée tant sur le fond que sur la méthode, est une priorité. L'année 2014 sera une année de transition afin de porter le taux d'exécution des contrats à 90 % : 118 millions d'euros seront engagés pour atteindre cet objectif. Le Premier ministre précisera bientôt aux préfets de région et aux présidents de conseils régionaux les contours de la nouvelle contractualisation, qui devra prendre en compte tant la nouvelle orientation des fonds européens que la transition énergétique et écologique, et s'articuler avec le programme des investissements d'avenir. Sur ce dernier sujet, mon ministère disposera de crédits de 420 millions d'euros, dont 75 millions pour soutenir les territoires à énergie positive et 10 millions pour un appel à projets sur les territoires numériques.
La nouvelle génération de contrats Etat-régions comprendra un volet territorial : il s'agit de définir, sur un territoire donné, des priorités partagées entre les différents niveaux de collectivités. Ainsi, les territoires qui souhaitent avancer rapidement sur l'accessibilité des services au public pourront le faire sans attendre le vote du deuxième projet de loi de décentralisation.
Nous avons l'impérieuse responsabilité de démontrer que tout n'est pas joué, que nous pouvons faire évoluer les politiques, que l'égalité des territoires peut progresser. J'entends décloisonner les actions des différents opérateurs. L'aménagement du territoire, sur le moyen et le long terme, doit viser à réparer les territoires meurtris et mettre fin aux inégalités infrarégionales. Ensemble, les différentes collectivités et l'Etat doivent mener une politique partagée, à la hauteur de l'enjeu, qui touche à l'essence du pacte républicain.