Le redressement se poursuivra en 2014 : les réformes des retraites et de la politique familiale et la stratégie nationale de santé devraient rapporter 8 milliards. Cela contribuera à ramener le déficit du régime général et du FSV à 12,8 milliards au lieu des 20 milliards auxquels l'évolution tendancielle aurait mené - celui du régime général étant prévu à 9,6 milliards : on se rapproche du niveau d'avant la crise.
Cette dynamique positive devrait réduire à l'horizon 2017 le déficit du régime général et du FSV sous les 4 milliards d'euros : si c'est le cas, nous aurons divisé en une législature le déficit de la sécurité sociale par plus de 4, montrant qu'une politique de gauche peut faire rimer justice sociale et saine gestion des comptes publics.
L'année dernière, j'avais regretté que la loi de financement ne transfère pas à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) le déficit élevé des branches famille et maladie parce qu'il ne me semblait pas de bonne gestion, en dépit de conditions de marché exceptionnelles, que l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) les gère en trésorerie. L'article 14 élargit le dispositif de reprise de l'article 9 de la loi de financement pour 2011 et autorise le transfert automatique de ces déficits à la Cades pour les quatre années à venir et dans la limite des plafonds existants. Cela tire habilement parti des conséquences du rééquilibrage progressif des comptes de la branche vieillesse par la réforme des retraites. Près de 30 milliards d'euros pourront être repris entre 2013 et 2017, sans qu'il soit nécessaire d'augmenter la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ou d'affecter de nouvelles ressources à la Cades.
Nous poursuivons, dans le respect des engagements pris devant nos concitoyens, une tâche ingrate mais nécessaire qui rendra à notre système de protection sociale les marges de manoeuvre financières dont il a besoin.
J'en viens au secteur de l'assurance maladie. Le projet de loi lui consacre 35 articles, dont 12 ajoutés par l'Assemblée nationale. L'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) s'élèvera à 179,2 milliards d'euros, soit 4,2 milliards de plus (+ 2,4 %) que l'année précédente, mais 2,4 milliards d'économies par rapport à l'évolution tendancielle : 960 millions sur le médicament, 120 millions sur les dispositifs médicaux, 130 millions sur certains tarifs, 740 millions sur l'amélioration des pratiques et des organisations - dont 300 millions sur les achats hospitaliers - mais pas de déremboursement.
Le Gouvernement prévoit de conserver jusqu'en 2017 cette évolution de 2,4 %, exigeante mais supérieure aux hypothèses de croissance et d'inflation. La croissance des dépenses d'assurance-maladie ralentit, de 6 ou 7 % en 2000 à moins de 3 % depuis 2010, grâce notamment aux baisses de prix de médicaments ou de tarifs. Constamment dépassé entre 1998 et 2009, l'Ondam sera respecté pour la quatrième année en 2013. L'évolution en volume des dépenses de santé des Français progresse elle aussi moins vite, de 3,8 % entre 2000 et 2005 à 2,7 % depuis 2010. Ce déficit reste toutefois le plus important des différentes branches : 6,2 milliards en 2014, soit 3 % des dépenses de l'assurance maladie, et 2,7 milliards prévus en 2017.
Le projet de loi s'inscrit dans la stratégie nationale de santé, démarche globale annoncée par la ministre en septembre dernier et qui se traduit par des mesures législatives, réglementaires et conventionnelles.
Renforcer les soins de premier recours est une priorité : la progression de l'espérance de vie, le développement des maladies chroniques, l'évolution de la démographie professionnelle, des pratiques et des conditions de travail appellent une prise en charge plus globale de la personne fondée sur un exercice collectif et pluriprofessionnel. L'expérimentation de nouveaux modes de rémunération (NMR), lancée par la loi de financement pour 2008, fonctionne désormais malgré son retard : les activités coordonnées ou de nouveaux services aux patients tels que l'éducation thérapeutique ou la prise en charge de patients complexes sont ainsi financés dans les maisons et centres de santé. Le dispositif pérenne, créé l'an dernier pour leur succéder, n'a pas donné lieu comme prévu à négociations entre partenaires professionnels, à cause notamment de l'avenant n° 8 à la convention médicale ; l'article 27 prolonge d'une année l'expérimentation, élargit les NMR à 150 nouvelles équipes et prévoit, en vue d'une généralisation, un règlement arbitral en 2015 en cas d'échec des négociations.
L'article 28 développe dans le monde libéral les coopérations entre professionnels, sur lesquelles travaillent Catherine Génisson et Alain Milon, en mettant en place un collège des financeurs. L'article 27 bis, introduit par l'Assemblée nationale, prévoit la renégociation début 2014 de l'accord entre assurance maladie et centres de santé, reconduit tacitement depuis 2003, et des négociations régulières sur la transposition aux centres des conventions passées avec les professionnels libéraux. En m'inspirant du récent rapport de l'Igas, je vous proposerai de conforter davantage les centres de santé, dont l'utilité sanitaire et sociale comme la fragilité financière sont évidentes.
Le projet de loi met en oeuvre plusieurs expérimentations : l'article 29 déploie la télémédecine, pour laquelle, en dépit des bases juridiques posées par la loi HPST, notre pays est en retard, alors que nos territoires en ont besoin, même s'il ne s'agit pas d'une solution miracle ; l'article 34 lance des expérimentations de parcours de soins sur l'insuffisance rénale chronique - qui me semble prometteuse, car mobilisant un ensemble varié d'acteurs - et sur la radiothérapie externe ; l'article 31 prévoit des conventions sur les modalités de prise en charge des patients en termes de transports sanitaires - sujet difficile à réformer s'il en est - ouvertes à l'adhésion volontaire des transporteurs et taxis du territoires.
Le rapport de Jacky Le Menn et d'Alain Milon sur la rénovation du modèle de financement des établissements de santé, que nous avons adopté à l'unanimité, fait référence. L'article 33 en reprend deux propositions : la prise en compte des établissements isolés, sur laquelle nous serons tous d'accord et qui amorce une évolution majeure du principe d'une application universelle de la tarification à l'activité (T2A), et la dégressivité des tarifs pour certaines prestations, qui fait débat : toutes les études dénoncent le risque inflationniste de la T2A et de certaines prestations parfois qualifiées d'actes en série, dont le coût marginal est décroissant et dans lesquels certains établissements se sont spécialisés - ils dégagent des marges significatives ; au-delà d'un certain volume ou évolution d'activité, le tarif d'une prestation pourra être minoré pour la part supérieure au seuil ; grâce aux députés, les créations ou regroupements d'activités seront pris en compte dans son évaluation. Cet outil, s'il peut être utile, doit être manié avec précaution, de manière à ne pas dissuader les établissements de pratiquer des interventions justifiées ou d'améliorer leur productivité. Il convient donc qu'il soit ciblé et que les autres outils d'évaluation de la pertinence des soins soient plus amplement mis en oeuvre : référentiels de la Haute Autorité de santé (HAS), comparaisons territoriales et mise sous accord préalable. La pertinence des soins doit s'analyser dès le premier acte et non à partir d'un seuil ; la dégressivité ne saurait lui être liée.
L'article 33 bis corrige le dispositif de mise sous accord préalable des activités de soins de suite et de réadaptation ; l'article 36 maintient l'échéance de mise en oeuvre de la facturation au fil de l'eau des actes et consultations externes dans les établissements publics et privés à but non lucratif, mais la reporte à 2018 pour les autres prestations ; les articles 31 et 41 améliorent les relations entre les ARS et les établissements sur les transports et les médicaments de la liste en sus.
Le circuit du médicament, enfin. L'article 37 autorise l'expérimentation de la délivrance de certains antibiotiques à l'unité dans quelques régions pilotes afin de lutter contre les stocks inutiles de médicaments chez les particuliers et de diminuer les risques de résistance aux antibiotiques. L'expérimentation est un outil particulièrement adapté pour un sujet qui revient de manière lancinante dans le débat public sans véritable évaluation. Cela posera des questions d'organisation (traçabilité des lots, information des patients, conservation des produits) qui devraient être réglées par des procédures adaptées.
Reprenant une proposition adoptée par notre commission à mon initiative, l'article 38 diffuse plus largement les médicaments biologiques similaires, à l'aide d'une procédure sécurisée de substitution qui prévoit qu'un traitement se poursuive toujours avec le même médicament, sauf avis contraire du prescripteur. L'article 39 pérennise l'expérimentation assurant une continuité de prise en charge aux patients prenant un médicament ayant reçu une autorisation temporaire d'utilisation dans l'attente de son inscription sur la liste des produits remboursables. L'article 42 accélère les modalités de tarification des actes innovants associés à des dispositifs médicaux. L'article 40 prévoit la transmission au Comité économique des produits de santé (Ceps) par les fournisseurs de médicaments génériques du montant par spécialité de tous les avantages, remises et ristournes consentis aux pharmaciens, théoriquement limités à 17 % ; plusieurs études constatent en effet qu'ils contournent cette obligation par des contrats de coopération portant officiellement sur des médicaments non remboursables. Le Ceps pourra ajuster le prix des produits au vu des informations sur les remises. Je propose de supprimer l'ajout par l'Assemblée nationale d'un plafonnement par arrêté dans la limite de 50 % du montant total des avantages, sur lequel nous ne disposons d'aucune étude d'impact ou d'évaluation. Je reprendrai dans un autre amendement la proposition de la HAS de fusionner les actuels service médical rendu (SMR) et amélioration du service médical rendu (ASMR).
Enfin, le projet de loi comporte plusieurs mesures relatives à la protection complémentaire santé. La part prise en charge par l'assurance maladie ayant augmenté jusqu'à la fin des années 1970 pour atteindre 80 % s'est ensuite effritée pour se stabiliser depuis 2011 à 75,5 %, réservant un rôle important à la couverture complémentaire qui représente 13,7 % des dépenses de santé. Le Président de la République a annoncé les objectifs à l'automne 2012 ; l'accord interprofessionnel de janvier et la loi de sécurisation de l'emploi tracent la voie d'une généralisation de la complémentaire collective en entreprise ; le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a publié en juillet un rapport très complet ; l'Assemblée nationale étudiera fin novembre en deuxième lecture la proposition de loi relative aux réseaux de soins que nous avons adoptée en juillet ; le plafond de ressources de la CMU-c, partant de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS), a été relevé de 8,3 % au 1er juillet dernier, ce qui fait entrer 750 000 personnes supplémentaires dans le dispositif.
L'article 45 réforme profondément la logique de l'ACS, dont les contrats éligibles seront sélectionnés après mise en concurrence sur des critères alliant prix et niveau de garantie. Il autorise le Gouvernement à fixer un plancher et un plafond de prise en charge pour les contrats responsables et solidaires dont tous remplissent actuellement les critères - peu discriminants et ne délimitant pas le panier de soins remboursé - pour bénéficier d'un taux réduit de taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) : cela garantira qu'ils financent bien le ticket modérateur dans le cadre des tarifs de la sécurité sociale et ne remboursent pas pour autant des tarifs ou prix excessifs, dépassements d'honoraires médicaux ou frais dentaires ou d'optique.
Avec l'article 45 bis, l'Assemblée nationale élargit aux bénéficiaires de l'ACS la fixation par arrêté d'un panier de soins opposable aux professionnels, avec des tarifs maximum pour différentes prestations ; dans l'article 45 ter, elle ouvre aux bénéficiaires d'un minimum vieillesse le renouvellement automatique du droit à l'ACS, une proposition de notre collègue Aline Archimbaud dans son rapport au Premier ministre sur l'accès aux soins des plus démunis. Je vous proposerai d'aller plus loin dans la simplification administrative.
L'article 12 ter comble un vide juridique. La censure par le Conseil constitutionnel de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale fragilise durablement tous les régimes de prévoyance mis en place depuis la seconde guerre mondiale par les branches professionnelles et qui, tels Pro-BTP, couvrent des risques lourds. Les branches pourront recommander un ou plusieurs organismes si le contrat de prévoyance prévoit un degré élevé de solidarité (prise en charge de cotisations pour certains salariés, politique de prévention et d'action sociale...) après mise en concurrence dans des conditions de transparence et d'impartialité. Afin de ménager la liberté contractuelle, l'entreprise pourra choisir son assureur ; toutefois, si elle ne le choisit pas parmi les organismes recommandés, le forfait social sur les cotisations de prévoyance sera majoré de 8 % à 20 % pour les entreprises d'au moins dix salariés et de 0 % à 8 % pour les entreprises de moins de dix salariés.