Merci pour votre accueil. Cette audition tombe le jour même du premier anniversaire de la remise du rapport Gallois au Premier ministre, rapport suivi dès le lendemain par l'annonce par le Gouvernement du Pacte pour la croissance, la compétitivité et l'emploi qui reprenait la quasi-totalité des propositions de Louis Gallois. Avec Arnaud Montebourg, Fleur Pellerin et Geneviève Fioraso, j'accompagnais hier le Premier ministre à Saint-Étienne pour fêter cet anniversaire.
Vous avez évoqué, monsieur le Président, la situation économique en Europe. D'après la Commission européenne, huit pays de la zone euro seront en récession cette année et seulement deux l'année prochaine. Les prévisions de croissance de la France sont validées : 0,2 %, au lieu des 0,1 % que nous avions annoncés. Avant l'été, la même Commission européenne prévoyait - 0,1 % pour notre pays et les économistes - 0,3 %. Certes, notre croissance a été heurtée : après un bon deuxième trimestre, le troisième l'a moins été tandis que l'activité repart au dernier trimestre, notamment le marché de l'automobile, avec Renault, mais aussi PSA qui tirent leur épingle du jeu. Le Commission européenne prévoit, comme le Gouvernement, 0,9 % de croissance pour 2014 et 1,7 % en 2015, ce qui permettra d'inverser durablement la courbe du chômage. Ces chiffres valident une stratégie européenne et nationale. Il y a encore un an, certains se demandaient si l'euro allait survivre, si la Grèce et Chypre allaient sortir de la zone euro. Les décisions prises par plusieurs États européens ont permis d'apaiser les tensions et la Banque centrale européenne a garanti la pérennité de l'euro, notamment lorsque son président, Mario Draghi, a dit qu'elle sauverait l'euro quoi qu'il arrive.
En 2013, la France a fait mieux que la zone euro ; elle devrait retrouver en 2014, mais surtout en 2015, une croissance plus soutenue. Vous avez évoqué des pays hors zone euro : la Grande-Bretagne connait effectivement des taux de croissance spectaculaires, mais elle part d'un point beaucoup plus bas que la France.
Nous réduisons notre déficit de manière constante : en 2011, il était de 5,3 % et il eut été à nouveau du même montant en 2012 si nous n'avions pas pris les mesures d'ajustement nécessaires, ce qui nous a permis de le ramener à 4,8 %. En 2013, le déficit sera de 4,1 % et l'année prochaine, dans une fourchette comprise entre 3,6 % et 3,8 %. En 2015, nous serons en-dessous de 3 %. Si la Commission européenne estime à cette date notre déficit à 3,7 %, c'est qu'elle ne tient pas compte des mesures d'ajustement supplémentaires prévues pour 2015.
J'en arrive au Pacte de compétitivité, qui est l'acte économique fondateur de notre politique économique. Le Pacte part du constat de la perte de compétitivité de la France, qu'évoquait déjà François Hollande lorsqu'il était candidat. En juin 2012, lors du débat d'orientation sur les finances publiques, j'avais dit nos inquiétudes à ce sujet. Partant du rapport Gallois, nous avons défini des voies d'action pour redresser la compétitivité française. Je suis persuadé qu'il est possible de renforcer notre tissu productif grâce à une insertion harmonieuse dans les échanges mondiaux grâce à une compétitivité positive et pérenne basée non pas sur l'écrasement des salaires et le moins disant social mais sur l'investissement, l'innovation et la productivité.
Je participais hier soir à un débat à la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, en présence de Louis Gallois. Il nous disait qu'il faut miser sur l'innovation et la montée en gamme et non sur l'austérité. Je fais mienne cette formule.
Depuis un an, le cadre fiscal est favorable à l'investissement et à l'innovation des entreprises, le marché du travail a été réformé, la règlementation a été améliorée et le financement de l'économie répond aux besoins des entreprises en matière d'endettement et de fonds propres. Hier, le Premier ministre a rappelé que le Gouvernement ne faisait pas de cadeaux aux patrons mais qu'il faisait en sorte que les entreprises puissent investir pour embaucher, le but étant d'accroître la productivité globale de l'économie qui a ralenti durant la dernière décennie. Cette politique de l'offre n'est pas exclusive d'une action sur la demande et le pouvoir d'achat, qui s'est d'ailleurs renforcé du fait d'une très faible inflation dans la zone euro. Cette politique permet de réduire les coûts du travail, grâce au CICE, et les coûts de recherche et développement (R&D), grâce à la consolidation et à l'extension du crédit d'impôt recherche.
Pour financer l'économie, l'épargne des entreprises a été réorientée, Bpifrance a été créée et le PEA-PME vous sera proposé à l'occasion du budget pour 2014. Ces politiques s'inscrivent dans la durée afin que les entreprises puissent en tenir compte. La rénovation des structures économiques de notre pays est de grande ampleur et conforte notre modèle social. Louis Gallois avait demandé la sanctuarisation de certains dispositifs fiscaux, dont le crédit d'impôt recherche (CIR).
Le Pacte de compétitivité est donc un choix politique, qu'aucun précédent Gouvernement n'avait osé. La compétitivité des entreprises, c'est l'intérêt de la France, l'intérêt de sa jeunesse.
La très grande majorité des 35 mesures du Pacte a été mise en oeuvre. Le CICE est la mesure phare et son utilisation est totalement transparente. Un comité de suivi partenarial permet d'informer la représentation nationale. Son rapport préliminaire montre que la montée en puissance du dispositif a été rapide : le taux de recours devrait être de 97 % l'an prochain et les entreprises s'approprient le dispositif, n'en déplaise à ceux qui estimaient le CICE trop complexe. Les premiers travaux d'évaluation confirment qu'une part importante du CICE bénéficie à l'industrie : un débat sur le positionnement du curseur avait eu lieu et nous avions choisi une voie moyenne, en le fixant à 2,5 SMIC. Le dispositif bénéficie à hauteur de 20 % à l'industrie. En outre, l'effet de second tour est loin d'être négligeable : le CICE bénéficie à l'ensemble de l'économie grâce à la baisse du prix des consommations intermédiaires. Aujourd'hui, services et industrie sont étroitement liés. Il serait absurde de les opposer.
Le montant des préfinancements de Bpifrance progresse avec constance. Fin septembre, plus de 10 000 dossiers de préfinancement ont été traités pour un montant de 920 millions d'euros, et la majorité des dossiers provenait de petites entreprises. Ne confondons pas CICE et préfinancements : ces derniers s'adressent aux entreprises qui ont besoin de trésorerie pour bénéficier du CICE. Selon l'Insee, le CICE a permis de créer ou de prévenir la destruction d'environ 30 000 emplois.
Enfin, le rapport du comité de suivi souligne qu'à la suite des consignes qui ont été données, les abus des entreprises donneuses d'ordre sont en passe de disparaître.
Le Pacte porte aussi sur le financement des entreprises : j'ai oeuvré à une mobilisation massive de financements et je garde un bon souvenir des débats que nous avons eus au Sénat tant sur la création de Bpifrance que sur la réforme bancaire.
Bpifrance a accompagné près de 60 000 entreprises durant les neuf premiers mois de l'année ; 1,5 milliard d'euros de trésorerie a été injecté dans l'économie, grâce au préfinancement du CICE, du CIR et du dispositif de trésorerie offert par Bpifrance. Ce fut une bouffée d'oxygène pour nos entreprises, surtout pour les PME. L'encours de crédit aux sociétés françaises non financières est aujourd'hui quasiment stable alors qu'il se contracte dans la zone euro, ce qui témoigne de la relative bonne santé de notre économie. Enfin, nos entreprises se financent à des niveaux historiquement bas, inférieurs à la zone euro. La France n'a pas décroché, n'en déplaise aux Cassandre.
Grâce au Gouvernement, les entreprises ont accès à des sources de financement autres que bancaires. Cette évolution est inéluctable : le système va devenir plus désintermédié. Les entreprises vont devoir sortir de leur relation unilatérale avec les banques. C'est pourquoi nous avons réformé le code des assurances et nous vous proposerons la réforme de l'assurance vie lors du collectif budgétaire.
Concernant l'innovation, nous approfondissons les mesures du Pacte de compétitivité : le projet de loi de finances sera l'occasion de lancer un nouveau plan d'investissements d'avenir (PIA), doté de 12 milliards d'euros. Ce plan sera financé par un versement du budget de l'État vers le compte des opérateurs du Trésor en 2014, ce qui ne modifiera pas le besoin de financement car les décaissements seront étalés dans le temps par la montée en puissance des appels à projet du PIA-II fin 2014. Ce plan sera également financé par une gestion active et responsable du patrimoine de l'État, notamment grâce à des cessions de participation. Le solde sera intégré aux besoins de financement de l'État. L'impact sur les finances publiques sera donc limité grâce à des modes de financement vertueux. Des avances remboursables donneront lieu à des retours financiers qui diminueront le déficit maastrichien. Enfin, des dotations non consommables ont un faible impact. Au total, les subventions seront limitées à 32 % du programme total, soit 4,7 milliards d'euros sur la dette et de 3,8 milliards d'euros sur le déficit.
Avec Daniel Raoul, j'ai lancé à Angers le statut de jeune entreprise innovante (JEI) : les exonérations sont dégressives, maintenues pendant huit ans et le dispositif est étendu aux dépenses d'innovation, ce qui permet de s'approcher du marché, élément essentiel pour les JEI.
Le plan innovation, élaboré par Geneviève Fioraso et Fleur Pellerin, a été présenté hier par le Premier ministre et il comprend quatre objectifs : promouvoir l'innovation pour tous, encourager l'innovation ouverte, mobiliser l'innovation pour la croissance, évaluer les politiques d'innovation publique. L'État continuera à financer l'innovation : le fonds national de l'innovation sera doté de 240 millions d'euros et il financera l'innovation sous toutes ses formes. De plus, 1,1 milliard d'euros sera mobilisé par des fonds de capital-risque spécifiquement dédiés aux entreprises innovantes et de croissance.
Ce Pacte de compétitivité est complet et il commence à porter ses fruits. Rétablir la compétitivité est une entreprise de longue haleine qui va mobiliser le Gouvernement et la représentation nationale dans la durée. Ce Pacte est notre meilleure chance pour l'économie, l'emploi et l'investissement.