Mes chers collègues, je souhaiterais débuter mon propos par une remarque liminaire. La réalisation de ce rapport pour avis sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014 s'est faite dans des conditions difficiles en raison, d'une part, de la proximité de ce texte avec le projet de loi portant réforme des retraites sur lequel votre rapporteur pour avis était mobilisé et, d'autre part, parce que le PLFSS pour 2014 prévoit un grand nombre de transferts, certains entre organismes de sécurité sociale, d'autres entre la sécurité sociale et des organismes hors champ, qui sont extrêmement complexes, parfois peu documentés et qu'il a fallu par conséquent reconstituer pour en comprendre le sens. Par certains aspects, il s'est agi d'un travail de bénédictin.
Pour vous présenter les différentes dispositions de ce PLFSS, je commencerai mon exposé en évoquant la question des déficits de la sécurité sociale. En 2010, le déficit des régimes de base de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) s'est établi à un niveau historique de près de 30 milliards d'euros, soit 1,5 point de PIB. En 2011, le solde des régimes de la sécurité sociale a connu une amélioration significative de 0,4 point de PIB en raison essentiellement de l'amélioration de la conjoncture économique. Je rappelle qu'en 2011, la croissance du PIB a été de 2 % et que la masse salariale privée a progressé de 3,6 %. En 2012 et 2013, la réduction des déficits s'est poursuivie à un rythme inférieur à 2011 compte tenu de moins bons indicateurs économiques.
Je poursuivrai mon propos en présentant les hypothèses macroéconomiques retenues pour le PLFSS pour 2014. Ces hypothèses, présentées précédemment par notre rapporteur général, sont les mêmes que celles utilisées pour les prévisions figurant dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2014, avec une croissance du PIB en 2014 de 0,9 %, une inflation de 1,3 % et des prévisions d'évolution de la masse salariale privée en augmentation de 2,2 %.
L'évolution de la masse salariale privée se décompose ainsi : un salaire moyen par tête qui progresse de 2,1 % et des effectifs qui connaissent une hausse moins accentuée de l'ordre de 0,1 % après deux années de contraction de l'emploi, - 0,1 % en 2012 et - 0,6 % en 2013. Pour la période 2015-2017, les hypothèses sont conventionnelles puisqu'on évalue la progression de la masse salariale à 3,5 % en 2015 puis 4 % en 2016 et en 2017. La décomposition de celle-ci n'est en revanche pas encore connue pour ces trois années.
Dans le PLFSS pour 2014, on constate un effort conséquent entre l'évolution tendancielle du solde de la sécurité sociale - c'est-à-dire, hors prise en compte des mesures en recettes et en dépenses - et le solde prévisionnel 2014 obtenu après comptabilisation des mesures de redressement. A ce stade, je tiens à rappeler que la notion d'« économie budgétaire » résulte nécessairement d'évaluations qui prennent en considération les évolutions tendancielles existantes, et ce quel que soit le gouvernement en place. Ainsi, pour le budget de l'Etat, on ne peut s'affranchir du glissement vieillissement technicité (GVT) pour le calcul de la masse salariale. En matière de sécurité sociale, il faut tenir compte, par exemple, de l'évolution historique des dépenses d'assurance maladie qui s'accroissent de 4 % par an en moyenne. En l'absence de mesures de rétablissement des comptes, le déficit du solde des régimes de sécurité sociale se serait situé à 22 milliards d'euros en 2014, soit 1 % du PIB national.
Au total, les mesures prévues par le présent PLFSS, le PLF et le projet de loi portant réforme des retraites représentent un effort de 8,9 milliards d'euros en faveur des comptes de la sécurité sociale.
Par rapport à 2013, le PLFSS pour 2014 prévoit de réduire le déficit de l'ensemble des régimes de base de sécurité sociale de 4 milliards d'euros, soit une amélioration équivalente à 0,2 point de PIB.
En 2014, la sécurité sociale bénéficierait ainsi de près de 5,7 milliards d'euros de ressources supplémentaires et d'environ 3,2 milliards d'économies en dépenses.
En matière de ressources, la hausse des cotisations vieillesse décidée dans le cadre de la réforme des retraites, qui sera prise prochainement par voie réglementaire, devrait représenter un apport de 1,6 milliard d'euros pour le régime général et de près de 1,8 milliard pour l'ensemble des régimes. Annoncée en compensation de cette mesure, la baisse des cotisations patronales famille représentera à l'inverse un impact négatif pour la sécurité sociale de 1,16 milliard d'euros. L'harmonisation de la taxation des prélèvements sociaux sur les produits de placement représenterait un total de 600 millions de recettes nouvelles. Sur ce montant, il n'est prévu d'affecter que 330 millions d'euros à la sécurité sociale car il existe d'autres organismes, hors champ de la sécurité sociale, bénéficiaires du rendement de cette mesure comme la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) ou le Fonds national d'aide au logement (FNAL). Le Gouvernement a néanmoins renoncé à une partie de ce dispositif, ce qui entraînera une perte de recettes de 200 millions d'euros sur les 600 millions prévus. Il devrait procéder par voie d'amendement pour réallouer les 400 millions de ressources nouvelles aux organismes de son choix. Je précise que mon exposé ne prend en compte que les dispositifs contenus dans le PLFSS initial.
En matière de recettes nouvelles, il faut également évoquer le transfert additionnel de TVA de l'Etat à hauteur de 3 milliards d'euros. Ce transfert est représentatif du rendement de la réforme du quotient familial, soit 1 milliard d'euros d'impôts supplémentaires qui devraient être in fine affectés à la branche famille, ainsi que de l'assujettissement à l'impôt sur le revenu des contributions patronales aux régimes de prévoyance santé d'entreprise pour 960 millions d'euros et, enfin, de la compensation à la branche famille de la baisse de cotisations patronales prévue afin de neutraliser l'effet de la hausse des cotisations vieillesse sur le coût du travail. La sécurité sociale bénéficiera, en outre, du transfert du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA) au FSV pour un montant estimé à 650 millions d'euros, de l'affectation de réserves dormantes de contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et d'autres ressources qui proviennent de la mobilisation de trésoreries excédentaires ou de ressources dormantes.
L'intégralité des 5,7 milliards d'euros de recettes nouvelles affectées à la sécurité sociale n'est donc pas le produit de prélèvements obligatoires nouveaux.
En matière de dépenses, l'effort devrait s'établir à hauteur de 3,2 milliards d'euros pour 2014. 2,4 milliards d'euros d'économies seront réalisées au titre de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM), fixé à 2,4 % cette année. Afin de montrer l'ampleur de l'effort réalisé, je rappellerai qu'historiquement, les dépenses d'assurance maladie augmentent de 4 % par an même si l'on constate depuis peu de temps une tendance au ralentissement de ces dépenses. 0,52 milliard d'euros d'économies concerneraient la branche vieillesse, en raison notamment du report de l'indexation des pensions du 1er avril au 1er octobre et 60 millions d'euros sur la branche famille. La branche AT-MP devrait en revanche voir ses dépenses s'accroître à hauteur de 120 millions d'euros en raison de l'augmentation de la dotation à destination du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA). Au total, ce sont donc plus de 3 milliards d'économies budgétaires qui figurent dans le présent PLFSS.
Pour la branche maladie, on observe que l'ONDAM est respecté depuis 2011. On note même une sous-exécution de l'ONDAM de 1 milliard d'euros en 2012 et de 500 millions d'euros en 2013. L'essentiel des économies par rapport à la prévision est réalisé au niveau des soins de ville. Pour 2014, l'objectif de progression est fixé à 2,4 % avec une progression de 2,4 % pour les soins de ville, 2,3 % pour les établissements de santé, 3 % pour les établissements et services médico-sociaux. Un sous-objectif de l'ONDAM « Fonds d'intervention régionale » a été institué cette année. Il retracera les dépenses des agences régionales de santé (ARS) et permettra au Parlement de mieux suivre l'utilisation des dotations qui leur sont allouées.
Le montant de 2,4 milliards d'économies prévues pour l'assurance maladie en 2014 résulte de la baisse des tarifs des professionnels libéraux, des actions de maîtrise médicalisée des dépenses, de l'effort réalisé sur le prix des médicaments, sur les dispositifs médicaux, et d'un certain nombre de mesures qui concernent l'hôpital avec notamment la rationalisation de leur politique d'achat. Pour l'essentiel ; les économies réalisées concernent les soins de ville pour 1,8 milliard d'euros et l'hôpital pour 600 millions d'euros.
L'amélioration du solde de la branche vieillesse s'élèverait en 2014 à 2,5 milliards d'euros, en raison notamment de la hausse des cotisations d'assurance vieillesse, du report de la date de revalorisation des pensions et d'effets « transferts » chômage et maladie qui correspondent à des transferts techniques entre les régimes de retraite et le FSV.
Pour la branche AT-MP, il faut se réjouir du retour à un solde excédentaire en 2013 et 2014. Cette situation s'explique par la logique assurantielle du système.
Le solde de la branche famille devrait s'améliorer de 1 milliard d'euros, ce qui correspond au montant de l'affectation du produit de la réforme du plafonnement du quotient familial. Les économies principales sont réalisées dans le secteur des aides à l'enfance et de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE). A l'inverse, il faut noter deux mesures de dépenses nouvelles en faveur des familles nombreuses, avec la majoration de 50 % du complément familial (CF), et des familles monoparentales avec la majoration de l'allocation de soutien familial (ASF) pour un montant total de 110 millions d'euros.
Je finirai mon exposé par une présentation de la trajectoire pluriannuelle de rééquilibrage des comptes sociaux de 2013 à 2017. La branche vieillesse, en particulier pour le régime général, serait à l'équilibre à l'horizon 2016-2017. Au total, le déficit des différents régimes de base de la sécurité sociale et du FSV diminuerait sensiblement pour s'établir à 5,3 milliards d'euros en 2017.