Intervention de Roland du Luart

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 6 novembre 2013 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2014 — Examen du rapport de mm. richard yung et roland du luart rapporteurs spéciaux sur la mission « action extérieure de l'etat » et communication sur leurs contrôles budgétaires relatifs aux modalités de recrutement et conditions d'exercice des enseignants à l'étranger et aux projets de regroupement immobilier des représentations diplomatiques

Photo de Roland du LuartRoland du Luart, rapporteur spécial :

Les crédits du programme 105 diminuent de 1 % à périmètre constant.

Néanmoins, cette diminution a été favorisée par la baisse tout à fait notable des contributions internationales de la France : les crédits alloués au MAE à cet effet seront en retrait de 42,5 millions d'euros par rapport à 2013. Dans ce total, ce sont les opérations de maintien de la paix (OMP) qui évoluent le plus favorablement (- 26,5 millions d'euros) mais l'ensemble des contributions du système des Nations Unies diminueront.

A ce stade, je n'ai pas d'observation particulière à formuler quant à la sincérité de cette ligne, qui est une dépense « de constatation ». Nous devrons néanmoins nous montrer très attentifs sur son exécution, tant il serait dommageable d'en revenir à la pratique passée de sous-budgétisation délibérée des contributions qu'Adrien Gouteyron avait si souvent dénoncée.

En termes de choix opéré par le Gouvernement, la priorité du programme concerne la sécurisation des postes situés à l'étranger.

Cette priorité trouve une traduction concrète dans ce budget, avec une augmentation de plus de 10 millions d'euros de cette ligne, qui passe de 31,1 millions d'euros à 41,8 millions. De plus, hors budget, ces dépenses de sécurisation bénéficieront de l'apport de 10 autres millions d'euros en provenance du compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », qui porte le produit des cessions effectuées par le MAE à l'étranger.

Je ne peux, bien sûr, qu'approuver cette orientation, tant les tensions se sont accrues dans certaines parties du monde et tant l'actualité a montré, ces dernières années, que des ambassades ou des consulats pouvaient être la cible d'opérations terroristes.

Quant au fait de solliciter le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » à cet effet pour 10 millions d'euros, je n'ai pas d'opposition particulière à formuler, la dépense n'étant pas sans relation avec l'objet du CAS dont je rappelle qu'il finance les acquisitions mais aussi, en grande partie, l'entretien immobilier lourd du MAE à l'étranger.

En revanche, je suis beaucoup plus réservé sur la ponction « exceptionnelle » de 22 millions d'euros que doit subir le CAS au titre du désendettement de l'Etat. Cette dernière dépense apparaît beaucoup plus discutable au vu des réels besoins d'entretien du propriétaire que j'ai pu observer dans de nombreux postes diplomatiques ou consulaires. A cet égard, je voudrais juste rappeler que, jusqu'à fin 2014, les immeubles situés à l'étranger font exception au principe d'affectation de 30 % du produit des cessions au désendettement. Néanmoins, les lois de finances successives ont largement utilisé ce « privilège » du MAE afin de réduire, voire parfois d'annuler purement et simplement, les crédits budgétaires dévolus à l'entretien du propriétaire de ses immeubles de l'étranger. Ainsi, pour 2014, seuls 2,2 millions d'euros seront affectés à cet usage, alors que le besoin annuel est de l'ordre de 12 millions d'euros.

De ce point de vue, la « contribution exceptionnelle » de 2014 constitue une entorse au contrat.

Mais, au-delà de l'enjeu immédiat, la véritable question est celle de l'avenir de ce système après 2014. Pour ma part, je serai très attentif au caractère réaliste de la solution pérenne qui devra être trouvée d'ici un an, tant il serait de courte vue de réaliser des « économies » qui se traduiront, à plus ou moins long terme, par une dévalorisation du patrimoine de l'Etat. Est-il ainsi normal que, faute de réfection de la toiture, il pleuve dans la villa Bonaparte, à Rome, qui abrite notre ambassade près le Saint-Siège ?

À titre beaucoup plus ponctuel, je tiens à me féliciter du déblocage du dossier des locaux des anciennes archives du Quai d'Orsay, vides depuis plusieurs années, dont je vous avais parlé l'année dernière. Selon les informations transmises par le MAE, ce ministère devrait bénéficier d'un financement de 24 millions d'euros sur les 30 millions nécessaires à l'importante opération de réaménagement qui s'impose. Le solde devrait être obtenu, notamment, au moyen de la cession de deux immeubles en France, pour lesquels le MAE devrait bénéficier de la totalité du produit.

Je vais à présent vous faire une brève restitution de mes travaux de contrôle, qui ont porté sur les possibilités d'optimisation du parc immobilier national dans les villes où nous disposons de plusieurs représentations.

Ces travaux m'ont conduit à Rome et à Bruxelles.

Le rapport écrit expose, de manière synthétique, le patrimoine immobilier de l'Etat dans ces deux villes. La richesse et la diversité de ce patrimoine à Rome apparaît bien, entre le palais Farnese, où se situe l'ambassade près la République italienne, où l'Etat dispose d'un bail emphytéotique jusqu'en 2035, à la grande satisfaction des autorités italiennes, la villa Bonaparte, où est logée notre ambassade près le Saint-Siège, dont la République est propriétaire et les locaux de la représentation permanente auprès de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (OAA, en anglais FAO), dont nous sommes locataires.

Il détaille également le patrimoine bruxellois, assez riche lui aussi puisque la France est représentée à Bruxelles par pas moins de quatre ambassadeurs ou représentants permanents. La chancellerie bilatérale, la résidence de l'ambassadeur et le consulat général forment un ensemble d'un seul tenant dont la République est propriétaire - sans en avoir pourtant la pleine jouissance, la cession de l'immeuble semblant proscrite car il a été légué à la France sous condition qu'elle y situe son ambassade auprès du roi des Belges. La représentation auprès des différentes instances communautaires forme un autre bloc dont la République est également propriétaire. Les deux représentations permanentes y sont logées. S'agissant des résidences des représentants permanents, il s'agit d'appartements loués par la France. La représentation auprès de l'OTAN forme un univers à part, d'ailleurs éclaté. La représentation permanente a ses bureaux au sein même du siège de l'Alliance, alors que l'ambassadeur est logé dans une vaste maison possédée par le MAE mais qui se situe à environ une heure de route de la représentation.

Lors de mes déplacements, j'ai constaté un véritable souci d'optimisation de ces importants parcs immobiliers.

Cela se retrouve tout d'abord dans les organigrammes des représentations. Ainsi, à Bruxelles comme à Rome, un service commun de gestion a été créé. Dans un cas comme dans l'autre, ces services, qui dépendent formellement de l'ambassadeur bilatéral mais servent l'ensemble des représentations, ont compétence dans la gestion de la totalité du parc immobilier de la ville, et même du pays où ils sont implantés. Ils agissent, de ce point de vue, en liaison avec la direction des immeubles et de la logistique du MAE.

Il s'agit d'un point fondamental car seule une telle organisation offre la vision globale qui permet d'entrer dans de réelles démarches d'optimisation et de mutualisation.

En outre, d'importantes opérations ont été menées ou sont en cours. Je me limiterai à l'exemple de la Belgique, où on relève :

- la vente récente des deux consulats généraux à Liège et à Anvers afin de regrouper l'ensemble des services au seul consulat général à Bruxelles ;

- la cession en cours de la résidence du représentant permanent auprès de l'OTAN. Celui-ci sera relogé dans une résidence moins grande et moins onéreuse, par ailleurs plus près du siège de l'OTAN. Mais il pourra, lorsque cela sera nécessaire, utiliser les capacités de réception de la résidence de l'ambassade bilatérale ;

- la fin de la location d'une résidence pour le représentant permanent adjoint auprès de l'Union européenne. Celui-ci peut utiliser les capacités de la représentation permanente elle-même.

Pour autant, des marges de progression demeurent.

D'une part, paradoxalement et sauf exception, les pays dans lesquels sont situés les villes où la France dispose de plusieurs représentations ne font pas l'objet d'un schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI). Il me semble au contraire nécessaire que les SPSI du ministère des affaires étrangères concernent prioritairement ces pays, à commencer par l'Italie, où les immeubles dont dispose la France sont d'une particulière importance. Ces schémas devront bien entendu aborder toutes les questions sans tabou afin d'être pleinement efficaces. Pour en revenir à l'exemple de Rome, il conviendra de se demander s'il est bien raisonnable qu'un tiers du Palais Farnese soit occupé par une bibliothèque, celle de l'Ecole française de Rome, alors que certains services sont excentrées ou même que la représentation permanente auprès de l'OAA pourrait aisément y trouver sa place - d'autant que l'Ecole française de Rome a eu récemment les moyens d'acquérir des locaux relativement vastes situés piazza Navona pour plus de 5,5 millions d'euros sans qu'au demeurant on puisse y faire venir des livres. On y loge donc plutôt des chercheurs pour un prix modique. La bibliothèque de cet établissement serait sans doute plus à sa place au sein de la Villa Médicis, endroit de prestige au sein duquel des espaces sont encore disponibles.

D'autre part, j'ai pu constater que, dans certains endroits, notamment à Bruxelles, des projets immobiliers tout à fait pertinents sont arrêtés au milieu du gué. C'est ainsi que la rénovation de la résidence de l'ambassadeur de France en Belgique n'a pas concerné le dernier étage, où l'eau de pluie s'écoule en certains endroits, rendant les lieux impropres à accueillir des personnalités en visite sur place ainsi que leurs collaborateurs. Ce n'est pas de la bonne gestion. En outre, faute de disponibilité d'un budget d'environ 28 000 euros, le consulat général à Bruxelles, qui est l'un des plus importants du monde, n'a pas deux sas séparés pour les entrées et les sorties, ce qui pose d'évidents problèmes en termes d'accueil du public et de sécurité.

Il m'apparaît tout à fait dommageable de ne pas octroyer aux postes concernés les moyens financiers permettant d'achever ce genre d'opérations. Cela renforce mes interrogations sur l'opportunité de ponctionner le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » de 22 millions d'euros alors même que les besoins de base du ministère ne peuvent être satisfaits en certains endroits.

Sous le bénéfice de ces observations, à l'issue de cet examen, je ne m'opposerai pas à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat » car le MAE a donné des signaux de rigueur budgétaire. En outre, je soutiendrai l'adoption de l'amendement que Richard Yung nous présentera et que j'ai co-signé car j'approuve son action relative aux ambassadeurs thématiques.

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