Intervention de François Rebsamen

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 6 novembre 2013 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2014 — Examen du rapport de m. françois rebsamen rapporteur spécial sur la mission « égalité des territoires logement et ville » et articles 64 à 66

Photo de François RebsamenFrançois Rebsamen, rapporteur spécial :

Le budget de la mission « Égalité des territoires, logement et ville » pour 2014 s'élève à 8,256 milliards d'euros pour les autorisations d'engagement et 8,072 milliards d'euros pour les crédits de paiement, soit une augmentation respectivement de 2,4 % et 1 % par rapport à 2013.

Je souhaite, tout d'abord, partager un constat avec vous : le budget qui nous est proposé est à la hauteur de la politique volontariste engagée par le Gouvernement dans ce domaine.

L'essentiel des augmentations de crédits se concentre, en effet, sur les objectifs qu'il a prioritairement fixés pour faciliter l'accès au logement, améliorer l'habitat en favorisant la transition écologique et poursuivre le renouvellement de la politique de la ville destinée à assurer l'égalité des territoires.

Cet engagement se traduit notamment par des réformes législatives (en particulier le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové) et par le déploiement de moyens. Cela se traduit tout d'abord par le plan de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale adopté le 21 janvier 2013 qui trouve notamment sa concrétisation dans l'augmentation de 9 % des crédits du programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes défavorisées ». L'enveloppe allouée à ce secteur est ainsi réajustée aux besoins réellement constatés, comme c'est notre cas sur le terrain. Face aux situations d'urgence rencontrées et croissantes, 3 600 places d'hébergement d'urgence supplémentaires doivent être créées et 1 400 places d'hébergement d'urgence sous statut de centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) pérennisées.

La veille sociale, premier contact avec les personnes sans abri, voit également ses crédits augmenter de 3,3 % par rapport à 2013.

Ensuite, le plan d'investissement pour le logement, présenté le 21 mars 2013 par le Président de la République, rappelle que l'objectif reste la construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, ainsi que la rénovation énergétique de 120 000 logements sociaux.

Pour les aides à la pierre prévues au programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », les autorisations d'engagement restent ainsi fixées à 450 millions d'euros pour 2014 mais les crédits de paiement se limitent à 270 millions d'euros auxquels s'ajouteront 173 millions d'euros de fonds de concours issus du fonds de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS).

Selon les chiffres qui m'ont été fournis lors de mes auditions, 100 000 à 120 000 logements sociaux devraient effectivement être financés et programmés en 2013, hors activité de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

Comme vous le savez, le financement du logement locatif social est assuré très majoritairement par des ressources extra budgétaires. Action logement a ainsi souscrit un emprunt d'un milliard d'euros sur le fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations le 24 septembre dernier, afin de financer le logement locatif social à hauteur de 950 millions d'euros, conformément à la lettre d'engagement mutuel signé avec l'État.

Au total, 1,4 milliard d'euros seront ainsi consacrés au développement et à l'amélioration du logement social en 2014. Je rappelle à cette occasion, mes chers collègues, que la participation des collectivités territoriales ne doit pas non plus être négligée, beaucoup d'entre elles ayant été amenées à compenser, progressivement ces dernières années, la diminution des aides à la pierre versées par l'État. Par exemple, alors que, en 2000, la ville de Dijon recevait 10 millions d'euros d'aide à la pierre et que la commune n'apportait aucun financement, l'État ne verse aujourd'hui plus qu'un million d'euros d'aide à la pierre et la commune apporte 10 millions d'euros.

D'autres mesures du projet de loi de finances complètent ce dispositif visant à favoriser l'accès aux logements sociaux, en particulier l'application du taux réduit de TVA aux constructions et à la rénovation de logements sociaux ainsi que pour la rénovation thermique et le nouveau régime fiscal applicable à la construction de logement intermédiaire.

L'accès au logement des foyers les plus fragiles est également privilégié, avec la mise en place d'un dispositif spécifique pour les « logements très sociaux », appelés les « super PLAI », et financé par le Fonds national de développement d'une offre de logements locatifs très sociaux.

Les locataires de ces logements très sociaux bénéficieront d'un « coup de pouce » supplémentaire avec le doublement du forfait de charges dans le calcul de leur aide personnalisée au logement (APL), diminuant d'autant leur reste à charge. Nous y reviendrons lors de l'examen de l'article 64 rattaché à la mission et relatif aux aides personnelles au logement.

S'agissant des aides personnelles au logement, qui représentent la quasi-totalité des crédits du programme 109 « Aide à l'accès au logement » et près de 63 % des crédits de la mission, elles sont encore en hausse, compte tenu de la dégradation de la situation des foyers modestes, de l'augmentation du nombre de chômeurs et de la construction de logements locatifs sociaux.

Afin de la contenir, le Gouvernement propose de maintenir leur montant au niveau de 2013, sans appliquer l'indexation sur l'évolution de l'indice de référence des loyers. Cette décision permet une économie de 94 millions d'euros pour l'État qui finance pour partie l'aide personnalisée au logement (APL) et l'allocation de logement à caractère social (ALS). Encore une fois, nous aurons l'occasion d'en reparler lors de l'examen de l'article 64 du projet de loi qui prévoit cette désindexation.

En dépit de cette mesure, les aides prises en charge par le Fonds national d'aide au logement (FNAL) au titre de l'année 2014 s'élèveraient à 13,304 milliards d'euros, avec une subvention d'équilibre versée par l'État en hausse de 173 millions d'euros.

S'agissant de la politique de la ville qui fait l'objet du programme 147, la baisse des crédits constatés de 4,4 % s'explique essentiellement par la réduction des compensations de charges sociales dans les zones franches urbaines (ZFU).

Une partie des économies dégagées est toutefois employée pour la mise en place des « emplois francs », qui font l'objet d'une expérimentation depuis juillet 2013 et pour lesquels le Président de la République a fixé un objectif de 5 000 emplois en 2014. Je vous rappelle que ce dispositif vise à inciter les entreprises du secteur marchand à recruter des jeunes issus de zone urbaine sensible (ZUS). Pour chaque contrat à durée indéterminée à temps complet, l'employeur bénéficie ainsi d'une aide forfaitaire de 5 000 euros.

Le programme « adulte-relais » bénéficie également d'une hausse de ses crédits de 3,5 millions d'euros, avec un redéploiement du dispositif prévu sur les quartiers les plus prioritaires.

Mais surtout, la politique de la ville est en plein renouvellement, avec la fixation de grands axes de réforme par le Comité interministériel de la ville réuni le 19 février 2013 et leur consécration dans le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine que nous pourrions examiner au début de l'année prochaine.

En dehors de la fixation d'une nouvelle « géographie prioritaire resserrée et unique », cette réforme prévoit notamment un nouveau programme national de rénovation urbaine (PNRU), pour la période 2014-2024, qui se concentrera prioritairement sur les quartiers présentant les « dysfonctionnements urbains les plus importants ». L'ANRU devra engager 5 milliards d'euros pour ce nouveau programme, pour un financement total de 20 milliards d'euros avec les investissements des bailleurs sociaux et des collectivités territoriales.

Le projet de loi prévoit également de repousser à 2015 le terme du premier PNRU.

Le financement de l'ANRU doit donc rester au coeur de nos préoccupations alors que s'ouvre une nouvelle étape de la politique de la ville. La lettre d'engagement mutuel signée entre Action logement et l'État prévoit ainsi pour 2015 une contribution d'Action logement comprise entre 800 millions d'euros et 1,2 milliard d'euros, diminués de la participation des partenaires sociaux au FNAL équivalent à 150 millions d'euros.

Je noterai également que le 17 juillet 2013, le comité interministériel de l'action publique (CIMAP) a entériné la création d'un commissariat général à l'égalité des territoires qui sera mis en place au début de l'année 2014 et regroupera l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSé), le secrétariat général du Comité interministériel des villes (SG-CIV) ainsi que la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) dans un pôle spécifiquement dédié à la politique de la ville. La création de ce commissariat devrait entrainer des modifications dans la maquette budgétaire, comme cela s'est déjà produit en 2013.

Je finirai mon propos par un bref commentaire sur le programme 337 « conduite et pilotage des politiques de l'égalité des territoires, du logement et de la ville ». Ses crédits, consacrés à la gestion des personnels mettant principalement en oeuvre les programmes 135 et 109, s'élèvent à 804,6 millions d'euros, contre 816 millions d'euros en 2013. Le plafond d'autorisations d'emplois est fixé à 13 477 équivalents temps plein travaillés (ETPT), soit une baisse de 717 ETPT comparé à 2013.

Au total, le projet de budget de la mission reflète bien la volonté pour le Gouvernement de faire du logement une de ses priorités d'action. Je vous propose, en conséquence, d'adopter ces crédits.

Je poursuis mon intervention, en vous présentant les trois articles rattachés à la mission « Égalité des territoires, logement et ville ».

L'article 64, tout d'abord, qui prévoit à la fois :

- de maintenir en 2014 le montant des prestations servies au titre de l'aide personnalisée au logement (APL) et de l'allocation de logement à caractère social (ALS) au niveau de 2013 ;

- d'aider davantage les ménages à faibles ressources occupant des logements locatifs très sociaux, en offrant la possibilité d'adapter le forfait de charges compris dans les APL, l'objectif étant de le doubler.

Cet article participe à la maîtrise de la dépense publique tout en poursuivant l'action du Gouvernement en faveur des foyers les plus modestes.

Selon les prévisions du Gouvernement, la non-indexation de l'APL et de l'ALS en 2014 permet de dégager une économie totale de 177 millions d'euros, dont près de 94 millions d'euros pour l'État. Il convient également de préciser que l'article 59 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 prévoit la même mesure de désindexation pour l'allocation de logement à caractère familial (ALF).

Ensuite, l'article 66 tend à réduire le montant du prélèvement exceptionnel sur la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) au bénéfice du FNAL et à simplifier les modalités de versements du prélèvement.

Ainsi, la PEEC ne verserait plus que 300 millions d'euros en 2014 et 150 millions d'euros en 2015 au FNAL, au titre de sa participation exceptionnelle au financement des aides personnelles au logement, contre 400 millions d'euros actuellement prévu pour les trois années.

Enfin, l'article 66 a pour objet de supprimer l'assistance technique pour raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT), en conséquence d'une redéfinition de la mission d'assistance technique assurée auprès des petites communes et de leurs groupements.

Les communes et les groupements ayant bénéficié des services de l'ATESAT en 2013 pourraient toutefois continuer d'y recourir pour l'achèvement des opérations en cours qui le nécessiteraient, par signature d'une convention et au plus tard jusqu'au 31 décembre 2015.

Je préconise l'adoption sans modification des articles 65 et 66. En revanche, je souhaiterais que nous réservions notre position sur l'article 64 pour notre réunion du 21 novembre prochain, au cours de laquelle nous confirmerons nos positions et examinerons les modifications apportées au projet de loi de finances par l'Assemblée nationale postérieurement à notre examen des missions en commission.

En effet, le maintien pour 2014 des aides personnelles au logement au niveau de 2013 s'inscrit dans un effort de maîtrise des dépenses publiques louable alors que, mécaniquement, le coût de ces prestations continuent d'augmenter.

En outre, il nous est indiqué que cette décision devrait présenter un impact limité sur le pouvoir d'achat des ménages concernés, compte tenu notamment du niveau relativement faible du taux d'inflation prévu pour 2014.

Toutefois, je regrette la désindexation de ces prestations servies à des foyers modestes pour lesquels le logement constitue généralement un poste de dépenses déjà très lourd à supporter. Je crains que cette mesure n'apporte, par ailleurs, une certaine confusion alors qu'on a, objectivement, un bon budget du logement.

À l'Assemblée nationale, la commission des finances a adopté un amendement tendant à demander la remise d'un rapport, avant le 31 août 2014, « présentant les réformes envisageables pour améliorer l'efficacité sociale des régimes » des trois aides personnelles au logement, à enveloppe budgétaire constante.

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