Intervention de Pierre Gattaz

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 6 novembre 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Pierre Gattaz président du medef

Pierre Gattaz, président du Medef :

Le Medef compte 750 000 adhérents : si l'on omet les grandes sociétés du SBF 120, il s'agit essentiellement des petites et moyennes entreprises.

Je l'ai constaté sur le terrain : les entreprises souffrent.

D'abord, parce que les carnets de commande sont peu remplis depuis des mois. Il ne s'agit pas de difficultés passagères. Le moral est au plus bas.

Ensuite, parce que la rentabilité, dont le niveau détermine l'investissement, l'embauche ou l'innovation, est peu élevée. Tous les instituts s'accordent : notre taux de marge, mesuré par l'excédent brut d'exploitation, est le plus faible en Europe à 28 %, contre 40 % en Europe ou 42 % en Allemagne.

Enfin, parce que les patrons sont sceptiques à l'égard de la politique menée. Certes, il y a eu le récent discours du Président de la République valorisant les entreprises, facteurs d'emploi et de compétitivité, mais, dans la pratique, les lois et les décisions qui comportent des marqueurs anti-entreprises se multiplient comme s'il fallait à chaque fois nous donner une gifle pour satisfaire un électorat. C'est insupportable car l'entreprise constitue la solution aux principaux problèmes du pays : chômage, déficit commercial, pouvoir d'achat. Nous sommes solidaires des ménages, leur pouvoir d'achat dépend de l'emploi. Nous devons profiter de la mondialisation et de l'économie de marché. Je suis président de Radiall. J'ai réussi à conserver mes usines et à en créer, à créer aussi 500 emplois depuis vingt ans en jouant à fond la carte de l'internationalisation. L'internationalisation, c'est de créer des usines low cost, en Chine, en Inde, au Mexique. Cela m'a permis d'augmenter nos parts de marché et de réinvestir les profits en France dans l'investissement et la formation.

L'enjeu en France est de parvenir à créer des emplois. Le taux de chômage de 11 %, 25 % pour les jeunes, est inacceptable. Ce sont les entreprises qui créent des emplois durables. La compétitivité hors-coût est importante : la conquête de marchés ; l'innovation ; l'excellence opérationnelle ; la qualité du management, le dialogue social, la motivation et la formation des équipes. Ces facteurs relèvent de la responsabilité des entreprises. Mais elles doivent s'appuyer en amont sur un climat de confiance et une bonne compétitivité coût, fondée principalement sur le coût du travail, la fiscalité, la complexité administrative, le prix de l'énergie et le taux de change.

Tous les instituts s'accordent pour estimer qu'il existe un écart d'imposition de 120 milliards d'euros entre la France et l'Allemagne : une moitié est due à la différence de coût du travail, l'autre à l'écart de fiscalité. Depuis trente ans, notre pays a toujours réglé chaque difficulté en augmentant les impôts ou en créant une nouvelle taxe ou des normes nouvelles, au détriment des entreprises. C'est insupportable ! Comment s'étonner ensuite que notre moteur économique soit asphyxié ? Le chômage augmente, les investissements baissent, le déficit commercial atteint 75 milliards d'euros, les défaillances des entreprises se multiplient. Il y a urgence. Il est nécessaire de transférer les cotisations maladie et famille sur une autre assiette. Il y a dix ans le coût du travail était inférieur de 8 % à celui de l'Allemagne ; il est aujourd'hui supérieur de 10 %. Depuis trente ans, 150 taxes affectées ont été créées, dont la moitié depuis cinq ans. Le résultat d'exploitation est quatre fois moindre qu'en Allemagne. Comment embaucher dans ces conditions ?

Un pays fonctionne comme une entreprise. L'État finance ses fonctions régaliennes grâce au produit des impôts, donc des entreprises. Il faut parier sur elles. Mon propos est humaniste. Dans mon entreprise, j'ai créé de l'emploi. Il redonner de l'oxygène aux entreprises. La contrainte n'est pas suffisante pour réduire le chômage : nous avons des milliers de pages de réglementation sur l'emploi des jeunes, des seniors, des personnes handicapées, quand la Suisse n'en a qu'une soixantaine. Mais les entreprises, telles des abeilles, finissent par aller butiner ailleurs. La ligne Maginot a disparu et notre pays est en compétition avec les autres sur tous les plans. Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) est une bonne mesure mais il n'est qu'un anti-douleur face aux 30 milliards de prélèvements supplémentaires décidés depuis 2011. Que penser quand un huissier rend un fauteuil après avoir saisi la maison ? De plus il faut le financer...

Ayons le courage de baisser les dépenses publiques, comme l'ont fait les Canadiens, les Suédois ou les Allemands. La France est à la croisée des chemins : avec un tel taux de chômage, elle risque l'explosion. Mais si le coût du travail, la fiscalité ou la réglementation s'améliorent, les entreprises peuvent créer un million d'emplois en cinq ans. Il appartient aux entreprises de produire, d'innover et d'exporter. Il appartient aux responsables politiques de redresser les finances publiques. Les remèdes sont connus : développement de la médecine ambulatoire, réforme de la carte hospitalière, réforme de l'État, décentralisation, etc. Il est urgent d'agir. J'ai beaucoup voyagé. Les pays émergents réussissent car ils parient sur l'entreprise, ce qui accroît leur compétitivité et leur attractivité. Les investisseurs étrangers ont une mauvaise image de la France à cause de certains symboles, comme la taxe à 75 %, qui rapporte peu mais se révèle hautement préjudiciable.

Faites le choix de l'entreprise et de l'emploi et le Medef sera un partenaire constructif. Diminuez les dépenses publiques : il faut entendre le ras-le-bol fiscal et cesser la fuite en avant.

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