Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 6 novembre 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • PIB
  • logement
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La réunion

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Tout d'abord, la commission demande à se saisir pour avis et désigne un rapporteur pour avis sur le projet de loi n° 1337 (AN - XIVème législature) de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

La commission demande à se saisir pour avis du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission, et nomme M. Jean Germain, rapporteur pour avis.

Puis la commission procède à l'examen des principaux éléments de l'équilibre sur le projet de loi de finances pour 2014 - Tome I du rapport général de M. François Marc, rapporteur général.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

À l'occasion de la présentation ce matin du projet de loi de finances (PLF) et du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), nous disposerons d'une vision de l'équilibre général de l'ensemble des finances publiques. La fusion du PLF et du PLFSS serait souhaitable. Voter deux lois financières chaque année constitue, en effet, une particularité française. Naturellement, certains d'entre nous se persuaderont que les perspectives financières sont clémentes, et d'autres que la situation est exécrable. Je souhaite que nous puissions nous écouter les uns et les autres dans une logique de respect réciproque.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Nous entamons en effet un marathon budgétaire, qui pourrait toutefois être écourté si certains d'entre nous faisaient le choix d'un retour sur leurs terres, ce que je ne souhaite pas. Pour vous mettre en appétit, il est intéressant de s'arrêter sur l'exercice 2014 dans la trajectoire des finances publiques.

Pour la première fois, les prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposent les projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale ont été soumises au Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Dans son avis du 20 septembre 2013, le HCFP considère que, pour 2014, « les prévisions de croissance sont plausibles ». Par ailleurs, lors de son audition par notre commission le 9 octobre dernier, Didier Migaud a qualifié la prévision pour 2013 de « prudente » et celle pour 2014 de « crédible et réaliste ».

Le Gouvernement retient une hypothèse de croissance de 0,1 % en 2013 et de 0,9 % en 2014. Une légère progression du PIB en 2013 semble désormais acquise ; la prévision de croissance de 0,1 % est partagée par l'ensemble des organismes de prévision. L'OCDE, le FMI et la Commission européenne anticipent même une croissance supérieure. L'hypothèse de croissance retenue pour 2014, soit 0,9 %, est également retenue par la Commission européenne dans ses prévisions d'automne, publiées hier. Elle est, en outre, très proche de celle du Consensus Forecasts d'octobre 2013. Le FMI, quant à lui, se montre plus optimiste en prévoyant une croissance de 1 %. Cette présentation révèle un changement avec les pratiques antérieures consistant à surévaluer les hypothèses macroéconomiques, ce qui permettait de minorer les efforts à réaliser et figurait parmi les critiques les plus récurrentes du Conseil de l'Union européenne.

Pour la première fois, la Commission européenne va examiner les projets de plans budgétaires des Etats membres de la zone euro. Il s'agit d'une nouvelle procédure instituée par le « two-pack », qui est entré en vigueur le 30 mai 2013 et établit un encadrement renforcé des politiques budgétaires au sein de la zone euro. Si la Commission européenne décèle un manquement particulièrement grave aux obligations découlant du pacte de stabilité et de croissance, elle demande qu'un projet de plan budgétaire révisé lui soit soumis dès que possible. Toutefois, cela ne contraindrait pas l'Etat concerné à revoir intégralement son projet de budget : il s'agit seulement d'alerter les Etats dont le projet de budget ne permettrait pas de respecter les règles budgétaires européennes et d'éclairer les travaux des parlements nationaux. La Commission doit rendre ses avis sur les projets de plans budgétaires le 15 novembre prochain.

On notera que le commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, a d'ores et déjà salué « la responsabilité et la prudence » du projet de loi de finances pour 2014 de la France et on peut imaginer que l'avis qui sera rendu d'ici le 15 novembre ne devrait pas être fondamentalement différent.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

J'en viens maintenant à l'analyse de l'article liminaire du projet de loi de finances pour 2014. La loi organique relative à la gouvernance et à la programmation des finances publiques prévoit, en effet, que la loi de finances comporte désormais un tel article, qui permet de disposer d'une vision synthétique de l'évolution du solde structurel. Il s'agit ainsi de s'assurer que les mesures prévues dans le cadre des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale permettent au solde structurel de suivre la trajectoire définie par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

Il apparaît que le solde structurel devrait s'élever à - 2,6 points de PIB en 2013 et à - 1,7 point de PIB en 2014. Lors de l'audition du 9 octobre 2013, le président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a constaté que « le déficit structurel prévu tant pour 2013 que pour 2014 est significativement supérieur à celui de la loi de programmation des finances publiques » ; en effet, l'écart s'élèverait à 1 point de PIB en 2013 et à 0,6 point de PIB en 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Quelles sont les mesures exceptionnelles qui impactent le solde ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Il s'agit en particulier du coût des contentieux fiscaux.

Si l'écart de la course du solde structurel par rapport à la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) est indéniable, il doit être examiné à l'aune d'une conjoncture économique beaucoup plus dégradée que prévu. A titre de rappel, l'écart constaté entre le solde structurel et l'objectif de la LPFP en 2012 a principalement résulté d'une révision du déficit structurel pour 2011. Nous héritons là d'un dérapage depuis 2011 qui conduit à une accumulation d'écarts substantiels représentant, au total, un point de différentiel. L'écart a continué à se creuser en 2013, mais principalement en raison du fort ralentissement de l'activité économique. Un examen attentif de l'exercice permet de mettre en évidence le fait que le Gouvernement a, pour l'essentiel, respecté les objectifs d'effort sur lesquels il s'était engagé.

L'effort structurel consenti en 2013 s'élèverait à 1,7 point de PIB, soit un niveau proche de la cible retenue en LPFP (1,9 point de PIB) ; pour autant, le solde structurel ne devrait être réduit que de 1,3 point de PIB, compte tenu d'élasticités des prélèvements obligatoires plus faibles que prévu. On touche là du doigt une réalité qui a un impact tout à fait négatif sur l'exercice 2013. L'effort structurel en recettes atteindrait 1,5 point de PIB, contre un objectif de 1,6 point dans la loi de finances pour 2013.

Toutefois, l'accroissement des recettes serait limité par une faible évolution spontanée des prélèvements obligatoires : leur élasticité serait seulement de 0,5, contre une moyenne de long terme proche de l'unité. Je rappelle ce qu'est l'élasticité des recettes fiscales à l'évolution du PIB : une élasticité de 2 signifie qu'une progression de 1 % du PIB en valeur entraîne une augmentation de 2 % des recettes fiscales. La faiblesse de l'élasticité résulterait principalement du rendement peu élevé de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de l'impôt sur les sociétés, ainsi que du moindre dynamisme de la masse salariale, sur laquelle est assise la majeure partie des prélèvements sociaux. Cette faible élasticité aurait contribué négativement à l'évolution des recettes, à hauteur de 0,4 point de PIB.

L'effort structurel projeté au titre de l'année 2013 repose également sur un effort en dépenses de 0,2 point de PIB - contre une cible de 0,3 point dans la loi de finances pour 2013. L'effort initialement programmé était fondé sur un objectif de croissance de la dépense publique en volume de 0,9 % ; toutefois, cette dernière devrait finalement atteindre 1,7 %. Cette progression plus rapide que prévu de la dépense publique serait essentiellement liée à des facteurs non maîtrisables. Tout d'abord, l'inflation ne devrait progresser que de 0,8 % en 2013, alors que les dépenses indexées - à l'instar d'un certain nombre de prestations sociales - ont été revalorisées sur la base d'un taux de 1,3 % en avril dernier. Cela a conduit, mécaniquement, à accroître l'augmentation des dépenses concernées en volume. Par ailleurs, plusieurs dépenses non prévues devraient survenir au cours de l'exercice, notamment le vote du deuxième budget rectificatif de l'Union européenne, qui entraînerait une hausse des dépenses de 1,8 milliard d'euros. En tout état de cause, les dépenses maîtrisables seraient bien tenues : la norme « zéro valeur » qui s'applique aux dépenses de l'État hors dette et pensions serait respectée, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) serait sous-exécuté et la charge de la dette serait inférieure à la prévision de la loi de finances initiale pour 2013 d'un montant de 1,9 milliard d'euros en raison de conditions de financement particulièrement favorables.

L'effort structurel prévu pour 2014 est supérieur à la programmation, mais ne comble pas intégralement l'écart avec la trajectoire pluriannuelle de solde structurel. En effet, le Gouvernement a fait le choix de lisser l'effort - et donc l'ajustement structurel - sur la période 2014-2017, afin de concilier poursuite de la consolidation des finances publiques et croissance économique. La conciliation de ces deux objectifs a constitué un souci constant du Gouvernement. Les ajustements successifs de la trajectoire de solde structurel au cours des derniers mois n'ont fait que tirer les conséquences des évolutions de la conjoncture tout au long de l'année 2013, qui ont conduit à répartir la réduction du déficit structurel sur l'ensemble de la période 2014-2017. Cette nouvelle trajectoire pluriannuelle des finances publiques est rendue possible par la prolongation accordée en juin dernier par le Conseil de l'Union européenne, jusqu'à 2015, du délai dont dispose la France pour corriger son déficit excessif, compte tenu de la détérioration de la situation économique.

En tout état de cause, les efforts prévus par le Gouvernement dans le cadre de cette nouvelle trajectoire permettraient, d'une part, d'atteindre l'équilibre structurel en 2016, respectant ainsi l'objectif de moyen terme (OMT) sur lequel la France s'est engagée auprès de ses partenaires européens en application du TSCG et, d'autre part, de mettre fin au déficit excessif en 2015, conformément à la trajectoire recommandée par le Conseil de l'Union européenne.

La Commission européenne a publié, hier, ses traditionnelles prévisions d'automne. Ainsi que je l'ai d'ores et déjà indiqué, celles-ci viennent conforter les hypothèses macroéconomiques retenues par le Gouvernement dans le présent projet de loi de finances. Comme la presse s'en est largement fait écho, la Commission prévoit que le déficit effectif de la France serait de 3,7 % du PIB en 2015 (et pas de 3 % du PIB comme nous l'anticipions), ce qui pourrait laisser croire que notre pays ne respecterait pas les recommandations du Conseil de l'Union européenne formulées dans le cadre de la procédure de déficit excessif.

Toutefois, il est impératif de revenir sur la méthode selon laquelle est construite cette projection. En effet, ainsi que l'indique très clairement le document de la Commission, les projections relatives à l'année 2015 sont réalisées à partir d'une hypothèse de politique inchangée. En bref, faute de mesures en économies et en recettes déjà votées pour cette année, elle fait comme si la France ne réalisait aucun effort supplémentaire en 2015 ; cela ne signifie pas qu'elle estime que la France n'adoptera pas de telles mesures. D'ailleurs, on observe la même divergence, pour l'année 2015, pour plusieurs pays qui n'ont pas déjà adopté des réformes structurelles entraînant des économies certaines à cet horizon, comme l'Espagne et l'Italie notamment. S'agissant des années 2013 et 2014, le commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, a indiqué qu'il se concentrerait sur l'ajustement structurel et non le déficit effectif pour juger des efforts budgétaires réalisés par la France. A cet égard, les économistes de la Commission européenne précisent que leurs prévisions sont cohérentes avec une amélioration cumulée du déficit structurel de 1,75 % sur 2013 et 2014.

L'effort structurel prévu pour 2014 par le présent projet de loi de finances s'élève à 0,9 point de PIB, supérieur de 0,4 point de PIB à la prévision de la loi de programmation des finances publiques. Cela permettrait de réduire en partie l'écart du solde structurel par rapport à la programmation : il s'élèverait à - 1,7 % du PIB, contre une cible initiale de - 1,1 % du PIB (soit un écart de 0,6 point de PIB, contre 1 point en 2013). Le déficit effectif, quant à lui, se réduirait de 0,5 point par rapport à 2013 pour atteindre 3,6 % du PIB. L'effort structurel consenti en 2014 comprend un effort structurel en recettes s'élevant à 0,15 point de PIB et un effort structurel en dépenses à hauteur de 0,75 point de PIB, soit 80 % du total.

S'agissant des recettes, l'effort structurel prendrait la forme de mesures nouvelles d'un montant de 2,7 milliards d'euros, dont 1,8 milliard d'euros au titre de la lutte contre la fraude. Au total, les projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2014 portent des mesures nouvelles dont l'impact est évalué à 8,2 milliards d'euros en 2014. Toutefois, celles-ci sont contrebalancées par les moindres recettes provoquées par les mesures adoptées antérieurement, dont le coût net du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). A l'inverse, des recettes supplémentaires sont à attendre des mesures adoptées dans le cadre du projet de loi de finances rectificative de juillet 2012 et de la réforme des régimes de retraite. Dans ces conditions, le taux de prélèvements obligatoires serait quasiment stabilisé en 2014, passant de 46 % du PIB en 2013 à 46,1 % du PIB en 2014.

Pour la première fois de la période de programmation, l'effort structurel porterait principalement sur les dépenses : l'effort en dépenses serait de 0,75 point de PIB, soit 80 % de l'effort total. La croissance de la dépense publique en volume passerait ainsi de 1,7 % en 2013 à 0,4 % en 2014, soit une économie de 15 milliards d'euros répartie sur l'ensemble des administrations publiques. L'Etat réaliserait une économie de 8,5 milliards d'euros par rapport à la progression tendancielle de ses dépenses, à laquelle viendrait s'ajouter une économie de 0,5 milliard d'euros sur la charge de la dette liée aux intérêts évités grâce à la réduction du déficit budgétaire depuis 2012. Les dépenses des administrations publiques locales, quant à elles, augmenteraient de 1,2 % en valeur. S'agissant des dépenses des administrations de sécurité sociale en 2014, je laisse le soin à Jean-Pierre Caffet de nous en exposer le détail tout à l'heure, dans la présentation de son avis sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

La nouvelle trajectoire pluriannuelle des finances publiques arrêtée dans le cadre du présent projet de loi de finances repose sur la réalisation d'un effort en dépenses sans précédent sur la période 2014-2017. Alors que sur cette même période, la loi de programmation des finances publiques (LPFP) prévoyait une croissance moyenne en volume des dépenses publiques de 0,5 % par an, l'objectif est désormais une croissance annuelle moyenne de 0,25 %. En d'autres termes, le taux moyen d'évolution initialement inscrit dans la LPFP a été divisé par deux. Ainsi, la dépense publique devrait augmenter de seulement 0,2 % par an entre 2015 et 2017. Cela permettrait une forte réduction du ratio de dépenses publiques sur PIB, qui passerait de 56,6 % du PIB en 2012 à 54 % en 2017.

Il est absolument essentiel que les objectifs de maîtrise de la dépense publique soient respectés, sauf à compromettre la trajectoire de consolidation budgétaire et l'atteinte de notre objectif d'équilibre structurel. Afin de mettre en évidence la sensibilité de la trajectoire des finances publiques au respect de l'effort en dépenses programmé, des projections ont été réalisées à partir de deux scénarii : un scénario dans lequel la croissance des dépenses en volume serait de 1,6 % au cours de la période 2014-2017, ce qui correspond à la moyenne constatée entre 2007 et 2012 et un scénario dans lequel la croissance des dépenses en volume serait de 1 % entre 2014 et 2017 - soit une progression intermédiaire entre la moyenne 2007-2012 et la prévision du Gouvernement. Par ailleurs, la trajectoire de l'effort en recettes est supposée rester celle retenue par le Gouvernement.

Les projections font apparaître que le non-respect des objectifs d'évolution de la dépense publique en volume fixés par le Gouvernement dégraderait fortement la trajectoire des soldes structurels et effectifs et de la dette publique. Une progression de la dépense publique de 1,6 % par an en volume entre 2014 et 2017 conduirait en effet à un solde structurel de - 2,8 % du PIB en 2017 (soit un niveau plus dégradé que celui de 2014) et à une dette publique de 98 % du PIB. Le déficit effectif resterait, quant à lui, au-dessus de 4 % du PIB tout au long de la période. Si la progression était de 1 % par an en volume au cours de la même période, le solde structurel serait toujours sensiblement supérieur à l'objectif de moyen terme (OMT) en 2017 atteignant - 1,5 % du PIB. Quant au déficit effectif, il ne reviendrait en-dessous du seuil de 3 % du PIB qu'à l'horizon 2017. Il s'agit de deux scénarii inacceptables pour nos partenaires européens.

Ces projections nous renvoient à celles réalisées par la Commission européenne pour 2015 puisqu'elles montrent, elles aussi, l'impact une réduction, voire d'une absence d'effort sur les dépenses. Elles soulignent l'absolue nécessité de respecter les objectifs de dépenses arrêtés. Le niveau des économies qui doivent être réalisées à cette fin - environ 17,5 milliards d'euros en 2015 par rapport au tendanciel après les 15 milliards d'euros prévus en 2014 - implique que soient engagées des réformes ambitieuses. Il faudra donc que la modernisation de l'action publique (MAP) identifie les leviers d'une transformation en profondeur des administrations publiques. C'est à cette seule condition que la trajectoire pluriannuelle des finances publiques sera respectée.

Par ailleurs, nous avons mesuré la sensibilité de la trajectoire de solde effectif et de dette publique à la conjoncture économique, en retenant deux scénarii conventionnels - dans lesquels la croissance du PIB est supposée supérieure d'un demi-point à la prévision du Gouvernement dans un cas et inférieure d'un demi-point dans l'autre sur la période 2014-2017. Je précise que les projections réalisées ne sont pas des prévisions alternatives et qu'elles reposent sur l'hypothèse que seules les recettes sont sensibles aux variations conjoncturelles.

Il apparaît que la trajectoire de l'ajustement structurel retenue par le Gouvernement ne permettrait pas, en cas de croissance du PIB inférieure d'un demi point aux prévisions, de faire revenir le déficit effectif en deçà de 3 % du PIB en 2015 conformément aux recommandations formulées par le Conseil de l'Union européenne. En effet, le déficit effectif ne passerait sous le seuil de 3 % du PIB qu'en 2016. En outre, le taux d'endettement ne commencerait à se réduire qu'en 2016, avec un an de retard par rapport à la programmation. A l'inverse, une croissance supérieure d'un demi-point aux prévisions - qui correspondrait peu ou prou à un scénario de rattrapage plus rapide du PIB potentiel par le PIB réel - permettrait d'atteindre pratiquement l'équilibre effectif en 2017 (- 0,2 point de PIB). Par ailleurs, la dette publique serait inférieure à la prévision de près de 4 points de PIB en fin de programmation. Nous pouvons donc avoir également un regard un peu plus optimiste.

Selon les prévisions de la Commission européenne, le déficit effectif de l'ensemble de la zone euro s'élèverait à 2,9 % du PIB en 2013 et à 2,8 % du PIB en 2014. Le déficit structurel serait de 1,4 % du PIB en 2013 et de 1,5 % du PIB en 2014. Enfin, concernant l'évolution de la dette publique, celle-ci atteindrait 95,5 % du PIB en 2013 et 96 % du PIB en 2014. La trajectoire de solde structurel de la France apparaît en ligne avec celle de la zone euro. Il faut bien sûr garder à l'esprit que ces trajectoires relèvent avant tout d'un exercice de programmation et peuvent évoluer afin de tenir compte, notamment, des évolutions de la conjoncture économique.

En tout état de cause, les données collectées font clairement apparaître une convergence des trajectoires de soldes effectifs et structurels des principaux Etats membres de la zone euro. Cela tend à démontrer l'effectivité des règles budgétaires européennes instituées au cours de la période récente ; cela explique aussi, compte tenu des effets du multiplicateur budgétaire, le profil de la croissance de la zone euro.

La comparaison des trajectoires de solde structurel avec les principaux pays de la zone euro fait apparaître que nous partons, avec l'Espagne, d'un point de départ assez dégradé en 2012 par rapport aux autres pays, ce qui nous oblige à accomplir, comme elle, un ajustement plus conséquent.

S'agissant du solde effectif et non plus structurel, on constate une très nette convergence des soldes effectifs vers un équilibre en 2017 pour les cinq principales économies de la zone euro (Allemagne, France, Italie, Espagne et Pays-Bas). Un effort considérable doit être accompli par l'Espagne, alors que la situation de la France est proche de celle des Pays-Bas.

Les efforts accomplis permettraient une diminution, au moins en fin de période, de la part des dettes publiques dans le PIB pour les cinq principales économies de la zone euro.

Les principales caractéristiques de la consolidation des finances publiques en France montrent que la trajectoire pluriannuelle des finances publiques retenue par le Gouvernement laisse entrevoir, à l'horizon 2017, une réduction de la dette publique et de la dépense publique ainsi qu'une diminution des prélèvements obligatoires, exprimées en part de PIB.

J'en viens à présent à la deuxième partie de mon exposé : le budget de l'Etat en 2014 et ses principales caractéristiques.

A périmètre courant, les recettes fiscales nettes de l'Etat (soit 284,7 milliards d'euros dans le PLF 2014) diminuent de 3,2 milliards d'euros par rapport à l'évaluation actuelle de ces recettes en 2013. Cette évolution s'explique principalement par l'effet des mesures antérieures au projet de loi de finances, qui réduisent de 11 milliards d'euros les recettes attendues, dont 9,8 milliards d'euros pour le seul CICE. Les mesures nouvelles sont relativement limitées, puisqu'elles ne représentent que 2,3 milliards d'euros. Les recettes d'impôt sur les sociétés croîtraient spontanément de 6,9 % en 2014 et seraient notamment portées par le rétablissement des marges des sociétés. Quant aux recettes de l'impôt sur le revenu, elles augmenteraient spontanément de + 3,7 % ; cette évolution serait portée notamment par la consolidation des marchés financiers et la stabilisation du marché de l'immobilier.

L'évolution des dépenses de l'Etat doit s'analyser au regard des deux normes de dépenses. La norme « zéro volume », la plus large, prévoit que les dépenses ne doivent pas progresser plus rapidement que l'inflation ; en 2014, il est même prévu une baisse de ces dépenses de 1,4 milliard d'euros. La norme « zéro valeur » exclut les dépenses de pensions et la charge de la dette, sur lesquelles le Gouvernement n'a qu'une marge de manoeuvre limitée ; elle diminue également de 1,4 milliard d'euros. Nous allons donc au-delà des deux normes puisque les crédits diminuent sur les deux périmètres, hors investissements d'avenir. Les crédits du deuxième programme d'investissements (12 milliards d'euros) ne sont en effet pas comptabilisés, dès lors qu'il s'agit de dépenses exceptionnelles et par nature, non pérennes. Si ces crédits étaient comptabilisés dans la norme, ils rendraient en pratique impossible son respect en 2014, puis desserreraient totalement la contrainte l'année suivante ; telle n'est pas la philosophie de la norme de dépense.

La répartition des 9 milliards d'économies par rapport à leur évolution tendancielle fait apparaître une participation des opérateurs, des collectivités territoriales et de la contribution française au budget de l'Union européenne.

S'agissant de la contribution des collectivités territoriales, elle s'inscrit dans une concertation avec les acteurs locaux qui a débouché sur un « pacte de confiance et de responsabilité » adopté lors de la conférence des finances publiques locales, le 16 juillet 2013. La situation financière particulièrement dégradée des départements a par ailleurs été prise en compte, et des recettes nouvelles contribueront au financement des allocations de solidarité : des frais de gestion à hauteur de 830 millions d'euros leur sont transférés, qui seront répartis de manière péréquée ; d'autre part, les départements auront la possibilité d'augmenter le taux des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Pour leur part, les régions bénéficient d'une substitution de ressources fiscales relativement dynamiques à des dotations, pour un montant total d'environ 900 millions d'euros. C'est donc sur le bloc communal que reposera l'essentiel de l'ajustement.

Par ailleurs, la péréquation horizontale comme verticale continue de monter en puissance. S'agissant de la péréquation horizontale, les ressources du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) passent de 360 millions d'euros en 2013 à 570 millions d'euros en 2014, et celles du Fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF) augmentent de 230 millions d'euros en 2013 à 250 millions d'euros en 2014. Pour ce qui est de la péréquation verticale, toutes les dotations à vocation péréquatrice sont augmentées, à un rythme toutefois moins élevé qu'en 2013.

J'en viens à présent à la question des emplois et de la masse salariale.

Les créations d'emplois dans l'éducation nationale, la justice et la sécurité sont plus que gagées par des suppressions d'emplois dans les autres ministères. On observe en effet un schéma d'emplois légèrement négatif, c'est-à-dire 3 280 suppressions de postes de plus que les créations ; si l'on tient compte de 1 771 créations de postes pour les opérateurs, le solde reste négatif à hauteur de 1 509 ETP. En effet, l'objectif de stabilisation des emplois porte sur l'ensemble du quinquennat, et doit prendre en compte les créations d'emplois décidées dans le « collectif » de juillet 2012. Des suppressions nettes d'emplois doivent donc être encore effectuées pour « absorber » ces créations initiales.

Hors pensions, la masse salariale de l'Etat s'élève à 81,4 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2014. Sa progression d'une année sur l'autre est de l'ordre de 0,4 %. On rappellera que le Gouvernement a pris l'engagement, dans la loi de programmation des finances publiques, de ne pas faire progresser les dépenses de rémunération de plus de 1 % sur la période 2012-2015. Cet engagement semble être en voie d'être tenu. Au-delà du gel de la valeur du point, cette maîtrise de la masse salariale repose principalement sur une nette décélération des mesures catégorielles. Celles-ci s'établiront en effet à 274 millions d'euros en 2014, soit le plus faible montant depuis 1995 et moins de la moitié de l'enveloppe versée en 2011.

Le projet de loi de finances prévoit que la charge des intérêts de la dette atteindra 46,7 milliards d'euros, soit une diminution de 0,2 milliard d'euros par rapport à la LFI 2013, mais une hausse de 1,7 milliard d'euros par rapport au révisé 2013. Cela traduit l'existence d'un niveau de taux d'intérêt systématiquement inférieur aux prévisions au cours des dernières années, ce qui desserre quelque peu la contrainte sur les finances publiques.

La charge de la dette a progressé ces dernières années de manière moins dynamique que son encours. Nous pouvons nous demander si cette situation va perdurer. En valeur actualisée, l'encours de dette nominale passerait de 1 459 milliards d'euros fin 2013 à 1 531,4 milliards d'euros fin 2014. Un relèvement significatif des taux d'intérêt constitue donc une « épée de Damoclès » pour nos finances publiques. A titre d'illustration, on rappellera qu'une augmentation uniforme de 100 points de base des taux d'intérêt entraîne, à terme, une hausse de la charge d'intérêt de plus de 15 milliards d'euros.

Le besoin de financement de l'Etat s'élèverait à 177 milliards d'euros, dont 174 milliards d'euros d'émissions. La France resterait le deuxième émetteur de la zone euro après l'Italie, dont le seul refinancement de la dette conduit à émettre 194 milliards d'euros de dette. Pour ce qui est des émissions de nouvelle dette au sein de la zone euro, c'est-à-dire l'argent nécessaire pour couvrir le déficit budgétaire, la France en représenterait environ le tiers - 70 milliards sur un total évaluée à 215 milliards pour l'ensemble de la zone euro.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Permettez-moi de lancer la discussion par quelques questions.

Lorsque vous évoquez un taux de croissance de + 0,1 %, n'existe-t-il pas une marge d'erreur statistique susceptible d'être appréciée de différentes façons ? Pour le dire autrement, entre - 0,1 % et + 0,1 %, sommes-nous vraiment capables, du point de vue de la méthodologie statistique, de faire la différence ? Mais, sur le plan psychologique, il est bien préférable d'annoncer + 0,1 %...

Vous indiquez que le déficit structurel est significativement supérieur à la prévision pluriannuelle. Pouvez-vous nous rappeler le jeu des dispositions issues des règles européennes au cas où le Haut Conseil des finances publiques serait amené à constater un décalage significatif par rapport à la trajectoire ? Que peut-il se passer ? Quelle serait la procédure ?

Je constate un écart entre les prévisions du Gouvernement et celle de la Commission européenne. À la fin 2014, le déficit effectif s'établit à 3,6 % selon le Gouvernement et à 3,8 % selon la Commission européenne et, pour 2015, les pourcentages sont respectivement de 2,8 % et 3,7 %.

Vous nous dites, très justement, que la Commission européenne porte son appréciation « toutes choses égales par ailleurs », donc en considérant qu'il n'y aurait pas de mesures correctrices ou, du moins, que les mesures correctrices appropriées ne sont pas annoncées. La Commission européenne a-t-elle, selon vous, raison sur le plan méthodologique ? Le Gouvernement n'a-t-il pas tout dit ? Se serait-il abstenu d'annoncer les mesures qu'il sait devoir prendre pour procéder à des économies plus importantes ou plus efficaces afin de parvenir aux soldes effectifs de 2014 et 2015 ? Quelles peuvent être ces mesures supplémentaires ?

J'aimerais également soulever un point méthodologique - et cela n'a pas de caractère critique - sur la notion de solde stabilisant, c'est-à-dire celui qu'il faut atteindre pour que le ratio dette sur PIB commence à décroître. Il est fonction de la croissance. Nous étions habitués à le fixer autour de 3 %. Je crois comprendre qu'il serait aujourd'hui sensiblement plus bas. Or, il apparaît que la dette publique diminuerait en pourcentage du PIB à partir de soldes sensiblement supérieurs. Il faudrait y voir plus clair.

Enfin, vous évoquez la norme de dépense. Deux dépenses réelles ne semblent pas comprises dans les dépenses totales de l'État. La première, pour un montant de 830 millions d'euros en 2014, représente une compensation attribuée par l'État aux départements, c'est-à-dire un transfert de l'équivalent des frais d'assiette et de recouvrement des impôts locaux. La seconde est une opération similaire au bénéfice des régions : il s'agit d'une transformation de la dotation globale de décentralisation qui, elle, figurait bien en 2013 dans la norme de dépense. En revanche, sa transformation en un panier de recettes fiscales, pour un même montant de 900 millions d'euros, transféré aux régions, ne serait pas dans la norme de dépense.

Je constate que les habitudes des administrations financières qui s'efforcent, chaque année, de faire un peu « d'habillage » ne sont pas complétement abandonnées. Ce qui peut nous rassurer puisque nous avons toujours connu ce type de pratiques...

En conclusion, les données sur le financement de l'État et de la dette me semblent pouvoir être appelées « celles du meilleur ami » puisque, finalement, le meilleur soutien de la politique budgétaire de ce Gouvernement, ce sont bien les marchés financiers. Ce monde odieux de la finance nous permet d'émettre plus de dettes pour un montant de charges financières maîtrisées, voire en légère décroissance !

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je n'adhère pas à l'idée selon laquelle + 0,1 % ne serait pas significatif, compte tenu de la marge d'erreur. Je constate en effet que certaines prévisions estiment que la croissance française serait de 0,2 % en 2013. L'annonce de 0,1 % ne reflète donc pas un optimisme béat ou une volonté « d'habillage ». C'est une réalité : la France serait sortie de la récession. Telle est l'appréciation des conjoncturistes.

S'agissant des mécanismes de correction, vous posez une question tout à fait légitime. Pour le mécanisme automatique de correction, il est vraisemblable qu'il puisse être déclenché au printemps prochain lors de l'examen du projet de loi de règlement, mais nous devons prendre en compte plusieurs éléments.

Tout d'abord, le mécanisme de correction contraint le Gouvernement à présenter des mesures de correction mais cela ne veut pas dire qu'il faut corriger intégralement et de façon instantanée l'écart constaté.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Il suffit de placer la France dans une trajectoire de correction de l'écart. Il ne suffit pas, comme à l'école maternelle, de répondre instantanément à la demande de la maîtresse d'écrire différemment le budget.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

La nouvelle trajectoire pluriannuelle des finances publiques permettra de combler l'écart par rapport à la programmation dans un délai de deux ans. D'ores et déjà, par la correction de trajectoire que nous avons inscrite en arrière-plan de ce projet de loi de finances pour 2014, nous avons, par anticipation, apporté des éléments de réponse. Au printemps prochain, nous pourrons annoncer de quelle façon les efforts qui sont envisagés vont pouvoir se réaliser. Et je pense que l'Union européenne ne pourra que donner acte à la France de sa volonté de se sortir de la difficulté dès lors que cet écart serait effectivement pointé.

Au surplus, une nouvelle loi de programmation des finances publiques sera adoptée à la fin de l'année 2014, ce qui permettra, de façon plus officielle encore, de mieux affirmer notre trajectoire en ayant corrigé et chiffré les étapes aboutissant à une situation assainie en 2017.

En ce qui concerne les appréciations portées hier par la Commission européenne, vous vous demandez si la France n'est pas mise en défaut pour n'avoir pas annoncé ce qu'il faudrait faire. En réalité, la Commission européenne pointe uniquement les mesures qui ont été votées. Par exemple, le projet de loi de réforme des retraites, en cours d'examen par le Parlement, n'a pas encore été voté, il n'est donc pas pris en compte. Il en va de même pour toutes les dispositions de nature structurelle ou les mesures non encore votées, comme, par exemple, celles consistant à réaliser 17 milliards d'euros d'économies en 2015.

S'agissant du solde stabilisant, il faut savoir qu'il se dégrade mécaniquement avec l'accroissement de la dette. Il serait donc supérieur à 3 % du PIB en 2015, lorsque la part de la dette publique dans le PIB commencera à diminuer.

Enfin, je conçois que l'on puisse s'interroger sur le traitement de certaines dispositions du PLF au regard de la norme de dépense. Bien sûr, le Gouvernement doit respecter les règles qu'il s'est lui-même fixé. En tout état de cause, les mesures que vous citez ne sont pas de nature à remettre en cause l'économie générale du projet du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

J'ai deux questions à poser au rapporteur général que je remercie de sa présentation. Premièrement, nous n'avons pas la même conception du mot « économies ». C'est un problème sémantique car, quand on nous dit qu'il y a 8,5 milliards d'euros d'économies dans le budget de l'État, cela devrait se traduire par une baisse des crédits du budget de l'État. Or, on nous parle de moindre progression de l'augmentation naturelle des dépenses. En réalité, les dépenses de l'État, comparées entre le PLF 2013 et le PLF 2014, ne présentent qu'un milliard d'euros d'économies. J'en conclus que les seules économies faites par l'État correspondent au 1,5 milliard d'euros retiré aux collectivités locales, par la baisse de la DGF et que par ailleurs les dépenses progressent.

Comment expliquer la progression du nombre d'emplois des opérateurs de l'État et comment ne peut-on pas mieux contrôler cette évolution inquiétante des effectifs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Je ne poserai pas de question ; quand je vois la manière dont on répond à nos questions, je n'y trouve pas mon compte, c'est pourquoi je m'en tiendrai à des observations.

Je signale que le rapport de la Commission européenne fait apparaître des contrastes importants entre États membres, avec une reprise française qui serait tirée par la consommation intérieure du fait de la baisse du taux d'épargne des ménages. L'investissement des entreprises resterait peu dynamique, la priorité allant à la restauration de leurs marges. En revanche, la croissance sera dynamique en Allemagne en 2014, ainsi qu'en Italie et en Espagne grâce aux bons chiffres du commerce extérieur. Dans le noyau dur de l'Europe, la France est à la traîne. Tout se passe comme s'il y avait une impuissance de la puissance publique. Je ne pense pas qu'on puisse parler de réalisme quant à la politique du Gouvernement, mais d'incapacité à redresser la situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

J'ai l'impression que l'on nous abreuve de chiffres et de notions techniques, d'écart structurel ou conjoncturel qui conduisent au final à présenter au citoyen un budget virtuel. Il faut en revenir aux hypothèses de croissance potentielle retenues pour définir le déficit structurel dont on voit que la courbe a tendance à baisser alors que celle du déficit conjoncturel augmente. Sur les économies en dépenses, j'ai l'impression que c'est la période 2007-2012 qui est prise comme référence des économies réalisées en considérant que la croissance a été spontanée durant ces années. Pourquoi ne faisons-nous pas la même chose pour les collectivités locales car, si cette croissance spontanée avait été de 1,6 % comme pour l'État, on aurait pu considérer que, avec 0,4 %, les collectivités ont fait des économies.

Je ne comprends pas non plus le niveau prévu d'économies, en milliards d'euros, alors qu'il avait été annoncé 1,5 milliard d'euros en net.

Le solde de 2013 sera-t-il bien de 4,1 % ? Le chiffre de 4,3 % circule et une différence de 0,2 point de PIB n'est pas anodine. Car une partie de l'effort prévu pour 2014 est repoussée à 2015. L'écart avec la loi de programmation atteint 50 %. Dans une entreprise, un directeur financier affichant de tels résultats serait directement remercié !

Il faudra avoir le courage d'engager des réformes structurelles pour réduire la dépense publique car, pour l'instant, notre planche de salut repose sur les marchés qui nous font encore confiance. Mais combien de temps cela durera-t-il ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Je demande que la commission des finances prenne en considération les comparaisons faites par l'OCDE dans lesquelles nous voyons que la France est en deuxième position sur le taux de prélèvements obligatoires avec 46 % du PIB jusqu'en 2015 et 2016. Le Gouvernement ne joue pas son rôle sur le ratio de la dépense publique qui représente 56 % à 57 % du PIB. Par rapport à l'Allemagne, dont le taux de prélèvements obligatoires est de 35 % à 36 % et le taux de dépense publique de 46 %, la différence se matérialise par plus de 200 milliards de dépenses publiques de plus pour la France. Ce n'est pas en créant des postes de fonctionnaires que nous allons réduire notre handicap de compétitivité engendré par notre niveau de prélèvements sur les entreprises.

Par ailleurs, les recettes de TVA prévues initialement à 141 milliards d'euros pour 2013 seront inférieures de 11 milliards. Or cette perte de recettes est également attendue pour 2014 et cela doit nous alerter sur le fait que la marge de manoeuvre doit donc porter sur le ratio de dépenses publiques du PIB, dans toutes les administrations publiques, et non sur l'augmentation des recettes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Ce propos rejoint la préoccupation de Vincent Delahaye sur l'analyse de l'écart entre le ratio dépenses publiques sur PIB et prélèvements obligatoires sur PIB et nécessite une explication méthodologique.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Mon interrogation, non malveillante, porte sur le réalisme des hypothèses macroéconomiques. L'avis du Haut Conseil des finances publiques du 20 septembre dernier précise que, sauf à modifier la loi de programmation, le mécanisme de correction sera déclenché mi-2014, appelant des efforts supplémentaires pour atteindre l'équilibre structurel en 2016. Ensuite, le ministre de l'économie et des finances indiquait que les règles européennes avaient été intégrées dans le budget et qu'il n'est donc pas nécessaire de le changer. Ces deux discours sont contradictoires. Qui faut-il écouter ?

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

On dit que le pire n'est jamais sûr, or ce budget démontre le contraire car il ne présente aucune certitude sur les recettes. Il aurait fallu déposer un projet de loi de finances rectificative ! Quand on fait des prévisions, il faut envisager le pire. Or qu'observe-t-on ? Des faillites d'entreprises, des licenciements, des départs continus à l'étranger de créateurs d'entreprises et de jeunes diplômés. Vous faites état de diminutions de dépenses de personnels, mais vous embauchez plus de 8 000 fonctionnaires pour l'éducation nationale. On ne réduira jamais la dette sans faire d'économies. Cela signifie que nous devons arriver à un stade où les dépenses sont inférieures aux recettes. Nous devrions plafonner, comme le font les Etats-Unis, le niveau de la dette.

Enfin, je répète depuis 10 ans que vous disposez d'un potentiel de 20 milliards d'euros de recettes si vous supprimez les 35 heures. En passant à 39 heures, nous améliorerions la compétitivité des entreprises et disposerions de recettes supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Je remercie le rapporteur général de son exposé, précis et le plus objectif possible, répondant aux questions que nous nous posons sur la dette, tant en volume qu'en charge de la dette, avec des prévisions de diminution des dépenses publiques.

Comparaison n'est pas raison. Je me souviens que le 16 novembre 2011, François Baroin et Valérie Pécresse déclaraient que, pour la première fois depuis 1945, hors charge de la dette et hors pensions, les dépenses budgétaires diminuaient de 200 millions d'euros. Or, le Gouvernement actuel les diminue de plus d'un milliard d'euros. Comment ce qui était qualifié d'extraordinaire, pour 200 millions d'euros, en 2011, devient, du point de vue de l'opposition, négligeable pour plus d'un milliard d'euros ? Ce sont ces raccourcis de la politique qui font beaucoup de mal au pays.

Par ailleurs, le grand choc pour les collectivités territoriales a été l'annonce inopinée de la suppression de la taxe professionnelle par le Président de la République de l'époque. Cela a déséquilibré l'ensemble des collectivités : régions, départements, établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et communes. Qui l'a fait ? Comment cela a été discuté et combien cela a-t-il coûté ? Il faut que chacun assume sa part de responsabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Je souhaite aborder trois sujets. Tout d'abord, je relève que selon le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, Frédéric Cuvillier, la suspension de l'écotaxe engendre un manque à gagner de 750 millions d'euros pour l'Etat et de 500 millions d'euros pour les collectivités territoriales. Une réflexion est conduite avec le ministre du budget pour savoir comment compenser cette perte de recettes. Comment va se répartir sa prise en charge entre l'Etat, les collectivités territoriales et l'agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) ? Ensuite, la ministre déléguée à la décentralisation, Anne-Marie Escoffier, a affirmé que la poursuite de la baisse des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales au-delà de 2015 est probable. Qu'en est-il d'après les informations recueillies par le rapporteur général ? Enfin, comment sera assurée la transition du taux des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ? Le passage de 3,8 % à 4,5 % sera-t-il optionnel ? Le Gouvernement envisage-t-il d'amender cette réforme ? Et sera-t-il possible à terme d'en revenir au plafond actuel de 3,8 % ? À cette série de trois questions, j'ajoute une information. En effet, je tiens à porter à la connaissance de mes collègues la réponse qui m'a été fournie hier en aparté par le ministre de l'économie et des finances, Pierre Moscovici, à la suite de ma question sur la répartition sectorielle des investissements directs à l'étranger (IDE) sur notre territoire. Contrairement à ce qu'il serait légitime d'espérer, il ne s'agit pas de l'industrie mais essentiellement du secteur immobilier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je félicite le rapporteur général pour son éclairage. Cependant, les majorités changent mais les mêmes égarements sont constatés : le Gouvernement témoigne ainsi d'une certaine sérénité et invite à avoir confiance dans l'avenir. Il est vrai que l'utilisation du solde structurel facilite une telle approche. Sa perspective contraste avec celle des Français qui ont les nerfs à vif, ainsi qu'avec nos mille plans sociaux. Pour ma part, je ne vois pas où se trouve le potentiel permettant d'inverser la courbe du chômage. Par ailleurs, je me demande quel serait l'état de notre dette et de notre déficit en l'absence de nos engagements européens. Sans l'Europe, à quelle situation ferions-nous face ? En effet, les marchés financiers se caractérisent par la même intempérance que les gouvernements. Ils ont donc, eux aussi, laissé filer les déficits publics par bêtise et par aveuglement. La confiance mutuelle qui unit les gouvernements aux marchés financiers ne nous rend pas service. Dans la période récente, les taux d'intérêt ont continué à baisser en dépit de nos déficits et de nos endettements publics. Aujourd'hui et à cet égard, les investissements d'avenir sont encore l'occasion de ne pas inscrire des dépenses publiques au budget de l'Etat. Je m'interroge également sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) au regard du principe de sincérité des comptes publics. La créance de 10 milliards d'euros des entreprises sur l'Etat en 2013 n'apparaît pas dans nos comptes. À la fin 2014, il s'agira de 20 milliards d'euros, soit un point de PIB. Nous avons besoin d'engager les réformes structurelles qui s'imposent alors que, pour l'instant, nous ne faisons que gagner du temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Je souhaite prolonger les propos de Jean Arthuis en prenant pour exemple la Réserve fédérale américaine. La politique monétaire des Etats-Unis consiste ainsi à faire marcher la planche à billets, ce qui est facteur d'une financiarisation de l'économie. Au moment où les Français voient que la maison brûle, la majorité nous présente un numéro de « tout va très bien madame la marquise ». Ainsi, en matière de compétitivité, le ministre de l'économie et des finances, Pierre Moscovici, nous assure que les recommandations du rapport Gallois sont quasiment toutes mises en oeuvre. Or, à ma connaissance, seuls 880 millions d'euros ont été engagés au titre du CICE alors que 10 milliards d'euros étaient prévus sur 2013. D'après le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), ce dispositif est sous-estimé. Pour moi, ce dernier est également trop compliqué. Par ailleurs, il faut agir en faveur des marges des entreprises, qui se sont détériorées depuis dix-huit mois. Au moins, l'ancienne majorité avait réduit les charges sociales et les taux de TVA, certes trop tardivement pour ces derniers. En outre, le budget des retraites civiles, soit 42 milliards d'euros, reposait jusqu'à maintenant sur un financement à parts égales entre les cotisations et la dotation de l'Etat. Le fait que cette dernière soit appelée à en représenter 75 % doit nous interpeler.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Tout a été dit du côté du réquisitoire contre la majorité actuelle, je n'en rajouterai donc pas, afin de ne pas accabler le rapporteur général. Ma question porte sur les intentions de notre commission à l'égard des finances locales. Nous voyons que les dotations baissent de 1,5 milliard d'euros en 2014 et vont être réparties différemment. Ainsi, les communes subiront une contraction de leurs dotations proportionnelle à l'évolution de leurs recettes réelles de fonctionnement. Ce mécanisme ne prend pas en compte l'effort fiscal des collectivités : une commune caractérisée par une fiscalité lourde sera pénalisée. En outre, notre commission compte-t-elle aborder à nouveau les problématiques de péréquation ? Déposerons-nous des amendements au sujet des dotations versées aux collectivités territoriales, notamment en matière de péréquation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

De tels amendements n'impactent pas l'équilibre de la loi de finances et peuvent donc être préparés pour la deuxième partie du projet de loi de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Francis Delattre a relevé les problèmes rencontrés par les entreprises : cet aspect est insuffisamment traité dans le budget proposé par le Gouvernement. J'en arrive à ma question : les hypothèses sur lesquelles repose le projet de loi de finances utilisent de plus en plus une inconnue, à savoir les recettes tirées de la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscale. On parle d'un montant compris entre 1,4 milliard d'euros et 2 milliards d'euros. Comment évaluer avec précision le montant de ces recettes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Edmond Hervé

Je remercie le rapporteur général pour sa présentation. Pour ma part, j'ai toujours tenu à ne jamais différencier mon discours selon que je suis dans l'opposition ou dans la majorité. J'attire l'attention sur les limites des comparaisons internationales en matière de taux de prélèvements obligatoires (PO). Affirmer que les PO sont trop élevés en France implique de dire quelles conséquences on en tire, y compris pour l'éducation, la santé ou la justice, dont je rapporte les crédits, ce qui me conduit à exiger d'être précis. Entre 2006 et 2012, le nombre de postes dans l'administration centrale des ministères aurait diminué mais ces économies auraient eu pour contrepartie une augmentation des effectifs dans les collectivités territoriales et chez les opérateurs. Il est facile de critiquer notre taux de PO mais il est moins facile de dire où chercher des économies. Dans une vision libérale, l'opposition cherche à transférer aux associations et aux entreprises des missions publiques, à l'instar des politiques de sécurité. J'estime que cette façon de contourner la difficulté est hypocrite. De même, les partenariats public-privé (PPP) vont à l'encontre du principe d'annualité budgétaire et de nos prérogatives de contrôle parlementaire. L'écotaxe en constitue un exemple, je m'interroge d'ailleurs sur le montage du dispositif. Selon moi, la dépense publique forme un tout solidaire et on ne peut plus distinguer entre les dépenses de l'Etat et celles des collectivités territoriales. Dans le pacte de solidarité et de responsabilité entre ces derniers, le principal enjeu est la question fiscale. Par ailleurs, j'estime que la fusion entre l'impôt sur le revenu (IR) et la contribution sociale généralisée (CSG) est devenue une absolue nécessité. Enfin, l'état actuel des valeurs locatives démontre l'injustice fiscale qui frappe les collectivités territoriales. Leur révision est urgente.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

S'agissant des partenariats public-privé (PPP), je rappelle que la commission des finances s'était montrée très critique et en retrait au cours de l'examen des textes instituant ces dispositifs juridiques. Nous avions considéré que les PPP se soutiennent en cas de recettes d'exploitation permettant d'assumer le service des emprunts ; car un PPP est un emprunt qui ne dit pas son nom et qui met à mal le principe d'annualité budgétaire. C'est une facilité que l'on se donne, qui peut se concevoir quand un ouvrage est concédé et engendre ses propres recettes ; en revanche, lorsqu'il porte sur des bâtiments administratifs, c'est une fiction et une facilité. Telle est la ligne que nous avions défendue à l'époque avec le président Arthuis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Sur la taxe poids lourds, puisque mes collègues de l'opposition ont évoqué le sujet, je me permettrais de dire que le niveau de la redevance allouée à Ecomouv', à hauteur de 21,7 % du produit de la taxe, me paraît invraisemblable et sans précédent. Par exemple, dans le cadre des dispositifs de taxes poids lourds allemand et autrichien, ce niveau est respectivement de 15 % et 10 %, ce qui est déjà élevé. Comment le Gouvernement de l'époque a-t-il pu signer un tel contrat ? La commission d'enquête demandée par nos collègues du groupe socialiste sera utile pour faire la lumière sur ces questions. Pour ma part, j'estime que cette taxe a vocation être nationalisée, et qu'il faut renégocier le contrat avec Ecomouv'.

J'en viens maintenant à la présentation du rapporteur général : y-a-t-il une prise en compte, dans votre analyse de la sensibilité du solde effectif et de la dette publique à la conjoncture, de l'aspect dépenses ? En effet, quand on a peu de croissance, on a un peu plus de dépenses sociales, ce sont les stabilisateurs automatiques. J'ai l'impression que votre analyse ne prend en compte que l'aspect recettes.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Je remercie le rapporteur général, qui a su présenter ce budget déplorable avec une grande loyauté et une grande élégance.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

En réponse aux questions d'un certain nombre de mes collègues sur le fait de savoir si l'on peut considérer qu'il y a une réelle baisse des dépenses alors que l'on raisonne par rapport à leur évolution tendancielle, je rappelle que le précédent gouvernement raisonnait de la même façon, notamment pour présenter les économies associées à la révision générale des politiques publiques (RGPP). La Commission européenne se réfère aussi à cette notion quand elle mesure les efforts consentis par les Etats membres.

À Vincent Delahaye, je rappellerai que la RGPP était présentée comme une mesure très efficace, ce qui n'a pas empêché les dépenses publiques d'augmenter de 1,6 % par an en moyenne entre 2007 et 2012, en raison notamment d'un certain nombre d'évolutions automatiques des dépenses calées sur des indicateurs. Dans ce contexte, les 9 milliards d'économies prévues en 2014 relèvent d'un effort conséquent.

Sur le mécanisme de correction automatique, je rappelle que le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) en Europe impose aux Etats membres d'instituer un mécanisme de correction qui se déclenche automatiquement si des écarts importants sont constatés par rapport à l'objectif affiché à moyen terme sur la trajectoire d'ajustement. Le Gouvernement a intégré dans le projet de loi de finances pour 2014 et dans la trajectoire qui y est associée jusqu'en 2017 les corrections nécessaires. Dès lors, si la Commission européenne adresse au printemps une notification à la France, le Gouvernement n'aura pas besoin de recourir immédiatement à une loi de finances rectificative ; il pourra présenter l'effet de plusieurs mesures s'inscrivant dans la nouvelle trajectoire qui sera arrêtée cet automne.

S'agissant des emplois des opérateurs, le chiffre évoqué par Albéric de Montgolfier correspond aux priorités du Gouvernement : la création de 2 000 postes pour Pôle Emploi et de 1 000 postes pour les universités. Hormis ces priorités, le solde d'emplois des opérateurs est négatif. Par ailleurs, l'équilibre global entre créations et suppressions de postes s'apprécie sur le périmètre de l'État et des opérateurs. Le solde de ce périmètre est négatif : 1 509 postes sont supprimés dans le budget 2014.

En ce qui concerne le nombre de fonctionnaires et la masse salariale, j'entends bien les propos de Jean-Paul Emorine qui nous dit qu'il faut adopter un raisonnement global et prendre en compte les emplois des collectivités territoriales dans l'évolution de l'emploi public ; cela dit, comment procéder pour réduire les fonctionnaires territoriaux tout en répondant aux besoins croissants de la population, lorsque l'on est en charge d'un exécutif local ? Une chose est de dire qu'il faut une intégration de l'ensemble des emplois publics dans le raisonnement, une autre est de mettre en oeuvre ces mesures sur le terrain.

En ce qui concerne la dégradation du déficit par rapport à la loi de finances initiale pour 2013, la révision de la prévision de 3,7 % à 4,1 % du PIB à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2014 a pour origine un manque à gagner de l'ordre de 8 milliards d'euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2013, qui pèse lourdement dans la construction du budget 2014 sur les reconductions que l'on peut faire l'année suivante.

Sur la notion d'évolution tendancielle, il faut rappeler que celle-ci correspond notamment à l'impact de l'inflation sur les prestations sociales, les exonérations de cotisations sociales, les contrats aidés, les crédits de paiement des programmes d'investissement pluriannuels, l'évolution de la masse salariale, ainsi que sur la progression des recettes versées au profit de l'Union européenne.

Sur le taux de prélèvements obligatoires, si l'on veut le réduire, il faut de la croissance. Les dépenses publiques baisseront dès 2015. J'attire votre attention sur le fait que le taux de dépenses publiques rapporté au PIB était de 52,6 % en 2007 et de 55,9 % en 2011. C'est cette dérive que le Gouvernement actuel s'emploie à corriger, mais elle est difficile à endiguer.

Le montant des recettes de TVA intègre une baisse de 3 milliards d'euros en raison d'un transfert à la sécurité sociale. Mais il est vrai que cet impôt est relativement peu dynamique en période de croissance atone.

Serge Dassault a regretté l'absence d'un collectif budgétaire en cours d'année, mais je porte à son attention sur le fait que la mise en réserve des crédits a permis d'éviter jusqu'à présent le dépôt d'une loi de finances rectificative, en dehors du traditionnel collectif de fin d'année qui sera déposé prochainement.

En ce qui concerne la taxe poids lourds, l'AFITF perdra 700 à 800 millions d'euros et les départements 160 millions d'euros. La question des compensations n'est pas encore tranchée, à supposer que la recette ne vienne pas, ce qui n'est pas certain puisque la taxe est suspendue. Le Gouvernement considère que ce sont des économies supplémentaires qui viendront financer le manque à gagner, en attendant que la situation soit définitivement tranchée. Je ne reviens pas sur Ecomouv' et les autres aspects du sujet. Je voudrais cependant rappeler que la taxe poids lourds a été adoptée fin 2008, dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2009. J'avais voté contre, comme mes collègues socialistes bretons, avec lesquels nous avions à l'époque attiré l'attention du Gouvernement sur les distorsions de concurrence que le dispositif était susceptible d'induire. Nous avions en conséquence présenté trois amendements visant à moduler la taxe en fonction des territoires et des secteurs, mais ils n'avaient pas été pris en compte. Cette taxe n'a pas été votée à l'unanimité au Sénat, comme je l'entends parfois.

S'agissant des collectivités territoriales, le Gouvernement s'est engagé à réformer la dotation globale de fonctionnement (DGF) en 2014. Nous engagerons donc début 2014 une réflexion au sein de la commission des finances sur la réforme de la DGF, dans le cadre d'un groupe de travail. Sur les valeurs locatives et la péréquation, les travaux se poursuivent.

En ce qui concerne le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), Jean Arthuis estime que ce dispositif constitue une anomalie d'un point de vue comptable ; je souligne cependant qu'une moindre recette d'impôt sur les sociétés à ce titre sera bien constatée dans les comptes de l'Etat en 2014. Je rappelle par ailleurs à Francis Delattre que 2013 constitue une année de préfinancement du CICE.

Enfin, s'agissant de la fraude et de l'optimisation fiscales, de nombreux dispositifs ont été adoptés depuis 2011, et les recettes ont sensiblement augmenté dès 2012. L'article 14 du projet de loi de finances pour 2014 porte sur la lutte contre l'optimisation fiscale au titre des produits hybrides et de l'endettement artificiel. Certains de nos collègues ont également fait part de leurs propositions pour lutter contre certaines pratiques : Jean Arthuis sur les marges arrière de la grande distribution, Éric Bocquet sur la notion d'abus de droit. Il y a des recettes importantes à la clef, mais le chantier demeure important.

La commission donne acte au rapporteur général de sa communication.

La commission procède ensuite à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis sur le projet de loi n° 127 (2013-2014), adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Mes chers collègues, je souhaiterais débuter mon propos par une remarque liminaire. La réalisation de ce rapport pour avis sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014 s'est faite dans des conditions difficiles en raison, d'une part, de la proximité de ce texte avec le projet de loi portant réforme des retraites sur lequel votre rapporteur pour avis était mobilisé et, d'autre part, parce que le PLFSS pour 2014 prévoit un grand nombre de transferts, certains entre organismes de sécurité sociale, d'autres entre la sécurité sociale et des organismes hors champ, qui sont extrêmement complexes, parfois peu documentés et qu'il a fallu par conséquent reconstituer pour en comprendre le sens. Par certains aspects, il s'est agi d'un travail de bénédictin.

Pour vous présenter les différentes dispositions de ce PLFSS, je commencerai mon exposé en évoquant la question des déficits de la sécurité sociale. En 2010, le déficit des régimes de base de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) s'est établi à un niveau historique de près de 30 milliards d'euros, soit 1,5 point de PIB. En 2011, le solde des régimes de la sécurité sociale a connu une amélioration significative de 0,4 point de PIB en raison essentiellement de l'amélioration de la conjoncture économique. Je rappelle qu'en 2011, la croissance du PIB a été de 2 % et que la masse salariale privée a progressé de 3,6 %. En 2012 et 2013, la réduction des déficits s'est poursuivie à un rythme inférieur à 2011 compte tenu de moins bons indicateurs économiques.

Je poursuivrai mon propos en présentant les hypothèses macroéconomiques retenues pour le PLFSS pour 2014. Ces hypothèses, présentées précédemment par notre rapporteur général, sont les mêmes que celles utilisées pour les prévisions figurant dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2014, avec une croissance du PIB en 2014 de 0,9 %, une inflation de 1,3 % et des prévisions d'évolution de la masse salariale privée en augmentation de 2,2 %.

L'évolution de la masse salariale privée se décompose ainsi : un salaire moyen par tête qui progresse de 2,1 % et des effectifs qui connaissent une hausse moins accentuée de l'ordre de 0,1 % après deux années de contraction de l'emploi, - 0,1 % en 2012 et - 0,6 % en 2013. Pour la période 2015-2017, les hypothèses sont conventionnelles puisqu'on évalue la progression de la masse salariale à 3,5 % en 2015 puis 4 % en 2016 et en 2017. La décomposition de celle-ci n'est en revanche pas encore connue pour ces trois années.

Dans le PLFSS pour 2014, on constate un effort conséquent entre l'évolution tendancielle du solde de la sécurité sociale - c'est-à-dire, hors prise en compte des mesures en recettes et en dépenses - et le solde prévisionnel 2014 obtenu après comptabilisation des mesures de redressement. A ce stade, je tiens à rappeler que la notion d'« économie budgétaire » résulte nécessairement d'évaluations qui prennent en considération les évolutions tendancielles existantes, et ce quel que soit le gouvernement en place. Ainsi, pour le budget de l'Etat, on ne peut s'affranchir du glissement vieillissement technicité (GVT) pour le calcul de la masse salariale. En matière de sécurité sociale, il faut tenir compte, par exemple, de l'évolution historique des dépenses d'assurance maladie qui s'accroissent de 4 % par an en moyenne. En l'absence de mesures de rétablissement des comptes, le déficit du solde des régimes de sécurité sociale se serait situé à 22 milliards d'euros en 2014, soit 1 % du PIB national.

Au total, les mesures prévues par le présent PLFSS, le PLF et le projet de loi portant réforme des retraites représentent un effort de 8,9 milliards d'euros en faveur des comptes de la sécurité sociale.

Par rapport à 2013, le PLFSS pour 2014 prévoit de réduire le déficit de l'ensemble des régimes de base de sécurité sociale de 4 milliards d'euros, soit une amélioration équivalente à 0,2 point de PIB.

En 2014, la sécurité sociale bénéficierait ainsi de près de 5,7 milliards d'euros de ressources supplémentaires et d'environ 3,2 milliards d'économies en dépenses.

En matière de ressources, la hausse des cotisations vieillesse décidée dans le cadre de la réforme des retraites, qui sera prise prochainement par voie réglementaire, devrait représenter un apport de 1,6 milliard d'euros pour le régime général et de près de 1,8 milliard pour l'ensemble des régimes. Annoncée en compensation de cette mesure, la baisse des cotisations patronales famille représentera à l'inverse un impact négatif pour la sécurité sociale de 1,16 milliard d'euros. L'harmonisation de la taxation des prélèvements sociaux sur les produits de placement représenterait un total de 600 millions de recettes nouvelles. Sur ce montant, il n'est prévu d'affecter que 330 millions d'euros à la sécurité sociale car il existe d'autres organismes, hors champ de la sécurité sociale, bénéficiaires du rendement de cette mesure comme la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) ou le Fonds national d'aide au logement (FNAL). Le Gouvernement a néanmoins renoncé à une partie de ce dispositif, ce qui entraînera une perte de recettes de 200 millions d'euros sur les 600 millions prévus. Il devrait procéder par voie d'amendement pour réallouer les 400 millions de ressources nouvelles aux organismes de son choix. Je précise que mon exposé ne prend en compte que les dispositifs contenus dans le PLFSS initial.

En matière de recettes nouvelles, il faut également évoquer le transfert additionnel de TVA de l'Etat à hauteur de 3 milliards d'euros. Ce transfert est représentatif du rendement de la réforme du quotient familial, soit 1 milliard d'euros d'impôts supplémentaires qui devraient être in fine affectés à la branche famille, ainsi que de l'assujettissement à l'impôt sur le revenu des contributions patronales aux régimes de prévoyance santé d'entreprise pour 960 millions d'euros et, enfin, de la compensation à la branche famille de la baisse de cotisations patronales prévue afin de neutraliser l'effet de la hausse des cotisations vieillesse sur le coût du travail. La sécurité sociale bénéficiera, en outre, du transfert du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA) au FSV pour un montant estimé à 650 millions d'euros, de l'affectation de réserves dormantes de contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et d'autres ressources qui proviennent de la mobilisation de trésoreries excédentaires ou de ressources dormantes.

L'intégralité des 5,7 milliards d'euros de recettes nouvelles affectées à la sécurité sociale n'est donc pas le produit de prélèvements obligatoires nouveaux.

En matière de dépenses, l'effort devrait s'établir à hauteur de 3,2 milliards d'euros pour 2014. 2,4 milliards d'euros d'économies seront réalisées au titre de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM), fixé à 2,4 % cette année. Afin de montrer l'ampleur de l'effort réalisé, je rappellerai qu'historiquement, les dépenses d'assurance maladie augmentent de 4 % par an même si l'on constate depuis peu de temps une tendance au ralentissement de ces dépenses. 0,52 milliard d'euros d'économies concerneraient la branche vieillesse, en raison notamment du report de l'indexation des pensions du 1er avril au 1er octobre et 60 millions d'euros sur la branche famille. La branche AT-MP devrait en revanche voir ses dépenses s'accroître à hauteur de 120 millions d'euros en raison de l'augmentation de la dotation à destination du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA). Au total, ce sont donc plus de 3 milliards d'économies budgétaires qui figurent dans le présent PLFSS.

Pour la branche maladie, on observe que l'ONDAM est respecté depuis 2011. On note même une sous-exécution de l'ONDAM de 1 milliard d'euros en 2012 et de 500 millions d'euros en 2013. L'essentiel des économies par rapport à la prévision est réalisé au niveau des soins de ville. Pour 2014, l'objectif de progression est fixé à 2,4 % avec une progression de 2,4 % pour les soins de ville, 2,3 % pour les établissements de santé, 3 % pour les établissements et services médico-sociaux. Un sous-objectif de l'ONDAM « Fonds d'intervention régionale » a été institué cette année. Il retracera les dépenses des agences régionales de santé (ARS) et permettra au Parlement de mieux suivre l'utilisation des dotations qui leur sont allouées.

Le montant de 2,4 milliards d'économies prévues pour l'assurance maladie en 2014 résulte de la baisse des tarifs des professionnels libéraux, des actions de maîtrise médicalisée des dépenses, de l'effort réalisé sur le prix des médicaments, sur les dispositifs médicaux, et d'un certain nombre de mesures qui concernent l'hôpital avec notamment la rationalisation de leur politique d'achat. Pour l'essentiel ; les économies réalisées concernent les soins de ville pour 1,8 milliard d'euros et l'hôpital pour 600 millions d'euros.

L'amélioration du solde de la branche vieillesse s'élèverait en 2014 à 2,5 milliards d'euros, en raison notamment de la hausse des cotisations d'assurance vieillesse, du report de la date de revalorisation des pensions et d'effets « transferts » chômage et maladie qui correspondent à des transferts techniques entre les régimes de retraite et le FSV.

Pour la branche AT-MP, il faut se réjouir du retour à un solde excédentaire en 2013 et 2014. Cette situation s'explique par la logique assurantielle du système.

Le solde de la branche famille devrait s'améliorer de 1 milliard d'euros, ce qui correspond au montant de l'affectation du produit de la réforme du plafonnement du quotient familial. Les économies principales sont réalisées dans le secteur des aides à l'enfance et de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE). A l'inverse, il faut noter deux mesures de dépenses nouvelles en faveur des familles nombreuses, avec la majoration de 50 % du complément familial (CF), et des familles monoparentales avec la majoration de l'allocation de soutien familial (ASF) pour un montant total de 110 millions d'euros.

Je finirai mon exposé par une présentation de la trajectoire pluriannuelle de rééquilibrage des comptes sociaux de 2013 à 2017. La branche vieillesse, en particulier pour le régime général, serait à l'équilibre à l'horizon 2016-2017. Au total, le déficit des différents régimes de base de la sécurité sociale et du FSV diminuerait sensiblement pour s'établir à 5,3 milliards d'euros en 2017.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je remercie le rapporteur pour avis d'avoir tracé cette perspective. C'est extrêmement utile puisque l'on s'aperçoit que le déficit de la sécurité sociale, tous régimes confondus, se situait à 30 milliards d'euros en 2010 et devrait atteindre 5 milliards d'euros en 2017. Il faut se réjouir de cette diminution de 25 milliards d'euros du déficit social, d'autant plus que ces efforts seraient réalisés en très peu de temps compte tenu de la rigidité des systèmes. J'ai une question concernant la notion de déficit tendanciel. Vous indiquez, pour le régime général, un déficit tendanciel de près de 18 milliards d'euros. Comment le rapproche-t-on du solde prévisionnel qui s'établirait en 2013, pour le même régime général, à 13,5 milliards d'euros ? S'agissant des ressources nouvelles pour la sécurité sociale en 2014, avez-vous intégré les recettes attendues sur les produits de placement ? L'estimation retenue résulte-t-elle des mesures telles qu'adoptées par l'Assemblée nationale ? Enfin, pourriez-vous m'indiquer si le PLFSS pour 2014 contient les mesures de compensation de la hausse des cotisations patronales vieillesse annoncées lors de la réforme des retraites et qui devraient se traduire par une baisse des cotisations famille pour les entreprises ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Aura-t-on prochainement dans le PLFSS une présentation des soldes structurel et conjoncturel ? Les hypothèses retenues dans le scénario économique 2013-2017 me paraissent optimistes. Vous semble-t-il crédible que la masse salariale privée augmente autant à partir de 2014 et surtout de 4 % en 2016 et 2017 ? A-t-on connu récemment de telles augmentations de la masse salariale, de l'ordre de 4 % ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je peux d'ores et déjà vous répondre sur ce point puisqu'en 2011, la masse salariale privée a progressé de 3,6 % par rapport à 2010 pour une croissance du PIB de 2 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Cela suppose tout de même une inversion de la courbe du chômage. Je ne comprends pas non plus la diminution à partir de 2014 de l'écart de production en pourcentage du PIB potentiel qui figure dans votre présentation. Enfin, je trouve regrettable que l'on augmente les impôts des familles ; la baisse du plafonnement du quotient familial représente 1 milliard d'euros supplémentaires à leur charge.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Peut-on disposer d'éléments budgétaires régime par régime ? Par exemple, le régime de la SNCF. Cela serait intéressant d'obtenir des informations sur le montant de la compensation que verse l'Etat au titre des cotisations vieillesse aux différents régimes. La question de la compensation démographique régime par régime est intéressante et mérite d'être soulevée.

Debut de section - PermalienPhoto de Edmond Hervé

Je souhaiterais faire trois observations. Premièrement, 30 % des ressources de la sécurité sociale sont des ressources fiscales. Par conséquent, le lien que le Président Philippe Marini établit entre le projet de loi de finances (PLF) pour 2014 et le PLFSS pour 2014 est évident et tout à fait logique. En deuxième lieu, je suis très content d'observer une évolution dans le corps médical. Il y a quinze ou vingt ans, le corps médical privé ne comptait que sur la rémunération à l'acte. Je suis heureux de constater qu'une certaine distance ait été prise par ce corps médical et que des formes de rémunération forfaitaire soient acceptées aujourd'hui. Je plaide depuis toujours pour la reconnaissance d'un temps médico-social qui présente des avantages sur le plan technique comme financier. Enfin, nous sommes tous soucieux de la maîtrise des dépenses. Je n'ai jamais compris la création des ARS. Nous avions des Directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS) qui fonctionnaient très bien. Nous devons être attentifs aux dépenses des ARS, en particulier en ce qui concerne les rémunérations de certains personnels de direction.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

On peut saluer la trajectoire vertueuse de redressement des comptes de la sécurité sociale. J'aimerai poser une question relative aux économies réalisées dans le secteur hospitalier. Je souhaiterais que l'on puisse évoquer la rémunération des hôpitaux au regard de la tarification à l'activité (T2A). On a vu les limites de cet exercice, notamment pour les hôpitaux isolés qui, pour assurer leurs missions de service public, doivent bénéficier d'une autre forme de rémunération. Il semblerait que figure dans le présent PLFSS une nouvelle dotation qui permette une plus juste rémunération pour ces hôpitaux. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet et plus précisément quel pourrait être le poids de cette dotation au regard de la T2A ? J'ai une seconde question relative aux emplois service. Le montant des recettes issues du remboursement de l'État pour la baisse des charges liées à ces emplois service est-il stabilisé cette année ? Un bilan est-il disponible pour l'année 2013 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

À l'article 63 est prévu le transfert de la responsabilité du recouvrement des créances de sécurité sociale entre États du Centre des liaisons européennes et internationales (CLEISS) à la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAMTS). Je n'ai pas d'opinion de fond sur l'opportunité de ce transfert. En revanche, je m'inquiète des conséquences de cette mesure pour le CLEISS. Il s'agit en effet d'un petit organisme très utile puisqu'il a notamment pour fonction de fournir des renseignements en matière d'application des règlements de sécurité sociale à l'étranger. Nous ne voudrions pas, nous, représentants des Français de l'étranger qui nous référons souvent au CLEISS, que ce guichet de renseignements disparaisse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

En réponse à Philippe Marini, la notion de « tendanciel » est construite par définition sur le principe de la non-comptabilisation des mesures nouvelles. Le déficit tendanciel du régime général ne prend pas en compte, par conséquent, les recettes liées à la hausse des cotisations vieillesse mais intègre les évolutions tendancielles constatées historiquement comme l'évolution des dépenses « maladie ». Pour le régime général, on observe ainsi une amélioration du solde tendanciel 2013 de près de 8 milliards d'euros après mesures.

La taxation des produits de placement devait initialement procurer un gain estimé à 600 millions d'euros. Seuls 330 millions d'euros étaient affectés à la sécurité sociale, le reliquat étant destiné à des organismes comme la CADES, pour 150 millions d'euros, ou le FNAL. L'abandon de la mesure concernant la taxation des PEL, CEL ou PEA annoncé par le Gouvernement entraînerait la diminution du produit de cette mesure qui se situerait dès lors à hauteur de 400 millions d'euros. Il appartient au Gouvernement de déterminer s'il envisage de maintenir l'affectation d'un montant de 330 millions d'euros à la sécurité sociale ou de diminuer le montant du produit de la mesure affecté à chaque bénéficiaire à due proportion. D'après nos informations, cette décision n'est pas encore prise.

La compensation par l'État de la baisse des cotisations patronales famille - qui a été décidée pour neutraliser les effets de la hausse des cotisations patronales vieillesse - s'effectue par l'intermédiaire de l'affectation d'une fraction de TVA au régime général de la sécurité sociale. La CNAF obtient à ce titre 1,16 milliard d'euros dans le cadre du présent PLFSS.

Pour répondre à Vincent Delahaye, je tiens à préciser qu'il est parfaitement possible de calculer les soldes structurel et conjoncturel pour les régimes de base de la sécurité sociale. Le rapporteur général a indiqué précédemment que le solde structurel connaîtrait une amélioration de 0,9 point de PIB par rapport à 2013. Les organismes de sécurité sociale y contribueront entre 0,3 et 0,4 point. En matière d'écarts de production en pourcentage du PIB potentiel, je me permets de préciser qu'il s'agit d'écarts cumulés et que, par conséquent, les prévisions en la matière pour les années à venir reposent essentiellement sur les hypothèses d'évolution du PIB potentiel.

Jean-Paul Émorine, je ne peux malheureusement pas répondre à votre interrogation car elle concerne des régimes hors du champ de la sécurité sociale. Je me permets de vous renvoyer au rapporteur spécial de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions » dont relève, par exemple, le régime de la SNCF.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Ne peut-on pas disposer néanmoins de données relatives à la compensation démographique versée pour le régime agricole ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Nous pourrons bien évidemment vous communiquer les informations qui concernent la Mutualité sociale agricole (MSA).

Enfin, s'agissant des emplois service, je me permettrai, Pierre Jarlier, de vous communiquer une réponse ultérieurement, car je ne dispose pas de tous les éléments de réponse pour le moment. En ce qui concerne la T2A, nous disposons malheureusement d'informations lacunaires. En 2013, le PLFSS avait supprimé la convergence tarifaire. Une amélioration de cette tarification serait en cours avec la prise en compte notamment de la spécificité des établissements hospitaliers qui seraient isolés. Cette réflexion s'intègre dans la Stratégie nationale de santé et se traduirait cette année par des expérimentations qui pourraient se généraliser si elles s'avéraient concluantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je remercie Jean-Pierre Caffet, qui préconise que nous donnions un avis favorable au présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.

La commission émet un avis favorable à l'adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.

La commission procède ensuite à l'examen MM. Richard Yung et Roland du Luart, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Action extérieure de l'Etat » et entend une communication sur leurs contrôles budgétaires relatifs aux modalités de recrutement et conditions d'exercice des enseignants à l'étranger, et aux projets de regroupement immobilier des représentations diplomatiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

2014 sera une année de réduction de crédits pour de nombreuses missions. La mission « Action extérieure de l'Etat » ne fait pas exception

Le budget global de la mission, de l'ordre de 3 milliards d'euros, est en baisse de 0,7 %, à périmètre constant et en euros courants. Les crédits sont ainsi légèrement inférieurs à l'annuité 2014 prévue par la dernière loi de programmation des finances publiques.

Les emplois diminuent également, d'environ 2 %, avec une perte de 290 équivalents temps plein (ETP) pour un plafond de 14 505 ETP en 2014.

Le ministère des affaires étrangères (MAE) a donc dû faire des choix, qu'on imagine parfois difficiles, en préparant ce budget et ce sont ces arbitrages que je me propose de mettre en lumière pour deux des trois programmes de la mission (tandis que Roland du Luart nous présentera le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde »).

Tout d'abord, les crédits du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » augmentent de 5 % par rapport à 2013, en net contraste avec les deux autres programmes.

Certes, une partie de l'augmentation est « subie » par le MAE : d'une part, sur ce programme comme ailleurs, les charges de personnel augmentent alors même que les effectifs diminuent, sous l'effet de facteurs inflationnistes propres aux personnels basés à l'étranger ; d'autre part, 2014 sera une année électorale et 6 millions d'euros seront budgétés à ce titre (4 millions pour les élections à l'Assemblée des Français de l'étranger et 2 millions pour les élections européennes).

Mais deux véritables choix du Gouvernement sont à souligner - et même, de mon point de vue à saluer.

Je pense à la préservation des crédits d'aide sociale à destination de nos compatriotes établis hors de France. La ligne budgétaire correspondante (19,8 millions d'euros) est intégralement maintenue dans ce projet de loi de finances.

Je pense surtout à l'aide à la scolarité des élèves français étudiant dans des établissements français du premier ou du second degré situés à l'étranger. Vous vous souvenez probablement des débats que nous avons eus pendant plusieurs années autour de l'ancienne prise en charge des frais de scolarité (PEC) des lycéens. Quand l'actuel Gouvernement a décidé la suppression de la PEC, dans le cadre du collectif budgétaire de l'été 2012, il a promis d'étendre les bourses scolaires à caractère social dans le but de « rattraper » budgétairement la fin de la prise en charge entre 2013 et 2015. Aujourd'hui, je suis heureux de constater que, même dans un contexte budgétaire difficile, le Gouvernement tient son engagement : les crédits affectés aux bourses progresseront ainsi sensiblement, passant de 110,3 millions d'euros à 118,8 millions.

Pour ce qui concerne le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence », la baisse des crédits s'élève à 3 %.

Cela peut se comprendre, dès lors qu'une large part des crédits est destinée à des opérateurs de l'Etat, lesquels sont désormais invités à participer aux nécessaires efforts financiers à fournir. L'Institut français, Campus France et l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) verront donc chacun leurs crédits diminuer en 2014.

Un simple mot sur l'AEFE, dont les crédits diminueront de 8,5 millions d'euros pour s'établir à 420 millions d'euros : le Gouvernement m'a indiqué que l'essentiel de la baisse sera, en fait, « absorbée » par la stabilisation du taux de cotisation patronale au CAS pensions - alors qu'une augmentation de 1,34 % était initialement programmée. Je prends acte de ces explications. Pour autant, il me semble important de préserver pleinement les moyens d'action de l'AEFE, en cohérence avec la priorité donnée par le Président de la République à l'éducation et à la jeunesse. Un volet de l'amendement que je vous présenterai tout à l'heure a pour objet de marquer symboliquement cette préoccupation.

Ces considérations m'amènent à évoquer mes travaux de contrôle, qui ont justement porté sur les conditions de recrutement et d'emploi des enseignants français à l'étranger.

Le décret du 4 janvier 2002 prévoit deux catégories de fonctionnaires détachés au sein des établissements d'enseignement français à l'étranger :

- d'une part, les personnels expatriés, au nombre de 1 126 au 31 décembre 2012, qui sont recrutés par un contrat d'une durée de trois ans, renouvelable expressément deux fois pour une durée d'un an. Ces postes sont avant tout destinés aux missions d'encadrement, de formation et de contrôle. Une lettre de mission est jointe à leur contrat. Outre leur rémunération indiciaire, les personnels concernés perçoivent une prime d'expatriation ;

- d'autre part, les personnels résidents. Au nombre de 5 372 fin 2012, ils sont censés être « établis dans le pays depuis trois mois au moins à la date d'effet du contrat ». Sont également considérés comme résidents les fonctionnaires qui, pour suivre leur conjoint expatrié, résident dans le pays d'exercice ou de résidence de ce conjoint. Les résidents perçoivent, outre leur rémunération indiciaire, une indemnité spécifique de vie locale (ISVL) en fonction du pays où ils exercent ainsi qu'un avantage familial. Les contrats, d'une durée de trois ans, sont renouvelables tacitement sans limitation dans le temps. Cela est regrettable car des enseignants qui ne rentrent pas ne peuvent faire profiter l'éducation nationale de leur expérience et, comme nous le verrons, cela n'incite pas tous les recteurs à se montrer à autoriser les détachements demandés.

Si, globalement, le système fonctionne correctement (ce que montre l'attractivité de notre réseau d'établissements), mon attention a été attirée sur plusieurs types de problèmes.

Des problèmes d'effectifs : le nombre d'élèves scolarisés à l'étranger, parmi lesquels on compte environ 60 % de non-Français bien utiles pour le financement des établissements et pour l'influence de notre pays, croît. Par exemple, à la rentrée 2011, une progression de 3,8 % du nombre d'élèves a été enregistrée. Or le plafond d'emplois de l'AEFE n'augmente pas, ce qui pourrait, à terme, créer des tensions.

Des problèmes de recrutement : il ressort des auditions que j'ai menées que, quelle que soit la nature des postes visés (expatriés ou résidents), les recteurs, qui ne sont pas partie prenante du processus de sélection, disposent en pratique d'un droit de veto sur le détachement envisagé. Or ces refus deviendraient plus fréquents, notamment dans certaines académies qui connaissent elles-mêmes des tensions en termes d'effectifs, surtout dans les disciplines scientifiques.

Des problèmes liés à la répartition des effectifs : la proportion de personnels détachés dans le corps enseignant est très variable d'un établissement à l'autre, allant de moins de 10 % à plus de 80 %. De plus, la situation actuelle est bien davantage le reflet de situations « historiques » que liée aux réels besoins de chaque établissement. Si les écarts devaient se maintenir ou se creuser, l'image du réseau pourrait en être affectée.

Enfin, des organisations représentatives du personnel soulignent certaines difficultés statutaires, concernant, en particulier, le vide juridique dans lequel les futurs résidents se trouvent pendant les trois mois au cours desquels ils ne peuvent justement pas être considérés comme résidents, ou encore la situation de certains conjoints de résidents qui souhaiteraient eux-mêmes bénéficier de ce statut.

Face à cela, plusieurs types de solutions peuvent être envisagés.

Tout d'abord, il me semblerait équitable que l'AEFE soit pleinement incluse dans la priorité donnée à l'éducation nationale par le Gouvernement. Je vous rappelle, à cet égard, que la première mission que l'article L. 452-2 du code de l'éducation assigne à l'AEFE est « d'assurer, en faveur des enfants français établis hors de France, les missions de service public relatives à l'éducation ». Dès lors il n'y a pas de raison d'exclure l'agence du périmètre de la création de 60 000 emplois dans l'enseignement sur la durée de la législature fixée la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République. La création de 100 à 150 postes par an d'ici à 2017 correspondrait à la « quote-part » de l'AEFE au sein du système éducatif et permettrait de répondre aux besoins.

Pour autant, un accroissement des emplois devrait être envisagé dans un cadre pleinement optimisé. A cet égard, il est indispensable d'introduire de la souplesse au sein du système, la direction de l'AEFE devant être capable de répartir les effectifs sous statut en fonction des besoins. Cela n'est pas facile et nécessitera une forte volonté politique.

S'agissant des vetos opposés par certains recteurs à des détachements, je considère qu'ils peuvent se comprendre dès lors qu'un départ sous statut de résident se traduit par un départ éventuellement définitif de la personne détachée. Afin de remédier à cela, une piste pourrait être la limitation du nombre de renouvellement des contrats de résidents, au moins pour les contrats futurs. Accessoirement, une meilleure connaissance mutuelle de deux univers qui s'ignorent trop souvent pourrait passer par des opérations de type « jumelage » entre les établissements d'un pays et une académie.

Enfin, à plus long terme, au sujet des statuts, la piste de l'élaboration d'un statut unique ou au moins d'un rapprochement des statuts pourrait être avancée, d'autant que la différence entre expatriés et résidents est souvent assez artificielle.

A l'issue de cet examen et de cette communication, et avant que Roland du Luart n'évoque le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat », modifiés par un amendement co-signé des deux rapporteurs et que je vous présenterai tout à l'heure de manière plus détaillée.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Les crédits du programme 105 diminuent de 1 % à périmètre constant.

Néanmoins, cette diminution a été favorisée par la baisse tout à fait notable des contributions internationales de la France : les crédits alloués au MAE à cet effet seront en retrait de 42,5 millions d'euros par rapport à 2013. Dans ce total, ce sont les opérations de maintien de la paix (OMP) qui évoluent le plus favorablement (- 26,5 millions d'euros) mais l'ensemble des contributions du système des Nations Unies diminueront.

A ce stade, je n'ai pas d'observation particulière à formuler quant à la sincérité de cette ligne, qui est une dépense « de constatation ». Nous devrons néanmoins nous montrer très attentifs sur son exécution, tant il serait dommageable d'en revenir à la pratique passée de sous-budgétisation délibérée des contributions qu'Adrien Gouteyron avait si souvent dénoncée.

En termes de choix opéré par le Gouvernement, la priorité du programme concerne la sécurisation des postes situés à l'étranger.

Cette priorité trouve une traduction concrète dans ce budget, avec une augmentation de plus de 10 millions d'euros de cette ligne, qui passe de 31,1 millions d'euros à 41,8 millions. De plus, hors budget, ces dépenses de sécurisation bénéficieront de l'apport de 10 autres millions d'euros en provenance du compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », qui porte le produit des cessions effectuées par le MAE à l'étranger.

Je ne peux, bien sûr, qu'approuver cette orientation, tant les tensions se sont accrues dans certaines parties du monde et tant l'actualité a montré, ces dernières années, que des ambassades ou des consulats pouvaient être la cible d'opérations terroristes.

Quant au fait de solliciter le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » à cet effet pour 10 millions d'euros, je n'ai pas d'opposition particulière à formuler, la dépense n'étant pas sans relation avec l'objet du CAS dont je rappelle qu'il finance les acquisitions mais aussi, en grande partie, l'entretien immobilier lourd du MAE à l'étranger.

En revanche, je suis beaucoup plus réservé sur la ponction « exceptionnelle » de 22 millions d'euros que doit subir le CAS au titre du désendettement de l'Etat. Cette dernière dépense apparaît beaucoup plus discutable au vu des réels besoins d'entretien du propriétaire que j'ai pu observer dans de nombreux postes diplomatiques ou consulaires. A cet égard, je voudrais juste rappeler que, jusqu'à fin 2014, les immeubles situés à l'étranger font exception au principe d'affectation de 30 % du produit des cessions au désendettement. Néanmoins, les lois de finances successives ont largement utilisé ce « privilège » du MAE afin de réduire, voire parfois d'annuler purement et simplement, les crédits budgétaires dévolus à l'entretien du propriétaire de ses immeubles de l'étranger. Ainsi, pour 2014, seuls 2,2 millions d'euros seront affectés à cet usage, alors que le besoin annuel est de l'ordre de 12 millions d'euros.

De ce point de vue, la « contribution exceptionnelle » de 2014 constitue une entorse au contrat.

Mais, au-delà de l'enjeu immédiat, la véritable question est celle de l'avenir de ce système après 2014. Pour ma part, je serai très attentif au caractère réaliste de la solution pérenne qui devra être trouvée d'ici un an, tant il serait de courte vue de réaliser des « économies » qui se traduiront, à plus ou moins long terme, par une dévalorisation du patrimoine de l'Etat. Est-il ainsi normal que, faute de réfection de la toiture, il pleuve dans la villa Bonaparte, à Rome, qui abrite notre ambassade près le Saint-Siège ?

À titre beaucoup plus ponctuel, je tiens à me féliciter du déblocage du dossier des locaux des anciennes archives du Quai d'Orsay, vides depuis plusieurs années, dont je vous avais parlé l'année dernière. Selon les informations transmises par le MAE, ce ministère devrait bénéficier d'un financement de 24 millions d'euros sur les 30 millions nécessaires à l'importante opération de réaménagement qui s'impose. Le solde devrait être obtenu, notamment, au moyen de la cession de deux immeubles en France, pour lesquels le MAE devrait bénéficier de la totalité du produit.

Je vais à présent vous faire une brève restitution de mes travaux de contrôle, qui ont porté sur les possibilités d'optimisation du parc immobilier national dans les villes où nous disposons de plusieurs représentations.

Ces travaux m'ont conduit à Rome et à Bruxelles.

Le rapport écrit expose, de manière synthétique, le patrimoine immobilier de l'Etat dans ces deux villes. La richesse et la diversité de ce patrimoine à Rome apparaît bien, entre le palais Farnese, où se situe l'ambassade près la République italienne, où l'Etat dispose d'un bail emphytéotique jusqu'en 2035, à la grande satisfaction des autorités italiennes, la villa Bonaparte, où est logée notre ambassade près le Saint-Siège, dont la République est propriétaire et les locaux de la représentation permanente auprès de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (OAA, en anglais FAO), dont nous sommes locataires.

Il détaille également le patrimoine bruxellois, assez riche lui aussi puisque la France est représentée à Bruxelles par pas moins de quatre ambassadeurs ou représentants permanents. La chancellerie bilatérale, la résidence de l'ambassadeur et le consulat général forment un ensemble d'un seul tenant dont la République est propriétaire - sans en avoir pourtant la pleine jouissance, la cession de l'immeuble semblant proscrite car il a été légué à la France sous condition qu'elle y situe son ambassade auprès du roi des Belges. La représentation auprès des différentes instances communautaires forme un autre bloc dont la République est également propriétaire. Les deux représentations permanentes y sont logées. S'agissant des résidences des représentants permanents, il s'agit d'appartements loués par la France. La représentation auprès de l'OTAN forme un univers à part, d'ailleurs éclaté. La représentation permanente a ses bureaux au sein même du siège de l'Alliance, alors que l'ambassadeur est logé dans une vaste maison possédée par le MAE mais qui se situe à environ une heure de route de la représentation.

Lors de mes déplacements, j'ai constaté un véritable souci d'optimisation de ces importants parcs immobiliers.

Cela se retrouve tout d'abord dans les organigrammes des représentations. Ainsi, à Bruxelles comme à Rome, un service commun de gestion a été créé. Dans un cas comme dans l'autre, ces services, qui dépendent formellement de l'ambassadeur bilatéral mais servent l'ensemble des représentations, ont compétence dans la gestion de la totalité du parc immobilier de la ville, et même du pays où ils sont implantés. Ils agissent, de ce point de vue, en liaison avec la direction des immeubles et de la logistique du MAE.

Il s'agit d'un point fondamental car seule une telle organisation offre la vision globale qui permet d'entrer dans de réelles démarches d'optimisation et de mutualisation.

En outre, d'importantes opérations ont été menées ou sont en cours. Je me limiterai à l'exemple de la Belgique, où on relève :

- la vente récente des deux consulats généraux à Liège et à Anvers afin de regrouper l'ensemble des services au seul consulat général à Bruxelles ;

- la cession en cours de la résidence du représentant permanent auprès de l'OTAN. Celui-ci sera relogé dans une résidence moins grande et moins onéreuse, par ailleurs plus près du siège de l'OTAN. Mais il pourra, lorsque cela sera nécessaire, utiliser les capacités de réception de la résidence de l'ambassade bilatérale ;

- la fin de la location d'une résidence pour le représentant permanent adjoint auprès de l'Union européenne. Celui-ci peut utiliser les capacités de la représentation permanente elle-même.

Pour autant, des marges de progression demeurent.

D'une part, paradoxalement et sauf exception, les pays dans lesquels sont situés les villes où la France dispose de plusieurs représentations ne font pas l'objet d'un schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI). Il me semble au contraire nécessaire que les SPSI du ministère des affaires étrangères concernent prioritairement ces pays, à commencer par l'Italie, où les immeubles dont dispose la France sont d'une particulière importance. Ces schémas devront bien entendu aborder toutes les questions sans tabou afin d'être pleinement efficaces. Pour en revenir à l'exemple de Rome, il conviendra de se demander s'il est bien raisonnable qu'un tiers du Palais Farnese soit occupé par une bibliothèque, celle de l'Ecole française de Rome, alors que certains services sont excentrées ou même que la représentation permanente auprès de l'OAA pourrait aisément y trouver sa place - d'autant que l'Ecole française de Rome a eu récemment les moyens d'acquérir des locaux relativement vastes situés piazza Navona pour plus de 5,5 millions d'euros sans qu'au demeurant on puisse y faire venir des livres. On y loge donc plutôt des chercheurs pour un prix modique. La bibliothèque de cet établissement serait sans doute plus à sa place au sein de la Villa Médicis, endroit de prestige au sein duquel des espaces sont encore disponibles.

D'autre part, j'ai pu constater que, dans certains endroits, notamment à Bruxelles, des projets immobiliers tout à fait pertinents sont arrêtés au milieu du gué. C'est ainsi que la rénovation de la résidence de l'ambassadeur de France en Belgique n'a pas concerné le dernier étage, où l'eau de pluie s'écoule en certains endroits, rendant les lieux impropres à accueillir des personnalités en visite sur place ainsi que leurs collaborateurs. Ce n'est pas de la bonne gestion. En outre, faute de disponibilité d'un budget d'environ 28 000 euros, le consulat général à Bruxelles, qui est l'un des plus importants du monde, n'a pas deux sas séparés pour les entrées et les sorties, ce qui pose d'évidents problèmes en termes d'accueil du public et de sécurité.

Il m'apparaît tout à fait dommageable de ne pas octroyer aux postes concernés les moyens financiers permettant d'achever ce genre d'opérations. Cela renforce mes interrogations sur l'opportunité de ponctionner le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » de 22 millions d'euros alors même que les besoins de base du ministère ne peuvent être satisfaits en certains endroits.

Sous le bénéfice de ces observations, à l'issue de cet examen, je ne m'opposerai pas à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat » car le MAE a donné des signaux de rigueur budgétaire. En outre, je soutiendrai l'adoption de l'amendement que Richard Yung nous présentera et que j'ai co-signé car j'approuve son action relative aux ambassadeurs thématiques.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je n'ai rien à ajouter à la très bonne présentation du budget de cette mission par les rapporteurs spéciaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Je suis inquiet pour ce qui concerne la sécurité de nos postes à l'étranger. J'avais ainsi exprimé des craintes s'agissant de notre ambassade à Tripoli, qui a, depuis lors, été la cible d'un grave attentat en avril dernier. Il est du devoir de la France d'assurer la sécurité des personnels qu'elle envoie la représenter partout dans le monde.

Debut de section - PermalienPhoto de François Trucy

Les années passent mais les documents budgétaires restent difficiles à lire... Je voudrais simplement revenir sur le sujet des ambassades européennes. Nous avions imaginé qu'au fil du temps, des représentations de l'Union pourraient parfois se substituer à celles de pays membres. Or ce sujet n'avance visiblement pas. Que peuvent dire les rapporteurs spéciaux là-dessus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

J'approuve, moi aussi, l'augmentation des crédits destinés à la sécurisation de nos postes.

Sur la question immobilière en général, je me souviens avoir entendu Yves Saint-Geours, directeur général de l'administration et de la modernisation du ministère des affaires étrangères, se réjouir de certaines belles opérations de cession passées lors de son audition par notre commission, le 5 juin dernier. Mais si le produit de ces cessions n'est pas utilisé convenablement, c'est-à-dire à l'achat de nouveaux biens ou à la rénovation de notre parc, je pense que nous menons une politique à courte vue.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Pour revenir sur le sujet des ambassadeurs, j'ai rencontré, lors d'un déplacement à Ouagadougou avec l'Assemblée parlementaire de la francophonie (APF) notre ambassadeur bilatéral, ce qui est normal, mais aussi un représentant de l'Union européenne également francophone et un « ambassadeur délégué pour le Sahel ». Je me demande si cela ne fait pas un peu trop.

Monsieur Yung, vous avez évoqué l'AEFE, mais vous n'avez pas parlé du centre national d'enseignement à distance (CNED), dont les services sont pourtant utilisés par de nombreux jeunes à l'étranger. Il s'agit vraiment d'un bel outil.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je prends acte de la réduction des crédits de la mission. Pour autant, nous n'avons pas de vision d'une véritable réforme des implantations par le ministère des affaires étrangères.

Par ailleurs, je rejoins François Trucy dans sa critique des documents budgétaires, que je trouve, moi aussi, difficiles à lire. Ne pourrait-on avoir un tableau dressant la liste des postes et mettant, en face de chacun d'eux, ses emplois, ses moyens immobiliers, son budget, etc. ?

A propos de l'immobilier, là encore, je trouve qu'une réflexion d'ensemble fait défaut. De plus, Monsieur du Luart, je suis surpris du montant des travaux que vous avez annoncés pour la rénovation de l'ancien local des archives du ministère.

Debut de section - PermalienPhoto de André Ferrand

Je rejoins sur de nombreux points les constats formulés par les rapporteurs spéciaux, qu'il s'agisse de l'immobilier à Bruxelles ou des enseignants à l'étranger. Richard Yung a raison d'insister sur les difficultés de recrutement de l'AEFE et sur la nécessité d'assouplir son plafond d'emplois. Il n'y a pas de raisons pour que l'enseignement français à l'étranger n'entre pas dans le plan de création de 60 000 postes au cours du quinquennat. Je m'interroge simplement sur le statut des personnels embauchés dans le réseau de la mission laïque française (MLF), opérateur privé qui oeuvre également en matière d'enseignement hors de France.

D'autre part, quand j'observe que, d'un côté, on augmente de 8,5 millions d'euros les bourses scolaires mais qu'en parallèle, on diminue de la même somme les crédits budgétaires de l'AEFE, je me dis que la hausse des bourses n'est qu'un trompe-l'oeil et que la suppression de la PEC sera financée, en réalité, par les familles.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

J'ai apprécié la présentation des rapporteurs. Néanmoins, je suis frustré quand j'entends qu'une partie significative de la baisse des crédits de 2014 viendra de la diminution des contributions internationales. Dès lors, le MAE n'aurait-il pas pu aller plus loin dans ses efforts ?

Pour ma part, je soutiens l'abondement de 22 millions du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » au désendettement en me disant que, de toute façon, en cas de nécessité absolue, les crédits d'Etat ne feront pas défaut.

D'ailleurs, quand j'entends Roland du Luart décrire l'état de certains postes, je me demande si, à Bruxelles par exemple, nous ne ferions pas mieux d'avoir une belle ambassade plutôt que trois postes en mauvais état. Comment font nos voisins ?

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Une seule question, portant sur les représentants spéciaux mandatés par le ministre pour développer nos relations économiques avec certains pays. Comment fonctionne ce système ? Les missions de certains services du MAE ne font-elles pas doublon avec celles d'Ubifrance, au risque que les uns et les autres se marchent sur les pieds ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je relève que, dans la note de présentation, Richard Yung évoque l'hypothèse d'utiliser des directeurs d'Ubifrance comme consuls honoraires.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Le problème de fond qui affleure sous les questions d'un grand nombre d'intervenants est celle de l'universalité du réseau. Vous savez que celui-ci est vaste : 163 ambassades bilatérales et 16 représentations permanentes. Le choix du ministre Laurent Fabius est de conserver ce système, quitte à réduire sensiblement le format de certains postes, les « postes de présence diplomatique ». J'avoue avoir moi-même évolué sur cette question : mieux vaut sans doute être présents, fût-ce de manière légère, plutôt qu'être absents.

S'agissant de l'ancien local des archives, la somme de 30 millions d'euros peut impressionner mais les travaux à effectuer sont considérables. De plus, ils nécessitent l'intervention des architectes des bâtiments de France.

Sur le plan immobilier, le conseil de l'immobilier de l'État, au sein duquel je siège en compagnie d'Albéric de Montgolfier, voit passer les dossiers du ministère. Aujourd'hui, l'essentiel des « bijoux de famille » a été vendu, hormis la résidence de notre représentant auprès de l'Organisation des Nations Unies (ONU) à New-York.

Dans les villes où nous disposons de plusieurs postes, mes travaux m'ont montré qu'il est, en pratique, très compliqué de supprimer une ambassade. Nos voisins font d'ailleurs la même chose que nous, le Royaume-Uni ayant désormais, lui aussi, un poste dédié près le Saint-Siège.

Les « ambassadeurs économiques » sont encore relativement nouveaux et je ne connais pas en détail la manière dont ils travaillent.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Sur le réseau, je compléterai la réponse de Roland du Luart en incluant dans l'inventaire des postes nos 190 consulats ou consulats généraux ainsi que nos quelque 500 consuls honoraires. Je vous renvoie, sur ce sujet, aux conclusions du très bon rapport que la Cour des comptes a récemment publié.

Sur la sécurité, les 20 millions d'euros de cette année représentent déjà un effort conséquent. Il est vrai qu'un tel poste peut constituer un puits sans fond...

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

D'où mon regret réitéré de la ponction de 22 millions d'euros sur le CAS en faveur du désendettement...

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

A propos de la mutualisation de nos postes, c'est avant tout la résidence qui est concernée dans une ville où nous avons plusieurs représentations, et non l'ambassade. En revanche, un sujet sur lequel nous n'avançons pas, c'est bien celui de la mutualisation avec nos partenaires européens. Je plaide ainsi vainement depuis plusieurs années pour la création de bureaux communs d'octroi de visas Schengen, ce qui devrait être l'évidence, mais on trouve toujours d'excellentes raisons juridico-économico-diplomatiques pour ne rien faire.

Sur les ambassadeurs thématiques, vous verrez que je ne les choie pas particulièrement. Néanmoins, Monsieur Bourdin, je dois reconnaître que notre représentant sur le Sahel est réellement utile. D'autre part, nous ne pouvons que nous féliciter que le représentant de l'Union européenne à Ouagadougou soit francophone.

S'agissant du CNED, il a fait la preuve de son utilité, notamment auprès des élèves isolés n'ayant pas un établissement français près de chez eux. Mais le centre ne bénéficie pas de crédits de la mission et n'entre donc pas dans mon champ de compétence.

Pour ce qui concerne la MLF, les 562 titulaires de l'éducation nationale qu'elle emploie actuellement n'ont ni un statut d'expatrié ni un statut de résident au sens de ce mot dans le réseau de l'AEFE. Ces agents peuvent être soit détachés auprès de la MLF, qui les affecte ensuite dans les établissements, en particulier pour les postes au siège de la mission ou auprès d'établissements d'entreprises, soit détachés directement auprès des établissements. Cette dernière formule concerne les deux tiers des effectifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

J'ai moi-même pu voir les difficultés liées à des co-localisations de postes avec nos partenaires européens. Quand on construit un tel poste sur une parcelle vierge, comme au Koweït avec l'Allemagne, les choses peuvent bien se passer. Mais, au centre culturel de Ramallah, on peut observer les difficultés de gestion au jour le jour, la moquette propre du côté du pays où on a eu le budget et pas de l'autre, etc.

Merci, en tout cas, aux deux rapporteurs spéciaux pour leur présentation et leurs réponses. Avant que nous ne passions passer au vote sur les crédits la mission, Richard Yung pourrait nous présenter l'amendement dont il est le premier signataire et qui porte sur les ambassadeurs thématiques. Cher collègue, vos recommandations de l'année dernière ont-elles été prises en compte par le ministère des affaires étrangères ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Pas du tout, Monsieur le président. Je vous rappelle que nous avions souhaité une diminution du nombre d'ambassadeurs thématiques car, d'une part, le nombre de vingt-huit nous est apparu excessif et, d'autre part, les conditions de nomination de la majorité d'entre eux, parfois par simple note de service, nous ont semblé très discutables au regard des dispositions constitutionnelles qui imposent une nomination en Conseil des ministres. Or non seulement le ministère n'a pas fait le ménage mais il continue de créer de nouveaux postes - comme en matière sportive, par exemple.

Certes, mes travaux de l'an dernier ont montré que l'enjeu budgétaire est faible, seuls 750 000 euros étant affectés à ces ambassadeurs d'un genre particulier.

L'amendement est donc proportionné à cet enjeu et propose de réduire de 150 000 euros les crédits du programme « Action de la France en Europe et dans le monde » afin de manifester notre vigilance sur le sujet et afin d'éviter toute dérive future.

La somme correspondante pourra utilement abonder les crédits de l'AEFE, au sein du programme « Diplomatie culturelle et d'influence ».

La commission adopte l'amendement proposé par MM. Richard Yung et Roland du Luart, rapporteurs spéciaux puis décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat », ainsi modifiés.

Présidence de M. Marini, président, puis de Mme Frédérique Espagnac, vice-présidente -

Puis la commission procède à l'examen du rapport de M. François Rebsamen, rapporteur spécial, sur la mission « Égalité des territoires, logement et ville » et les articles 64 à 66.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Le budget de la mission « Égalité des territoires, logement et ville » pour 2014 s'élève à 8,256 milliards d'euros pour les autorisations d'engagement et 8,072 milliards d'euros pour les crédits de paiement, soit une augmentation respectivement de 2,4 % et 1 % par rapport à 2013.

Je souhaite, tout d'abord, partager un constat avec vous : le budget qui nous est proposé est à la hauteur de la politique volontariste engagée par le Gouvernement dans ce domaine.

L'essentiel des augmentations de crédits se concentre, en effet, sur les objectifs qu'il a prioritairement fixés pour faciliter l'accès au logement, améliorer l'habitat en favorisant la transition écologique et poursuivre le renouvellement de la politique de la ville destinée à assurer l'égalité des territoires.

Cet engagement se traduit notamment par des réformes législatives (en particulier le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové) et par le déploiement de moyens. Cela se traduit tout d'abord par le plan de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale adopté le 21 janvier 2013 qui trouve notamment sa concrétisation dans l'augmentation de 9 % des crédits du programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes défavorisées ». L'enveloppe allouée à ce secteur est ainsi réajustée aux besoins réellement constatés, comme c'est notre cas sur le terrain. Face aux situations d'urgence rencontrées et croissantes, 3 600 places d'hébergement d'urgence supplémentaires doivent être créées et 1 400 places d'hébergement d'urgence sous statut de centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) pérennisées.

La veille sociale, premier contact avec les personnes sans abri, voit également ses crédits augmenter de 3,3 % par rapport à 2013.

Ensuite, le plan d'investissement pour le logement, présenté le 21 mars 2013 par le Président de la République, rappelle que l'objectif reste la construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, ainsi que la rénovation énergétique de 120 000 logements sociaux.

Pour les aides à la pierre prévues au programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », les autorisations d'engagement restent ainsi fixées à 450 millions d'euros pour 2014 mais les crédits de paiement se limitent à 270 millions d'euros auxquels s'ajouteront 173 millions d'euros de fonds de concours issus du fonds de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS).

Selon les chiffres qui m'ont été fournis lors de mes auditions, 100 000 à 120 000 logements sociaux devraient effectivement être financés et programmés en 2013, hors activité de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

Comme vous le savez, le financement du logement locatif social est assuré très majoritairement par des ressources extra budgétaires. Action logement a ainsi souscrit un emprunt d'un milliard d'euros sur le fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations le 24 septembre dernier, afin de financer le logement locatif social à hauteur de 950 millions d'euros, conformément à la lettre d'engagement mutuel signé avec l'État.

Au total, 1,4 milliard d'euros seront ainsi consacrés au développement et à l'amélioration du logement social en 2014. Je rappelle à cette occasion, mes chers collègues, que la participation des collectivités territoriales ne doit pas non plus être négligée, beaucoup d'entre elles ayant été amenées à compenser, progressivement ces dernières années, la diminution des aides à la pierre versées par l'État. Par exemple, alors que, en 2000, la ville de Dijon recevait 10 millions d'euros d'aide à la pierre et que la commune n'apportait aucun financement, l'État ne verse aujourd'hui plus qu'un million d'euros d'aide à la pierre et la commune apporte 10 millions d'euros.

D'autres mesures du projet de loi de finances complètent ce dispositif visant à favoriser l'accès aux logements sociaux, en particulier l'application du taux réduit de TVA aux constructions et à la rénovation de logements sociaux ainsi que pour la rénovation thermique et le nouveau régime fiscal applicable à la construction de logement intermédiaire.

L'accès au logement des foyers les plus fragiles est également privilégié, avec la mise en place d'un dispositif spécifique pour les « logements très sociaux », appelés les « super PLAI », et financé par le Fonds national de développement d'une offre de logements locatifs très sociaux.

Les locataires de ces logements très sociaux bénéficieront d'un « coup de pouce » supplémentaire avec le doublement du forfait de charges dans le calcul de leur aide personnalisée au logement (APL), diminuant d'autant leur reste à charge. Nous y reviendrons lors de l'examen de l'article 64 rattaché à la mission et relatif aux aides personnelles au logement.

S'agissant des aides personnelles au logement, qui représentent la quasi-totalité des crédits du programme 109 « Aide à l'accès au logement » et près de 63 % des crédits de la mission, elles sont encore en hausse, compte tenu de la dégradation de la situation des foyers modestes, de l'augmentation du nombre de chômeurs et de la construction de logements locatifs sociaux.

Afin de la contenir, le Gouvernement propose de maintenir leur montant au niveau de 2013, sans appliquer l'indexation sur l'évolution de l'indice de référence des loyers. Cette décision permet une économie de 94 millions d'euros pour l'État qui finance pour partie l'aide personnalisée au logement (APL) et l'allocation de logement à caractère social (ALS). Encore une fois, nous aurons l'occasion d'en reparler lors de l'examen de l'article 64 du projet de loi qui prévoit cette désindexation.

En dépit de cette mesure, les aides prises en charge par le Fonds national d'aide au logement (FNAL) au titre de l'année 2014 s'élèveraient à 13,304 milliards d'euros, avec une subvention d'équilibre versée par l'État en hausse de 173 millions d'euros.

S'agissant de la politique de la ville qui fait l'objet du programme 147, la baisse des crédits constatés de 4,4 % s'explique essentiellement par la réduction des compensations de charges sociales dans les zones franches urbaines (ZFU).

Une partie des économies dégagées est toutefois employée pour la mise en place des « emplois francs », qui font l'objet d'une expérimentation depuis juillet 2013 et pour lesquels le Président de la République a fixé un objectif de 5 000 emplois en 2014. Je vous rappelle que ce dispositif vise à inciter les entreprises du secteur marchand à recruter des jeunes issus de zone urbaine sensible (ZUS). Pour chaque contrat à durée indéterminée à temps complet, l'employeur bénéficie ainsi d'une aide forfaitaire de 5 000 euros.

Le programme « adulte-relais » bénéficie également d'une hausse de ses crédits de 3,5 millions d'euros, avec un redéploiement du dispositif prévu sur les quartiers les plus prioritaires.

Mais surtout, la politique de la ville est en plein renouvellement, avec la fixation de grands axes de réforme par le Comité interministériel de la ville réuni le 19 février 2013 et leur consécration dans le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine que nous pourrions examiner au début de l'année prochaine.

En dehors de la fixation d'une nouvelle « géographie prioritaire resserrée et unique », cette réforme prévoit notamment un nouveau programme national de rénovation urbaine (PNRU), pour la période 2014-2024, qui se concentrera prioritairement sur les quartiers présentant les « dysfonctionnements urbains les plus importants ». L'ANRU devra engager 5 milliards d'euros pour ce nouveau programme, pour un financement total de 20 milliards d'euros avec les investissements des bailleurs sociaux et des collectivités territoriales.

Le projet de loi prévoit également de repousser à 2015 le terme du premier PNRU.

Le financement de l'ANRU doit donc rester au coeur de nos préoccupations alors que s'ouvre une nouvelle étape de la politique de la ville. La lettre d'engagement mutuel signée entre Action logement et l'État prévoit ainsi pour 2015 une contribution d'Action logement comprise entre 800 millions d'euros et 1,2 milliard d'euros, diminués de la participation des partenaires sociaux au FNAL équivalent à 150 millions d'euros.

Je noterai également que le 17 juillet 2013, le comité interministériel de l'action publique (CIMAP) a entériné la création d'un commissariat général à l'égalité des territoires qui sera mis en place au début de l'année 2014 et regroupera l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSé), le secrétariat général du Comité interministériel des villes (SG-CIV) ainsi que la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) dans un pôle spécifiquement dédié à la politique de la ville. La création de ce commissariat devrait entrainer des modifications dans la maquette budgétaire, comme cela s'est déjà produit en 2013.

Je finirai mon propos par un bref commentaire sur le programme 337 « conduite et pilotage des politiques de l'égalité des territoires, du logement et de la ville ». Ses crédits, consacrés à la gestion des personnels mettant principalement en oeuvre les programmes 135 et 109, s'élèvent à 804,6 millions d'euros, contre 816 millions d'euros en 2013. Le plafond d'autorisations d'emplois est fixé à 13 477 équivalents temps plein travaillés (ETPT), soit une baisse de 717 ETPT comparé à 2013.

Au total, le projet de budget de la mission reflète bien la volonté pour le Gouvernement de faire du logement une de ses priorités d'action. Je vous propose, en conséquence, d'adopter ces crédits.

Je poursuis mon intervention, en vous présentant les trois articles rattachés à la mission « Égalité des territoires, logement et ville ».

L'article 64, tout d'abord, qui prévoit à la fois :

- de maintenir en 2014 le montant des prestations servies au titre de l'aide personnalisée au logement (APL) et de l'allocation de logement à caractère social (ALS) au niveau de 2013 ;

- d'aider davantage les ménages à faibles ressources occupant des logements locatifs très sociaux, en offrant la possibilité d'adapter le forfait de charges compris dans les APL, l'objectif étant de le doubler.

Cet article participe à la maîtrise de la dépense publique tout en poursuivant l'action du Gouvernement en faveur des foyers les plus modestes.

Selon les prévisions du Gouvernement, la non-indexation de l'APL et de l'ALS en 2014 permet de dégager une économie totale de 177 millions d'euros, dont près de 94 millions d'euros pour l'État. Il convient également de préciser que l'article 59 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 prévoit la même mesure de désindexation pour l'allocation de logement à caractère familial (ALF).

Ensuite, l'article 66 tend à réduire le montant du prélèvement exceptionnel sur la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) au bénéfice du FNAL et à simplifier les modalités de versements du prélèvement.

Ainsi, la PEEC ne verserait plus que 300 millions d'euros en 2014 et 150 millions d'euros en 2015 au FNAL, au titre de sa participation exceptionnelle au financement des aides personnelles au logement, contre 400 millions d'euros actuellement prévu pour les trois années.

Enfin, l'article 66 a pour objet de supprimer l'assistance technique pour raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT), en conséquence d'une redéfinition de la mission d'assistance technique assurée auprès des petites communes et de leurs groupements.

Les communes et les groupements ayant bénéficié des services de l'ATESAT en 2013 pourraient toutefois continuer d'y recourir pour l'achèvement des opérations en cours qui le nécessiteraient, par signature d'une convention et au plus tard jusqu'au 31 décembre 2015.

Je préconise l'adoption sans modification des articles 65 et 66. En revanche, je souhaiterais que nous réservions notre position sur l'article 64 pour notre réunion du 21 novembre prochain, au cours de laquelle nous confirmerons nos positions et examinerons les modifications apportées au projet de loi de finances par l'Assemblée nationale postérieurement à notre examen des missions en commission.

En effet, le maintien pour 2014 des aides personnelles au logement au niveau de 2013 s'inscrit dans un effort de maîtrise des dépenses publiques louable alors que, mécaniquement, le coût de ces prestations continuent d'augmenter.

En outre, il nous est indiqué que cette décision devrait présenter un impact limité sur le pouvoir d'achat des ménages concernés, compte tenu notamment du niveau relativement faible du taux d'inflation prévu pour 2014.

Toutefois, je regrette la désindexation de ces prestations servies à des foyers modestes pour lesquels le logement constitue généralement un poste de dépenses déjà très lourd à supporter. Je crains que cette mesure n'apporte, par ailleurs, une certaine confusion alors qu'on a, objectivement, un bon budget du logement.

À l'Assemblée nationale, la commission des finances a adopté un amendement tendant à demander la remise d'un rapport, avant le 31 août 2014, « présentant les réformes envisageables pour améliorer l'efficacité sociale des régimes » des trois aides personnelles au logement, à enveloppe budgétaire constante.

La commission des affaires économiques a, quant à elle, adopté un amendement de suppression de la désindexation.

Moi-même, j'aurais préféré une solution de compromis qui préserve les efforts d'économie demandés, en proposant notamment une indexation, non pas au 1er janvier mais, par exemple, au 1er octobre, pour la rentrée des familles et des étudiants. Ainsi, alors que l'impact de la mesure sur le budget 2014 serait limité, les foyers concernés bénéficieraient de l'augmentation des aides personnelles au logement pour le dernier trimestre 2014 et leur assiette serait actualisée pour les années à venir.

Aussi, si vous en êtes d'accord, je vous propose de ne pas trancher cette question aujourd'hui en commission et de la réserver pour notre « réunion balai » du 21 novembre, une fois que l'Assemblée nationale se sera prononcée sur cet article à la fin de cette semaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Bien que je sois rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour le programme 147 « Politique de la ville », je souhaite, tout d'abord, m'exprimer sur l'article 64 bien qu'il relève du champ d'intervention de Marie-Noëlle Lienemann, rapporteur pour avis de la même commission pour les programmes relatifs au logement. J'approuve totalement la position du rapporteur spécial de réserver cet article puisque, effectivement, cette désindexation n'est pas un détail. Elle a non seulement un impact financier mais également une valeur symbolique et mérite donc réflexion.

J'approuve également totalement la présentation du rapporteur spécial concernant le programme relatif à la politique de la ville. Je considère qu'il s'agit d'un programme qui illustre une transition, alors que le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine est en cours d'examen à l'Assemblée nationale pour l'être ensuite au Sénat au tout début de l'année prochaine. Il devrait avoir d'importantes incidences sur les contrats urbains de cohésion sociale, sur la gouvernance et sur l'ANRU.

Ce programme illustre aussi une stabilité puisque la baisse constatée résulte des compensations de charges sociales dans les zones franches urbaines qui sont de moins en moins nombreuses et donc coûtent de moins en moins cher.

En outre, même si cela ne relève pas du budget de la mission, je voulais vous signaler la signature de conventions triennales d'objectifs entre le ministère délégué à la ville et d'autres ministères afin de mobiliser les moyens sur les quartiers les plus prioritaires, ce qui contribue à la politique de la ville. Ainsi en est-il, par exemple, dans le domaine de l'éducation nationale, avec des postes fléchés vers ces quartiers, des sports ou encore des contrats d'avenir. Au-delà de la stabilité apparente du programme 147, des efforts supplémentaires ont donc été déployés en faveur de la politique de la ville. Le nombre de quartiers bénéficiaires va désormais être beaucoup plus resserré car il est actuellement trop élevé, notamment au regard de nos voisins européens, comme l'a souligné la Cour des comptes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Je voudrais interroger notre rapporteur spécial sur le plan d'investissement pour le logement, le Président de la République ayant rappelé le 21 mars 2013 son objectif, qui était déjà dans son programme présidentiel, de voir construits 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. Dans les années 2000, période au cours de laquelle, comme vous l'avez rappelé, l'État était encore très engagé dans le logement social, se construisaient environ 40 000 logements sociaux par an. Depuis et notamment en 2011, même en période de crise et malgré le changement de financement que vous avez mentionné, 120 000 logements sociaux ce sont construits par an. Combien de logements sociaux ont-ils été construits en 2012 et où en sommes-nous en 2013 ?

S'agissant de l'ATESAT, certes les conventions en cours pourront temporairement être continuées mais je m'étonne de la suppression de cette assistance alors que j'avais un président de conseil général en Saône-et-Loire, désormais ministre du renouvellement productif, qui disait alors se battre pour sauver les services de l'État dans le département. Partageant la philosophie défendue par le rapporteur spécial, je suis surpris qu'un gouvernement de gauche soit à l'initiative de la disparition de l'ATESAT, c'est-à-dire l'assistance technique aux communes. Le contraste avec les procès-verbaux du conseil général de Saône-et-Loire ne peut que me conduire à m'étonner.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

En prolongement de l'opinion qui vient d'être exprimée, je pense que nous allons finalement connaître un taux de construction assez identique à ce que nous avons déjà connu sous le gouvernement de Lionel Jospin, qui a été celui qui a, en réalité, le moins construit au cours des trente dernières années. Combien de constructions de logements sociaux sont-elles engagées à ce jour pour 2012 et 2013 ?

S'agissant des aides fiscales d'incitation à l'investissement locatif, je pense qu'il faut les limiter car elles « vident » la matière fiscale et ne répondent plus aux besoins, les jeunes ménages souhaitant désormais plutôt devenir propriétaires. Pour les aider, nous serions avisés de mieux les solvabiliser, le maintien de faibles taux d'intérêt bancaires étant finalement le seul moteur de la construction privée aujourd'hui. Les régimes d'incitation fiscale ont eu des rendements assez inégaux, certains programmes immobiliers ayant eu des taux de location assez faibles.

S'agissant des normes, pensez-vous qu'il est vraiment nécessaire que tous les logements d'un ensemble immobilier soient construits en respectant les normes en matière d'accessibilité des personnes handicapées ? Les toilettes étant aujourd'hui quasiment aussi grandes que les chambres, les promoteurs y construisent des placards. Je pense que nous devrions réfléchir à cette réglementation qui est source de renchérissement des coûts et de complexité pour les architectes, sans oublier que les appartements sont souvent plus petits qu'avant pour un même nombre de pièce, notamment en région parisienne. Bien sûr il faut garantir l'accessibilité aux personnes handicapées mais avec l'application d'une proportion, par exemple de 20 %, pour un projet immobilier, je pense que nous pourrions répondre aux besoins.

Concernant la rénovation urbaine, je ne suis pas d'accord avec l'analyse de Claude Dilain, certainement en raison des caractéristiques différentes de nos circonscriptions. Le nombre de quartiers qui sera retenu me paraît beaucoup trop limité, alors qu'actuellement, un grand nombre d'entre eux sont sur le fil du rasoir et que leur situation ne se dégrade pas précisément parce qu'ils bénéficient des dispositifs gérés par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. La solution serait peut-être de disposer d'un système à deux vitesses, adapté à l'intensité de la difficulté de ces quartiers. Il existe pour moi un vrai risque de laisser tomber des projets sur des quartiers qui, sans être les plus difficiles, ont besoin de ces dispositifs. L'intervention de l'ANRU permet souvent de reconnaître les projets et d'y associer les collectivités locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je remercie le rapporteur spécial pour sa présentation et je constate que, finalement, les années se suivent et se ressemblent. À sa place, en tant que rapporteur de cette mission, j'avais plusieurs fois souligné la débudgétisation et le désengagement de l'État dans un certain nombre de domaines relevant du logement. Cela se poursuit et même s'accentue.

S'agissant des aides à la pierre, il a été demandé à Action logement d'emprunter un milliard d'euros qu'il conviendra de rembourser. À un moment donné, l'État devra donc trouver les centaines de millions d'euros nécessaires, dans le contexte des finances publiques qui nous a été présenté ce matin lors de la présentation des grands équilibres du projet de loi de finances pour 2014, sauf à considérer qu'Action logement et la Caisse de garantie du logement locatif social sont une source intarissable, mais nous savons que ce n'est pas le cas. Il suffit de voir, pour cela, les conséquences financières qu'ont eu les prélèvements effectués sur Action logement à destination de l'ANRU. Nous ne faisons que repousser le problème.

Je crains encore une sous-budgétisation des crédits consacrés aux aides personnelles au logement, malgré leur désindexation pour l'année 2014 et encore plus si cette mesure devait être remise en cause. Je crains que les crédits prévus pour 2013 et 2014 ne suffisent pas et que, comme chaque année, la loi de finances rectificative doive abonder la subvention d'équilibre versée par l'État, d'autant que la crise a un effet direct sur le montant de ces aides, les ressources de certains ménages étant diminués. Que pensez-vous de cette sous-budgétisation ?

Enfin, nous sommes dans la période où l'ANRU nécessite d'importantes ressources financières et pourrait rencontrer des difficultés de trésorerie qui m'avaient déjà inquiétées au cours des années passées. La fin de certains programmes exigera de verser les subventions promises et je me demande si la « bosse » de l'ANRU va pouvoir être passée. J'espère que nous n'allons pas encore connaître un rallongement des délais de paiements car j'ai connu cette situation en tant que maire et sur le terrain, lorsque j'étais rapporteur, certaines collectivités ayant pu attendre jusqu'à vingt-quatre mois pour percevoir la subvention demandée. Je me demande si ces retards sont dus à des problèmes de trésorerie ou, ce qui me désespèrerais, à la complexité de la gestion administrative des dossiers au sein de l'agence.

Il serait utile de faire le point sur les besoins financiers de l'ANRU.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Je tenais tout d'abord à souligner qu'il n'est pas si fréquent de voir un budget en augmentation, ce qui montre que le logement constitue une priorité pour le Gouvernement. Je souhaiterais aborder, pour ma part, l'explosion du coût du contentieux relatif au droit au logement opposable (DALO). Ce risque, susceptible de s'aggraver encore au cours des années, avait d'ailleurs été abordé lors de l'examen du projet de loi instaurant ce dispositif et pour lequel j'avais été rapporteur pour la commission des lois. Nous avions d'ailleurs limité son champ d'application à un type précis de public éligible mais depuis 2012, il a été élargi. Compte tenu de l'augmentation du coût de ces contentieux, correspondant à 5 millions d'euros supplémentaires en 2014, notamment au regard des astreintes journalières versées, disposez-vous de prévisions pour les années à venir ? Cette question est essentielle, car tout est lié : il faudra faire d'autant plus de logements que des personnes sont susceptibles de faire valoir leur droit à bénéficier d'un logement, avec un éventuel engagement de la responsabilité de l'État.

Rejoignant Jean-Paul Emorine, je m'étonne de la suppression brutale de l'ATESAT qui favorise le risque d'une France à deux vitesses. Il est paradoxal de décider une telle mesure qui réduit les moyens des communes et leurs groupements alors qu'il leur est demandé, à raison selon moi, de développer davantage d'ingénierie et de réflexion sur la planification pour améliorer leur efficacité. Tandis que des communes disposent déjà des structures leur permettant de répondre à ces nouvelles exigences, d'autres en sont dépourvues, et ne disposeront pas de l'organisation territoriale et des moyens nécessaires, y compris financiers car cette suppression de l'ATESAT engendre à mon sens un transfert de charges.

Ne pourrait-on, monsieur le rapporteur spécial, trouver une solution moins radicale, peut être avec un nouveau système de conventionnement avec l'Etat, pour que la situation puisse évoluer plus progressivement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je remercie le rapporteur spécial pour sa présentation et me réjouis particulièrement de l'augmentation des crédits accordés à l'hébergement d'urgence et au logement adapté. Alors que les demandes sont nombreuses en la matière, il est indispensable de mener une réflexion sur le type d'hébergement qui doit être développé, compte tenu du coût important des nuitées d'hôtel. Certains établissements hôteliers vivent d'ailleurs des demandes adressées par les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO).

Il me semblerait également utile de rappeler à l'administration centrale la nécessité de voir les crédits alloués aux SIAO versés dans des délais convenables. Il serait normal d'avoir reçu les crédits en septembre. Les difficultés de trésorerie provoquées par ces retards peuvent, en effet, conduire à des drames comme à Clermont-Ferrand où une association ne pouvait plus faire face au paiement des nombreuses nuitées d'hôtel. Il n'est pas souhaitable non plus que certaines structures attendent plus que d'autres qui seraient considérées comme dans une situation plus urgente, en fonction des départements.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Je souhaite simplement attirer l'attention du rapporteur spécial, qui nous a présenté un rapport de qualité, sur le dispositif Duflot. Je rappelle les effets pervers des dispositifs précédents d'incitation fiscale à l'investissement locatif, le dispositif Scellier en particulier, qui ont surtout attiré les investisseurs pour son aspect fiscal, sans qu'ils deviennent des propriétaires bailleurs attentifs à leur bien. Les propriétaires ne se sont généralement pas intéressé à la construction du logement ni même à leur locataire. J'ai connu dans ma commune l'arrivée massive et brutale de 400 logements, dans des conditions désastreuses, avec des constructions gérées par des sociétés uniquement créées à cet effet, sans que les propriétaires bailleurs ne soient attentifs et actifs comme c'est le cas dans d'autres opérations immobilières. En outre, l'État se prive de recettes importantes.

J'ai bien noté que le dispositif Duflot était davantage encadré et plus exigeant que les dispositifs d'incitation fiscale antérieurs mais il convient de rester vigilant. Je souhaitais toutefois savoir si un rapport avait été produit pour faire état des effets de levier attendus et fournir préalablement une évaluation des dispositifs précédents.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Tout d'abord je partage l'analyse de notre collègue Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, s'agissant du programme 147 et de la politique de la ville menée par le Gouvernement. Nous aurons l'occasion de discuter de l'ensemble de ces sujets, et notamment de la géographie de la politique de la ville, lors de l'examen du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

S'agissant du nombre de logements construits et pour répondre à Jean-Paul Emorine, tous les gouvernements se sont efforcés de se fixer des objectifs. En 2012, 100 000 logements sociaux ont été financés et les prévisions tablent sur 100 000 à 120 000 en 2013, selon les chiffres qui m'ont été donnés au cours de mes auditions, auxquels s'ajouteraient 20 000 à 30 000 logements dans le cadre de l'ANRU.

Je conviens que nous n'atteignons pas l'objectif de 150 000 logements sociaux par an et que l'année 2012 n'a pas été très bonne pour la construction de logement social, comme souvent pour les années présidentielles, mais la construction est repartie à la hausse.

S'agissant des dépenses fiscales, les dispositifs d'incitation à l'investissement locatif coûtent encore très cher puisque, selon le projet annuel de performances pour 2014, les chiffrages sont les suivants :

- dispositifs Robien classique et Robien recentré : 331 millions d'euros en 2012, 300 millions d'euros en 2013 et 270 millions d'euros en 2014 ;

- dispositif Scellier : 430 millions d'euros en 2012, 600 millions d'euros en 2013 et 660 millions d'euros en 2014 ;

- dispositif Scellier intermédiaire : 215 millions d'euros en 2012, 300 millions d'euros en 2013 et 330 millions d'euros en 2014 ;

- dispositif Borloo populaire : 40 millions d'euros pour 2012 à 2014 ;

- dispositif Perissol : 51 millions d'euros également pour ces trois années ;

- dispositif Besson neuf, qui est un très bon dispositif : 26 millions d'euros en 2012, 18 millions d'euros en 2013 et rien en 2014.

L'ensemble de ces dispositifs d'incitation à l'investissement locatif pourtant éteints représentent, au total, environ 1,36 milliard d'euros, pour des constructions qui ont parfois eu des difficultés à être commercialisées.

Peuvent être ajoutées les dépenses fiscales liées au crédit d'impôt sur le revenu au titre des intérêts d'emprunt supportés par le contribuable pour l'acquisition ou la construction de son habitation principale et qui représente encore 1,175 milliard d'euros tout en continuant de baisser.

Toutes ces mesures créés au fur et à mesure par chaque ministre du logement pour relancer la construction sont nécessairement coûteuses pour le budget de l'État et doivent être assainies au regard de leurs utilités respectives.

Le dispositif Duflot ne représente que 35 millions d'euros de dépenses fiscales pour 2014 et devrait a priori être mieux ciblé.

Concernant les normes, je partage le constat de Francis Delattre et pense qu'une réflexion devrait être menée à ce sujet. À cette occasion, je constate que l'attestation de conformité aux règles d'accessibilité relève toujours de la compétence de l'État alors que les communes délivrent les permis de construire et d'aménager. Les services de l'État réalisent des études déjà conduites par les services de la commune, ce qui me conduit à penser que la réglementation pourrait évoluer afin d'éviter ce doublon.

S'agissant de l'ANRU, la commission des finances du Sénat a demandé à la Cour des comptes, en application de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances, un contrôle de la gestion de l'agence, pour apprécier notamment les modalités de traitement des dossiers et leur suivi. Je pense que le système fonctionne bien mais il est vrai que nous ne faisons que repousser les difficultés de financement du programme national de rénovation urbaine (PNRU). Je rappelle qu'un financement de 5 milliards d'euros est prévu pour le second PNRU.

Je ne dispose pas de prévisions précises sur le coût du contentieux DALO mais je vais en demander. Je crains, en tout état de cause, que la hausse ne se poursuive.

Concernant l'ATESAT, j'ai moi-même hésité sur cette suppression qui permet, toutefois, au ministère de tenir son plafond d'emplois. Je crains que le développement des compétences des départements, qui sont demandeurs, ne favorise la tutelle d'une catégorie de collectivité sur une autre, alors que chacun d'entre vous sait que les relations sont parfois difficiles entre elles, quelles que soient leur couleur politique. J'espère que le dispositif de l'article 66 du projet de loi pourra évoluer.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Avec la suppression brutale de l'ATESAT, le développement des communes est rendu difficile et je crains également la tutelle des départements. Je ne suis d'ailleurs pas certain du caractère constitutionnel de la mesure. Il va falloir s'assurer que le « bloc communal » s'organise lui-même pour assumer seul ces compétences.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Je suis sensible à ce sujet et j'entends vos arguments. Il ne faut pas oublier que les intercommunalités voire les établissements publics en charge des schémas de cohérence territoriale (SCoT), en fonction de leur taille, assument également ce type de compétences auprès de toutes les communes et en toute impartialité. Par exemple, l'établissement du SCoT du dijonnais finance les études d'urbanisme souhaitées par les communes, à l'aide d'un fonds créé à cet effet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Pour rappel, dans les premières lois de décentralisation, dites lois Defferre, les départements pouvaient développer des services d'assistance technique mais depuis d'autres lois de décentralisation ont été adoptées. Je vois l'intérêt pour les départements de développer cette assistance technique qui peut leur permettre d'avoir un impact politique, d'autant qu'ils ont créé des agences techniques tout en, par ailleurs, réduisant les aides aux communes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Je pense que nous pouvons tous faire la même analyse. J'y vois là un conflit d'intérêt. Par ailleurs, comme le rapporteur spécial, j'estime tout à fait légitime que les groupements de communes se dotent d'un service technique de ce type.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Nous partageons le même sentiment en vivant une situation locale identique, même si les forces politiques y sont inversées.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Le rapporteur spécial pense-t-il proposer de déposer un amendement à ce sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Je me suis interrogée sur le fait de proposer également la réserve sur cet article rattaché.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

S'agissant du coût des régimes fiscaux d'incitation à l'investissement locatif, ne pourrait-on développer un dispositif « anti-abus » qui permettrait d'éviter que des épargnants, approchés par des promoteurs ou intermédiaires, n'investissent dans des communes où le marché immobilier n'est absolument pas attractif ? L'efficacité de ces dispositifs peut également faire l'objet d'interrogations.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

À mon sens, plutôt que les dispositifs d'incitation fiscale, il convient de développer des produits permettant une accession très sociale à la propriété, les ménages ayant alors la perspective d'être, à terme, propriétaires du logement qu'ils occupent. Ils ont alors généralement un rapport différent avec leur bien, notamment en termes d'entretien.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Cela fait du bien d'entendre un socialiste tenir ces propos !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Cela ne remet pas en cause les besoins de logements sociaux classiques, d'ailleurs la ville de Dijon dont je suis maire appartient aux communes qui en construisent le plus afin de combler son retard. Tous les dispositifs sont utiles pour avoir des parcours résidentiels adaptés à l'évolution des ménages. Je rappelle que près de 70 % de la population française est éligible au logement social.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Je plaide également depuis de nombreuses années pour l'accession à la propriété des foyers les plus modestes, toujours positive en termes de cohésion sociale.

Concernant l'article 66 rattaché, je pense effectivement souhaitable de réserver notre position jusqu'à la « réunion balai » du 21 novembre prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Je vous propose donc d'adopter les crédits de la mission ainsi que l'article 65 rattaché et de réserver les articles 64 et 66.

À l'issue de la réunion, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Égalité des territoires, logement et ville », ainsi que de l'article 65. Elle décide de réserver sa position sur les articles 64 et 66.

La commission procède enfin à l'audition de M. Pierre Gattaz, président du MEDEF.

Présidence de M. Philippe Marini, président, puis de M. Albéric de Montgolfier, vice-président - 

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur Gattaz, depuis que vous avez été élu à la présidence du Medef au début du mois de juillet, vous avez été sur tous les fronts et nous avons eu l'occasion de vous entendre à de nombreuses reprises dans les médias. C'est donc tout naturellement que nous avons souhaité vous auditionner. Vous nous exposerez votre analyse de la situation fiscale, à l'occasion de la préparation du projet de loi de finances pour 2014, alors que le Gouvernement vient d'annoncer la tenue d'Assises de la fiscalité des entreprises.

Nous avons l'impression que deux France se font face et s'éloignent de plus en plus : celle qui parvient à s'insérer dans la compétition mondiale, et celle en difficulté, confrontée au cercle vicieux des restructurations. L'opinion publique est dubitative... Les facteurs de compétitivité et de dynamisme de nos entreprises sont au coeur de la réflexion. Le rapport Gallois ou le Pacte de compétitivité ont un an. Quel bilan en dressez-vous ? Comment aider les entreprises à mieux affronter la concurrence internationale ?

Debut de section - Permalien
Pierre Gattaz, président du Medef

Le Medef compte 750 000 adhérents : si l'on omet les grandes sociétés du SBF 120, il s'agit essentiellement des petites et moyennes entreprises.

Je l'ai constaté sur le terrain : les entreprises souffrent.

D'abord, parce que les carnets de commande sont peu remplis depuis des mois. Il ne s'agit pas de difficultés passagères. Le moral est au plus bas.

Ensuite, parce que la rentabilité, dont le niveau détermine l'investissement, l'embauche ou l'innovation, est peu élevée. Tous les instituts s'accordent : notre taux de marge, mesuré par l'excédent brut d'exploitation, est le plus faible en Europe à 28 %, contre 40 % en Europe ou 42 % en Allemagne.

Enfin, parce que les patrons sont sceptiques à l'égard de la politique menée. Certes, il y a eu le récent discours du Président de la République valorisant les entreprises, facteurs d'emploi et de compétitivité, mais, dans la pratique, les lois et les décisions qui comportent des marqueurs anti-entreprises se multiplient comme s'il fallait à chaque fois nous donner une gifle pour satisfaire un électorat. C'est insupportable car l'entreprise constitue la solution aux principaux problèmes du pays : chômage, déficit commercial, pouvoir d'achat. Nous sommes solidaires des ménages, leur pouvoir d'achat dépend de l'emploi. Nous devons profiter de la mondialisation et de l'économie de marché. Je suis président de Radiall. J'ai réussi à conserver mes usines et à en créer, à créer aussi 500 emplois depuis vingt ans en jouant à fond la carte de l'internationalisation. L'internationalisation, c'est de créer des usines low cost, en Chine, en Inde, au Mexique. Cela m'a permis d'augmenter nos parts de marché et de réinvestir les profits en France dans l'investissement et la formation.

L'enjeu en France est de parvenir à créer des emplois. Le taux de chômage de 11 %, 25 % pour les jeunes, est inacceptable. Ce sont les entreprises qui créent des emplois durables. La compétitivité hors-coût est importante : la conquête de marchés ; l'innovation ; l'excellence opérationnelle ; la qualité du management, le dialogue social, la motivation et la formation des équipes. Ces facteurs relèvent de la responsabilité des entreprises. Mais elles doivent s'appuyer en amont sur un climat de confiance et une bonne compétitivité coût, fondée principalement sur le coût du travail, la fiscalité, la complexité administrative, le prix de l'énergie et le taux de change.

Tous les instituts s'accordent pour estimer qu'il existe un écart d'imposition de 120 milliards d'euros entre la France et l'Allemagne : une moitié est due à la différence de coût du travail, l'autre à l'écart de fiscalité. Depuis trente ans, notre pays a toujours réglé chaque difficulté en augmentant les impôts ou en créant une nouvelle taxe ou des normes nouvelles, au détriment des entreprises. C'est insupportable ! Comment s'étonner ensuite que notre moteur économique soit asphyxié ? Le chômage augmente, les investissements baissent, le déficit commercial atteint 75 milliards d'euros, les défaillances des entreprises se multiplient. Il y a urgence. Il est nécessaire de transférer les cotisations maladie et famille sur une autre assiette. Il y a dix ans le coût du travail était inférieur de 8 % à celui de l'Allemagne ; il est aujourd'hui supérieur de 10 %. Depuis trente ans, 150 taxes affectées ont été créées, dont la moitié depuis cinq ans. Le résultat d'exploitation est quatre fois moindre qu'en Allemagne. Comment embaucher dans ces conditions ?

Un pays fonctionne comme une entreprise. L'État finance ses fonctions régaliennes grâce au produit des impôts, donc des entreprises. Il faut parier sur elles. Mon propos est humaniste. Dans mon entreprise, j'ai créé de l'emploi. Il redonner de l'oxygène aux entreprises. La contrainte n'est pas suffisante pour réduire le chômage : nous avons des milliers de pages de réglementation sur l'emploi des jeunes, des seniors, des personnes handicapées, quand la Suisse n'en a qu'une soixantaine. Mais les entreprises, telles des abeilles, finissent par aller butiner ailleurs. La ligne Maginot a disparu et notre pays est en compétition avec les autres sur tous les plans. Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) est une bonne mesure mais il n'est qu'un anti-douleur face aux 30 milliards de prélèvements supplémentaires décidés depuis 2011. Que penser quand un huissier rend un fauteuil après avoir saisi la maison ? De plus il faut le financer...

Ayons le courage de baisser les dépenses publiques, comme l'ont fait les Canadiens, les Suédois ou les Allemands. La France est à la croisée des chemins : avec un tel taux de chômage, elle risque l'explosion. Mais si le coût du travail, la fiscalité ou la réglementation s'améliorent, les entreprises peuvent créer un million d'emplois en cinq ans. Il appartient aux entreprises de produire, d'innover et d'exporter. Il appartient aux responsables politiques de redresser les finances publiques. Les remèdes sont connus : développement de la médecine ambulatoire, réforme de la carte hospitalière, réforme de l'État, décentralisation, etc. Il est urgent d'agir. J'ai beaucoup voyagé. Les pays émergents réussissent car ils parient sur l'entreprise, ce qui accroît leur compétitivité et leur attractivité. Les investisseurs étrangers ont une mauvaise image de la France à cause de certains symboles, comme la taxe à 75 %, qui rapporte peu mais se révèle hautement préjudiciable.

Faites le choix de l'entreprise et de l'emploi et le Medef sera un partenaire constructif. Diminuez les dépenses publiques : il faut entendre le ras-le-bol fiscal et cesser la fuite en avant.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Vous exprimez des positions fortes et avez des ambitions pour notre pays. Mais chacun a son idée des changements à réaliser. Les entreprises perçoivent la fiscalité comme un fardeau et ont le sentiment d'être trop sollicitées. Pourtant des efforts ont été faits depuis 2010 : la réforme de la taxe professionnelle représente un allègement d'impôt de plus de 6 milliards d'euros, tandis que le CICE s'élèvera à 20 milliards d'euros en année pleine. Il est faux de dire que nous n'avons pas conscience des réalités. De plus le Gouvernement propose d'organiser des Assises de la fiscalité des entreprises. Quelle est la meilleure fiscalité pour les entreprises ? Quelle évolution d'assiette suggérez-vous ?

Le Gouvernement a annoncé qu'il ne légiférerait pas sur la rémunération des dirigeants des entreprises privées, privilégiant le renforcement du code de bonne conduite élaboré par le Medef et l'Association française des entreprises privées (Afep). Quels sont les principaux points du code révisé ? Comment sera-t-il adopté par les adhérents ?

Les programmes d'investissements d'avenir donnent souvent lieu à des co-financements. Quel jugement portez-vous sur cette modalité de l'action publique ? Quels sont les gains pour le secteur privé ?

Vous avez souligné que l'écart de coût du travail entre la France et l'Allemagne s'est creusé depuis dix ans, soit durant les deux dernières législatures... Avec le CICE, pour la première fois, l'écart se réduit. Certains prétendent que ce dispositif ne bénéficierait pas assez à l'industrie. Faut-il le réorienter vers les entreprises exportatrices ? Quelles actions prônez-vous pour améliorer la compétitivité hors-prix ? Enfin quelles sont vos pistes pour réaliser 100 milliards d'euros d'économies ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Vous réclamez à juste titre des actions courageuses et appelez à tailler dans les structures. Nous comprenons ce langage, mais des économies ne seraient-elles pas possibles dans les organismes de représentation des entreprises et dans les secteurs gérés de manière paritaire ? Cela constituerait une utile démonstration.

Debut de section - Permalien
Pierre Gattaz, président du Medef

Tout n'est pas à jeter dans la politique actuelle. Nous avons soutenu le rapport Gallois, ainsi que la mise en place du CICE, d'un montant de 20 milliards d'euros, dont Louis Gallois estime qu'il réduira de moitié l'écart de coût du travail avec l'Allemagne. Toutefois il ne s'agit que du quart du chemin total !

Debut de section - Permalien
Pierre Gattaz, président du Medef

Il est difficile pour un patron, préoccupé par la gestion de son entreprise, de se plonger dans la réglementation qui accompagne le CICE. Le mécanisme est trop difficile d'accès. Simplifions. Conviendrait-il de relever le plafond à 3,5 SMIC ? Peut-être. Mais nous proposons surtout de le sanctuariser et de procéder à un transfert des cotisations famille et maladie pour réduire l'écart avec l'Allemagne. Nous participerons aux Assises de la fiscalité des entreprises. Pour nous il ne doit pas s'agir de raisonner à fiscalité constante mais de parvenir à améliorer la fiscalité de l'entreprise, voire de l'entrepreneur et, surtout, à baisser les dépenses publiques : les deux sont liés.

Dans le cadre de l'accord Afep-Medef, nous avons nommé Denis Ranque à la tête du haut conseil sur la rémunération des dirigeants, créé en octobre, conformément au calendrier fixé. Il comptera sept membres : trois du Medef, trois de l'Afep plus une personnalité extérieure. À l'image d'un conseil de l'ordre, il jouera un rôle de vigie, traquera les dysfonctionnements et les excès, permettra d'avancer en matière de déontologie. Nous sommes le seul pays en Europe à avoir mis en place un tel dispositif qui responsabilise les dirigeants.

Les investissements d'avenir sont importants. Que faisons-nous dans les entreprises en période de crise ? Nous cherchons des relais de croissance, nous motivons nos équipes commerciales, et nous nous efforçons de trouver des clients. Nous optimisons nos structures. Nous réduisons les dépenses de fonctionnement mais préservons les investissements car, selon la formule célèbre, ils représentent les profits de demain et les emplois d'après-demain. L'État doit procéder de même. Il faut motiver les forces vives dans notre pays. Il faut maintenir les investissements d'avenir, dans les équipements ou les infrastructures par exemple, tout en limitant la technocratie, la paperasserie et le formalisme administratif - véritable monstre français.

Le Medef se mobilise pour améliorer la compétitivité hors-prix. Nous créons des commissions ad hoc pour former nos managers, réutiliser les réseaux de l'association pour le progrès du management (APM) ou les réseaux du pacte PME, destiné à faciliter les relations entre les grands groupes et les PME pour conquérir des marchés à l'export. N'oublions pas non plus le crédit impôt recherche, rayon de lumière dans notre univers fiscal peu attractif, que nous vantons à tous les investisseurs étrangers qui hésitent sur le choix du pays dans lequel installer leurs usines. Surtout, ne le cassons pas, les conséquences seraient terribles. Grâce à lui des activités de recherche et développement sont restée en France. En revanche nous sommes très en retard dans les processus d'intégration de la recherche.

Geoffroy Roux de Bézieux, vice-président du Medef. - Nous participerons aux assises de la fiscalité sur les entreprises ; nous réfléchissons aux modalités de cette participation avec le Gouvernement. Certes certaines mesures ont été prises comme la réforme de la taxe professionnelle ou le CICE, mais seule compte, pour les entreprises, la somme globale des prélèvements. Or, à cet égard, la coupe est pleine. L'écart de prélèvements avec l'Allemagne s'élève à 100 milliards d'euros : 50 milliards sur le coût du travail et 50 milliards dus à un écart d'imposition. Parmi les impôts, l'essentiel de l'écart est dû à des taxes sur la production. Si l'impôt sur les sociétés représente dans les deux pays 4,2 % de la valeur ajoutée, les autres taxes représentent, en plus, en France, 5 % de la valeur ajoutée. Dans ce contexte, les Assises ne sauraient se réduire à un jeu de bonneteau consistant à modifier l'assiette de l'impôt sans diminuer les prélèvements. C'est pourquoi nous nous sommes opposés à la taxe sur l'excédent brut d'exploitation. Le taux de pression fiscale n'est plus soutenable. Il doit diminuer, non pour augmenter les dividendes, mais pour augmenter les marges et l'investissement. Nous ne fixons aucune condition préalable mais nous quitterons la table de la négociation si la réflexion s'éloigne de ce but.

La simplification constitue notre deuxième objectif. Les taxes ont un coût de gestion, pour l'État comme pour les entreprises. Les entreprises ont besoin de s'inscrire dans un horizon pluri-annuel. Il faut de la visibilité pour investir. Or, chaque année, le projet de loi de finances réserve son lot de surprises. Il faut sanctuariser certains dispositifs. Le Président de la République a annoncé la sanctuarisation du crédit d'impôt recherche, mais des amendements déposés à l'Assemblée nationale le remettent en cause.

Enfin les relations avec le fisc sont cruciales. Point de poujadisme, l'impôt est nécessaire. Mais nous constatons un durcissement des contrôles fiscaux, ce qui crée un climat néfaste.

Les pistes d'économies sont connues. Rapport Camdessus, commission Attali, mission de Louis Gallois, rapports du FMI, de l'OCDE, ou de Bruxelles, tout a été écrit. Nous avons créé une commission pour rassembler les meilleures idées. Tout d'abord, le choc de simplification. Nous accueillons favorablement la nomination de Guillaume Poitrinal, aux côtés du député Thierry Mandon, à la présidence du comité de suivi. Comme en Angleterre, nous devrions appliquer, à l'occasion du vote de chaque loi, le principe one in, two out. Il faut supprimer des lois. De plus, notre faiblesse en France, c'est l'exécution. Les autres pays fixent des échéances et exécutent leurs engagements. Il s'agit aussi d'une priorité des entreprises qui recherchent la qualité totale ou l'excellence opérationnelle. C'est pourquoi nous soutenons la mise en place de binômes, associant hauts fonctionnaires et patrons, afin de faire bénéficier l'État de notre expertise et aider les services publics à réduire les gaspillages. Il ne s'agit pas de mener une révolution mais d'améliorer les processus. D'autres pistes sont le développement de la médecine ambulatoire, la suppression d'un échelon territorial comme le département, le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, etc. Inspirons-nous des exemples de la Suède ou des Pays-Bas.

Sur le paritarisme, vous avez raison, nous devons nettoyer devant notre porte et être exemplaires. Nous avons créé un groupe sur le sujet. Ma doctrine est simple : si un organisme que nous co-gérons enregistre des pertes pendant plus de trois ans, nous devons en sortir. Cessons d'accumuler des dettes qui pèseront sur les générations futures ! Certains organismes sont inutiles. Je compte en discuter avec les partenaires sociaux ; il faut avoir le courage de supprimer ce qui est inutile.

Nous avons créé deux groupes de travail sur les 35 heures, l'un consacré à la sphère publique, l'autre à la sphère privée. Dans le premier cas, son coût estimé s'élève à 25 milliards d'euros, sans compter la désorganisation du secteur hospitalier, dans le second, à 22 milliards. Là encore, il est possible d'avancer sans révolution, mais si nous n'agissons pas le chômage augmentera.

De même les processus de l'administration sont à revoir. Dans une entreprise, leur simple évaluation est source de profits. Il faut faire de même dans le secteur public.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Merci pour votre présentation très claire. Une des réticences à l'égard du CICE ne tient-elle pas au fait qu'il s'agit d'un crédit d'impôt, ce qui implique une négociation avec l'administration fiscale ? Comment expliquer les faibles demandes de créances auprès de la Banque publique d'investissement (BPI) ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Nous ne connaissons pas encore les modalités de mise en oeuvre du dispositif de trésorerie ni du mécanisme du crédit d'impôt proprement dit.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Le ministre de l'économie et des finances, Pierre Moscovici, nous a tenu, hier, un discours très positif, nous indiquant que le redressement était en bonne voie. J'étais rassuré, mais en rentrant chez moi j'ai appris que Fagor-Brandt déposait son bilan... Dur rappel de la réalité !

Que pensez-vous de l'adéquation de la formation professionnelle aux besoins des entreprises ? Ces dernières se plaignent souvent de ne pas trouver de candidats pour pourvoir certains postes. Ne devraient-elles pas travailler avec les services publics ou les collectivités territoriales ?

Avez-vous chiffré le coût supplémentaire pour les entreprises provoqué par l'excès de normes et de réglementation en France ? Le Gouvernement tient un discours optimiste ; le vôtre l'est beaucoup moins. Le Gouvernement entend-il vos inquiétudes ? Vous avez évoqué le poids des cotisations sociales. J'ai la conviction que le social tue l'économie. Le dynamisme de la dépense sociale est telle que l'économie ne suit pas.

Enfin vous avez mentionné la suppression du département. La pilule est dure à avaler ! Je n'ai pas été trop mal formé puisque j'ai été patron et au Medef avec votre père. Mais j'espère que vous nous inviterez pour que nous puissions venir vous expliquer comment fonctionnent les collectivités territoriales. C'est vrai qu'on en crée en permanence et que les niveaux ont encore été ajoutés récemment, c'est insupportable. Mais évitons les idées reçues : la suppression des départements ne résoudra aucun problème. D'autres pistes d'économies existent.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Nous entendons votre réquisitoire. Nous y souscrivons en partie. Vous avez cité des exemples étrangers : la voisine est toujours plus jolie ! Mais tout n'est pas noir malgré tout dans notre pays.

Lorsqu'une entreprise ferme, ce n'est pas toujours la faute du Gouvernement. Ses dirigeants ont pu commettre des erreurs... Quels conseils donneriez-vous à vos mandants pour que les entreprises deviennent plus performantes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Vous tenez, monsieur le président, un discours identique au mien mais ici, personne ne m'écoute...

Vous n'avez pas parlé de la rigidité de l'emploi qui constitue un repoussoir à l'embauche : les entreprises hésitent à recruter car elles savent qu'elles ne pourront pas licencier si leur activité venait à se réduire. La flexibilité du travail existe partout ailleurs, mais pas en France. Le code du travail doit être modifié.

Les 35 heures coûtent 21 milliards d'euros par an d'allègements de charges. Il faudrait les supprimer pour que l'État puisse disposer de ces crédits, mais il faudrait repasser de 35 à 39 heures, sans modifier les salaires.

Vous dites qu'il faut gérer la France comme une entreprise : le drame, c'est que nos politiques ne savent pas ce qu'est une entreprise. Ils croient qu'il s'agit d'un système d'exploitation : lutte des classes, travailleurs sous-payés et patrons profiteurs... Or, l'entreprise est la clé de la croissance et de l'emploi. C'est une plaisanterie de croire que l'on va réduire le chômage avec les emplois d'avenir ! Tous les gouvernements ont fait la même bêtise, mais en définitive, c'est l'État qui paye et qui est forcé d'emprunter pour les financer.

Comme l'a dit Pierre Gattaz, ne tuons pas l'entreprise avec des impôts stupides. Aujourd'hui, les entrepreneurs s'en vont car ils ne supportent plus le poids invraisemblable des impôts sanction. Il est normal que les chefs d'entreprise aient un salaire élevé : ils valent de l'or et quand ils ne sont pas suffisamment payés, ils vont ailleurs.

Depuis 30 ans, les gouvernements successifs ont emprunté pour des dépenses de fonctionnement : c'est de la cavalerie !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

À vous entendre, nous avons des marges de progression en terme de gouvernance publique, mais n'êtes-vous pas, vous aussi, gestionnaires avec la protection sociale, la caisse d'assurance chômage ? Or, vous rencontrez des problèmes identiques aux nôtres...

Le temps est venu de reconnaître que dans une économie largement mondialisée, prélever la ressource sur la production, c'est organiser la délocalisation des activités. Même dans le bâtiment, les travaux publics et l'agroalimentaire on peut faire appel à des salariés de l'Europe de l'Est et payer dans ces pays les charges sociales. Il faut en finir avec les impôts de production pour privilégier la taxation des produits. Bien sûr, il faut réduire les dépenses publiques.

Néanmoins, le Gouvernement a fait tomber deux tabous : il a reconnu qu'il y avait un problème de charges sociales en instituant le CICE. À la fin de l'année, il y aura au moins dix milliards de créances sur l'État constatées dans les comptes des entreprises. De plus, le Gouvernement a reconnu que la hausse de la TVA n'était pas un chemin interdit, ce qui est un véritable bouleversement. Malheureusement, il n'est pas allé au bout de l'exercice. Je fais confiance à notre rapporteur général pour plaider des mesures de simplifications, avec l'abaissement des charges sociales quand le contexte budgétaire le permettra. Les impôts que les entreprises acquittent sont, en définitive, payés par les consommateurs. Certes, des dix-sept pays de la zone euro, c'est en France que les marges sont les plus faibles.

Le Medef doit aussi s'atteler aux budgets de la protection sociale, de la formation professionnelle et de l'Unédic. S'il ne faut pas emprunter pour des dépenses de fonctionnement, comme l'a dit Serge Dassault, on ne peut prétendre que financer des allocations chômage, c'est de l'investissement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Vous le constatez : la commission des finances du Sénat est un espace de liberté où il n'y a pas de tabous !

Debut de section - PermalienPhoto de André Ferrand

Vous avez dit que nos grandes entreprises qui exportent sont des porte-avions qui devraient emmener avec elles des flottilles d'entreprises plus petites. C'est ce que font les entrepreneurs allemands avec leurs sous-traitants. Même si certaines de nos grandes entreprises pratiquent le patriotisme économique, ce n'est pas le cas de toutes. Le Medef travaille-t-il à changer les mentalités ?

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Vous avez peut-être l'impression que nous découvrons le monde de l'entreprise, mais tel n'est pas le cas.

Avez-vous une idée précise des emplois menacés à court et moyen termes dans le secteur marchand ? Sortons-nous de la récession, comme le prétend le Gouvernement ? Les prévisions de croissance à 0,9 % sont-elle crédibles ?

Le Gouvernement a supprimé la TVA sociale qui aurait permis d'injecter 13 à 14 milliards d'euros dans l'économie. Avec le CICE, nous en sommes à un milliard cette année et les 10 milliards d'euros promis pour 2014 ne sont toujours pas financés, sauf peut-être à hauteur de 6 milliards du fait de l'augmentation de la TVA.

Les entreprises qui investissent ne peuvent déduire fiscalement les intérêts de leurs emprunts, ce qui est surprenant quand, a contrario, Bpifrance aide les entreprises à réaliser des investissements. Mais nous sommes les seuls à faire ces remarques et la presse économique ne relaye pas nos propos. Ne serait-il pas temps que le Medef se saisisse de ce problème ?

Enfin, nous regrettons que la TVA sociale ait été supprimée pour des raisons purement idéologiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Comme vous avez évoqué la presse économique, sachez qu'elle assiste à nos travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Votre analyse économique est partagée par un certain nombre de parlementaires. Malheureusement, aucun représentant de la majorité n'assiste à cette audition. Est-ce le cas ailleurs ? Êtes-vous écoutés au sommet de l'État ?

Quels sont vos objectifs à court et moyen termes ? Quelle est la ligne rouge à ne pas dépasser ? Les mauvaises habitudes en matière de charges ne vont pas disparaître du jour au lendemain, mais nous aimerions connaître vos priorités.

- Présidence de M. Albéric de Montgolfier,vice-président -

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Je vous prie d'excuser le départ du président Marini, qui doit assister à la Conférence des présidents pour établir le calendrier de la discussion du projet de loi de finances pour 2014.

Debut de section - Permalien
Geoffroy Roux de Bézieux

Nous aurions préféré une baisse des charges au CICE, car le crédit d'impôt différé n'est pas optimal, surtout pour les PME et les TPE. Le CICE ayant été créé, il n'est pas question de le remettre en cause. Certes, il ne réduira le coût du travail que de 20 milliards d'euros, alors que notre différentiel avec l'Allemagne s'élève à 50 milliards, mais modifier ce dispositif serait un mauvais signal en terme de cohérence, de lisibilité et de stabilité.

Cette année, seul un milliard d'avances a été débloqué par Bpifrance, mais c'est normal car elle a appliqué aux demandes d'avance des critères de banques commerciales reposant sur la notation de la Banque de France. Or, ce sont les entreprises en difficultés et qui ont une mauvaise note Banque de France qui ont demandé ces avances, ce qui explique le faible succès de la mesure.

Le CICE créé un effet de seuil, puisqu'il s'arrête à 2,5 smic. Or, tous les rapports montrent bien que les emplois de demain se situeront soit à des niveaux élevés - ingénieurs, informaticiens, des professionnels du net - qui ne seront pas concernés par le CICE, soit à des niveaux faibles, qui bénéficieront du CICE. Mon entreprise réalise 500 millions d'euros de chiffre d'affaire et ne perçoit que 118 000 euros de CICE, car le salaire moyen y est d'environ 3,5 fois le smic. Il aurait fallu que l'allègement du coût du travail concerne ces deux types d'entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Est-il normal que le premier bénéficiaire du CICE soit la grande distribution ?

Debut de section - Permalien
Geoffroy Roux de Bézieux

Il est difficile de remettre en cause les critères d'attribution, d'autant plus que ce serait inconstitutionnel. Le CICE bénéficie en effet à la grande distribution, mais aussi La Poste, dont le contexte concurrentiel est modéré. Mais si la base d'attribution devient complexe, le système sera incertain. Le grand mérite du dispositif, c'est sa clarté.

Oui, monsieur Arthuis, nous regrettons la TVA sociale qui reste la meilleure solution pour transférer le coût du travail. Nous espérons que le premier pas du Gouvernement sera suivi d'autres, même s'il ne faudrait pas que les modifications soient trop fréquentes, car elles coûtent beaucoup d'argent aux entreprises qui doivent adapter leur outil informatique.

Ayant présidé l'Unédic entre 2008 et 2010, je confirme que la cogestion est une mauvaise gestion, car elle procède d'un compromis. Nous abordons la réforme de l'assurance chômage en voulant changer les choses. Nous avons mal géré depuis trente ans, mais la nouvelle équipe ne persévèrera pas dans cette voie.

Debut de section - Permalien
Pierre Gattaz, président du Medef

La formation professionnelle est une priorité : nous avons engagé des négociations afin de simplifier le système, de réduire les coûts. Nous devons répondre aux besoins des entreprises : 400 000 emplois par an ne sont pas pourvus. Nous voudrions qu'au moins un quart des demandes soient pourvues d'ici cinq ans. Créé par Vincent Peillon, le Conseil national éducation-économie, dont je suis membre, permettra de rapprocher ces deux mondes. Enfin, le Medef a récemment fait onze propositions pour que l'apprentissage se développe dans notre pays. Nous voulons cogérer avec les régions et avec l'éducation nationale les métiers de demain.

Le coût de la normalisation ? C'est une folie d'avoir 85 codes et 400 000 normes ! La RT2012 a induit une incroyable complexité dans le bâtiment et les travaux publics : le surcoût de cette règlementation thermique s'élève à 17 %. L'arrêté sur le calcul de l'énergie fait 1 250 pages ! Cet environnement est kafkaïen : je compte sur le choc de simplification pour inverser la tendance. Les Anglo-saxons et l'Europe du Nord connaissent les mêmes problèmes que nous (handicapés, coût de l'énergie...), mais ils fixent des objectifs plutôt que de multiplier les normes et de procéder à des contrôles administratifs.

Le coût de la protection sociale s'amplifie et nous sommes coresponsables de cette dérive. Nous avons créé des groupes de travail pour mieux gérer le paritarisme. Si nous ne faisons rien, le déficit de l'assurance chômage s'élèvera à 40 milliards. Nous devons trouver des solutions intelligentes et humaines pour régler cette question.

Nous devons aider les chefs d'entreprise à exporter. Nous allons essayer de généraliser Acamas, programme national d'aide à la stratégie pour les PME de la mécanique. Les groupes APM (Association progrès du managment) pour la formation des patrons vont se développer. Le projet Stratexio à l'exportation, porté par Jean Claude Volot, est une de nos priorités : exporter plus et mondialiser notre économie.

L'entreprise est un être vivant : elle naît, se développe, vit et meurt. Une entreprise, c'est une adaptation permanente entre deux tapis roulants : les clients et les marchés mais aussi les technologies et les sciences. Malgré des stratégies brillantes, des entreprises déclinent et meurent : regardez Nokia, Alcatel-Lucent... La flexisécurité est au centre de cette adaptation : l'accord national interprofessionnel sur la compétitivité et la sécurisation de l'emploi (ANI-I) a permis d'avancer, mais le patron français a encore peur d'embaucher, tandis que le salarié craint pour son emploi. Pour réduire cette double peur, il faut accroître l'employabilité de nos salariés. Dans ma société, la formation permanente est une de mes priorités, car en cas de difficulté économique, mes salariés pourront retrouver rapidement un emploi. Nos concitoyens doivent accepter l'idée qu'ils auront peut-être plusieurs employeurs au cours de leur carrière. Une fois que l'ANI-I se sera mis en place, pourquoi ne pas envisager un ANI-II ?

Nous avons une part de responsabilité dans la dérive des comptes sociaux, mais nous ne sommes pas seuls autour de la table. Nous ne voulons pas de déficits supplémentaires, car nous sommes des gestionnaires avant tout.

J'ai regretté la suppression de la TVA sociale. La droite comme la gauche doivent en finir avec les mesures politiciennes : l'enjeu, c'est le pays, les entreprises, l'emploi. Parfois en France, des mesures dogmatiques font des dégâts considérables à l'économie. La TVA sociale a été mise en place trop tard par le gouvernement précédent, mais elle permettait de régler le problème posé par la branche famille.

Vous m'avez interrogé sur mes priorités : il faudrait transférer le coût de la famille sur deux ou trois points de TVA et un point de CSG en trois ans, ce qui permettrait de financer les 36 milliards dévolus à la famille. La fiscalité de la consommation en France est la plus faible d'Europe, alors que celle sur le travail est plus élevée et celle sur le capital encore plus. Nous connaissons une sorte de mononucléose de la fiscalité : la plupart des pays européens qui s'en sortent bien ont une fiscalité de la consommation plus élevée, comme les pays du Nord où le coût du travail est moins élevé et le coût du capital encore moins élevé.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Vous voulez des transferts de charge, plutôt qu'une réduction de la fiscalité.

Debut de section - Permalien
Pierre Gattaz, président du Medef

Certes, mais j'ai été interrogé sur mes priorités à court terme : il faut en revenir en matière de fiscalité à la moyenne européenne.

Ma deuxième priorité, que j'ai exposée au Président de la République, concerne le lancement d'un pacte de confiance : les 80 fédérations professionnelles du Medef et les 120 Medef territoriaux ont tous signé une lettre s'engageant à créer un million d'emplois en cinq ans, à condition que le coût du travail baisse, que la fiscalité diminue de 50 milliards d'euros, que la simplification se traduise dans les faits, que les dépenses publiques diminuent - c'est une nécessité vitale : nous sommes prêts à beaucoup nous investir pour parvenir à cet objectif - et que les freins à l'emploi se desserrent. Dans ce domaine, les effets de seuil - 9 et 49 personnes - sont redoutables. Il y a deux fois et demie plus d'entreprises qui comptent 49 personnes que d'entreprises qui en ont 50 ! Le Cesu devrait être généralisé aux petites structures de moins de cinq personnes, ce qui permettrait de créer des dizaines de milliers d'emplois ; le service à la personne doit se développer, car là aussi des dizaines de milliers d'emplois sont en jeu. Nous voulons aussi réduire à zéro notre déficit commercial qui se monte à 65 milliards. On me dit qu'il en résulterait la création de 650 000 emplois. Même s'il n'y en avait que 100 000 de créés, cela vaut la peine de se fixer un tel objectif. Nous n'avons que 4 500 entreprises de taille intermédiaire (ETI) alors que les Allemands en ont 12 000, les Anglais 10 000 et les italiens 8 000. Pourquoi ? À cause de la fiscalité du patrimoine. Arrêtons avec l'ISF ! Taxons les oeuvres d'art, mais pas la poule aux oeufs d'or, l'entreprise. Là encore, la France n'a rien compris. Depuis trente ans, l'ISF fait des dégâts sur les ETI patrimoniales. J'ai perdu tous mes concurrents patrimoniaux français, alors qu'en Allemagne, ils vont tous très bien et recrutent des apprentis. L'Europe est là pour nous montrer la voie, mais notre pays continue imperturbablement dans une voie sans issue.

Enfin, il faudrait revoir le financement des entreprises. La fiscalité française doit être stratégique, incitative. Toute loi doit être votée à l'aune de la création d'emplois et de la compétitivité. La fiscalité doit être porteuse d'espoirs, d'emplois. Mais elle reste souvent dogmatique et parfois même punitive, tel un épouvantail à investisseurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Afin de rassurer le président Roux de Bézieux, je précise que La Poste ne va pas bénéficier de l'intégralité de son CICE.

Merci pour vos interventions.