Intervention de Pierre Gattaz

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 6 novembre 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Pierre Gattaz président du medef

Pierre Gattaz, président du Medef :

Il est difficile pour un patron, préoccupé par la gestion de son entreprise, de se plonger dans la réglementation qui accompagne le CICE. Le mécanisme est trop difficile d'accès. Simplifions. Conviendrait-il de relever le plafond à 3,5 SMIC ? Peut-être. Mais nous proposons surtout de le sanctuariser et de procéder à un transfert des cotisations famille et maladie pour réduire l'écart avec l'Allemagne. Nous participerons aux Assises de la fiscalité des entreprises. Pour nous il ne doit pas s'agir de raisonner à fiscalité constante mais de parvenir à améliorer la fiscalité de l'entreprise, voire de l'entrepreneur et, surtout, à baisser les dépenses publiques : les deux sont liés.

Dans le cadre de l'accord Afep-Medef, nous avons nommé Denis Ranque à la tête du haut conseil sur la rémunération des dirigeants, créé en octobre, conformément au calendrier fixé. Il comptera sept membres : trois du Medef, trois de l'Afep plus une personnalité extérieure. À l'image d'un conseil de l'ordre, il jouera un rôle de vigie, traquera les dysfonctionnements et les excès, permettra d'avancer en matière de déontologie. Nous sommes le seul pays en Europe à avoir mis en place un tel dispositif qui responsabilise les dirigeants.

Les investissements d'avenir sont importants. Que faisons-nous dans les entreprises en période de crise ? Nous cherchons des relais de croissance, nous motivons nos équipes commerciales, et nous nous efforçons de trouver des clients. Nous optimisons nos structures. Nous réduisons les dépenses de fonctionnement mais préservons les investissements car, selon la formule célèbre, ils représentent les profits de demain et les emplois d'après-demain. L'État doit procéder de même. Il faut motiver les forces vives dans notre pays. Il faut maintenir les investissements d'avenir, dans les équipements ou les infrastructures par exemple, tout en limitant la technocratie, la paperasserie et le formalisme administratif - véritable monstre français.

Le Medef se mobilise pour améliorer la compétitivité hors-prix. Nous créons des commissions ad hoc pour former nos managers, réutiliser les réseaux de l'association pour le progrès du management (APM) ou les réseaux du pacte PME, destiné à faciliter les relations entre les grands groupes et les PME pour conquérir des marchés à l'export. N'oublions pas non plus le crédit impôt recherche, rayon de lumière dans notre univers fiscal peu attractif, que nous vantons à tous les investisseurs étrangers qui hésitent sur le choix du pays dans lequel installer leurs usines. Surtout, ne le cassons pas, les conséquences seraient terribles. Grâce à lui des activités de recherche et développement sont restée en France. En revanche nous sommes très en retard dans les processus d'intégration de la recherche.

Geoffroy Roux de Bézieux, vice-président du Medef. - Nous participerons aux assises de la fiscalité sur les entreprises ; nous réfléchissons aux modalités de cette participation avec le Gouvernement. Certes certaines mesures ont été prises comme la réforme de la taxe professionnelle ou le CICE, mais seule compte, pour les entreprises, la somme globale des prélèvements. Or, à cet égard, la coupe est pleine. L'écart de prélèvements avec l'Allemagne s'élève à 100 milliards d'euros : 50 milliards sur le coût du travail et 50 milliards dus à un écart d'imposition. Parmi les impôts, l'essentiel de l'écart est dû à des taxes sur la production. Si l'impôt sur les sociétés représente dans les deux pays 4,2 % de la valeur ajoutée, les autres taxes représentent, en plus, en France, 5 % de la valeur ajoutée. Dans ce contexte, les Assises ne sauraient se réduire à un jeu de bonneteau consistant à modifier l'assiette de l'impôt sans diminuer les prélèvements. C'est pourquoi nous nous sommes opposés à la taxe sur l'excédent brut d'exploitation. Le taux de pression fiscale n'est plus soutenable. Il doit diminuer, non pour augmenter les dividendes, mais pour augmenter les marges et l'investissement. Nous ne fixons aucune condition préalable mais nous quitterons la table de la négociation si la réflexion s'éloigne de ce but.

La simplification constitue notre deuxième objectif. Les taxes ont un coût de gestion, pour l'État comme pour les entreprises. Les entreprises ont besoin de s'inscrire dans un horizon pluri-annuel. Il faut de la visibilité pour investir. Or, chaque année, le projet de loi de finances réserve son lot de surprises. Il faut sanctuariser certains dispositifs. Le Président de la République a annoncé la sanctuarisation du crédit d'impôt recherche, mais des amendements déposés à l'Assemblée nationale le remettent en cause.

Enfin les relations avec le fisc sont cruciales. Point de poujadisme, l'impôt est nécessaire. Mais nous constatons un durcissement des contrôles fiscaux, ce qui crée un climat néfaste.

Les pistes d'économies sont connues. Rapport Camdessus, commission Attali, mission de Louis Gallois, rapports du FMI, de l'OCDE, ou de Bruxelles, tout a été écrit. Nous avons créé une commission pour rassembler les meilleures idées. Tout d'abord, le choc de simplification. Nous accueillons favorablement la nomination de Guillaume Poitrinal, aux côtés du député Thierry Mandon, à la présidence du comité de suivi. Comme en Angleterre, nous devrions appliquer, à l'occasion du vote de chaque loi, le principe one in, two out. Il faut supprimer des lois. De plus, notre faiblesse en France, c'est l'exécution. Les autres pays fixent des échéances et exécutent leurs engagements. Il s'agit aussi d'une priorité des entreprises qui recherchent la qualité totale ou l'excellence opérationnelle. C'est pourquoi nous soutenons la mise en place de binômes, associant hauts fonctionnaires et patrons, afin de faire bénéficier l'État de notre expertise et aider les services publics à réduire les gaspillages. Il ne s'agit pas de mener une révolution mais d'améliorer les processus. D'autres pistes sont le développement de la médecine ambulatoire, la suppression d'un échelon territorial comme le département, le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, etc. Inspirons-nous des exemples de la Suède ou des Pays-Bas.

Sur le paritarisme, vous avez raison, nous devons nettoyer devant notre porte et être exemplaires. Nous avons créé un groupe sur le sujet. Ma doctrine est simple : si un organisme que nous co-gérons enregistre des pertes pendant plus de trois ans, nous devons en sortir. Cessons d'accumuler des dettes qui pèseront sur les générations futures ! Certains organismes sont inutiles. Je compte en discuter avec les partenaires sociaux ; il faut avoir le courage de supprimer ce qui est inutile.

Nous avons créé deux groupes de travail sur les 35 heures, l'un consacré à la sphère publique, l'autre à la sphère privée. Dans le premier cas, son coût estimé s'élève à 25 milliards d'euros, sans compter la désorganisation du secteur hospitalier, dans le second, à 22 milliards. Là encore, il est possible d'avancer sans révolution, mais si nous n'agissons pas le chômage augmentera.

De même les processus de l'administration sont à revoir. Dans une entreprise, leur simple évaluation est source de profits. Il faut faire de même dans le secteur public.

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