C'est un grand honneur pour moi de venir vous présenter ce premier rapport annuel thématique sur les finances locales. L'intérêt de la Cour des comptes pour ces questions n'est pas nouveau. Nous anticipons, avec ce travail, sur une obligation qui s'imposera sans doute bientôt à nous, si j'en crois le projet de loi de décentralisation en cours de discussion.
Pour élaborer ce rapport, nous avons conjugué le national et le local : enquêtes auprès d'administrations centrales et d'associations d'élus, exploitation de la base des 160 000 comptes locaux et des travaux des chambres régionales des comptes (CRC) portant sur 118 collectivités, auxquels s'ajoute une enquête sur des thèmes d'actualité auprès de 70 autres.
Nos appréciations s'inscrivent dans une approche globale des finances publiques, qui sont trop interdépendantes pour que nous puissions apprécier l'évolution des finances locales de façon autonome. Le déficit au sens de Maastricht imputable aux collectivités territoriales est modéré, 3 %, et leur contribution à l'endettement public, de 10 % seulement. Ces éléments doivent être replacés dans le cadre de flux financiers importants entre elles et l'État. Le transfert de recettes aux collectivités affecte nécessairement - toutes choses étant égales par ailleurs - le solde budgétaire de l'État et l'endettement public. Enfin, les contribuables aux impôts locaux et nationaux sont les mêmes.
Les engagements européens de la France, pacte de stabilité et de croissance et traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), ainsi que la loi organique de 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques prise en application de ce traité, englobent bien les administrations publiques locales.
La loi de programmation des finances publiques pour 2012-2017 prévoyait pour les collectivités territoriales une augmentation annuelle moyenne des dépenses de 0,7 % en volume entre 2014 et 2017 et le pacte de stabilité et de croissance, prévoit même une croissance plus limitée entre 2015 et 2017 (0,5 % en volume).
Or en 2012 la réalité est en décalage par rapport à cette trajectoire dès la première année, avec une augmentation d'un peu plus de 1 % en volume. On peut faire les mêmes constats s'agissant de la masse salariale.
Cela met en évidence l'insuffisance des outils de gouvernance des finances publiques locales et la nécessité de poser des règles plus contraignantes d'évolution des recettes et des dépenses. Une instance nationale (il en est prévu une dans le projet de loi) pourrait former un cadre permanent pour associer les collectivités territoriales aux mesures de redressement. Il est nécessaire de préciser les règles d'encadrement du solde, dans un pacte de gouvernance des finances locales inscrit dans la durée. L'État doit être en mesure de garantir le respect de ses engagements européens et de la trajectoire nationale des finances publiques.
Les collectivités ont vocation à participer au redressement des comptes publics. Ce n'est pas une affirmation ex cathedra de la Cour, c'est la traduction logique de la loi de programmation des finances publiques et des engagements européens. Il s'agit moins d'une question de solde que de maîtrise des dépenses, surtout de fonctionnement. En 2012 comme en 2011, celles-ci ont augmenté plus vite que les recettes de fonctionnement, réduisant l'épargne brute. Les prélèvements obligatoires sont déjà élevés, les concours financiers de l'État ont une limite : le seul remède aujourd'hui est la maîtrise des dépenses de fonctionnement.
Elles progressent car il faut satisfaire une demande de services. Elles augmentent également sous l'effet de facteurs exogènes, tels que le poids des normes ou les transferts implicites de charges ; quoi qu'il en soit, elles font peser le risque d'un fort déséquilibre à long terme, il importe donc d'identifier des marges de manoeuvre, sans en rabattre sur la qualité du service.
La masse salariale représente 35 % des charges de fonctionnement des collectivités, 52 % dans les communes. La Cour évalue à 40 % la part de l'augmentation imputable à des décisions nationales, telles que l'augmentation du Smic ou la création d'emplois d'avenir. Le reste dépend des décisions des collectivités. Sur la base des derniers chiffres connus, les effectifs ont cessé d'augmenter depuis 2010 - mais ces données sont approximatives dans la mesure où elles sont publiées par l'administration avec un décalage de deux ans - mais la masse salariale continue de progresser. Des marges de manoeuvre sont à rechercher dans le temps de travail - pas toujours à son maximum - le régime indemnitaire, le rythme d'avancement d'échelons ou de grades et l'organisation au sein du bloc communal, où l'on constate des taux d'administration très disparates. Par exemple, si les communes avaient maintenu leur masse salariale au niveau de 2011, elles auraient fait une économie de 850 millions d'euros.
La mutualisation au sein du bloc communal peut aussi être une source d'économies, si le transfert de services à l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) s'accompagne de la mutualisation des services fonctionnels. Nous n'avons pas pu percevoir un ralentissement de l'augmentation des dépenses qui lui soit imputable. Il faut donc aller plus loin. En application de la loi dite RCT et relative aux relations avec les collectivités territoriales votée en 2010, le président de l'EPCI, à partir de 2015, sera amené à établir un rapport sur les mutualisations de services entre le groupement et les communes membres qui comportera un schéma prévisionnel de mutualisation prévoyant l'impact prévisionnel de celles-ci sur les effectifs. La cour recommande également une évaluation ex port, ce qui exige une comptabilité consolidée des communes membres.