Intervention de Benoît Hamon

Réunion du 6 novembre 2013 à 14h30
Économie sociale et solidaire — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Benoît Hamon, ministre délégué :

Cette directive n’est pas encore transposable dans le droit français, mais vous avez souhaité le faire par anticipation. Le Gouvernement souhaite que l’on étende, à moyen terme, le principe de ces « marchés réservés » aux acteurs de l’insertion par l’activité économique.

Le Gouvernement vous propose également une sécurisation de la subvention.

C’est un sujet fondamental à l’heure de la raréfaction de la ressource publique et de la tendance lourde à la mise en concurrence, même lorsqu’elle est disproportionnée au regard de l’objectif visé. C’est une demande ancienne du secteur associatif, notamment de la Conférence permanente des coordinations associatives, la CPCA. Ma collègue Valérie Fourneyron pourrait en témoigner, d’autant qu’elle travaille à une nouvelle « charte des engagements réciproques », avec le concours du sénateur Claude Dilain. Cela fait plus de dix ans que le monde associatif attend cette précision juridique.

Je veux saluer le travail effectué par la commission des affaires sociales sur les dispositions relatives à l’emploi. Les propositions qu’elle a faites, sous la houlette de Mme Christiane Demontès, témoignent d’une excellente compréhension des enjeux liés à ce projet de loi en matière de développement de l’emploi.

Ainsi, la réintroduction de la disposition relative à la facilitation des clauses sociales donnera un réel coup de pouce aux structures d’insertion. Les dispositions visant à sécuriser juridiquement les coopératives d’activités et d’emploi permettront à ces dernières de se développer sans risque, et la commission des affaires sociales propose une alternative, un complément au statut d’auto-entrepreneur. En permettant aux sociétés coopératives d’intérêt collectif, les SCIC, d’embaucher des jeunes au titre d’emplois d’avenir, elle soutient l’ambition prioritaire du Gouvernement de développer l’emploi des jeunes.

J’en viens maintenant aux dispositions qui ont fait couler le plus d’encre : celles qui sont relatives à la facilitation de la reprise d’entreprises par les salariés.

Je tiens tout d’abord à saluer la présence dans les tribunes de Jean Auroux, ministre du travail de François Mitterrand, qui nous fait l’honneur d’assister à ce débat. §Je crois pouvoir dire que, humblement, modestement, la majorité et le Gouvernement essaient de s’inscrire dans le sillage qu’il a tracé au travers des lois qui portent son nom. Ces lois ont apporté un authentique progrès social aux salariés de ce pays, sans que cela nuise à la performance et à la croissance économiques. Nous allons tenter de faire de même par le biais de ce projet de loi.

Les dispositions relatives à la facilitation de la reprise d’entreprises par les salariés ont naturellement leur place dans ce texte, puisqu’elles visent à promouvoir l’entrepreneuriat collectif, le cas échéant sous la forme coopérative.

Ces dispositions se justifient par le fait que, chaque année, au moins 50 000 emplois disparaissent dans des entreprises saines, qu’il n’y a aucune raison de fermer, mais au sein desquelles la succession du chef d’entreprise a été mal préparée ou ne l’a pas été du tout. En clair, il s’agit de PME en bonne santé, qui ferment parce qu’aucun repreneur ne s’est manifesté. Leurs salariés se retrouvent au chômage et sont parfois amenés à quitter la région avec leurs familles. Chacun d’entre vous a été confronté à cette réalité économique dans son territoire.

Le Gouvernement ne veut pas se résigner à cette situation. Nous ne nous résignons pas au gâchis que représente la destruction de 50 000 emplois par an dans un pays qui connaît un chômage de masse et les difficultés de la crise. Il est insupportable que 50 000 emplois soient perdus chaque année parce que des entreprises en bonne santé ont dû mettre la clé sous la porte, faute de repreneur. Le Gouvernement est donc déterminé à agir pour préserver ces entreprises qui comptent tant pour la cohésion territoriale du pays. C’est pourquoi il souhaite permettre aux salariés de proposer, le cas échéant, une offre de reprise, en leur donnant le temps et les informations nécessaires pour qu’ils puissent le faire, moyennant des contreparties évidentes en matière de confidentialité.

Le projet de loi tout entier réhabilite l’entrepreneuriat collectif, et il n’y a donc pas de raison valable de le combattre dans les circonstances que j’ai décrites. Notre ambition est de placer les salariés en situation d’être des repreneurs potentiels, forts de leur compétence et de leur connaissance de l’outil de production ; ni plus ni moins.

Le droit de propriété n’est pas remis en question : la liberté du cédant reste intacte. Il n’y a pas de préférence accordée à l’offre des salariés, car nous avons jugé qu’il serait difficile de définir les conditions d’équivalence entre plusieurs offres. Nous allons en débattre ensemble, mais l’objectif du Gouvernement est de faire en sorte que ce progrès social, à forte incidence économique pour nos territoires, ne soit pas censuré par le Conseil constitutionnel, au motif qu’il porterait atteinte au droit de propriété ou à la liberté de commerce. Nous débattrons de ces aspects, je le répète, mais je souhaite que votre assemblée retienne que la volonté du Gouvernement s’exprime tant dans l’ambition sociale que dans le pragmatisme économique de nos propositions.

Ces propositions complètent le « trident » que nous avons conçu pour soutenir le « choc coopératif ».

La première pointe de ce trident est le droit d’information pour les salariés : ils doivent savoir que leur entreprise est à vendre, ne serait-ce que pour avoir le temps de formuler une offre.

La deuxième pointe est la création du nouveau statut de société coopérative de production – SCOP – d’amorçage, qui permettra de limiter la prise de risque initiale des salariés. Le texte ne préjuge pas la forme juridique que choisiront les salariés s’ils se portent candidats à la reprise de leur entreprise, mais, s'agissant d’un projet de loi relatif à l’ESS, il était légitime que le Gouvernement propose une formule facilitant la reprise par le biais d’une SCOP. Le monde des SCOP nous a indiqué que l’obligation, pour les salariés, de détenir au moins 50 % du capital était parfois un obstacle à la reprise d’entreprises en bonne santé.

Enfin, la troisième pointe est la mise en place, en lien avec Bpifrance et la Confédération générale des SCOP, d’un fonds d’aide à la transmission d’entreprise.

Ce trident sera donc complété par les mesures de formation, d’aide et d’accompagnement qui mobiliseront, au côté des salariés candidats à la reprise de leur entreprise, les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, les chambres de commerce et d’industrie, les unions régionales des SCOP. Plusieurs groupes ont déposé des amendements à ce sujet ; le Gouvernement sera ouvert au débat sur les conditions de l’accompagnement de la transmission d’entreprise.

Ce dispositif est universel au sens où il a aussi vocation à transformer des entreprises de l’économie classique en entreprises relevant de l’ESS. Je n’ai jamais pensé que la SCOP était le moyen de transformer le plomb en or, c'est-à-dire une entreprise en difficulté en une entreprise florissante. Je constate seulement que, parce que nous n’avons pas suffisamment travaillé sur la transmission d’entreprise, ce pays accepte aujourd'hui que l’or – des PME saines – se change en plomb. Permettre de prolonger la vie des entreprises en favorisant leur reprise par leurs salariés : telle est l’ambition du Gouvernement. §

Je salue la contribution décisive de la commission des affaires économiques, de son rapporteur, Marc Daunis, et de son président avisé

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