Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 6 novembre 2013 à 14h30
Économie sociale et solidaire — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd’hui, quelque 21 000 coopératives, plus d’un million d’associations et de mutuelles, ainsi qu’un nombre croissant d’entreprises solidaires, irriguent la vie économique et sociale de notre pays. Elles contribuent au développement de nos territoires, à la réduction des inégalités, sociales ou territoriales. L’économie sociale et solidaire représente en effet plus de 2 millions d’emplois et 10 % du PIB.

Favoriser l’essor de ce secteur par le biais d’un ensemble de mesures structurantes, conférant un cadre juridique simple et protecteur, facilitant l’accès au financement de ses acteurs, constitue donc un enjeu essentiel pour l’emploi et la croissance dans notre pays, mais aussi pour la solidarité, la justice et l’équité, entre les citoyens et entre les territoires.

C’est pourquoi nous accueillons favorablement le fait que le Gouvernement présente aujourd’hui, en première lecture au Sénat, un projet de loi ayant pour objet de permettre ce « changement d’échelle » de l’économie sociale et solidaire.

Mon collègue Stéphane Mazars détaillera tout à l’heure la position générale de mon groupe, ainsi que la logique qui sous-tend les amendements que nous avons déposés sur le projet de loi. Pour ma part, je me concentrerai sur deux articles, qui – au regard du nombre d’amendements déposés – semblent avoir retenu l’attention de plusieurs de nos collègues... Je veux parler des articles 11 et 12, qui visent à instaurer un dispositif d’information des salariés en cas de cession de leur entreprise.

Rappelons l’objectif poursuivi par ces articles : permettre de sauvegarder des emplois et maintenir l’activité économique, en particulier dans les territoires ruraux, où la transmission d’entreprises est souvent un problème très préoccupant. Dans ces territoires fragiles, souvent délaissés, il convient d’anticiper et de mieux préparer l’éventuelle cession de l’entreprise avec le concours, quand cela est possible, des salariés.

Quel est le dispositif proposé pour parvenir à un tel objectif ?

Tout d’abord, les articles 11 et 12 prévoient d’informer les salariés lorsque le dirigeant décide de céder l’entreprise. C’est bien normal, et c’est d’ailleurs ce que prévoit la directive européenne du 12 mars 2001, que la France n’a toujours pas transposée.

Ensuite, il s’agit de permettre aux salariés, parallèlement à l’information qui leur est donnée, de proposer, s’ils le souhaitent, une offre de reprise. Nous le savons tous, lorsqu’une entreprise est reprise par les salariés, elle a souvent plus de chances de perdurer que lorsqu’elle est reprise par un tiers. Je rappelle les chiffres figurant dans le rapport : 75 % des entreprises reprises par les salariés existent toujours cinq ans après la cession, contre 60 % des entreprises transmises à un tiers.

Les dispositions du titre II visent donc à faciliter la reprise par les salariés en les informant et en les associant en amont, afin, notamment, de leur laisser le temps de formuler une offre de reprise solide et crédible. Ce dispositif est d’ailleurs complété par l’article 11 A, introduit par le rapporteur, qui vise plus généralement à informer les salariés des possibilités de reprise de leur entreprise tout au long de leur vie professionnelle.

Concrètement, ces trois articles devraient conduire à davantage de reprises d’entreprises par les salariés et, donc, permettre non seulement de réduire significativement le nombre de fermetures d’entreprises en « bonne santé » – une aberration ! – dues à l’absence de repreneur, mais aussi de favoriser le maintien de l’activité et des emplois sur le long terme. Ces mesures peuvent constituer une avancée. Toutefois, il me semble qu’il reste encore beaucoup à faire pour permettre aux salariés d’être en mesure de reprendre efficacement une entreprise.

Pour résumer, l’information, c’est bien ; la formation, c’est encore mieux ! Il y a sur la question de la formation professionnelle, de l’encadrement et de la préparation des salariés à une possible reprise de leur entreprise un véritable chantier à développer. Nous souhaitons, monsieur le ministre, que vous avanciez dans cette direction.

Les membres du groupe du RDSE sont favorables au « droit d’information » instauré par le projet de loi, qui constitue à leurs yeux un progrès. Pour autant, la rédaction de ces articles a suscité chez nous de vives interrogations. Une expression, en particulier, nous semble présenter un risque non négligeable du point de vue de la sécurité juridique. Je veux parler de l’« intention de cession ». Nous avons donc cherché à proposer une nouvelle rédaction afin de sécuriser le dispositif.

Par tradition, nous avons l’habitude, sur le terrain, dans le cadre de nos mandats locaux, auxquels nous sommes attachés, de rechercher des solutions équilibrées, respectueuses des intérêts de chacune des parties. Ce texte constituera un progrès économique et social s’il est considéré comme un instrument facilitateur et non comme une contrainte par le chef d’entreprise. La France se singularise en Europe par sa difficulté à sortir de blocages idéologiques souvent stériles freinant un indispensable dialogue social constructif.

Monsieur le ministre, nous avons compris que vous étiez prêt à prendre en considération nos observations et nos propositions. De ce fait, notre groupe votera unanimement en faveur de ce projet de loi.

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