Intervention de Robert del Picchia

Réunion du 7 novembre 2013 à 21h30
Économie sociale et solidaire — Vote sur l'ensemble

Photo de Robert del PicchiaRobert del Picchia :

Je m’exprimerai au nom du groupe UMP.

Comme mes collègues Élisabeth Lamure et Gérard César l’avaient annoncé lors de la discussion générale, deux dispositions de ce projet de loi ont retenu notre attention.

Je ferai l’impasse sur les dispositions des titres III à VIII, sur les mesures relatives à la modernisation du régime des coopératives, aux associations, aux fondations ou aux sociétés d’assurance, qui pour beaucoup d’entre elles recueillent notre adhésion.

Je ne m’arrêterai pas non plus sur l’article 9 et sur la création d’un schéma de promotion des achats publics socialement responsables, et donc sur la création des clauses dites « sociales » dans les contrats, nouvelles procédures qui nous apparaissent comme de nouvelles charges administratives, disproportionnées au regard du bénéfice escompté.

Notre critique du projet de loi portera sur deux points : la détermination du champ de l’ESS, à l’article 1er, et des conditions de l’obtention de l’agrément « entreprise solidaire », prévu à l’article 7, et, bien sûr, l’information anticipée des salariés, afin de leur permettre de formuler une offre de rachat.

Pour la détermination du champ de l’économie sociale et solidaire, vous avez fait le choix d’un dispositif restrictif, qui écarte la plupart des sociétés commerciales. Nous ne reviendrons pas sur la démonstration de nos collègues, la rédaction des articles 1er et 7 ne laissant que peu de doutes sur la place des entreprises dans l’ESS.

Devant l’entêtement du Gouvernement, nous avons essayé d’entrevoir le raisonnement qui a conduit à la rédaction de ces articles et à l’exclusion des sociétés commerciales du champ de l’ESS.

Pour beaucoup, le développement d’entreprises à but lucratif dans le secteur des services à la personne, en concurrence avec les associations, participe d’une sorte d’écrémage de la partie la plus rentable de ce marché, ce qui limite la politique de mutualisation permettant d’offrir des services de qualité à des personnes ne disposant pas de moyens suffisants.

Chacun peut comprendre ce raisonnement. Les entreprises commerciales se tournent en effet prioritairement vers les secteurs permettant les taux de rentabilité les plus élevés.

Partant de constat, je formulerai deux remarques.

Premièrement, pourquoi empêcher le développement des entreprises commerciales vers ces secteurs ? Pourquoi exclure le secteur privé de ce qui est rentable ? C’est un parti pris pour le moins étrange !

Deuxièmement, lorsque l’offre de services à la personne arrive à saturation en ce qui concerne les services les plus rentables, les entreprises commerciales se reportent alors automatiquement sur les activités offrant des taux de rentabilité inférieurs.

La question est de savoir comment permettre aujourd’hui le développement d’une offre satisfaisant la demande pour les secteurs les moins rentables. Inévitablement, l’instrument fiscal apparaît comme étant le levier le plus approprié.

C’est l’option que vous avez choisie en rendant les entreprises de l’ESS ou bénéficiant de l’agrément « entreprise solidaire » éligibles à certaines aides ou exonérations, sauf qu’ici l’application des dispositions fiscales sera déterminée non pas par la faible rentabilité de l’activité, mais par le statut juridique de l’offreur. Si ce dernier est une association, il sera aidé ; s’il s’agit d’une entreprise, vous le taxerez !

Il convient de rappeler la politique gouvernementale en matière d’aide à la personne, en insistant notamment sur son absence de cohérence.

En effet, à la suite de la mise en demeure adressée à la France par l’Europe, vous avez fait passer le taux de TVA pour certains services à la personne de 7 % à 19, 6 %, seulement quelques mois après un premier relèvement de la TVA de 5, 5 % à 7 %, et le Gouvernement a publié, le 19 juin 2013, un décret exonérant les associations sans but lucratif du secteur de cette hausse de taux. Cela commence à faire beaucoup pour les entreprises commerciales ! Même si nous admettons que les structures non commerciales soient aidées, tout cela nous semble relever du dogmatisme.

Nous sommes donc bien loin de Lionel Jospin, qui avait justement considéré que, à activité équivalente développée dans des conditions similaires, les associations du secteur non lucratif et les entreprises commerciales devaient être soumises aux mêmes impositions.

En ce qui concerne maintenant l’information prioritaire des salariés afin de leur accorder une situation privilégiée dans les négociations, peut-être facilitera-t-elle, dans certains cas, la transmission de l’entreprise aux salariés sous forme de SCOP. Mais ce combat pour quelques symboles nous semble être mené au détriment de l’intérêt bien compris de l’immense majorité des propriétaires d’entreprise et des salariés.

L’information des salariés existe déjà dans les entreprises de plus de cinquante salariés. Dans les entreprises plus petites, la réalité des relations entre propriétaires et salariés conduit inévitablement à la transmission de l’information. Une fois de plus, nous allons rendre la loi encore un peu plus verbeuse, comme l’a souligné hier Gérard Larcher.

Quant au risque de divulgation de cette information, vous ne pouvez faire semblant de l’ignorer. Vous semblez ne pas croire au danger qu’il représente pour la conduite des négociations. Comment pouvez-vous imaginer que les mouvements sociaux déclenchés préventivement ne retarderont pas les négociations, lorsqu’ils ne les arrêteront pas ? Comment ne pas penser aux fournisseurs et aux clients dont le sort est lié à celui de ces entreprises ? Enfin, pourquoi permettre aux salariés de présenter une offre au moment même où le prix de vente est le plus élevé ?

Pour ces raisons, nous nous opposons à l’information préalable des salariés dans les conditions énoncées par le Gouvernement. Cette disposition, comme la plupart de celles qu’il nous a été donné d’examiner, témoigne que le Gouvernement cherche à se rassurer, sinon à se faire plaisir…

Pour conclure, ce texte constitue tout simplement, à nos yeux, une attaque en règle contre le monde de l’entreprise et contre l’idée même d’initiative privée. §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion