Intervention de Jean-Noël Cardoux

Réunion du 13 novembre 2013 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2014 — Article 12 ter nouveau priorité

Photo de Jean-Noël CardouxJean-Noël Cardoux :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà revenus à cette « clause de désignation » dont nous avions beaucoup parlé au printemps dernier.

Je dirai de cet article qu’il relève d’une démarche « à la Tartuffe » puisque, à travers lui, sous couvert de respecter la décision du Conseil constitutionnel sur la loi relative à la sécurisation de l’emploi, décision qui mettait en avant le principe de libre concurrence, le Gouvernement met en place une « clause de recommandation » par branche pour les adhésions obligatoires aux complémentaires santé et fait rentrer dans le droit chemin les entrepreneurs qui ne respecteraient pas cette clause en surtaxant à 8 % les contrats des entreprises de dix salariés et à 14 % celles de plus de dix salariés.

Quelle hypocrisie !

En vérité, cet article appelle de nombreuses critiques.

Sur la forme, on se demande ce qu’il vient faire dans le volet « recettes » d’un PLFSS, alors que, comme le Gouvernement l’a lui-même reconnu, cette surtaxation se veut incitative et n’a pas pour objectif de contribuer à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale. Du reste, cet article concerne non pas le régime de base de la sécurité sociale, mais des régimes complémentaires.

Il s’agit donc, ni plus ni moins, d’un cavalier, introduit par le Gouvernement sous la pression de certaines organisations syndicales. Nous avons eu l’occasion ce matin en commission de rejeter des amendements présentés sur le même fondement de recettes annexes.

Sur le fond, il s’agit d’une rupture de l’égalité des contribuables devant l’impôt, d’une atteinte à la liberté d’entreprendre et, surtout, d’une dénaturation de la liberté contractuelle.

En d’autres termes, bien qu’il fasse droit, en apparence, au principe de libre concurrence, cet article, s’il était adopté, subirait manifestement, lui aussi, la censure du Conseil constitutionnel.

J’ajoute qu’aucune motivation d’intérêt général ne justifie cet article.

Au contraire, l’argument avancé par le Gouvernement – limiter la mutualisation à des accords de branche – diminue l’efficacité du dispositif compte tenu de l’échantillon plus restreint de personnes concernées.

Cet article n’a donc aucune justification technique.

Il faudrait, au contraire, prendre en compte les mutualisations intergénérationnelles, interprofessionnelles et géographiques, qui sont à la base du fonctionnement de tout assureur santé, et laisser la libre concurrence s’instaurer. C’est cet acte de solidarité, en dehors des accords de branche, que les professionnels de l’assurance doivent mettre en œuvre, comme ils savent parfaitement le faire.

Sous prétexte de mettre en place les conditions d’une meilleure mutualisation, cet article opère en fait un retour larvé au régime des corporations !

En réalité, cette recommandation forcée aura pour résultat de faire financer indirectement les grandes entreprises par les petites, alors que les salariés de chacune de celles-ci, par définition moins nombreux, représentent évidemment une masse de consommation de soins moins importante.

En effet, si cet article est adopté, 90 % des contrats seront attribués aux instituts de prévoyance, au détriment des assureurs et des mutuelles, privant immédiatement d’emploi des milliers de personnes. Nous avons d’ailleurs vu hier devant les portes du Sénat une manifestation de salariés inquiets.

Dans ces conditions, on comprend mieux ce qui explique véritablement le retour d’une telle clause devant le législateur : c’est le lobbying des syndicats, tant salariés que patronaux, qui siègent à parité dans les institutions de prévoyance et qui veulent continuer à se partager une manne financière.

Il s’agit, par le biais des mutuelles, d’une étatisation larvée de la politique de santé !

Pour toutes les raisons que je viens d’exposer, qui sont de forme, de fond et aussi d’ordre constitutionnel, le groupe UMP présentera un amendement visant à la suppression de cet article totalement indéfendable.

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