Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous allons donc reprendre nos débats sur cette affaire de clause de recommandation et de clause de désignation.
En l’espèce, le groupe UDI-UC a toujours défendu le strict respect du texte de l’ANI – accord national interprofessionnel – du 11 janvier 2013.
Cela étant, nous devons reconnaître que, dans certains cas, la clause de désignation s’impose. En effet, la négociation collective et la gestion d’un régime de prévoyance de branche ont pu emprunter des formes très diverses. Les partenaires sociaux pouvaient soit sélectionner un contrat assuré par un ou plusieurs organismes assureurs déterminés, soit décider de la création, par la voie conventionnelle, d’un organisme assureur déterminé dont l’objet exclusif était de couvrir les salariés et anciens salariés de la branche.
Les partenaires sociaux ont eu recours à cette seconde possibilité lorsque les particularités d’une branche professionnelle les ont conduits à développer une politique sociale particulièrement affirmée en raison, surtout, de conditions de travail difficiles ou spécifiques.
Ce type d’organisme, dédié à une branche professionnelle et n’intervenant pas sur d’autres marchés, doit pouvoir continuer à exister.
Je prendrai deux exemples pour illustrer mon propos : le secteur du bâtiment et des travaux publics – BTP –, d'une part, celui des particuliers employeurs, d'autre part.
Le secteur du BTP a, depuis l’immédiat après-guerre, développé une tradition de relations paritaires fortes. Cette tradition a permis la conclusion par l’ensemble des partenaires sociaux de plusieurs accords de branche, qui, notamment de 1947 à 1968, ont créé un régime de complémentaires retraite, santé et prévoyance particulièrement performant, ainsi que les organismes chargés de les gérer. Il s’agit, depuis 1993, du groupe paritaire professionnel de protection sociale à but non lucratif : PRO BTP.
En l’état actuel du droit, toutes les entreprises du secteur du BTP sont tenues d’adhérer à PRO BTP, qui offre à leurs salariés les garanties prévues par des accords de branche étendus par arrêtés ministériels.
La création de ce dispositif répondait à trois préoccupations.
Premièrement, il s’agissait de mutualiser des risques qui, individuellement, pour certaines entreprises du secteur, notamment les plus petites, auraient été trop lourds à supporter ou à faire assurer.
Deuxièmement, le souci était de développer une politique d’action sociale forte.
Troisièmement, il fallait éviter les coûts de transaction qu’impliquait le recours à une entité extérieure à la branche.
Ainsi voulue par toute la profession, cette institution de prévoyance professionnelle a permis la mise en place d’une véritable solidarité professionnelle entre tous les salariés et une mutualisation du risque pour tout le secteur du BTP.
La suppression du droit pour les partenaires sociaux de disposer, dans une branche, d’un organisme assureur dédié, auquel les entreprises sont tenues d’adhérer pour la prévoyance dans le BTP, remet en cause la solidarité professionnelle de ce secteur. Ce sont les petites entreprises qui seront perdantes, les plus grosses ayant la capacité financière de négocier des contrats à fortes garanties auprès d’autres organismes.
En ce qui concerne les branches professionnelles des salariés du particulier employeur et des assistants maternels du particulier employeur, on retrouve cette même démarche de solidarité et de mutualisation du risque.
Les partenaires sociaux ont créé l’IRCEM en 1973, groupe de protection sociale dédié aux salariés à domicile. L’IRCEM assure et gère la retraite complémentaire et les régimes de prévoyance collective négociés par les partenaires sociaux.
Le dispositif repose sur un appel indirect des cotisations via l’URSSAF, ce qui permet la mutualisation. En effet, un salarié à domicile ou une assistante maternelle ont très souvent plusieurs employeurs.
Si ce système de désignation de l’IRCEM est remis en cause, les particuliers employeurs seront dans l’incapacité d’effectuer un choix individuel en matière de couverture prévoyance et les salariés de ce secteur risquent de ne plus être couverts en cas d’incapacité et d’invalidité.
Au passage, je me demande comment le CESU va gérer les différentes mutuelles des particuliers employeurs !
J’ai déposé un amendement n° 80, qui vise à prendre en compte la situation spécifique des deux secteurs que je viens d’évoquer ou de ceux qui présentent de semblables spécificités, tel le secteur du transport. Il est essentiel de préserver ces entités qui sont nées d’accords de branches professionnelles et qui incarnent le régime de prévoyance des salariés de ces branches.
Madame la ministre, la balle est dans votre camp : c’est à vous de trouver la solution pour que ces spécificités soient préservées.