Monsieur le ministre, j’ai écouté attentivement la réponse que vous avez apportée à Isabelle Debré ; il n’est en effet pas facile de justifier l’injustifiable.
Depuis un certain temps, on a l’impression que le Gouvernement – pardonnez-moi cette métaphore un peu facile – est devenu un danseur de tango. Il fait un pas en avant, deux pas en arrière. Il crée une taxe, mesure les réactions de la population, revient sur sa position, donne des compensations et ne sait plus par quel bout prendre le contribuable français !
Pour ce qui concerne la taxation des produits de placement, vous nous avez proposé en dernière minute un amendement visant à exclure du champ d’application de cette mesure certains produits de placement tournés vers l’épargne économique comme l’épargne salariale ou les PEA. En revanche, restent visés les produits d’assurance vie adossés à des unités de comptes, à des supports économiques ou à des multisupports qui constituent en fait un drainage de l’épargne vers l’économie réelle du pays.
Si j’ai bien compris la logique du Gouvernement, il s’agit non pas d’une nouvelle taxe, mais de la modulation d’un taux d’une ancienne taxe. Mais comment peut-on concevoir que des épargnants qui ont eu confiance, à un certain moment, dans les produits que leur proposaient les organismes financiers se voient, au cours de l’exécution de leur plan d’assurance vie, de nouveau taxés alors qu’ils ne l’avaient pas prévu ? Il y a là un problème d’équité vis-à-vis des épargnants : en fonction de la date à laquelle ils ont effectué leurs versements et de la date à laquelle ils vont dénouer leur contrat d’assurance vie, ils ne seront pas traités de la même manière.
Comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer hier soir au cours de la discussion générale, pour rétablir une certaine confiance dans notre pays – c’est le cœur du problème –, un certain nombre de facteurs, que chacun devrait avoir à l’esprit, sont nécessaires. Deux me paraissent essentiels : la lisibilité et la stabilité. Or, par les mesures que vous vous apprêtez à prendre, vous mettez totalement à mal ces deux notions.
J’en viens à ma conclusion, qui prendra la forme d’une interrogation.
Ce matin, en conseil des ministres, ont été présentés de nouveaux produits d’épargne tournés vers l’économie. Nous verrons quelle peut en être l’efficacité, car, si j’ai bien compris, les incitations fiscales sont assez mesurées. Il paraît certes naturel de vouloir débloquer les sommes relativement dormantes et peu rémunérées qui sont investies sur les livrets A afin qu’elles puissent financer l’économie réelle. Mais comment voulez-vous que les épargnants à qui vous allez proposer ces nouveaux produits d’épargne y souscrivent ?
En effet, d’un côté, vous surtaxez les contrats en unités de compte pourtant tournés vers l’économie en maintenant un taux à 15 %, et, de l’autre – voilà bien cette politique du tango –, vous créez un autre produit afin de récupérer l’épargne et de la diriger vers les contrats productifs en matière économique. Comment voulez-vous que les épargnants aient confiance en la parole d’un gouvernement qui, juste avant de mettre en œuvre ce nouveau dispositif, vient de montrer qu’à tout moment il pouvait revenir sur les engagements qui avaient été pris pour fixer l’épargne d’une manière durable ?
Comprenne qui pourra ! C’est en tout cas la question que vous avait posée Isabelle Debré. Vous ne pouviez pas répondre à tout, mais, j’y insiste, nous sommes en train de constater que vous faites tout et son contraire ! §