Monsieur le secrétaire d'Etat, le jour même de la célébration du 60e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz, le 27 janvier 2005, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe était invitée à créer un « centre européen en mémoire des déplacements forcés de populations et du nettoyage ethnique », proposé par sa commission des migrations, des réfugiés et de la population, sur le rapport de M. Mats Einarsson, un Suédois.
Il est très vite apparu à la délégation française, qui a unanimement rejeté cette proposition, que la création de ce centre pouvait donner lieu à une ambiguïté fort déplorable, voire à une confusion inadmissible, et, enfin, qu'elle pouvait avoir des effets déstabilisateurs pour la réconciliation européenne, encore fragile.
Il faut se souvenir que ce projet tire son origine de la proposition, formulées par des personnes de souche allemande, chassées des territoires anciennement germaniques ou soumis par le IIIe Reich, de la création d'un « centre contre les expulsions ».
Il est à noter également que la création d'un tel centre avait été rejetée par le Bundestag et clairement repoussée par le chancelier Gerhard Schröder, inquiet de l'émotion qu'elle soulevait en Pologne, notamment au Parlement, ainsi qu'en République tchèque.
Après en avoir délibéré avec beaucoup de difficultés, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe n'a pas adopté ce texte, qui n'a pas recueilli les deux tiers des voix. Il est désormais convenu que ce texte ne pourra être ni de nouveau présenté ni de nouveau débattu.
Or, monsieur le secrétaire d'Etat, il semble que les signataires de cette proposition aient décidé de la représenter et de la faire adopter par les chefs d'Etat lors du troisième sommet du Conseil de l'Europe, qui aura lieu à Varsovie, au mois de mai prochain.
De l'avis de nombreux autres représentants, en dehors de la délégation française, qui avait pris l'initiative du rejet, une telle proposition, si elle apparaissait déjà inopportune à l'heure où l'on célébrait, dans la dignité et la ferveur, le 60e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz, est désormais plus que contestable. La réflexion s'est installée parmi les autres délégations européennes. Il ne peut s'agir en la circonstance que d'un amalgame fâcheux et inadmissible.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite savoir quelle sera la position du gouvernement français sur cette importante question lorsqu'il représentera la France, les 17 et 18 mai prochain, lors du troisième sommet du Conseil de l'Europe, à Varsovie.