Intervention de Patrice Gélard

Réunion du 15 février 2005 à 16h00
Modification du titre xv de la constitution — Discussion d'un projet de loi contitutionnelle

Photo de Patrice GélardPatrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

C'est la cinquième fois que nous sommes amenés à aborder, au Parlement, une révision de la Constitution en relation avec le processus de construction européenne.

A chaque étape de cette construction marquée par la signature d'un traité important, nous devons en effet réviser notre Constitution de telle sorte que le traité en question soit conforme à celle-ci.

C'est de nouveau le cas avec le traité « établissant une Constitution pour l'Europe ».

Relevons au passage que l'expression même de « Constitution pour l'Europe » pose problème dans la mesure où le mot « Constitution » a, chez nous, une signification très précise, qui ne correspond pas tout à fait à ce que l'on entend en l'occurrence s'agissant de la construction européenne, ni d'ailleurs à la notion de Constitution dans le monde anglo-saxon.

En réalité, nous sommes plus en face des « statuts » de l'Union européenne que d'une Constitution à proprement parler. Une Constitution, c'est le propre d'un Etat. Or l'Union européenne, pour l'heure, n'est pas un Etat, c'est une union d'Etats. On a donc quelque peu joué sur les mots, le mot « Constitution » n'ayant pas la même signification dans les vingt-cinq pays.

Le traité établissant une Constitution pour l'Europe compte 448 articles divisés en quatre parties.

La partie I, la plus importante, celle qui nous concerne le plus, a trait aux objectifs fondamentaux et aux institutions de l'Union européenne.

La partie II concerne la Charte des droits fondamentaux de l'Union, proclamée à Nice.

La partie III vise les politiques et le fonctionnement de l'Union.

Enfin, la partie IV comprend les dispositions transitoires et finales.

A ces quatre parties sont annexés deux protocoles qui nous concernent directement : le protocole n° 1 sur le rôle des parlements nationaux dans l'Union européenne et le protocole n° 2 sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Nous reviendrons sur ces deux points lorsque nous aborderons la portée de la révision constitutionnelle qui nous est proposée.

Il ne nous appartient pas, en cet instant, de juger le contenu du traité établissant une Constitution pour l'Europe : nous sommes là pour examiner la conformité de notre Constitution à ce nouveau traité.

A ce point de mon propos, je crois utile de rappeler un certain nombre d'éléments.

La construction européenne s'est opérée jusqu'à maintenant sur les bases du droit international public et non sur les bases d'un droit fédéral en cours de construction, même si certains des Etats membres de l'Union européenne ont d'ores et déjà inscrit dans leur Constitution des éléments de pré-fédéralisme ; c'est le cas, par exemple, du Portugal. Pour notre part, nous n'en sommes pas là : nous avons conservé, pour la construction européenne, les modalités de transposition du droit international en droit interne.

Permettez-moi d'évoquer brièvement ces modalités.

Tout d'abord, aux termes de l'article 52 de la Constitution, c'est le Président de la République qui négocie et ratifie les traités, l'article 53 prévoyant néanmoins que les traités les plus importants ne peuvent être ratifiés qu'en vertu d'une loi, ce que nous ferons éventuellement par la suite, sous la forme d'une loi référendaire.

Cela signifie que nous nous inscrivons dans une conception moniste du droit international, qui apparaît dans l'article 55 de la Constitution, aux termes duquel les traités, dès leur ratification, ont une autorité supérieure à la loi. C'est un point tout à fait important qui explique pourquoi nous n'avons pas eu le même comportement qu'un certain nombre de pays de l'Union européenne ; je pense à la Grande-Bretagne, aux Pays-Bas ou aux Etats scandinaves, qui ont, eux, une conception dualiste du droit international, telle que le droit international ne peut intégrer leur droit interne qu'à condition que ce droit international soit transformé en loi.

Cette conception ne s'inscrit pas dans nos traditions. Chez nous, le droit international s'impose automatiquement, sous réserve de l'intervention du Parlement pour les documents les plus importants. Cette conception moniste s'explique par le fait que les traités ont toujours une autorité supérieure à la loi, mais non pas, j'y insiste, à la Constitution.

Je rappelle par ailleurs les termes de l'article 54 de la Constitution : « Si le Conseil Constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier ministre, par le président de l'une ou l'autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution. »

Je précise qu'une telle disposition n'a pas un caractère automatique : il suffit ainsi que le Conseil constitutionnel ne soit pas saisi pour que nous ratifiions un traité qui serait contraire à la Constitution. Mais tel n'est pas le cas en l'occurrence.

J'en profite pour répondre aux auteurs de l'une des motions de procédure qui sera défendue tout à l'heure. Ils prétendent qu'il aurait été possible de coupler la ratification du traité et à la modification de la Constitution dans le cadre d'un seul référendum : cela est contraire à l'article 54 puisque celui-ci exige de modifier la Constitution préalablement à la ratification.

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