Intervention de Évelyne Didier

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 13 novembre 2013 : 1ère réunion
Déchets : filières rep et écoconception — Examen du rapport d'information

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier, rapporteure :

Les filières à responsabilité élargie des producteurs, dites filières REP, se sont multipliées depuis l'adoption des lois Grenelle en 2009 et 2010. Seize sont aujourd'hui opérationnelles en France, dans des domaines aussi variés que les déchets d'emballages, d'équipements électriques et électroniques, d'ameublement ou encore de papier. Nous avons choisi de nous concentrer sur l'évaluation de l'impact des REP sur l'écoconception des produits.

Les REP sont issues d'une réflexion européenne sur la notion de pollueur-payeur. Elles visent à internaliser les coûts environnementaux dans le prix du produit. En principe, le metteur sur le marché est de cette manière rendu responsable de la fin de vie de ses produits et incité à se tourner vers l'écoconception. Le coût de collecte et de traitement des déchets est ainsi transféré des collectivités territoriales vers les producteurs, et donc des contribuables vers les consommateurs. Cette nouvelle approche n'est sans doute pas étrangère au fait que les déchets, considérés comme générateurs de dépenses, deviennent progressivement générateurs de recettes.

Des éco-organismes sont chargés d'organiser la fin de vie des produits dans les différentes filières et de permettre l'atteinte des objectifs fixés par les pouvoirs publics. Ils sont depuis plusieurs années sous le feu de critiques appuyées. Il est souvent avancé que les créations de filières ont été trop nombreuses ou trop rapides, et que la situation de monopole dans laquelle sont placés ces organismes, tant vis-à-vis des collectivités territoriales que des professionnels du déchet, explique la faiblesse de l'incitation à l'écoconception.

Le bilan est d'autant plus nécessaire que le contexte environnemental et économique global impose aux gouvernants, de manière urgente, de se poser la question de la gestion de la pénurie et de la rareté des ressources. Au-delà de l'enjeu de la réduction à la source des déchets, la production de matières premières dites « secondaires », à partir de la valorisation matière des déchets, constitue sans doute l'une des réponses à cette question d'avenir. La politique des déchets a donc un rôle important à jouer. C'est pourquoi il convient de tirer le bilan de l'apport des différentes filières REP à l'écoconception des produits.

Des textes successifs ont édicté les grands principes de la politique des déchets en France depuis le milieu des années 1970. Les nouvelles fondations ont été posées par la loi du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération de matériaux. Elle reconnaît la compétence communale, donne une définition du déchet et pose le principe du pollueur-payeur. La loi du 13 juillet 1992, dite loi Royal, a complété et renforcé ce dispositif en introduisant le principe de proximité. La création des filières de responsabilité élargie des producteurs s'inscrit dans ce paysage normatif. Elle approfondit la logique du pollueur-payeur initiée par la loi de 1975, en l'appliquant cette fois à certains gisements de déchets ménagers.

Dès l'origine, l'objectif assigné à la REP est triple. Il s'agit de transférer la responsabilité du traitement de certains flux de déchets des communes vers les producteurs, et donc du contribuable vers le consommateur, mais surtout du secteur public vers le secteur privé. Les REP doivent créer des incitations afin que les producteurs prennent davantage en compte les aspects environnementaux dans le cadre de la conception des produits, autrement dit par l'écoconception. Le développement du recyclage est encouragé par le biais d'objectifs chiffrés à atteindre pour chaque filière. En vue d'inciter les producteurs à l'écoconception, les contributions versées aux éco-organismes peuvent être modulées en fonction des possibilités de valorisation des produits en fin de vie.

Le fait est que le contexte environnemental et économique actuel rend primordiale la valorisation des déchets. Au-delà même de l'enjeu économique, en termes de balance commerciale et de développement de l'emploi en France, le coût environnemental et sanitaire de l'exploitation inconsidérée des matières premières et des ressources naturelles va croître dans les prochaines années. Cette exploitation effrénée se traduit en pratique par une hausse des émissions de polluants, des atteintes de plus en plus nombreuses aux écosystèmes, et une production croissante de gaz à effet de serre, avec les effets que l'on connaît sur le changement climatique. Sur le plan économique, la hausse des quantités de matières premières extraites est préoccupante, d'autant qu'elle s'accompagne d'une hausse générale des prix des matières premières depuis le début des années 2000, conjuguée à une forte volatilité des marchés. Le marché des matières premières s'est financiarisé et la spéculation s'est fortement développée.

Dans ce contexte, les terres rares en particulier deviennent un enjeu crucial. Les équipements électriques et électroniques en incorporent des quantités non négligeables. Or, la problématique des terres rares réside aujourd'hui dans leur faible disponibilité, dans leur exploitation difficile et dans leur production quasiment exclusive par la Chine. Leur recyclage est un impératif qui doit devenir une priorité dans le cadre des filières REP.

Il convient donc de fixer, par la loi, les grands principes des REP, avec des cibles claires et partagées en matière de taux de collecte et de taux de recyclage, et une affirmation forte de l'objectif d'écoconception comme moyen de réduire la production de déchets dans une démarche de prévention.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion