Intervention de Esther Sittler

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 13 novembre 2013 : 1ère réunion
Déchets : filières rep et écoconception — Examen du rapport d'information

Photo de Esther SittlerEsther Sittler, rapporteure :

Nous nous sommes penchées en détail sur l'efficacité du principal outil d'écoconception des produits dans les filières REP, à savoir la modulation des contributions en fonction de critères environnementaux. Il s'agit d'une sorte de bonus-malus : la finalité est clairement de responsabiliser les producteurs de biens, afin d'encourager la mise sur le marché de produits plus respectueux de l'environnement.

Les modulations des contributions sont un phénomène relativement récent dans les filières REP. La définition des critères est une des principales difficultés rencontrées. Les difficultés sont d'ordre technique. Très souvent, le critère du poids du déchet est retenu. Il est représentatif de la charge de traitement, simple à évaluer et à mettre en place. Mais les contributions peuvent être modulées en fonction de critères plus fins, tenant à la recyclabilité des produits et donc à leur facilité de traitement en fin de vie. Les barèmes retenus peuvent ainsi distinguer entre les produits, selon leurs coûts de traitement respectifs. Un malus peut également pénaliser la difficulté d'accès à certains éléments recyclables du produit, ou encore l'utilisation de matériaux perturbant le recyclage. Les difficultés peuvent également être d'ordre structurel. La première est liée à la gouvernance au sein des éco-organismes. Les REP reposent sur le principe de délégation d'une mission d'intérêt général, autrefois exercée par la commune, à des acteurs privés. Les critères de modulation des éco-contributions sont donc discutés et définis par les producteurs entre eux. Deuxième limite structurelle, la modulation des éco-contributions implique nécessairement, sur un marché donné, que certains producteurs se voient avantagés quand d'autres sont pénalisés. Le consensus sera donc difficile à obtenir pour la définition des modulations au sein de l'éco-organisme. Le risque de statu quo, ou de la définition d'objectifs peu ambitieux, est donc très fort. Cette situation plaide pour une implication plus importante de la puissance publique au moment de la définition des critères.

Au vu de ces éléments, nous avons tenté de tirer un bilan des modulations mises en place dans plusieurs filières REP et constaté une grande variété de résultats. Les difficultés rencontrées par les producteurs varient significativement en fonction des flux de déchets et des spécificités des filières. Dans tous les cas, il est évident que la modulation de l'éco-contribution ne peut être qu'un outil parmi d'autres pour encourager l'écoconception.

Dans la filière emballages, le gisement est conséquent, 4,76 millions de tonnes en 2012 selon les chiffres d'Eco-Emballages. Les déchets d'emballages se caractérisent par leur faible volume individuel et par leur toxicité limitée pour l'environnement. Les modulations d'éco-contributions ont très tôt été orientées vers le poids des matériaux des emballages, pour inciter à l'allègement et diminuer ainsi l'impact environnemental. L'utilisation de matériaux recyclés est prise en compte. Le principal progrès des derniers agréments a été de développer un critère pour les emballages perturbateurs du recyclage. Le barème prévoit aussi un bonus de 8 % pour un certain nombre d'actions de sensibilisation au geste de tri. Entre 2007 et 2012, grâce à un travail en amont, Eco-Emballages évalue à 100 000 tonnes d'emballages les quantités évitées. Le tonnage d'emballages ménagers par an et par habitant est passé de 84 kg en 1997 à 76 kg en 2009.

En matière d'emballages, les modulations d'éco-contributions peuvent donc avoir une réelle influence sur l'écoconception. Pour certains contributeurs, la contribution à Eco-Emballages peut représenter jusqu'à 4 % du chiffre d'affaires. On comprend bien l'intérêt pour la plupart des metteurs sur le marché d'éviter les malus prévus par le barème. Il reste toutefois une large marge de progression, notamment en matière de prévention et de réduction à la source.

Dans la filière des déchets d'équipements électriques et électroniques, les modulations des éco-contributions en fonction de critères fondés sur l'écoconception sont plus difficiles à mettre en oeuvre. Chez Eco-Systèmes, au sein de chaque catégorie de produits, des modulations sont opérées. Les principaux critères retenus concernent la présence ou non de retardateurs de flammes bromés, la présence de lampes contenant du mercure dans les écrans, ou encore l'existence ou non d'un chargeur universel pour les téléphones mobiles. Ce sont des critères de durée de vie du produit, de qualité de la recyclabilité, et de présence de matières dangereuses.

La modulation des éco-contributions ne peut avoir un effet que si elle constitue un signal-prix significatif pour le fabricant. Or, sur les produits considérés, la modulation ne représente que quelques centimes, sur une éco contribution qui représente elle-même seulement quelques euros par rapport à des appareils coûtant eux des dizaines ou des centaines d'euros. L'incitation s'en trouve fortement limitée. Les critères d'écoconception sont par ailleurs difficiles à établir dans cette filière. Il y a souvent des contradictions entre les objectifs d'écoconception concernant la fin de vie, et le reste des phases du cycle de vie du produit. Un produit peu recyclable peut par exemple être un produit vertueux en termes de consommation d'énergie. La complexité et la multiplicité des objectifs, parfois concurrents, incitent les entreprises à faire des arbitrages, pas toujours optimaux en termes environnementaux.

Dans la filière papier enfin, le premier critère est le poids des papiers mis sur le marché. Le deuxième critère est celui des fibres responsables. Si le papier est fabriqué à partir de fibre recyclée à plus de 50 %, un bonus de 10 % est appliqué. Enfin, un dernier critère, celui de recyclabilité, est prévu. Différents éléments perturbateurs peuvent intervenir dans la composition des papiers. Ils peuvent être de quatre types : teinte de la fibre, encres, colles, éléments non fibreux. Un malus de 5 % sera là encore appliqué, pour chaque élément perturbateur. Les résultats sont encourageants. Le taux de recyclage a progressé de 14 % entre 2006 et 2012. Mais la filière souffre de certaines exemptions de collecte, notamment pour les déchets de papiers issus de la presse ou encore des documents officiels. C'est pourquoi nous recommandons que soient inclus dans le gisement soumis à REP la presse gratuite et les magazines.

Plus largement, au vu de ces résultats, il conviendra d'augmenter progressivement dans chaque filière l'ampleur des modulations des éco-contributions pour accroître leur effet incitatif en matière d'écoconception. Il faudra également élargir la possibilité de moduler les contributions en fonction de l'impact environnemental du produit tout au long de son cycle de vie, et non plus seulement en fonction de sa fin de vie. Les éco-organismes, compétents pour investir dans la recherche et développement, devraient être incités à davantage oeuvrer dans ce champ.

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