Notre réflexion s'est pour finir portée sur la structuration et le fonctionnement des filières, afin de trouver les causes structurelles aux résultats encore mitigés des filières REP.
Concernant la collecte des gisements de déchets, il est indéniable que cette collecte, aujourd'hui imparfaite, réduit l'effet incitatif des modulations. Derrière des taux de collecte largement améliorables se cache l'enjeu de la simplification du geste de tri pour le citoyen. Les REP, et c'est là l'une de leurs principales réussites, ont largement contribué ces dernières années à une communication efficace sur le tri sélectif. Le geste de tri pourrait toutefois encore être simplifié. Les consignes varient fortement sur le territoire, en raison des systèmes de gestion des déchets existant localement. La variété de couleurs et de signalétiques des bacs de collecte nuit à la lisibilité du dispositif pour le citoyen. Les ménages étant de plus en plus mobiles sur le territoire national, une harmonisation progressive permettrait une simplification du geste, et donc une meilleure collecte, avec une diminution des refus de tri. Il nous semble toutefois important que l'amélioration du tri ne se fasse pas au prix d'une hausse des coûts pour le citoyen. Le recyclage, censé aboutir à une optimisation des coûts, tant économiques qu'environnementaux, ne doit pas rester associé pour le contribuable à une perte de pouvoir d'achat.
Deuxième enjeu crucial pour le fonctionnement des filières : le contrôle et la régulation par les pouvoirs publics. Au cours de nos travaux, nous avons constaté plusieurs difficultés tenant au manque de régulation et de contrôle des éco-organismes par les pouvoirs publics. Ce manque de régulation participe probablement de relations parfois tendues avec les collectivités territoriales, et également les industriels du déchet. Il est généralement reproché aux éco-organismes d'agir en toute indépendance, hors de tout contrôle sérieux de l'État. Or, ils sont, dans la plupart des cas, en situation de monopole réglementaire pour le financement ou la gestion des flux de déchets soumis à REP. Cette situation avantageuse, justifiée théoriquement par des objectifs environnementaux, devrait avoir pour corollaire un contrôle renforcé et constant. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
À la suite du scandale autour des placements hasardeux d'Eco Emballages en 2008, une réflexion a été engagée sur le contrôle de la gestion financière des éco-organismes. Ce scandale était emblématique, non pas de la gestion globale des éco-organismes, dans la mesure où le cas semble isolé, mais bien de l'opacité dans laquelle ces structures opèrent, alors même que leur sont déléguées des missions qui s'apparentent à des missions de service public. En réponse à ces événements, un censeur d'État contrôle maintenant la gestion financière des éco-organismes au sein de chaque filière.
Malgré de nombreux efforts effectués ces dernières années, une certaine opacité persiste, confortée par le manque de moyens de l'administration pour mener à bien sa mission de régulation et de contrôle. Pour vous donner un ordre de grandeur, les contributions financières recueillies par les filières REP mobilisaient un total de 926 millions d'euros en 2011. A la même période, l'ADEME ne disposait que d'environ 190 millions d'euros pour la politique déchets... Dans la mesure où le budget des différents éco-organismes dépasse aujourd'hui, et de loin, les moyens disponibles pour le ministère, une solution serait de faire contribuer les filières, à hauteur d'un prélèvement qui resterait modeste, 1% par exemple, pour financer le contrôle.
Des améliorations pourraient également être faites sur le plan de la gouvernance des différentes filières. La gouvernance des REP est constituée aujourd'hui d'une architecture complexe d'observatoires et de commissions diverses. Observatoire des filières par l'ADEME, commissions consultatives d'agrément, commission d'harmonisation et de médiation des filières de collecte sélective et de traitement des déchets, conseil national des déchets, comités d'orientation opérationnels : cette gouvernance est peu lisible, et se trouve en pratique largement dominée par les metteurs sur le marché des produits soumis à REP. Cet état de fait n'est pas contraire à la logique qui a présidé à la mise en place des filières REP. La responsabilisation des industriels est en effet nécessaire pour assurer le traitement de certains flux de déchets, et pour les encourager à écoconcevoir. Mais le pouvoir de contrôle de la puissance publique devrait cependant être réaffirmé. Le système ne contribue pas aujourd'hui à mettre en place une modulation des éco-contributions incitative en termes d'écoconception ou de prévention.
Sur ce point, nous partageons la recommandation des députés Jean-Jacques Cottel et Guillaume Chevrollier sur la nécessité de limiter la place des industriels au moment de la définition du cahier des charges de l'éco-organisme par la commission consultative d'agrément. Ce moment est déterminant pour la fixation d'objectifs ambitieux en termes d'écoconception notamment. Il est impératif d'entendre les éco-organismes et de travailler en concertation avec eux, mais le dernier mot doit revenir à l'État.
Il existe un consensus entre les différents acteurs sur le fait qu'il ne faut pas créer pour l'instant de nouvelles filières, mêmes si des pistes de création existent et pourraient être envisagées. C'est là notre dernière recommandation : les REP sont un outil intéressant, notamment en matière d'écoconception. La remise à plat des filières REP passera par la fixation d'objectifs clairs de politique publique, par une amélioration de la collecte, une augmentation du contrôle de l'État et une rationalisation de la gouvernance des filières et des éco-organismes. D'ici là, faisons une pause dans les créations de filières, pour mettre de l'ordre dans un système qui présente des avantages, malgré des résultats largement perfectibles.