Il y a certes du vague à l'âme et des interrogations dans les forces de l'ordre au sujet des suppressions de postes, des véhicules, du carburant, de l'état des locaux des commissariats ou des brigades de gendarmerie. Je dois rendre hommage aux forces de l'ordre qui travaillent dans des conditions difficiles, avec une mise en cause de l'autorité et des violences qui les concernent tout particulièrement, comme cela a été le cas il y a encore quelques jours à Marseille pour une policière de la BAC. D'où la nécessité de donner les moyens nécessaires, en termes de fonctionnement, d'équipement, d'hommes.
La priorité du Gouvernement est de préserver les moyens de fonctionnement, qui ont diminué de 18 % entre 2008 et 2012 et qui recommenceront à augmenter en 2014, et de respecter les engagements de l'État en matière de mesures catégorielles en faveur des personnels : le passage en catégorie B des gardiens de la paix et des sous-officiers de gendarmerie a été engagé en janvier 2013 et se poursuivra en 2014. Il a été décidé de conserver l'indemnité de sujétion spéciale de police (ISSP) pour les élèves policiers et gendarmes mais d'en abaisser le taux : les élèves qui entreront dans la police à compter du 1er janvier 2014 percevront l'ISSP au taux de 12 % pour les gardiens de la paix et les gendarmes et de 10 % pour les officiers et commissaires. Cette réforme constitue une contrepartie très limitée par rapport aux avancées très importantes pour la police et la gendarmerie. Elle n'a pas d'effet rétroactif et ne s'applique que sur une durée limitée : le temps de la formation. L'entrée en vigueur de la catégorie B sera avancée d'un mois par rapport au calendrier initialement prévu.
J'ai annoncé aux organisations syndicales plusieurs mesures d'accompagnement importantes : une réforme des frais de stage des élèves, la régularisation du dossier d'inversion de carrière des majors, le dégel des crédits de fonctionnement et d'équipement pour 111 millions d'euros à la fin de 2013. Le projet de budget 2014 prévoit que les policiers bénéficieront de 31 millions d'euros de mesures catégorielles, montant légèrement supérieur à celui de 2013. Les gendarmes vont bénéficier quant à eux de 20,5 millions d'euros. L'année 2014 sera ainsi de nouveau une année d'amélioration sensible de la condition statutaire et indemnitaire des policiers et des gendarmes. Par ailleurs, je veux vraiment améliorer les relations entre les forces de l'ordre et la population, même si, comme le montrent les enquêtes d'opinion, les forces de l'ordre sont très soutenues par la population : le matricule sera rétabli pour la police avant la fin de l'année, un nouveau code de déontologie commun à la police et à la gendarmerie, le premier nouveau code depuis 1886, sera intégré, après avis du conseil d'État, au code de la sécurité intérieure pour une application au 1er janvier 2014 ; enfin des mesures expérimentales seront prises, en particulier dans les ZSP, telles que l'équipement en caméras portatives, qui permettront une amélioration de la relation police-population et une protection des policiers contre certaines accusations infondées, et permettront à la justice et à l'IGPN, que j'ai profondément réformée et que chaque citoyen peut désormais saisir, de faire leur travail.
Concernant les zones de sécurité prioritaires (ZSP), je vais annoncer une « vague » de créations plus réduite d'une vingtaine de zones, pour arriver à 80 ZSP au total. Sur la législature, une centaine de ZSP seront mises en place. Ces zones ont permis de revivifier le partenariat de sécurité entre les préfets, les parquets, les forces de l'ordre et les collectivités locales, en particulier en matière de prévention. Au-delà des actions dissuasives et répressives ciblées sur les trafics, les cambriolages ou encore les troubles sur la voie publique, une politique de coopération concrète s'engage sur ces territoires à partir de diagnostics ciblés et d'un suivi individualisé. D'autres acteurs comme les communes, les conseils généraux, les travailleurs sociaux, l'éducation nationale peuvent intervenir pour compléter la politique de sécurité. Ces ZSP donnent des résultats : en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants et l'économie souterraine, le nombre total de personnes mises en cause a augmenté de 38 % dans les ZSP concernées. Dans les ZSP où ces options constituent une priorité, les nuisances et les incivilités ont également baissé de 11 %, les violences urbaines de 27 %, les cambriolages de 2,9 %. Il en ressort également des bonnes pratiques qui peuvent être diffusées sur le territoire dans la durée, avec la plus grande transparence possible pour les chiffres de la délinquance grâce à un outil totalement indépendant.
En réponse à Mme Lipietz, à propos des questions d'immigration, la généralisation des règlements intérieurs au sein des centres de rétention administrative (CRA) devrait en améliorer le fonctionnement. Nous avons besoin des CRA, qui ont actuellement un taux de présence de l'ordre de 60 %. Mme Lipietz a suggéré l'utilisation du bracelet électronique. Je ne suis pas hostile à l'idée mais il faut une loi pour développer les alternatives à la rétention, notamment l'assignation à résidence, qui est une de nos priorités. Il s'agit aussi de mesurer le coût que cela pourrait engendrer.
La circulaire du 28 novembre 2012 a permis des avancées sur la question du droit au séjour des mineurs isolés étrangers. Je souligne que ceux qui sont arrivés avant l'âge de seize ans obtiennent un titre de séjour à leur majorité. Cela concerne près de 94,6 % des mineurs. Ce pays reste donc un pays d'accueil. Cela montre que les parcours d'intégration spécifiques sont pris en compte. Pour ceux arrivés après seize ans, les préfets ont reçu pour instruction d'avoir la plus grande bienveillance au regard des parcours d'insertion.
Pour les crédits relatifs à l'Office français de l'intégration et de l'immigration (OFII), j'aurai quelques remarques. Afin de mettre en cohérence les ressources de l'OFII avec ses compétences, les métiers de l'OFII pourraient évoluer dans les trois prochaines années. En premier lieu, face à la baisse de l'immigration du travail, l'OFII doit recentrer son action sur le champ de l'immigration professionnelle, en devenant le guichet unique à la disposition des entreprises qui souhaitent recruter des salariés étrangers. En deuxième lieu, si la visite médicale doit être maintenue pour des raisons de protection de santé publique, il me semble qu'en la matière, l'OFII supporte des charges indues. Chaque fois que ce sera possible, la visite médicale sera effectuée par les dispositifs de droit commun.
Enfin, après dix ans de mise en oeuvre du contrat d'accueil et d'insertion (CAI), la réforme en cours permettra de recentrer les dispositifs d'accueil autour de prestations plus adaptées aux besoins des migrants.
En 2014, l'OFFI bénéficiera d'un budget équilibré qui ne lui imposera pas de puiser dans son fonds de roulement.
Le ministère de l'intérieur devra, à l'avenir, assurer l'accueil des étrangers dans les cinq premières années d'arrivée sur le territoire, car c'est là que se jouent les parcours d'intégration et d'insertion.
Vous m'avez posé la question des conditions d'accueil des étrangers. C'est un vrai sujet. En Essonne, j'ai pu constater moi-même une dégradation de ces conditions d'accueil à la suite de la réforme opérée visant à ce que les titres de séjours ne soient plus délivrés au sein des commissariats. Le sujet n'est pas nouveau. Il faut y apporter une réponse forte. Le rapport du député Fekl a bien souligné les causes du problème : nous contraignons trois millions d'étrangers à cinq millions de passages annuels en préfectures. Les étrangers titulaires d'une carte de séjour temporaire sont contraints chaque année à trois ou quatre passages en préfecture. Cela pèse sur les étrangers, comme sur les agents et cela ne permet pas de lutter contre la fraude documentaire : 99 % de ces titres de séjour sont renouvelés. L'effort à accomplir repose sur deux axes. En premier lieu, les aménagements immobiliers : 82 préfectures et 34 sous-préfectures ont fait l'objet de travaux de plus ou moins grande envergure, à Annecy ou à Marseille, par exemple.
En second lieu, à la suite du rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA), sur l'accueil des étrangers en préfecture, une mission d'appui des préfectures a été mise en place à la direction générale des étrangers en France (DGEF). De nombreux chantiers de modernisation sont en cours, pour faciliter les démarches des étrangers : généraliser les accueils sur rendez-vous, rendre les informations plus accessibles et développer les démarches à distance, généraliser la remise de titres sur convocation par sms, dématérialiser l'achat de timbres fiscaux à l'horizon 2014. Ces démarches doivent aussi concerner les pièces justificatives présentées par les étrangers. La solution durable passe par une diminution des passages en préfecture. J'espère présenter en 2014 le texte instituant un titre de séjour pluriannuel qui aidera à stabiliser la situation des étrangers et soulagera le travail des agents des préfectures.
À propos de la sécurité civile, j'avoue que je ne sais pas pourquoi le document de politique transversale est plus succinct que l'année dernière. Je vais me rapprocher des services de la direction du budget qui ont la main sur l'élaboration de ces documents.
Au congrès des sapeurs-pompiers, en présence du président de la République et du ministre de l'intérieur, le rôle prépondérant du référentiel SAMU-SDIS pour le secours à personne a été souligné. Je rappelle le rôle extrêmement important des SDIS qui agissent en complémentarité avec les autres acteurs du secours, tout particulièrement les SAMU. Il est important de vérifier aussi que les mécanismes de compensation entre hôpitaux et SDIS fonctionnent. Je connais beaucoup de départements dans lesquels cela fonctionne, y compris dans des salles opérationnelles communes, alors que dans d'autres, cela ne fonctionne pas. Cette mutualisation doit permettre de répondre à l'engagement du président de la République d'une intervention en trente minutes après l'appel aux secours. Dans la suite de ces engagements pris à Chambéry par le Chef de l'État, je viens de signer avec ma collègue Marisol Touraine une lettre de mission demandant aux deux inspections de l'IGA et de l'IGAS d'évaluer le référentiel commun d'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente. La question du financement y sera abordée, la situation des collectivités territoriales, ainsi que celle des centres hospitaliers également. Des doublons ou des concurrences entre services ne doivent pas diminuer l'efficacité des secours.
À propos du rôle de l'Union européenne en matière de sécurité civile, on progresse dans ce domaine. J'ai assisté à deux exercices majeurs financés par l'Union européenne : l'un s'est tenu à Lyon, il simulait une attaque chimique dans le métro ; l'autre s'est tenu en Estrémadure, simulant un problème survenu sur une centrale nucléaire. Ce sont des opérations financées par l'Union européenne qui permettent de réfléchir à un système d'entraide de sécurité civile, pas seulement à l'échelle de l'Union européenne d'ailleurs, car le Maroc, est concerné : avec les pays de la rive sud de la Méditerranée, nous avons une entraide et des formations communes. Je pense aussi à l'entraide opérationnelle : cet été, une partie de la flotte française de Canadair est venue en aide au Portugal qui a affronté des feux de forêts dramatiques.
Le mécanisme européen de protection civile a été un immense progrès, la commission européenne le refond actuellement autour de quatre axes : la prévention, la préparation, - L'Europe va se doter d'un centre de crise ouvert 24h sur 24 -, la réponse opérationnelle, et les relations avec les pays tiers, je viens de l'évoquer. À mon sens, c'est un sujet majeur pour l'Europe, qui doit jouer ici pleinement son rôle.
Pour le financement du bataillon des marins-pompiers, le Premier ministre s'en charge actuellement, en lien avec la mairie de Marseille. La demande d'une participation de l'État n'est pas illégitime, mais il est nécessaire de trouver un accord global. La conférence des financeurs s'est réunie le 5 novembre dernier à la préfecture de région. Elle a rassemblé tous les financeurs : l'État, la communauté urbaine, la ville de Marseille, le conseil général. La ville de Marseille a demandé 10 millions d'euros, une expertise est en cours et un amendement sera déposé sur le projet de loi de finances pour 2014, le cas échéant.
Je vais répondre au président Hyest sur la question du temps de travail. Vous avez rappelé que la France a été mise en demeure par la commission européenne de mettre en conformité le décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels avec la directive du 4 novembre 2003 sur le temps de travail. Un décret modificatif a été élaboré, mais il faut être prudent en effet : il est hors de question de remettre en cause le modèle français de sécurité civile qui repose sur le volontariat : le président de la République l'a très clairement souligné lors de son discours à Chambéry.
Des concertations ont été menées avec les employeurs locaux et les partenaires sociaux ; l'avis des différentes instances, la conférence nationale des services d'incendie et de secours (CNIS), le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN), a été recueilli et a conduit à la demande des élus, à ce que l'entrée en vigueur du passage à 1128 heures semestrielles s'effectue au 1er janvier 2014 pour les sapeurs-pompiers professionnels non logés. Pour les sapeurs-pompiers professionnels logés, la réforme s'appliquera à compter du 1er juillet 2016. Le Conseil d'État examine actuellement le projet de décret.
Cette mise en conformité a un impact sur l'organisation des services et des cycles de travail. La Direction générale de la sécurité civile intervient en appui des SDIS concernés pour les accompagner dans leur réflexion et la mise en oeuvre de cette réforme. Nous défendons ce modèle français qui associe professionnels et volontaires. La France préconise que la future directive européenne portant sur la santé et la sécurité des travailleurs exclut expressément de son champ d'application les activités volontaires exercées dans le domaine de la protection civile. J'ai bon espoir que ce combat aboutisse.
En réponse au président Sueur sur la question relative à l'allocation temporaire d'attente (ATA), je voudrais souligner qu'en 2013, nous avons réévalué les montants nécessaires afin de sortir de l'insincérité budgétaire. 50 millions d'euros supplémentaires ont été prévus au budget. Nous avons fait de même sur l'hébergement d'urgence avec 45 millions d'euros supplémentaires. En 2013, les crédits finalement consommés seront pratiquement ceux qui avaient été votés en loi de finances initiale, sans doute un peu au-dessus, certes, dans la mesure où la demande d'asile a augmenté de 10 % alors que le budget avait été construit sur une hypothèse d'augmentation des demandes de 4 %. Nous tirons en 2014 les bénéfices du suivi des recommandations de la mission des inspections. Nous avons supprimé les versements indus d'ATA, qui permettront d'économiser près de 13 millions d'euros en année pleine. Cela permettra de faire une économie de 5 millions d'euros sur le projet de loi de finances pour 2013. Pour l'hébergement d'urgence, la tension sur les crédits reste très importante, comme vous l'avez parfaitement souligné. Mais nous avons ouvert deux mille places supplémentaires en CADA pour 2013, mille places supplémentaires seront ouvertes en avril et mille autres encore le seront en décembre. Cela doit soulager l'hébergement d'urgence, mais là encore, la principale inconnue c'est l'évolution des demandes en 2014. S'il y a un dérapage, il y aura un abondement comme lors des années précédentes. Il a été fortement réduit puisqu'il a été de 90 millions d'euros en 2012, mais de 15 millions d'euros en 2013.
Pour l'OFPRA, la directive « procédure » aura un impact très important sur notre système d'asile en raison des nouvelles modalités imposées, notamment pour le déroulement de l'entretien personnel, avec la présence d'un conseil lors de cet entretien, la possibilité d'émettre des commentaires, l'accès à son dossier avant la prise de décision, l'introduction d'un délai de 6 mois encadrant l'instruction de la demande d'asile. L'impact sur les délais d'examen est difficile à évaluer - cela va dépendre du nombre de demandes d'asile - mais cela va diminuer la productivité de l'OFPRA. Il faudra réformer en profondeur notre système d'asile. Dans le cadre de la concertation, un atelier était spécifiquement consacré à l'évaluation et à la mise en oeuvre des procédures au regard de la nouvelle directive. Cela rend d'autant plus pertinente la réorganisation de l'OPRA à laquelle le nouveau directeur général, M. Pascal Brice, s'est attelé depuis un an. Cela rend d'autant plus légitimes les demandes de moyens qu'il formule.
Enfin, je voudrais insister sur un sujet essentiel. Nous avons un hiatus entre ce qui se fait au niveau des instances de l'Union européenne et ce qui se passe dans les pays européens. L'UE veut améliorer, conforter le droit d'asile. La France en est d'accord mais il faut trouver une solution à la mise en cause de ce droit à des fins d'immigration. Cela nécessite une autre organisation. Sinon il y aura un hiatus entre les principes rappelés par l'Union européenne, et auxquels nous adhérons, et la réalité du terrain. Nous n'y arriverons pas et c'est l'asile même qui risque d'être rejeté par nos compatriotes.
Vous avez évoqué la possibilité de fusionner l'OFII et l'OFPRA : je pense qu'il faut être prudent en la matière, car ce sont deux établissements publics aux missions et aux attributions très différentes. La concertation évoquera un certain nombre pistes. Au plan du diagnostic, une multitude d'acteurs agissent en matière d'asile : cette complexité est un facteur de confusion au plan local, il faut arriver à une meilleure articulation et mutualisation des moyens. L'OFPRA a déjà pris des initiatives en la matière en menant des missions dites « foraines » en Lorraine et dans le Rhône. C'est d'ailleurs ce qui a provoqué les problèmes à Oullins : la question de l'hébergement des 300 demandeurs d'asile albanais s'est posée car la question a été prise en charge par l'OFPRA. En attendant l'examen de leurs demandes d'asile, il faut les loger.