La réunion

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Au cours d'une première réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de Mme Christiane Taubira, ministre de la justice, garde des sceaux, sur le projet de loi de finances pour 2014 - mission « justice ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la garde des sceaux, je vous souhaite, au nom de tous mes collègues, plus particulièrement encore cette année, la bienvenue. Les propos proférés à votre encontre sont une honte que nous sommes unanimes à dénoncer et que nous ne saurions tolérer. Je me fais le porte-parole de chacun ici en vous exprimant toute notre solidarité et notre amitié.

Debut de section - PermalienPhoto de René Garrec

Le terme « honteux » est même faible. Ces attitudes sont ignominieuses.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je salue, par ailleurs, la présence parmi nous de M. Edmond Hervé, en sa qualité de rapporteur spécial de la commission des finances pour la mission « justice ».

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je vous remercie, Monsieur le Président, pour votre accueil chaleureux ainsi que chacun d'entre vous pour vos témoignages de solidarité. Ces attaques récentes blessent les valeurs que nous partageons.

Je me bornerai, dans mon exposé, à présenter les priorités de l'action du Gouvernement pour la justice et à souligner la cohérence qui les anime.

Le budget triennal de la justice articule chacune de ces priorités.

L'année 2013 a été destinée à la correction des injustices les plus flagrantes avec une attention toute particulière pour la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) fortement affaiblie par les efforts consentis entre 2008 et 2012. Elle a en effet perdu, au cours de cette période, 632 emplois, soit 8 % de son effectif, vu les crédits attribués au secteur associatif habilité baisser de 22 millions d'euros ainsi que le nombre de directions départementales passer de 100 à 53. Le budget pour 2013 a par conséquent prévu la création de 205 emplois en faveur de la PJJ. Le Gouvernement a par ailleurs mandaté à ma demande M. Jean-Pierre Michel pour procéder à un état des lieux de la PJJ.

Le budget 2014 sera, lui, plus particulièrement consacré aux services pénitentiaires. Comme prévu dans le cadre de la programmation triennale, il connaîtra une hausse de 1,7 %, alors même que le budget général de l'État diminuera en valeur. 590 emplois seront créés, dont 432 pour l'administration pénitentiaire.

Le ministère de la justice entend être cohérent et constant dans ses choix. Nous prévoyons donc des moyens adaptés aux réformes que nous conduisons.

Ainsi, nous prévoyons de créer 303 emplois de conseillers des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) pour répondre aux besoins créés par le projet de loi visant à prévenir la récidive et à renforcer l'individualisation des peines.

De la même manière, le projet de loi relatif au secret des sources et la loi aménageant le régime de l'hospitalisation d'office nécessitent la création de postes supplémentaires de juges des libertés et de la détention (JLD). La mise en place de la collégialité de l'instruction, la réforme de la justice commerciale et la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale appellent, elles aussi, des moyens supplémentaires inscrits dans ce projet de budget.

Notre action en matière pénitentiaire s'organise selon trois axes, le premier est l'extension du parc actuel de 57 000 à 63 500 places. 1 097 places en établissements pénitentiaires seront livrées cette année ainsi que 280 en semi-liberté. Le second axe est celui de la rénovation des établissements existants pour lesquels nous avons dégagé, comme à Fleury-Mérogis, aux Baumettes et à La Santé, les moyens nécessaires. Le dernier axe est celui de la sécurisation des prisons, dans le cadre d'une enveloppe globale de 33 millions d'euros : déploiement de deux nouvelles équipes cynotechniques, installation de filets de sécurité, de portiques à masse métallique et de portiques à ondes millimétriques. Compte tenu du coût de ces derniers (160 000 euros pièce), ceux-ci seront toutefois réservés aux maisons centrales et aux autres établissements sensibles.

Je propose que nous examinions les questions liées aux frais de justice et à l'aide juridique dans le cadre des échanges qui suivront cet exposé. J'insiste toutefois sur deux points s'agissant du budget de la justice judiciaire.

Tout d'abord, les crédits consacrés aux investissements immobiliers augmentent de 41 millions d'euros.

Par ailleurs, l'effort budgétaire en faveur de la politique d'aide aux victimes est poursuivi. Après trois années de baisse, il avait en effet progressé de 25,8 % à 12,8 millions d'euros en 2013. L'augmentation serait de 7 % l'année prochaine. Elle se traduirait notamment par la création de quinze nouveaux bureaux d'aide aux victimes (BAV) afin que, comme je m'y étais engagée, l'ensemble des tribunaux de grande instance en soient dotés. J'ai par ailleurs souhaité réactiver le conseil national d'aide aux victimes, en tenant compte de plusieurs de ses préconisations comme en matière d'ordonnances de protection, et proposer d'en modifier la composition. Enfin, plusieurs expérimentations relatives à l'aide aux victimes seront lancées dans une dizaine de TGI dans la perspective de la transposition de la directive européenne consacrée à ce sujet.

Le présent budget maintient l'effort consenti, les années précédentes, en matière indemnitaire. 7 millions d'euros seront reconduits pour les personnels pénitentiaires et 2 millions d'euros de primes seront versés dès cette année aux personnels des services judiciaires de catégorie C. Les mesures en faveur des greffiers devraient intervenir en 2015.

Enfin, l'année 2014 verra l'achèvement de la réflexion que j'ai engagée à travers quatre groupes de travail sur l'office du juge, le juge et la juridiction du XXIème siècle et la modernisation du ministère public. La restitution de leurs travaux aura lieu à la mi-janvier et associera les représentants de l'ensemble des juridictions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je propose que nous débattions d'abord du programme « justice judiciaire ».

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Merci, madame le garde des sceaux, pour votre exposé structuré et argumenté.

Nous pouvons nous réjouir que le budget de la justice soit préservé, dans un contexte budgétaire dont chacun connaît les contraintes, et que lui soit assurée une progression, même si celle-ci est certainement en deçà de ce que vous souhaitiez.

Je souhaiterais vous interroger sur trois problèmes de fond que votre budget ne peut, à lui seul, résoudre.

Tout d'abord, s'agissant de l'évolution des effectifs, votre ministère est actuellement confronté à des départs massifs à la retraite. Comment envisagez-vous de faire face à ce mouvement de fond ? Vous avez obtenu la création d'un nombre d'emplois non négligeable ce qui constitue un effort notable. Cela pourrait-il conduire à revoir le fonctionnement actuel de l'École nationale de la magistrature ?

Ensuite, ma deuxième question porte sur les frais de justice : comment se présente la fin de l'exercice budgétaire pour 2013 ? Quelle est la prévision possible pour les prochaines années, compte tenu des charges nouvelles qui ne sont pas maîtrisables par le juge comme, par exemple, la directive sur l'obligation de traduction en matière pénale ?

Enfin, quel financement envisagez-vous pour l'aide juridictionnelle ? Vous avez tenu votre promesse en supprimant la taxe de 35 euros, ce que nous ne pouvons qu'approuver. Mais cette suppression impose d'inventer un nouveau modèle de financement de l'aide juridictionnelle. Après l'avoir envisagé un temps, vous avez dû écarter la démodulation des barèmes d'indemnisation des avocats. Quel est aujourd'hui l'état de votre réflexion sur ce point ?

J'aurais également trois autres questions plus techniques. Où en est la révision des mesures de tutelles qui était une de nos préoccupations dans le cadre de l'exercice budgétaire précédent ? J'ai senti un vent d'optimisme sur cette question dans les juridictions que j'ai visitées. Vous avez réussi à opérer un redressement remarquable.

Ensuite, pouvez-vous nous parler de la réforme des budgets opérationnels de programme (BOP) qui était également une de nos préoccupations l'an dernier ?

Enfin, s'agissant de la politique indemnitaire, l'effort en faveur des catégories C était absolument indispensable. L'an dernier, vous avez également mené une politique en faveur des magistrats. Reste une catégorie de personnel qui demeure toujours dans l'attente : celle des greffes, pourtant indispensable au bon fonctionnement des juridictions. J'ai cru comprendre que rien ne serait possible en 2014. Pouvez-vous nous dire ce qu'il se passera au-delà ?

Debut de section - PermalienPhoto de Edmond Hervé

Je vous remercie, monsieur le Président, de m'avoir invité. Je souhaite également remercier les services de la Chancellerie pour la densité des réponses à nos nombreuses questions.

Le budget de 2013 fut un budget de redressement et de correction. Celui de 2014 est un budget de transition, tout au moins nous l'espérons.

Je n'ai pas de questions précises à poser au garde des sceaux mais seulement des observations à formuler.

Tout d'abord, je formulerai deux voeux. Je souhaiterai, d'une part, bien que cela ne concerne pas uniquement votre ministère, qu'il y ait une certaine stabilité des responsables de l'administration centrale dont la durée moyenne, en poste, varie entre quinze et vingt-quatre mois. D'autre part, il est important, dans le cadre d'un prochain budget, d'adresser des signes forts en direction des greffiers. Dans l'immédiat, dans certaines villes, des avancées en leur faveur sont possibles, par l'intermédiaire d'une politique du logement. Certains ministères, dont le vôtre, disposent de terrains vacants. Je reste convaincu que l'utilisation de ces terrains faciliterait la mise en place de projets d'investissements pour le logement des greffiers.

Sur la question des frais de justice, la commission des finances, très attentive à cette question, a commandé deux enquêtes à la Cour des comptes, en 2005 et en 2013. À titre personnel, je considère que la croissance de certains frais de justice est inéluctable pour des questions d'égalité et de vérité. Par les décisions qu'il prend, le législateur est le premier responsable de l'augmentation des frais de justice. Je constate que vous conduisez un effort de plus en plus important sur leur gestion via notamment la tarification. Certains tarifs ont substantiellement diminué. L'appel à la concurrence est tout à fait positif, tout comme le recours à des rémunérations forfaitaires, de préférence à des rémunérations à l'acte, notamment pour des actes médicaux.

Deux mots sur l'administration pénitentiaire.

Vous avez renoué avec les principes de justice et de vérité. Il faut se garder des effets d'annonce dans ce domaine. Je pense aux 70 000 places promises à l'horizon 2018, transformées ensuite en 80 000 places pour 2017. Vous avez retenu un objectif raisonnable de 63 500 places pour la période 2013-2015 avec des constructions nouvelles, la fermeture d'établissements vétustes et des réhabilitations d'ampleur.

En outre, la lutte contre la récidive nécessite une nouvelle approche pénale. Je me félicite que celle-ci repose sur les conclusions des rapports de notre collègue député Dominique Raimbourg et de notre collègue Jean-René Lecerf sur l'administration pénitentiaire de 2012. Eu égard à la place qu'a tenue hier la question carcérale, il me semble important de parler du parcours carcéral qui est un temps hétérogène et difficile à manier, et qui regroupe des successions d'étapes qui pourraient être mises à profit pour le détenu. Il ne faut pas oublier la place de l'enseignement dans la prison. 25 % de la population pénale et 98 % des mineurs sont intéressés par l'école en prison. Il faut donc remercier et encourager le personnel enseignant qui exerce ses missions dans des conditions particulièrement difficiles.

S'agissant de la protection judiciaire de la jeunesse, 205 postes équivalents temps plein ont été créés en 2013. J'attends avec impatience le rapport de notre collègue Jean-Pierre Michel sur cette question. Quand nous créons des postes, il est important de connaître leur affectation. Cette année, les nouveaux postes seront affectés à des institutions nouvellement créées. Je dois avouer que je n'avais pas pris la mesure des dégâts causés par la révision générale des politiques publiques. Certaines régions en ont beaucoup souffert mais ne vont pas pour autant bénéficier de la création de ces nouveaux postes. Sur les 632 emplois supprimés dans le cadre de la RGPP au niveau national, la région du grand ouest en a perdu 169 entre 2010 et 2013, soit un quart des suppressions totales.

Élément positif qu'il convient de souligner : vous avez, par une gestion rigoureuse et attentive, réduit le délai de paiement en faveur des familles d'accueil et du secteur associatif habilité. Les évolutions financières qui ont touché ce secteur risquent de ne pas leur permettre de renouveler leurs moyens de travail, ce qui pourrait d'être préjudiciable à l'exercice de leurs missions.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Comme vous, je regrette la faiblesse des moyens qui vous sont accordés. Cela fait dix-huit ans que je siège dans cette commission et que nous réclamons que le budget de la justice soit considéré comme un budget essentiel, ce qui n'est malheureusement pas le cas, quel que soit le Gouvernement.

Je souhaiterai vous interroger sur quatre sujets.

Tout d'abord, quelle est la conséquence de la suppression des avoués ?

Ensuite, sur la question de la formation, et notamment l'absence de l'échelonnement des promotions, on ne sait pas combien de postes seront ouverts au concours de magistrats, année après année, ce qui est à l'origine « d'effets d'accordéons » préjudiciables. Ainsi, certains étudiants de grande valeur peuvent être amenés à renoncer à ce concours. Une programmation pourrait être mise en place pour y remédier.

Par ailleurs, je constate la lenteur de la justice administrative, notamment pour les permis de construire ou le contentieux de l'urbanisme qui dure entre deux et six ans, ce qui est préjudiciable pour les municipalités et les citoyens.

Enfin, est-ce qu'une seule École nationale de la magistrature est suffisante ou ne faudrait-il pas en créer une deuxième afin d'éviter tout phénomène de caste ? Par ailleurs, s'il y avait deux écoles, ne pourrait-on pas envisager la mise en place de formation commune entre les magistrats et les avocats, comme c'est le cas en Allemagne ou au Japon ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Lors de mes travaux en qualité de rapporteur pour avis du programme n°137 : « égalité entre les femmes et les hommes », mon attention a été appelée à de nombreuses reprises sur la question de la mauvaise appréhension et compréhension, par de nombreux magistrats, de la question des violences faites aux femmes et en particulier des violences conjugales. La mise en oeuvre de l'ordonnance de protection est très inégale selon les juridictions et paraît reposer essentiellement sur la sensibilisation de certains procureurs ou de certains chefs de juridiction à ces problématiques. La question de l'insuffisante formation des magistrats, d'une part, et de l'insuffisante circulation de l'information au sein de la juridiction (entre les juges aux affaires familiales, les parquets, le cas échéant les juges des enfants compétents pour prendre les mesures de protection nécessaires) est régulièrement posée. Que pourrait faire le ministère de la justice pour encourager la mise en oeuvre d'une véritable politique pénale nationale, à la hauteur des enjeux posés, en matière de violences conjugales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Nous avons récemment présenté, Christophe Béchu et moi-même, un rapport d'information sur l'indemnisation des victimes, en formulant trente-et-une propositions que nous aurons le plaisir de vous présenter bientôt.

Je voudrais tout d'abord vous féliciter pour l'effort que vous menez depuis bientôt un an et demi pour renforcer les crédits en faveur de l'aide aux victimes et permettre le fonctionnement des bureaux d'aide aux victimes. Je souhaite attirer votre attention sur la nécessité de sanctuariser les moyens affectés à ceux-ci, qui représentent à l'heure actuelle 20 000 euros par bureau et par an.

Reprenant une demande formulée par plusieurs intervenants, je souhaiterais également insister sur l'intérêt de la présence d'un greffier dans ces bureaux pour renseigner les victimes, ne serait-ce que par la consultation de Cassiopée. Ce n'est cependant pas toujours le cas, faute d'effectifs suffisants.

Je ne peux enfin que constater le manque de personnel au sein des bureaux d'exécution des peines.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Je résumerai la situation en disant qu'il y a des moyens limités et des besoins considérables. Dans ce cas, madame la ministre, ne faut-il pas établir des priorités ? Je pense à un exemple dans mon département : la reconstruction de la prison de Loos qui apparaît indispensable semble plus urgente que celle du palais de justice de Lille pour lequel aucune emprise foncière n'a été trouvée.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Je voudrais savoir où en est la réflexion de votre ministère, d'une part, sur l'aide juridictionnelle dont le coût ne cesse d'augmenter -nous sommes dans une époque qui aime plaider- et, d'autre part, sur le recours aux partenariats public-privé pour les bâtiments de la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Le budget de la justice ne diminue pas, ce dont on ne peut que se réjouir même si les crédits alloués à la justice restent insuffisants. Je salue particulièrement la suppression de la taxe de 35 euros qui fut une demande récurrente lors des derniers exercices budgétaires. Il n'en demeure pas moins, comme certains de mes collègues l'ont souligné, que pourrait se poser un problème de financement des services de la justice. Comment faire pour que la facilitation de l'accès au juge par la fin du droit de timbre ne ferme pas d'un autre côté l'accès à la justice par défaut de financement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

En ma qualité de rapporteuse pour avis sur les crédits de l'immigration, je souhaiterais vous interroger sur les salles d'audience délocalisées : celle du Mesnil-Amelot, déjà en fonctionnement et celle de Roissy qui devrait ouvrir d'ici la fin de l'année. Souhaitez-vous pérenniser cette expérimentation voire la généraliser ?

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Je remercie les sénateurs pour les questions difficiles qu'ils me posent.

Pour répondre à Mme Tasca, plus de 1 400 départs à la retraite sont prévus pour l'actuel quinquennat auxquels il faut ajouter les 358 postes vacants qui existent actuellement. Dans le même temps, les sollicitations pour des détachements de magistrats continuent. La consigne que j'ai adressée est claire : ne pénaliser aucun ressort dans la répartition des postes vacants, ou, en d'autres termes, établir « de la justice dans la justice ».

Le taux moyen de vacance est actuellement de 4,52 % et, sauf effort particulier en fonction des circonstances locales ou pour des postes sensibles comme ceux de juges des enfants ou en matière de santé publique, je veille à ce que la situation dans chaque ressort de cour d'appel ne s'éloigne pas de cette moyenne nationale.

Il ne s'agit certes pas de gérer perpétuellement la pénurie ! D'ailleurs, je pense qu'il faut mettre ce niveau de vacance de postes en regard avec les 250 magistrats détachés hors juridiction. En ce sens, une dépêche de la direction des services judiciaires a rappelé que chaque demande de détachement serait examinée de près sans droit automatique à son renouvellement. Il faut ainsi susciter le retour des magistrats.

Pour combler les vacances causées par les départs en retraite, il aurait fallu ouvrir, sous l'ancien quinquennat, chaque année 300 postes au concours de l'ENM. Or, seulement une centaine ou un peu plus étaient proposés. Cette année, près de 300 postes ont été ouverts lors du concours, presque 400 si l'on compte les intégrations directes, mais combien seront pourvus par le jury ? L'an passé, 64 postes ne l'avaient pas été à cause d'un problème qualitatif, le niveau des candidats n'étant pas jugé suffisant.

Je compte donc améliorer la campagne de sensibilisation. À l'ENM, s'est ainsi tenue une réunion regroupant l'ensemble des présidents d'universités et des doyens de facultés de droit pour qu'ils incitent leurs meilleurs étudiants à préparer ce concours. Par ailleurs, il existe des recrutements parallèles par la voie de la commission d'avancement composée des représentants des organisations syndicales et de l'administration, recrutements qui ne dépendent pas que du ministère.

En conclusion, je suis déterminée à relever le défi du recrutement rendu nécessaire par le départ en retraite des magistrats.

Sur la proposition du doyen Gélard de créer deux écoles de formation pour les magistrats et d'y associer la formation des avocats, je voudrais simplement souligner les difficultés actuelles pour le Conseil national des barreaux (CNB) pour imposer un examen national et regrouper les formations

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Les examens ne se déroulent désormais plus au niveau de chaque barreau...

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

C'est exact.

Concernant les crédits des services de la justice, je voudrais insister sur le dégel des crédits destinés aux frais de justice et aux dépenses de fonctionnement. Je vous ferai d'ailleurs parvenir les chiffres exacts. Cette année, nous avons obtenu une hausse de 20 % des crédits en matière de frais de justice et une baisse de 7 % pour le fonctionnement au titre de la contribution à l'effort général de la réduction du déficit public.

Je pensais sincèrement que cette compensation rendrait indolore la baisse des crédits de fonctionnement pour les juridictions mais certaines difficultés ont été ressenties et nous ont été relayées. Je prendrai pour exemple les frais postaux qui représentent plus de 55 millions d'euros par an essentiellement à cause de l'obligation faite par le code de procédure civile d'adresser les convocations par lettre recommandée avec accusé de réception. D'ailleurs, 80 % de ces lettres ne sont pas retirées. Dans le cadre d'un futur projet de loi, j'envisage de solliciter du Parlement une habilitation à prendre une ordonnance pour autoriser les convocations par courrier électronique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

S'ils ne répondent pas aux lettres, que feront-ils à l'égard d'un courrier électronique ?

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Paradoxalement, on constate qu'il y a davantage de réponse aux lettres simples car elles ne nécessitent pas d'être retirées auprès du bureau de poste en cas d'absence du destinataire. En tout état de cause, pour adresser un courrier électronique, il faudra l'accord du justiciable puisqu'il devra fournir son adresse électronique. Les garanties nécessaires seront prévues pour ne pas fragiliser la validité des procédures.

J'en viens maintenant à la question de l'aide juridictionnelle et du conseil national pour l'aide juridictionnelle (CNAJ). Je ne voudrais pas qu'ici, au Parlement, comme à l'extérieur, on confonde, volontairement ou non, d'une part, la suppression du timbre de 35 euros et, d'autre part, la démodulation des unités de valeur (UV).

La suppression du timbre concerne les justiciables. Elle est la suppression d'une entrave réelle à l'accès à la justice. Une étude a montré que, pour certaines juridictions comme les prud'hommes, on constatait jusqu'à une baisse de 10 % du recours à la justice.

La démodulation consiste en l'harmonisation sur le territoire de la valeur de l'UVqui sert au calcul de la rétribution des avocats au titre de l'aide juridictionnelle.

Les deux opérations sont totalement déconnectées l'une de l'autre. Pour compenser la suppression du droit de timbre, j'ai d'abord cherché des ressources hors budget de l'État. Je n'y suis cependant pas parvenue dans le cadre du budget pour 2014. C'est pourquoi nous avons dû avoir recours à des ressources étatiques à hauteur de 60 millions d'euros.

S'agissant de la démodulation, il n'y a pas d'argument économique pour justifier les différences de valeur de l'UV sur le territoire. Nous sommes donc tombés d'accord avec le CNAJ, dans lequel siègent les avocats, pour convenir que la démodulation ne posait pas de problème en soi. Le problème est la valeur à retenir pour l'UV. On constate un écart, l'UV pouvant valoir de 22,50 euros à 25 euros selon les régions. Nous avions retenu une valeur intermédiaires : certains y gagnaient, d'autres y perdaient. L'idéal serait cependant d'harmoniser par le haut, en retenant 28 ou 30 euros, plutôt que 23 euros, d'autant plus que l'UV n'a pas été revalorisée depuis 2007. Cette revendication apparaît donc comme légitime.

De manière générale, se pose la question de la consolidation et de la pérennisation de l'aide juridictionnelle. De nombreux rapports ont traité de la question, en particulier le rapport de 2007 du sénateur du Luart. Une réforme est nécessaire. Plusieurs pistes sont à expertiser avec les professionnels. Il faudra procéder à des choix coûteux en temps, en efforts. Dans le cadre de la préparation du budget pour 2014, cette réflexion n'a pas abouti. Pour le budget 2015, j'ai confié une mission à M. Alain Carre-Pierrat, qui devrait rendre son rapport en deux étapes, en mars et en avril. Cette mission vise à recueillir l'avis d'un tiers afin de sortir du face à face entre les avocats et la chancellerie.

Vous m'interrogez sur la question des tutelles. Je tiens tout d'abord à saluer les efforts des juridictions qui sont parvenues à résorber tout le stock. Lorsque je suis arrivée à la Chancellerie, j'ai été saisie d'une demande de prolongation au-delà de 2013 des délais inscrits dans la loi, mais il est apparu que cela risquait d'introduire une année supplémentaire en stock. C'est pourquoi, les juridictions ont fourni un effort considérable en affectant des magistrats, des greffiers et des vacataires, sans pénaliser d'autres contentieux. Grâce à cette forte mobilisation des personnels, le stock sera de 1 à 2 % à la fin 2013.

Cela étant, il est nécessaire de prendre en compte, dans la réforme à venir, certaines difficultés qui sont apparues. Ainsi sera créée la faculté pour le juge de prononcer la révision de la mesure de tutelle au-delà de cinq ans et jusqu'à dix ans. En outre, il faudra procéder à des aménagements concernant l'élaboration du budget et le contrôle des comptes car le dispositif d'intervention de l'huissier ne donne pas entière satisfaction aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Edmond Hervé

Sera-t-il possible à vos services de nous communiquer le bilan des effets de la RGPP pour la protection judiciaire de la jeunesse car les chiffres que vous citez ne semblent pas correspondre à ceux dont je dispose ?

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Vous indiquiez une suppression de 162 postes pour la PJJ dans le grand ouest. Cela correspond aux chiffres dont je dispose également. Vous indiquiez une gestion modèle dans le grand ouest. Le prix de journée dans les centres éducatifs fermés y est-il plus bas ?

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Vous m'interrogiez sur le logement des greffiers. C'est la fondation d'Aguesseau qui gère l'immobilier. Jusqu'à présent, on privilégiait le logement des agents de l'administration pénitentiaire.

Vous évoquiez, madame Tasca, une injustice à réparer concernant l'indemnisation des greffiers. La réforme de leur statut et de leur grille indiciaire n'a pas abouti pour le moment, mais une façon de les aider à attendre est d'augmenter leurs effectifs. Un millier de greffiers sont actuellement en formation ; ils devraient arriver dans les juridictions entre avril et septembre 2014.

M. Kaltenbach évoquait le logiciel Cassiopée. Cela pose la question de l'insertion des bases informatiques dans le travail des juridictions afin de permettre une meilleure disponibilité des greffiers en leur facilitant l'accès aux informations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je donne maintenant la parole aux rapporteurs pour avis sur les autres programmes de la mission justice, le programme administration pénitentiaire et le programme protection judiciaire de la jeunesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Les travaux de la conférence de consensus ont mis au centre du débat les enjeux des prises en charge en milieu ouvert. Le projet de loi déposé à l'Assemblée nationale propose notamment l'instauration d'une peine de contrainte pénale, présentée comme une réponse pénale alternative à la prison et au sursis avec mise à l'épreuve. À cette fin, le projet de loi de finances annonce la création de 300 postes de conseillers d'insertion et de probation dès 2014.

Pouvez-vous préciser comment ces recrutements vont s'organiser ? Qu'en est-il des emplois administratifs support (le chiffre annoncé par la direction de l'administration pénitentiaire -DAP- de 100 emplois administratifs en soutien n'apparaît pas dans les documents budgétaires) ? De la capacité matérielle des SPIP, dont les crédits de fonctionnement restent inchangés, à accueillir ces personnels supplémentaires ? Comment ces derniers seront-ils formés, d'autant que les crédits consacrés à la formation tendent à diminuer ?

Par ailleurs, le métier de conseiller d'insertion et de probation évolue, les SPIP sont surchargés, et certaines missions de travail social pourtant essentielles à la réinsertion ne sont plus exercées. Comment mieux articuler les actions de l'administration pénitentiaire avec les différents acteurs sociaux - notamment les assistantes sociales de secteur, en particulier pour permettre aux détenus de bénéficier de leurs droits sociaux à la sortie de la détention ?

Dans un contexte de surpopulation carcérale et d'augmentation du nombre d'incidents en détention, je souhaiterais faire part de notre inquiétude à propos des relations fortement dégradées qui paraissent exister entre personnels de surveillance d'un côté et directeurs d'établissements de l'autre. L'autorité et les décisions des directeurs pénitentiaires sont régulièrement remises en cause, et il n'est pas rare, vraisemblablement, que ces derniers fassent même l'objet d'insultes de la part de certains représentants syndicaux. Face à cela, les directeurs pénitentiaires ont l'impression de ne pas être soutenus par la chancellerie.

Quelles mesures le ministère de la justice entend-il prendre pour conforter l'autorité des directeurs d'établissements ? Une solution pourrait-elle consister à déconcentrer au niveau des chefs d'établissements une partie du pouvoir de sanction disciplinaire à l'égard des personnels affectés dans l'établissement (par exemple pour les sanctions du premier groupe) ?

Le plan pour la sécurité des établissements pénitentiaires annoncé le 3 juin dernier prévoit notamment le déploiement de 18 portiques à ondes millimétriques dans l'ensemble des maisons centrales et quartiers maison centrale ainsi que dans 9 maisons d'arrêt - solution que j'ai à plusieurs reprises préconisée comme alternative aux fouilles corporelles : quel est le coût prévisionnel de ces portiques ? Vous avancez le montant de 160 000 euros pièce, mais les professionnels disent que l'augmentation de la demande devrait faire baisser les coûts. À quelle échéance seront-ils mis en service dans les établissements concernés ? Quelles maisons centrales seront équipées ?

De façon plus générale, les crédits annoncés (27 millions d'euros en autorisations d'engagement et 24 millions d'euros en crédits de paiement) seront-ils suffisants pour réaliser l'ensemble des mesures annoncées ?

J'ai notamment visité en 2013 les maisons d'arrêt de Dunkerque et d'Angers, où la vétusté des locaux soulève de nombreuses difficultés, notamment en termes sanitaires. Quels sont les projets du ministère de la justice à l'égard de ces deux établissements ?

De façon plus générale, il paraît difficile d'avoir une idée claire des réalisations à venir : le ministère de la justice a-t-il établi un programme des constructions et réhabilitations programmées, accompagné d'un calendrier indicatif de réalisation des travaux ?

De plus en plus, la carte des établissements pénitentiaires laisse apparaître l'image d'un parc « à deux vitesses » : compte tenu des rigidités budgétaires inhérentes au fonctionnement des établissements à gestion déléguée, les établissements en gestion publique apparaissent de plus en plus comme une « variable d'ajustement » budgétaire et se retrouvent confrontés à des difficultés de gestion croissantes, au point que certains se demandent s'il ne vaudrait pas mieux généraliser la gestion déléguée à l'ensemble des établissements !

Enfin, quel bilan peut être établi s'agissant de l'expérimentation de la décentralisation de la formation professionnelle dans les deux régions qui se sont portées candidates (Pays-de-la-Loire et Aquitaine) ? Le cas échéant, une généralisation de la régionalisation de la formation professionnelle des détenus ne pourrait-elle pas être envisagée avant le vote de la loi sur la mobilisation des régions pour la croissance et l'emploi, dont le calendrier d'examen par le Parlement paraît pour l'instant incertain ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

De 2002 à 2013, nous avons connu les centres éducatifs fermés (CEF), nous avons connu la loi de 2007 sur la protection de l'enfance et nous avons connu la réorganisation administrative et territoriale. Envisagez-vous de réformer en profondeur la protection judiciaire de la jeunesse, notamment en modifiant l'ordonnance de 1945 ?

Dans sa décision du 8 juillet 2011, à la suite d'une QPC, le Conseil constitutionnel a estimé que le juge des enfants ne pouvait pas, pour une même affaire, l'instruire puis présider le tribunal pour enfant chargé de la juger. La loi du 26 décembre 2011 visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants a tiré les conséquences de cette décision en prévoyant que « le juge des enfants qui a renvoyé l'affaire devant le tribunal pour enfants ne peut présider cette juridiction ». Or, certains tribunaux ont fait de cette disposition une lecture littérale, le juge des enfants pouvant présider le tribunal dans une même affaire dès lors que l'ordonnance de renvoi a été signée par un autre magistrat. Des évolutions sont-elles envisagées pour sortir de cette situation insatisfaisante ?

Le budget de l'an dernier était en augmentation. Cette année, il baisse légèrement, même si 78 emplois devraient être créés, destinés notamment à deux nouveaux centres éducatifs fermés. L'objectif du doublement du nombre des CEF, annoncé par le président de la République, est-il toujours d'actualité ou bien comptez-vous, étant donnée la contrainte budgétaire, favoriser pour les années à venir les autres modes de prise en charge de la PJJ ?

Enfin, sur la période 2008-2012, les crédits de la PJJ ont connu une diminution de 16,7 %. Vous les avez stabilisés. Cependant, les crédits du secteur associatif habilité (SAH) ont baissé de 21,2 %. N'est-il pas dommageable que le SAH serve de variable d'ajustement budgétaire ?

Les arriérés de paiement de la PJJ envers ce secteur ont commencé à être résorbés en 2012. Le Gouvernement va-t-il, comme il s'y est engagé, poursuivre cet effort ?

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Nous ne pouvons que regretter la diminution des crédits dévolus à la protection judiciaire de la jeunesse.

Le budget est tourné vers les centres éducatifs fermés. C'est assez révélateur des difficultés que nous rencontrons à offrir à la jeunesse une réponse pénale différenciée.

Quant aux crédits de l'administration pénitentiaire, je tiens à rappeler que mille postes sont toujours vacants. Le Gouvernement annonce, certes, la création de postes pour les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), mais ils s'inscriront dans le cadre de la réforme pénale à venir. Qu'en est-il pour aujourd'hui ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Depuis quinze ans, nous assistons à une augmentation constante du taux d'incarcération. Or, nous le savons, la prison n'est pas forcément la réponse la plus adaptée pour lutter contre la récidive. Envisagez-vous de mener une politique de diminution des incarcérations et de développement des alternatives aux poursuites ?

Vos chiffres font état d'une diminution des incarcérations. N'est-ce pas le résultat du recours aux dispositifs de surveillance électronique ? Est-ce toujours l'outil le plus approprié ?

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Madame Bonnefoy, mon ministère, vous le savez, est très engagé sur la question des violences faites aux femmes. Dans notre budget, 1,4 millions d'euros lui sont consacrés. J'ai également donné des instructions par circulaires aux parquets pour que la médiation pénale ne soit pas utilisée dans ces cas-là.

Dans le projet de loi sur l'égalité entre les femmes et les hommes, actuellement en navette, nous généralisons l'utilisation du « téléphone grand danger ».

Concernant l'ordonnance de protection et ses disparités d'application d'une juridiction à l'autre, un rapport d'évaluation commun à l'inspection générale des services judiciaires et à l'inspection générale des affaires sociales a été rendu public en juin 2013. Les réflexions de cette mission ont inspiré certaines dispositions du projet de loi comme l'allongement de la durée de l'ordonnance de protection à six mois, contre quatre actuellement.

En amont de l'intervention du juge, il nous a semblé nécessaire de traiter la question de l'enregistrement des plaintes et des mains-courantes déposées par les victimes. Par circulaire, j'ai donné des instructions pour que ces plaintes soient systématiquement instruites.

Enfin, nous avons mis en place une formation à ces questions pour les magistrats, les avocats et les personnels sociaux notamment.

Concernant le budget de la protection judiciaire de la jeunesse, il est effectivement en baisse de quatre millions d'euros. Cependant, il faut rappeler que l'an dernier 10 millions d'euros avaient été débloqués pour permettre d'assainir la situation, auxquels il faut ajouter cinq millions d'euros d'efforts de gestion fournis par le ministère. Grâce à ces efforts, les délais de paiement ont été ramenés à un mois. L'étau est desserré. Nous n'avons donc pas besoin de fournir le même effort budgétaire que l'an dernier. Mais, je suis d'accord avec vous. Nous ne devrions pas avoir à compter les deniers du budget de la justice quand est en cause la protection de la jeunesse...

Quant au budget de l'administration pénitentiaire, nous nous sommes engagés à créer 1 000 postes sur trois ans : 400 en 2014 puis 300 en 2015 et 300 en 2016. D'ailleurs, l'école nationale d'administration pénitentiaire ne pourrait en accueillir davantage puisque ses capacités de formation sont limitées à 400 places. En tout état de cause, 400 nouveaux emplois sont loin d'être négligeables pour un corps qui compte environ 4 000 membres.

Nous tenons également à rendre les peines plus efficaces, notamment grâce à la création de la contrainte pénale qui, je vous le rappelle, sera une véritable peine, et permettra au magistrat de prévoir une exécution en milieu ouvert. Nous attendons de cette mesure une diminution de la récidive.

Par ailleurs, j'ai installé à la chancellerie un groupe de travail sur les SPIP qui doit réfléchir, en particulier, à une diversification des profils recrutés. Actuellement, il s'agit principalement de juristes. Nous souhaiterions avoir d'anciens éducateurs par exemple. Nous travaillons également sur des référentiels métiers, des outils d'analyse...

Quant aux nouveaux portiques à ondes millimétriques dont nous allons équiper les maisons centrales et certaines maisons d'arrêt, j'espère que leur coût diminuera avec le nombre de commandes. Sur l'enveloppe de 33 millions d'euros prévue pour financer le renforcement de la sécurité dans les prisons, neuf millions ont déjà été dépensés pour ce projet en 2013. Il est donc bien lancé et se poursuivra en 2014.

M. Lecerf, vous m'avez signalé la situation dégradée des maisons d'arrêt de Dunkerque et Angers. Je vais regarder ces cas de plus près.

Je ne suis pas une adepte de la généralisation de la gestion déléguée. Il faut arriver à intégrer tous les paramètres dans le calcul des coûts unitaires pour pouvoir comparer gestion déléguée et gestion publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

On ne peut pas avoir des prisons qui cessent de payer leurs fournisseurs à partir du mois de septembre.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je suis bien d'accord avec vous. Nous avons même eu le cas d'un établissement pénitentiaire qui a dû être mis sous tutelle parce qu'il avait consommé 75 % de son budget au milieu de l'année. La nouvelle directrice de l'administration pénitentiaire assure désormais une gestion rigoureuse du système.

Monsieur Détraigne, je pense vous avoir répondu ; je voudrais dire qu'en effet, les dépenses en matière d'aide juridictionnelle augmentent en raison aussi de règlements et de directives européennes nouvelles car il y a de nouveaux droits. Mme Tasca a parlé des conséquences de la directive « interprétation-traduction ». Nous avons élaboré une circulaire qui précise que ces dispositions ne s'appliquent que pour les procédures et les formalités les plus importantes, pour que ce ne soit pas automatique. On a estimé à 15 millions d'euros le surcoût dû à ces droits nouveaux, mais c'est une dépense qu'il faudra savoir contenir.

À propos des partenariats publics privés (PPP), j'observe que c'est l'État qui vit à crédit sur les générations suivantes. On peut concevoir des PPP dans le cas d'équipements qui produisent des ressources. Mais quand ce n'est pas le cas comme les prisons ou les tribunaux il vaut mieux les éviter, et tant qu'on pourra l'éviter, on le fera. Il existait cependant des PPP déjà très engagés à mon arrivée et le coût du dédit et du contentieux devait être pris en compte. Par ailleurs, en cas d'urgence, comme par exemple pour le tribunal de grande instance de Caen où il y avait de vrais problèmes de sécurité, il était nécessaire de recourir à cet instrument. Mais on a repris en maîtrise d'ouvrage public chaque fois que c'était possible, comme pour le TGI de Perpignan par exemple car je préfère cette formule, moins coûteuse pour l'État. Certes, les PPP sont plus simples car on lance l'investissement sans avoir à débourser un euro. Mais, après, cela grève les budgets ! On le voit bien pour les partenariats publics-privés pénitentiaires. À partir de 2016, ce sera tellement élevé qu'il n'y aura plus de marge pour investir.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Exactement.

En réponse à la question de Mme Lipietz, je rappelle qu'il y a deux catégories de salles d'audience délocalisées -j'éprouve la même gêne que vous à leur égard mais je suis en responsabilité et il faut assumer la continuité de l'État.

Il y a des salles comme le Mesnil-Amelot qui est la 3ème du genre, une à Marseille et l'autre à Coquelles dont le principe a été validé.

À propos de la ZAPI de Roissy-Charles-de-Gaulle, c'est une autre formule. J'en ai différé l'ouverture, initialement prévue en septembre-octobre de cette année. J'ai chargé M. Bacou et Mme de Guillenchmidt d'une mission pour vérifier la conformité de cette salle aux normes et valeurs européennes et nationales. Je devrais avoir le rapport fin novembre, et je le rendrai public.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

J'ai insisté sur la séparation nécessaire entre les fonctions d'instruction et de jugement, pour souligner qu'il arrivait qu'un magistrat ayant instruit une affaire fasse signer la décision de renvoi devant le tribunal pour enfant par un collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

J'ai effectué plusieurs visites de prisons. À Auxerre, cette année, comme à Melun à la même époque, l'année dernière, la situation du budget de fonctionnement est critique. Il y a huit jours, à Auxerre, il ne restait plus que dix kits d'hygiène et s'il a plus de détenus d'ici la fin de l'année, les normes minimales fixées par les règles pénitentiaires européennes ne pourront pas être respectées. C'est le problème de la gestion différenciée des budgets au sein des prisons, certains étant alloués par le ministère, d'autres devant être alimentés par des fonds propres. Il y a un vrai problème de gestion des fins d'années budgétaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Vous n'avez pas évoqué la réforme des BOP des cours d'appels, mais si vous le faites en envoyant un document, cela me conviendra.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

En réponse à M. Alfonsi, c'est un sujet qui est sur la table. Nous travaillons à des modifications de l'ordonnance de 1945 pour remettre de la cohérence et de la simplification après les modifications apportées par les différentes réformes. Les solutions actuellement évoquées ne font pas consensus. On regarde actuellement ce qui est fait dans d'autres pays européens mais nous n'avons pas de réponse pour l'instant.

Pour les kits d'hygiène en détention, c'est une question d'organisation : ce problème doit remonter à la direction de l'administration pénitentiaire. Il faut qu'on améliore la remontée d'information. Comme souvent pour ces questions de logistique, les réponses pourraient être aisément apportées. Nous le faisons pour les juridictions, il faut que nous le fassions pour nos établissements pénitentiaires.

90 % de nos établissements pénitentiaires sont certifiés, ce qui est un honneur, mais nous sommes donc tenus de respecter les règles pénitentiaires européennes. Lorsqu'il y a un cas particulier, il ne faut pas hésiter à me faire remonter les difficultés rencontrées.

Depuis la loi Guigou du 15 juin 2000, les parlementaires peuvent accéder à tout moment aux établissements pénitentiaires. C'est une très bonne chose, et nous sommes intéressés par toutes les informations qui pourraient en remonter.

Pour les BOP, merci, madame Tasca de me permettre de vous répondre par écrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la ministre, je vous remercie d'avoir bien voulu répondre aux très nombreuses questions posées. Je pense que vous y avez vu une marque de l'intérêt que nous vous manifestons.

Puis la commission procède à l'audition de M. Manuel Valls, ministre de l'Intérieur, sur le projet de loi de finances pour 2014 - missions « Sécurités », « Immigration, asile et intégration » et « Administration générale et territoriale de l'État ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. le ministre, la commission des lois suit avec beaucoup de soin votre action et en l'espèce le budget du ministère de l'Intérieur.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Un budget c'est l'expression des priorités.

D'abord, les effectifs car ce ministère est avant tout un ministère d'hommes et de femmes. En 2014, tous les départs en retraite seront remplacés dans la police et la gendarmerie qui bénéficieront également de créations de poste : 243 pour la police et 162 pour la gendarmerie. Le rythme sera plus soutenu en 2015. Je sais l'impatience ressentie partout pour l'arrivée des effectifs, je connais les besoins criants que vous constatez ici et là. En ce début d'automne, nous sommes au point le plus bas de l'année pour les effectifs. La promotion des gardiens de la paix entrés à l'école en 2013 sera affectée dans les services en décembre. Une nouvelle incorporation de 1 000 élèves gardiens sera effective dès janvier prochain, après les entrées en école du mois de septembre. Les efforts sont nécessaires pour compenser les effets de la politique de suppression des emplois des années passées. En cinq ans, 13 700 postes de policiers et de gendarmes ont été supprimés. Ces créations d'emploi ne compenseront pas ces suppressions, mais il fallait arrêter l'hémorragie.

Les effectifs ne sont pas tout, il faut constamment travailler sur des réorganisations internes pour mieux utiliser nos ressources et nous attaquer à l'explosion des cambriolages, occuper le terrain, être plus efficace dans la lutte contre le terrorisme, être présent dans les champs nouveaux comme celui de la cybercriminalité : redéploiements territoriaux police/gendarmerie, mutualisation avec la création d'un service unique des achats et des équipements, mutualisation en matière de police technique et scientifique, substitution des personnels actifs par des personnels administratifs sur les fonctions non opérationnelles.

En matière d'affectation du personnel, mes priorités sont claires : les zones de sécurité prioritaires et le renseignement intérieur.

L'administration centrale et territoriale verra ses effectifs diminuer en 2014 (550 départs à la retraite ne seront pas remplacés en préfectures et sous-préfectures et 87 en administration centrale). Il faut donc procéder à des évolutions de structure, c'est pourquoi j'ai confié aux préfets des régions Alsace et Lorraine une mission de rénovation de la carte des sous-préfectures -qui n'a pas évolué depuis 1926- dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin à l'échéance du 1er janvier 2015.

Mais l'évolution du réseau n'est pas son affaiblissement. Je suis attaché à la présence de l'État sur le territoire car on constate un sentiment d'abandon terrible dans certains territoires. Quand on est dans des difficultés, on se tourne vers l'État. C'est dans cette logique et pour répondre aux attentes de nos compatriotes que l'évolution du réseau pourra être posée : regroupement ou redécoupage d'arrondissements, création des maisons de l'État.

D'autres administrations de l'État ont perdu ces dernières années en puissance en raison de la réduction des effectifs et de la décentralisation. Cependant, il faut maintenir le réseau des sous-préfectures et des maisons de l'État là où cela s'impose.

Gérer un budget, c'est s'assurer que les moyens utilisés correspondent bien aux missions assumées. Pour cela, j'ai engagé d'autres réformes importantes pour l'administration : mise en place expérimentale de plateformes pour le traitement des demandes de naturalisation dans trois régions ; délivrance d'un nouveau permis de conduire FAETON qui allègera la tâche des préfectures ; régionalisation des plateformes CHORUS.

Tout doit contribuer à garantir l'efficacité de cette administration et au final, le service rendu aux administrés. Il faut améliorer l'accueil, notamment pour les étrangers.

En ce qui concerne la situation des personnels, les mesures indemnitaires catégorielles resteront à un niveau élevé en 2014, identique à 2013, aux alentours de 60 millions d'euros pour l'ensemble du ministère. En particulier, les gardiens de la paix et les sous-officiers de gendarmerie bénéficieront d'une nouvelle tranche du passage à la catégorie B en octobre 2014 après la première étape du 1er juillet 2013.

Les moyens de fonctionnement du ministère. Les services de gendarmerie et de police voient pour la première fois depuis 2007 leurs crédits progresser après la stabilisation de 2013, mais les besoins restent considérables que ce soit en matière immobilière, pour la gendarmerie surtout, que ce soit pour le parc automobile ou le fonctionnement courant des services. J'espère que les mesures de gel de début d'année ne viendront pas anéantir cet effort indispensable.

Parce que la sécurité est une priorité, qu'il faut avoir une vision dynamique de la loi de finances, le premier ministre a accepté de dégeler 111 millions d'euros en fin d'année 2013 au bénéfice des forces de l'ordre. J'ai aussi obtenu le dégel de 10 millions d'euros supplémentaires d'autorisations d'engagement pour lancer les opérations de maintenance urgente des logements les plus dégradés de la gendarmerie.

La sécurité civile. Les efforts sont concentrés sur les moyens nationaux : 4 millions d'euros supplémentaires consacrés à la maintenance de la flotte de la sécurité civile ; les études pour le déménagement de la base de Marignane vers Nîmes-Garons ; la poursuite du déploiement d'ANTARÈS ; déploiement du nouveau système d'alerte et d'information des populations.

Immigration, asile et intégration. Les crédits 2014 pour l'asile constituent 85 % des crédits du programme « immigration et asile » et ils augmentent de 0,5 % par rapport à 2013.

Notre système d'asile implose : depuis 2007, la demande d'asile augmente en moyenne de 10 % par an. Avec probablement 68 000 demandes en fin d'année, ce chiffre aura doublé en 6 ans et, nous le savons, 80 % de ces demandes aboutiront à un rejet par l'OFPRA et la CNDA. Les problèmes, nous les connaissons : allongement des délais d'instruction, concentration des demandeurs d'asile dans certaines régions et villes, saturation des hébergements par les déboutés du droit d'asile.

Ce budget apporte des premières réponses d'urgence : dix emplois supplémentaires à l'OFPRA, le financement de deux mille nouvelles places en centres d'accueil des demandeurs d'asile et en ce qui concerne la gestion de l'ATA (allocation temporaire d'attente), déjà 7 millions de versements indus supprimés au second semestre 2013.

Mais au-delà c'est l'ensemble du système qu'il faut revoir. J'ai lancé en juillet une réflexion avec les collectivités locales, la CNDA, les administrations, le HCR et les associations du champ de l'asile. Deux parlementaires, Valérie Létard et Jean-Luc Touraine, me feront des propositions pour refonder la politique de l'asile. À ce stade, aucun scénario de réforme n'est arrêté, mais des sujets incontournables ont d'ores et déjà été identifiés par ces deux parlementaires : une réduction significative des délais pour parvenir à 9 mois en 2015, une détermination dès l'arrivée de l'éligibilité de la demande d'asile avec un traitement accéléré, une répartition plus directive des demandeurs d'asile sur le territoire, une territorialisation plus importante de toute la procédure, l'éloignement des déboutés du droit d'asile.

L'Allemagne est passée devant nous en termes de demandes d'asile.

Je veux trouver avec la représentation nationale un consensus. Il nous faut préserver ce droit constitutionnel, conventionnel, sacré mais à condition qu'il n'y ait pas de détournement.

Voilà les grandes lignes du budget 2014 du ministère de l'intérieur avec des priorités clairement financées : la sécurité intérieure, l'asile et la modernisation de l'action publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le ministre, merci pour ces informations. L'an passé, j'avais conclu mon rapport sur une note positive, car le budget pour 2013 marquait incontestablement une rupture par rapport aux années précédentes. Les personnes que j'avais alors entendues dans le cadre de la préparation de ce rapport espéraient beaucoup des nouvelles orientations annoncées par le Gouvernement, en particulier s'agissant de l'arrêt de l'application de la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, de la création des ZSP ou encore de l'attention portée à l'amélioration de la qualité des relations entre les citoyens et les forces de l'ordre.

Cette année, bien que je n'aie pas encore terminé mes auditions - mon rapport ne sera examiné en commission des lois que le 27 novembre -, je constate un changement de tonalité. En particulier, les policiers sont très inquiets face à l'annonce de la baisse de l'ISSP pour les élèves gardiens de la paix et les élèves gendarmes : cette diminution aura des répercussions sur le pouvoir d'achat de ces personnels. Plus largement, ils sont inquiets quant à l'évolution de leurs conditions de travail. Ils s'interrogent également sur les modalités selon lesquelles s'effectuera la mutualisation avec la gendarmerie, vécue par eux comme un risque de perte d'autonomie. J'aborderai ce point dans mon rapport, après avoir entendu également les représentants de la gendarmerie nationale.

Je vous poserai plusieurs questions.

Vous avez évoqué la création de 243 postes de fonctionnaires de police : où ces derniers seront-ils affectés ?

Avez-vous déjà dressé un premier bilan des ZSP ? Par ailleurs, je vous avais interrogé l'année dernière sur l'articulation entre les ZSP et les dispositifs de prévention de la délinquance : comment les choses ont-elles évolué de ce point de vue en 2013 ?

Enfin, les policiers nous disent que la politique du chiffre a été remplacée par une politique du résultat. Cette façon de voir les choses m'a quelque peu interpellée. Qu'en pensez-vous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Mon rapport budgétaire sera examiné en commission des lois demain. J'aurai moi aussi plusieurs questions.

Tout d'abord, le budget des centres de rétention administrative (CRA) diminue, ce qui est inquiétant même si tous ne sont pas utilisés à leur pleine capacité. Un cahier des charges portant sur la qualité de l'accompagnement devait être élaboré : où en est-on ?

Les CRA sont sous-utilisés. Une solution alternative à la rétention ne pourrait-elle pas se trouver dans la généralisation des bracelets électroniques ? Une telle mesure ne coûterait-elle pas moins cher que l'entretien de CRA dont certains ne sont utilisés qu'à 40% ?

Par ailleurs, vous faites - avec raison - de l'intégration un des piliers du « vivre ensemble » et un préalable à l'accès à la nationalité. Pourtant, les crédits alloués à ces actions diminuent de 17% sur deux ans. Comment justifier une telle baisse du budget ?

L'OFII a des recettes propres qui sont de plus en plus plafonnées, alors même que cet organisme n'a pas la possibilité de limiter ses dépenses. Ses ressources sont plafonnées à 140 millions d'euros de recettes fiscales, conjuguées à une subvention pour charge de service public en baisse et des ressources supplémentaires assez volatiles en provenance des fonds européens. Ces paramètres ne risquent-ils pas de rendre difficile l'action de l'OFII pour les années à venir ? Envisagez-vous une véritable refonte du rôle de l'OFII, face, en particulier, aux enjeux de l'intégration et aux nouveaux titres de séjour pluriannuels que vous prévoyez de mettre en place ? Il en est de même, notamment, du contrat d'accueil et d'insertion qui devrait sans doute être plus en rapport avec les charges de l'OFII.

Vous avez lu comme moi le rapport de la Cour des comptes soulignant les mauvaises conditions - c'est un euphémisme - dans lesquelles les étrangers sont accueillis dans les préfectures lorsqu'ils sollicitent la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour. Je souligne d'ailleurs que ces conditions ne sont pas non plus convenables pour les fonctionnaires qui ont en charge ce secteur ô combien difficile. Qu'entendez-vous faire pour remédier à cette situation ?

Enfin, mon rapport évoquera la question des mineurs étrangers isolés, dont je sais qu'elle relève des ministères de la justice et des affaires sociales, et non de celui dont vous avez la charge. Mais que deviennent ces mineurs une fois devenus majeurs ? Souvent les départements les ont pris en charge, cela a représenté un coût financier important pour ces collectivités ; de leur côté, ces jeunes qui ont bénéficié de formations qualifiantes manifestent souvent une réelle volonté d'intégration. Qu'entendez-vous faire pour que ces dépenses engagées par les départements n'aient pas été faites en vain ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La sécurité civile représente un petit budget mais un grand sujet. Je souhaiterais tout d'abord attirer votre attention sur un point de méthode : les éléments concernant les moyens consacrés à la sécurité civile par les collectivités locales ne figurent plus dans le document de politique transversale pour 2014. C'est tout à fait regrettable.

J'ai assisté comme vous au congrès national des sapeurs-pompiers qui s'est tenu à Chambéry, au cours duquel il a beaucoup été question du référentiel commun entre les SDIS et les SAMU sur le secours à personne. Le président de la République vous a demandé de vous rapprocher de votre collègue Mme Marisol Touraine, ministre de la santé, pour trouver un apaisement à une situation actuelle quelque peu conflictuelle. Où en sont les choses sur ce point ?

J'évoquerai également la question de la coopération européenne en matière de lutte contre les feux de forêt : à un moment, on a créé le « FIRE 4 » ; une évolution était prévue, allant dans le sens d'une plus grande mutualisation des moyens. Comptez-vous donner une impulsion nouvelle à un tel renforcement de la coopération européenne ?

Enfin, j'ai récemment rendu visite au bataillon des marins pompiers de Marseille. L'État ne contribue pas de façon significative au budget de ce bataillon, contrairement à ce qui se passe à Paris. Le Premier ministre a pris des engagements récemment pour faire évoluer cet état de fait : qu'en est-il exactement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je prendrai d'abord la parole en ma qualité de rapporteur des crédits consacrés à l'asile. Le projet de budget comporte de nombreux points positifs, en particulier s'agissant de la création de 2 000 places en CADA et des moyens plus importants alloués à l'OFPRA. Ces points positifs ont été soulignés par l'ensemble des personnes que j'ai reçues.

Je m'inquiète toutefois de la réduction à due concurrence des crédits consacrés à l'hébergement d'urgence et à l'allocation temporaire d'attente (ATA). Or, au vu des évolutions en cours en 2013 et celles qui s'annoncent en 2014, un dépassement des enveloppes prévues paraît inéluctable. Il y a là un risque de dérapage sur ces deux postes budgétaires.

Je salue par ailleurs le gros travail réalisé au sein de la CNDA, grâce notamment au soutien important que lui a apporté le Conseil d'État. Vous avez rappelé également les 10 nouveaux postes affectés à l'OFPRA. Ces efforts très substantiels visent à réduire les délais d'examen à 9 mois au total. Je constate également un certain rééquilibrage entre le nombre de décisions favorables rendues par l'OFPRA et celles rendues par la CNDA - ce qui paraît normal car la CNDA est une instance de recours. Toutefois, le directeur général de l'OFPRA, M. Pascal Brice, s'inquiète des perspectives de transposition de la directive « procédure », dont plusieurs mesures risquent de rendre le travail de l'OFPRA plus compliqué et d'obérer les efforts réalisés pour diminuer les délais de traitement. Qu'en pensez-vous ?

Par ailleurs, certaines associations soutiennent l'idée d'une fusion de l'OFII et de l'OFPRA. Je n'y suis pour ma part pas favorable, mais j'aurais souhaité recueillir votre sentiment sur cette question.

Enfin, quelles perspectives comptez-vous impulser au niveau européen s'agissant de l'accueil des réfugiés en provenance de Syrie : un million d'entre eux sont au Liban, 500 000 en Turquie... ? L'Europe devra prendra sa part dans la gestion de cette situation.

De même, nous sommes préoccupés par ce qui se passe à Lampedusa. Il faut que cessent enfin ces naufrages, ces corruptions, ces violations des droits humains ! Or cette question ne peut être traitée qu'au niveau européen.

Je souhaiterais vous entendre sur ces grandes questions, qui se posent d'ailleurs à l'ensemble des gouvernements de l'Union européenne.

J'interviendrai enfin au nom de notre collègue Gaëtan Gorce, rapporteur des crédits du programme « vie politique, cultuelle et associative », qui nous prie de bien vouloir excuser son absence aujourd'hui. Nous souhaiterions vous interroger sur une idée évoquée lors de l'examen du projet de loi sur la transparence dans la vie publique - au cours duquel le Sénat s'est illustré en nouvelle lecture par la clarté de ses positions, notamment en faveur de la publication des patrimoines des parlementaires - consistant à fusionner, à terme, la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques avec la future Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Une telle fusion vous paraît-elle souhaitable et possible ? En ce qui me concerne, dans l'état actuel des choses, je n'y serais pas favorable car il me semble que cela serait source de confusion pour les citoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Les personnels des sous-préfectures et des préfectures sont inquiets compte tenu des rumeurs relatives à des projets de suppression de sous-préfectures. Si ces rumeurs sont fondées, les suppressions sont-elles susceptibles de concerner aussi le milieu rural ? Par ailleurs, de nombreux maires de toutes tendances politiques m'ont fait part de l'importance que revêt à leurs yeux le sous-préfet, seul à représenter l'État en uniforme en zone rurale et péri-urbaine. En outre, lorsque les effectifs sont réduits au niveau départemental, les préfectures ont tendance à garder leurs personnels et à imputer la diminution sur les sous-préfectures. Enfin, concernant FAETON, pendant combien de temps en 2014 les permis de conduire provisoires pourront-ils être échangés, sachant que les préfectures craignent une surcharge de travail ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

La France a connu récemment une multiplication de phénomènes météorologiques catastrophiques, notamment des inondations. En revanche, cette année, elle a été relativement épargnée par les incendies de forêt...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

On ne peut pas avoir en même temps la pluie et le feu !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Mais la masse de végétation combustible n'en est que plus considérable. Les crédits de la sécurité civile, qui ne sont qu'une faible part des dépenses de la Nation, diminuent. Comment envisagez-vous pour l'avenir, monsieur le Ministre, les modalités d'intervention et de répartition des tâches entre les SDIS, les SAMU et d'autres intervenants en matière de sécurité civile ? Quelle seront les orientations en matière d'hélicoptères et d'avions anti-incendies ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

L'accueil des étrangers en préfecture s'effectue parfois dans des conditions insupportables, tant pour les personnels que pour les personnes reçues, et malgré les efforts accomplis. Par ailleurs, la directive européenne relative au temps de travail menace de rendre impossible l'organisation du travail des pompiers. Sur un gros service, une mise en conformité représenterait un besoin de 160 ETPT supplémentaires ! Ce sera très coûteux et n'apportera pas grand-chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Où en est-on du transfert des forces de police et de gendarmerie à l'administration pénitentiaire pour assurer les transfèrements et les défèrements des personnes détenues ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Concernant les visas, quel bilan peut-on faire du système de gestion conjointe ministère de l'intérieur / ministère des affaires étrangères ? Il semble y avoir une certaine méconnaissance mutuelle ! Par ailleurs, 5 millions d'euros sont prévus pour acheter des appareils de fabrication de visas biométriques : pourquoi les entreprises attributaires des marchés afférents n'assument-elles pas cette dépense ? En outre, pourquoi les appareils sont-ils différents dans chaque pays ? Concernant l'asile, il est nécessaire de préserver l'étanchéité avec la politique de l'immigration. Les prestations à destination des demandeurs d'asile sont dix fois plus coûteuses que les dépenses liées à l'OFPRA : des économies substantielles pourraient être faites en réduisant le délai d'examen des demandes. En revanche, les moyens dégagés pour 2014 suffiront-ils à l'application de la directive « procédures » ?

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je souhaite d'abord vous remercier, monsieur le ministre, pour votre réponse à ma question orale de la semaine dernière. Quant à l'asile, il doit être traité, il est vrai, complètement à part de l'immigration. En revanche, le conseil d'administration de l'OFPRA ne devrait-il pas réinscrire certains pays sur la liste des pays d'origine sûrs ? Il y a là un moyen quasi immédiat de diminuer la pression migratoire très forte sur certains territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Ma question sera ponctuelle. Certains journaux ont évoqué le coût de la présence pendant cinq ans sur notre territoire de la famille Dibrani. Pour mettre fin aux allégations à ce sujet, vous serait-il possible de faire calculer ce coût avec une marge d'erreur raisonnable ?

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Il y a certes du vague à l'âme et des interrogations dans les forces de l'ordre au sujet des suppressions de postes, des véhicules, du carburant, de l'état des locaux des commissariats ou des brigades de gendarmerie. Je dois rendre hommage aux forces de l'ordre qui travaillent dans des conditions difficiles, avec une mise en cause de l'autorité et des violences qui les concernent tout particulièrement, comme cela a été le cas il y a encore quelques jours à Marseille pour une policière de la BAC. D'où la nécessité de donner les moyens nécessaires, en termes de fonctionnement, d'équipement, d'hommes.

La priorité du Gouvernement est de préserver les moyens de fonctionnement, qui ont diminué de 18 % entre 2008 et 2012 et qui recommenceront à augmenter en 2014, et de respecter les engagements de l'État en matière de mesures catégorielles en faveur des personnels : le passage en catégorie B des gardiens de la paix et des sous-officiers de gendarmerie a été engagé en janvier 2013 et se poursuivra en 2014. Il a été décidé de conserver l'indemnité de sujétion spéciale de police (ISSP) pour les élèves policiers et gendarmes mais d'en abaisser le taux : les élèves qui entreront dans la police à compter du 1er janvier 2014 percevront l'ISSP au taux de 12 % pour les gardiens de la paix et les gendarmes et de 10 % pour les officiers et commissaires. Cette réforme constitue une contrepartie très limitée par rapport aux avancées très importantes pour la police et la gendarmerie. Elle n'a pas d'effet rétroactif et ne s'applique que sur une durée limitée : le temps de la formation. L'entrée en vigueur de la catégorie B sera avancée d'un mois par rapport au calendrier initialement prévu.

J'ai annoncé aux organisations syndicales plusieurs mesures d'accompagnement importantes : une réforme des frais de stage des élèves, la régularisation du dossier d'inversion de carrière des majors, le dégel des crédits de fonctionnement et d'équipement pour 111 millions d'euros à la fin de 2013. Le projet de budget 2014 prévoit que les policiers bénéficieront de 31 millions d'euros de mesures catégorielles, montant légèrement supérieur à celui de 2013. Les gendarmes vont bénéficier quant à eux de 20,5 millions d'euros. L'année 2014 sera ainsi de nouveau une année d'amélioration sensible de la condition statutaire et indemnitaire des policiers et des gendarmes. Par ailleurs, je veux vraiment améliorer les relations entre les forces de l'ordre et la population, même si, comme le montrent les enquêtes d'opinion, les forces de l'ordre sont très soutenues par la population : le matricule sera rétabli pour la police avant la fin de l'année, un nouveau code de déontologie commun à la police et à la gendarmerie, le premier nouveau code depuis 1886, sera intégré, après avis du conseil d'État, au code de la sécurité intérieure pour une application au 1er janvier 2014 ; enfin des mesures expérimentales seront prises, en particulier dans les ZSP, telles que l'équipement en caméras portatives, qui permettront une amélioration de la relation police-population et une protection des policiers contre certaines accusations infondées, et permettront à la justice et à l'IGPN, que j'ai profondément réformée et que chaque citoyen peut désormais saisir, de faire leur travail.

Concernant les zones de sécurité prioritaires (ZSP), je vais annoncer une « vague » de créations plus réduite d'une vingtaine de zones, pour arriver à 80 ZSP au total. Sur la législature, une centaine de ZSP seront mises en place. Ces zones ont permis de revivifier le partenariat de sécurité entre les préfets, les parquets, les forces de l'ordre et les collectivités locales, en particulier en matière de prévention. Au-delà des actions dissuasives et répressives ciblées sur les trafics, les cambriolages ou encore les troubles sur la voie publique, une politique de coopération concrète s'engage sur ces territoires à partir de diagnostics ciblés et d'un suivi individualisé. D'autres acteurs comme les communes, les conseils généraux, les travailleurs sociaux, l'éducation nationale peuvent intervenir pour compléter la politique de sécurité. Ces ZSP donnent des résultats : en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants et l'économie souterraine, le nombre total de personnes mises en cause a augmenté de 38 % dans les ZSP concernées. Dans les ZSP où ces options constituent une priorité, les nuisances et les incivilités ont également baissé de 11 %, les violences urbaines de 27 %, les cambriolages de 2,9 %. Il en ressort également des bonnes pratiques qui peuvent être diffusées sur le territoire dans la durée, avec la plus grande transparence possible pour les chiffres de la délinquance grâce à un outil totalement indépendant.

En réponse à Mme Lipietz, à propos des questions d'immigration, la généralisation des règlements intérieurs au sein des centres de rétention administrative (CRA) devrait en améliorer le fonctionnement. Nous avons besoin des CRA, qui ont actuellement un taux de présence de l'ordre de 60 %. Mme Lipietz a suggéré l'utilisation du bracelet électronique. Je ne suis pas hostile à l'idée mais il faut une loi pour développer les alternatives à la rétention, notamment l'assignation à résidence, qui est une de nos priorités. Il s'agit aussi de mesurer le coût que cela pourrait engendrer.

La circulaire du 28 novembre 2012 a permis des avancées sur la question du droit au séjour des mineurs isolés étrangers. Je souligne que ceux qui sont arrivés avant l'âge de seize ans obtiennent un titre de séjour à leur majorité. Cela concerne près de 94,6 % des mineurs. Ce pays reste donc un pays d'accueil. Cela montre que les parcours d'intégration spécifiques sont pris en compte. Pour ceux arrivés après seize ans, les préfets ont reçu pour instruction d'avoir la plus grande bienveillance au regard des parcours d'insertion.

Pour les crédits relatifs à l'Office français de l'intégration et de l'immigration (OFII), j'aurai quelques remarques. Afin de mettre en cohérence les ressources de l'OFII avec ses compétences, les métiers de l'OFII pourraient évoluer dans les trois prochaines années. En premier lieu, face à la baisse de l'immigration du travail, l'OFII doit recentrer son action sur le champ de l'immigration professionnelle, en devenant le guichet unique à la disposition des entreprises qui souhaitent recruter des salariés étrangers. En deuxième lieu, si la visite médicale doit être maintenue pour des raisons de protection de santé publique, il me semble qu'en la matière, l'OFII supporte des charges indues. Chaque fois que ce sera possible, la visite médicale sera effectuée par les dispositifs de droit commun.

Enfin, après dix ans de mise en oeuvre du contrat d'accueil et d'insertion (CAI), la réforme en cours permettra de recentrer les dispositifs d'accueil autour de prestations plus adaptées aux besoins des migrants.

En 2014, l'OFFI bénéficiera d'un budget équilibré qui ne lui imposera pas de puiser dans son fonds de roulement.

Le ministère de l'intérieur devra, à l'avenir, assurer l'accueil des étrangers dans les cinq premières années d'arrivée sur le territoire, car c'est là que se jouent les parcours d'intégration et d'insertion.

Vous m'avez posé la question des conditions d'accueil des étrangers. C'est un vrai sujet. En Essonne, j'ai pu constater moi-même une dégradation de ces conditions d'accueil à la suite de la réforme opérée visant à ce que les titres de séjours ne soient plus délivrés au sein des commissariats. Le sujet n'est pas nouveau. Il faut y apporter une réponse forte. Le rapport du député Fekl a bien souligné les causes du problème : nous contraignons trois millions d'étrangers à cinq millions de passages annuels en préfectures. Les étrangers titulaires d'une carte de séjour temporaire sont contraints chaque année à trois ou quatre passages en préfecture. Cela pèse sur les étrangers, comme sur les agents et cela ne permet pas de lutter contre la fraude documentaire : 99 % de ces titres de séjour sont renouvelés. L'effort à accomplir repose sur deux axes. En premier lieu, les aménagements immobiliers : 82 préfectures et 34 sous-préfectures ont fait l'objet de travaux de plus ou moins grande envergure, à Annecy ou à Marseille, par exemple.

En second lieu, à la suite du rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA), sur l'accueil des étrangers en préfecture, une mission d'appui des préfectures a été mise en place à la direction générale des étrangers en France (DGEF). De nombreux chantiers de modernisation sont en cours, pour faciliter les démarches des étrangers : généraliser les accueils sur rendez-vous, rendre les informations plus accessibles et développer les démarches à distance, généraliser la remise de titres sur convocation par sms, dématérialiser l'achat de timbres fiscaux à l'horizon 2014. Ces démarches doivent aussi concerner les pièces justificatives présentées par les étrangers. La solution durable passe par une diminution des passages en préfecture. J'espère présenter en 2014 le texte instituant un titre de séjour pluriannuel qui aidera à stabiliser la situation des étrangers et soulagera le travail des agents des préfectures.

À propos de la sécurité civile, j'avoue que je ne sais pas pourquoi le document de politique transversale est plus succinct que l'année dernière. Je vais me rapprocher des services de la direction du budget qui ont la main sur l'élaboration de ces documents.

Au congrès des sapeurs-pompiers, en présence du président de la République et du ministre de l'intérieur, le rôle prépondérant du référentiel SAMU-SDIS pour le secours à personne a été souligné. Je rappelle le rôle extrêmement important des SDIS qui agissent en complémentarité avec les autres acteurs du secours, tout particulièrement les SAMU. Il est important de vérifier aussi que les mécanismes de compensation entre hôpitaux et SDIS fonctionnent. Je connais beaucoup de départements dans lesquels cela fonctionne, y compris dans des salles opérationnelles communes, alors que dans d'autres, cela ne fonctionne pas. Cette mutualisation doit permettre de répondre à l'engagement du président de la République d'une intervention en trente minutes après l'appel aux secours. Dans la suite de ces engagements pris à Chambéry par le Chef de l'État, je viens de signer avec ma collègue Marisol Touraine une lettre de mission demandant aux deux inspections de l'IGA et de l'IGAS d'évaluer le référentiel commun d'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente. La question du financement y sera abordée, la situation des collectivités territoriales, ainsi que celle des centres hospitaliers également. Des doublons ou des concurrences entre services ne doivent pas diminuer l'efficacité des secours.

À propos du rôle de l'Union européenne en matière de sécurité civile, on progresse dans ce domaine. J'ai assisté à deux exercices majeurs financés par l'Union européenne : l'un s'est tenu à Lyon, il simulait une attaque chimique dans le métro ; l'autre s'est tenu en Estrémadure, simulant un problème survenu sur une centrale nucléaire. Ce sont des opérations financées par l'Union européenne qui permettent de réfléchir à un système d'entraide de sécurité civile, pas seulement à l'échelle de l'Union européenne d'ailleurs, car le Maroc, est concerné : avec les pays de la rive sud de la Méditerranée, nous avons une entraide et des formations communes. Je pense aussi à l'entraide opérationnelle : cet été, une partie de la flotte française de Canadair est venue en aide au Portugal qui a affronté des feux de forêts dramatiques.

Le mécanisme européen de protection civile a été un immense progrès, la commission européenne le refond actuellement autour de quatre axes : la prévention, la préparation, - L'Europe va se doter d'un centre de crise ouvert 24h sur 24 -, la réponse opérationnelle, et les relations avec les pays tiers, je viens de l'évoquer. À mon sens, c'est un sujet majeur pour l'Europe, qui doit jouer ici pleinement son rôle.

Pour le financement du bataillon des marins-pompiers, le Premier ministre s'en charge actuellement, en lien avec la mairie de Marseille. La demande d'une participation de l'État n'est pas illégitime, mais il est nécessaire de trouver un accord global. La conférence des financeurs s'est réunie le 5 novembre dernier à la préfecture de région. Elle a rassemblé tous les financeurs : l'État, la communauté urbaine, la ville de Marseille, le conseil général. La ville de Marseille a demandé 10 millions d'euros, une expertise est en cours et un amendement sera déposé sur le projet de loi de finances pour 2014, le cas échéant.

Je vais répondre au président Hyest sur la question du temps de travail. Vous avez rappelé que la France a été mise en demeure par la commission européenne de mettre en conformité le décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels avec la directive du 4 novembre 2003 sur le temps de travail. Un décret modificatif a été élaboré, mais il faut être prudent en effet : il est hors de question de remettre en cause le modèle français de sécurité civile qui repose sur le volontariat : le président de la République l'a très clairement souligné lors de son discours à Chambéry.

Des concertations ont été menées avec les employeurs locaux et les partenaires sociaux ; l'avis des différentes instances, la conférence nationale des services d'incendie et de secours (CNIS), le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN), a été recueilli et a conduit à la demande des élus, à ce que l'entrée en vigueur du passage à 1128 heures semestrielles s'effectue au 1er janvier 2014 pour les sapeurs-pompiers professionnels non logés. Pour les sapeurs-pompiers professionnels logés, la réforme s'appliquera à compter du 1er juillet 2016. Le Conseil d'État examine actuellement le projet de décret.

Cette mise en conformité a un impact sur l'organisation des services et des cycles de travail. La Direction générale de la sécurité civile intervient en appui des SDIS concernés pour les accompagner dans leur réflexion et la mise en oeuvre de cette réforme. Nous défendons ce modèle français qui associe professionnels et volontaires. La France préconise que la future directive européenne portant sur la santé et la sécurité des travailleurs exclut expressément de son champ d'application les activités volontaires exercées dans le domaine de la protection civile. J'ai bon espoir que ce combat aboutisse.

En réponse au président Sueur sur la question relative à l'allocation temporaire d'attente (ATA), je voudrais souligner qu'en 2013, nous avons réévalué les montants nécessaires afin de sortir de l'insincérité budgétaire. 50 millions d'euros supplémentaires ont été prévus au budget. Nous avons fait de même sur l'hébergement d'urgence avec 45 millions d'euros supplémentaires. En 2013, les crédits finalement consommés seront pratiquement ceux qui avaient été votés en loi de finances initiale, sans doute un peu au-dessus, certes, dans la mesure où la demande d'asile a augmenté de 10 % alors que le budget avait été construit sur une hypothèse d'augmentation des demandes de 4 %. Nous tirons en 2014 les bénéfices du suivi des recommandations de la mission des inspections. Nous avons supprimé les versements indus d'ATA, qui permettront d'économiser près de 13 millions d'euros en année pleine. Cela permettra de faire une économie de 5 millions d'euros sur le projet de loi de finances pour 2013. Pour l'hébergement d'urgence, la tension sur les crédits reste très importante, comme vous l'avez parfaitement souligné. Mais nous avons ouvert deux mille places supplémentaires en CADA pour 2013, mille places supplémentaires seront ouvertes en avril et mille autres encore le seront en décembre. Cela doit soulager l'hébergement d'urgence, mais là encore, la principale inconnue c'est l'évolution des demandes en 2014. S'il y a un dérapage, il y aura un abondement comme lors des années précédentes. Il a été fortement réduit puisqu'il a été de 90 millions d'euros en 2012, mais de 15 millions d'euros en 2013.

Pour l'OFPRA, la directive « procédure » aura un impact très important sur notre système d'asile en raison des nouvelles modalités imposées, notamment pour le déroulement de l'entretien personnel, avec la présence d'un conseil lors de cet entretien, la possibilité d'émettre des commentaires, l'accès à son dossier avant la prise de décision, l'introduction d'un délai de 6 mois encadrant l'instruction de la demande d'asile. L'impact sur les délais d'examen est difficile à évaluer - cela va dépendre du nombre de demandes d'asile - mais cela va diminuer la productivité de l'OFPRA. Il faudra réformer en profondeur notre système d'asile. Dans le cadre de la concertation, un atelier était spécifiquement consacré à l'évaluation et à la mise en oeuvre des procédures au regard de la nouvelle directive. Cela rend d'autant plus pertinente la réorganisation de l'OPRA à laquelle le nouveau directeur général, M. Pascal Brice, s'est attelé depuis un an. Cela rend d'autant plus légitimes les demandes de moyens qu'il formule.

Enfin, je voudrais insister sur un sujet essentiel. Nous avons un hiatus entre ce qui se fait au niveau des instances de l'Union européenne et ce qui se passe dans les pays européens. L'UE veut améliorer, conforter le droit d'asile. La France en est d'accord mais il faut trouver une solution à la mise en cause de ce droit à des fins d'immigration. Cela nécessite une autre organisation. Sinon il y aura un hiatus entre les principes rappelés par l'Union européenne, et auxquels nous adhérons, et la réalité du terrain. Nous n'y arriverons pas et c'est l'asile même qui risque d'être rejeté par nos compatriotes.

Vous avez évoqué la possibilité de fusionner l'OFII et l'OFPRA : je pense qu'il faut être prudent en la matière, car ce sont deux établissements publics aux missions et aux attributions très différentes. La concertation évoquera un certain nombre pistes. Au plan du diagnostic, une multitude d'acteurs agissent en matière d'asile : cette complexité est un facteur de confusion au plan local, il faut arriver à une meilleure articulation et mutualisation des moyens. L'OFPRA a déjà pris des initiatives en la matière en menant des missions dites « foraines » en Lorraine et dans le Rhône. C'est d'ailleurs ce qui a provoqué les problèmes à Oullins : la question de l'hébergement des 300 demandeurs d'asile albanais s'est posée car la question a été prise en charge par l'OFPRA. En attendant l'examen de leurs demandes d'asile, il faut les loger.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En effet, pouvoir agir dans les régions est pour l'OFRPRA une voie d'avenir, comme nous l'a rappelé M. Brice.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Vous avez évoqué la question des réfugiés syriens. Vous avez parfaitement décrit la situation. Le président de la République a évoqué, il y a quelques semaines, l'accueil de 500 réfugiés supplémentaires, en lien avec le HCR. J'ai rencontré Antonio Guterres. Nous le ferons soit au titre de la réinstallation, soit au titre de l'aide humanitaire. L'accueil de ces réfugiés est un devoir pour notre pays. Nous avons déjà accueilli 3 700 réfugiés syriens sur le territoire. Mais au regard du nombre très important de réfugiés dans certains pays, en Jordanie, au Liban, en Turquie, la solution doit nécessairement être une solution politique en Syrie permettant un retour des réfugiés au pays. Sinon, cela risque d'entraîner des difficultés supplémentaires. Chaque pays de l'Union européenne doit aussi participer à l'effort général.

À propos de la liste des pays d'origine sûrs, la réflexion sur une évolution des modalités d'établissement de cette liste doit s'intégrer dans la réflexion générale sur le dispositif d'asile. Pour ce qui est des pays européens, et plus particulièrement le Kosovo et l'Albanie qui veulent des partenariats avec l'Union européenne sur les visas, il est nécessaire d'établir des critères juridiques plus sûrs afin d'éviter une nouvelle annulation par le Conseil d'État.

M. Alfonsi m'interroge sur les conditions d'accueil de la famille Dibrani. Le sujet a beaucoup défrayé la chronique, j'ai fait moi-même l'objet de mises en cause tout à fait scandaleuses : entendre parler de « rafle » est insupportable. Je ne souhaite donc pas m'appesantir trop longuement sur le sujet. En deux mots : cette famille a été hébergée en CADA lors de l'examen de sa demande comme le prévoient les lois de la République ; elle aurait dû les quitter, de même que le territoire, une fois déboutée du droit d'asile, ainsi que le prévoient les mêmes lois de la République. Je note à ce propos que cette famille a refusé par deux fois des montants conséquents qui lui ont été proposés au titre de l'aide au retour.

La réforme de l'asile ne sera pas complète si elle ne traite pas la question de l'éloignement des déboutés. C'est une question centrale qu'on ne peut éluder, même si je reconnais que le sujet des reconduites à la frontière est particulièrement difficile.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Selon les associations, seuls 10 % des déboutés quitteraient effectivement le territoire. Confirmez-vous cette estimation ?

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Je ne confirmerai aucun chiffre, mais en tout état de cause c'est un chiffre très bas. Sur le cas de la famille Dibrani, je vous renvoie au rapport de l'Inspection générale de l'administration : quatre autres familles kosovares, qui avaient montré leurs efforts d'intégration, ont été régularisées. Des déboutés du droit d'asile peuvent donc être régularisés.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

À la demande du Président de la République, j'ai publié une circulaire rappelant les principes en la matière : pas d'intervention dans l'enceinte scolaire ou à l'occasion de transports scolaires.

En l'espèce, je me permets de rappeler qu'il n'y a pas eu de « rafle » comme l'ont affirmé certains. Les « rafles » ont été utilisées à un moment bien précis de notre histoire. Nous ne sommes pas sous le gouvernement de Vichy !

Par ailleurs, il n'y a eu aucune intervention des forces de l'ordre dans le bus scolaire comme le montre le rapport de l'Inspection générale de l'administration.

Pour répondre à M. Leconte, l'octroi des demandes individuelles de visa relève du ministère de l'intérieur. Le pilotage de la politique générale est partagé entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'intérieur. Cela fonctionne bien mais il nous faut travailler sur des publics nouveaux : étudiants, hommes d'affaires et touristes.

Sachez que 15 millions d'euros seront débloqués d'ici à 2017 pour améliorer le système d'information visas.

Concernant la fusion de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique et de la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques (CNCCFP), sur laquelle vous m'avez interrogé, je tiens à faire remarquer que ces deux entités ont des missions bien distinctes : la Haute autorité aura la charge des vérification des déclarations patrimoniales et des déclarations d'intérêts des élus et de certains responsables publics, tandis que la CNCCFP procède à un contrôle du respect par chaque parti politique et chaque candidat des règles de financement de la vie publique. Une fusion risquerait d'entraîner une confusion.

En ce qui concerne les sous-préfectures, M. Courtois, le ministère de l'intérieur a élaboré une typologie des arrondissements afin que les missions des sous-préfectures puissent s'adapter à la diversité des territoires autour d'un socle d'attributions communes. Selon les orientations arrêtées par le CIMAP du 17 juillet dernier, il s'agit de maintenir la continuité de la présence de l'État au niveau infradépartemental, mais de manière pragmatique avec le regroupement des services publics au sein des maisons de l'État de façon à permettre une mutualisation des moyens.

Le sous-préfet doit, au niveau du territoire, à travers l'uniforme, incarner l'État. Comme me le disait une députée de Guadeloupe, le sous-préfet est celui qui tend la main - et physiquement même ! Nous devons porter une attention particulière à la gestion des ressources humaines dans les administrations territoriales afin de ne pas mettre en cause l'exercice de missions fondamentales.

Vous m'avez également interrogé sur le système FAETON. Les permis de conduire transitoires F9 produits entre le 19 janvier 2013 et le 15 septembre 2013 seront repris en priorité à partir de 2014. Les conducteurs titulaires de ces permis se sont vus remettre un courrier leur signifiant le caractère temporaire de ces titres. Le processus de reprise de ces 1,6 millions de titres sera industrialisé grâce à la numérisation des pièces constitutives de dossier par le centre technique de numérisation afin de dégager les préfectures de cette tâche. Dès que le processus sera lancé, les usagers seront invités à se présenter en préfecture pour remettre les éléments nécessaires à la fabrication des nouveaux titres plastifiés - photo et signature. On pourra alors procéder à la vérification de ces éléments, notamment au regard des recommandations de lutte contre la fraude. En cas de surcharge des préfectures, il pourra être fait appel à des renforts de vacataires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je veux être complet sur la question soulevée par M. Pierre-Yves Collombat. Vous avez bien raison de rappeler que l'été 2013 a été favorable et que l'été 2014 risque de ne pas être aussi clément. Nous devons donc faire preuve de prudence concernant l'affectation des moyens de lutte contre les feux de forêt. La mission principale de la flotte TRACKER est l'attaque des feux naissants dans le cadre du « guet aérien ». Cette stratégie a prouvé son efficacité. Le rapport de mars 2012 du groupe de travail sur le renouvellement de la flotte TRACKER a préconisé qu'il soit remplacé par des AIR TRACTOR qui disposent d'une capacité comparable, d'environ trois tonnes, et d'un bon dispositif de largage. Mais leur vitesse est moins bonne et il demeure une incertitude sur leur utilisation par vent fort. C'est pourquoi une évaluation a été entreprise durant la saison feux 2013. Nous sommes en train de procéder à l'analyse des résultats. En tout cas, nous sommes tenus par l'obligation de pourvoir à la rénovation, l'entretien voire, au besoin, à l'acquisition d'autres moyens. Je pense au CANADAIR ou au DASH, pour un coût plus élevé, ou encore à l'AIR TRACTOR s'il s'avère satisfaisant. La nouvelle base de Nîmes Garons sera un élément important de notre organisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Enfin, M. Jean-René Lecerf m'a interrogé sur les transfèrements. Je vous rappelle que les principes et les modalités du transfert au ministère de la justice de l'extraction et du transfèrement des détenus ont été arrêtés en septembre 2010. Le calendrier de la réforme prévoyait une mise en oeuvre sur trois ans avec pour compensation des transferts d'emplois à hauteur de 800 ETP au total.

Si les transferts de missions et d'effectifs ont bien été effectués en 2011 et 2012 de la police et de la gendarmerie vers l'administration pénitentiaire, la mise en oeuvre de la dernière tranche du transfert en 2013 était suspendue dans l'attente du rapport de plusieurs inspections sur le bilan des deux premières années. Ce rapport a été remis à la fin du mois d'octobre de l'année dernière. Il conclut à la nécessité de réenclencher le transfert dans les régions où police et gendarmerie continuent d'assurer les transfèrements. Le ministère de l'intérieur est très favorable à confier cette mission au ministère de la Justice afin d'avoir un traitement harmonisé sur l'ensemble du territoire et concentrer les efforts de la police et de la gendarmerie sur les missions de voie publique. Les deux ministères sont d'accord pour cadencer la reprise de la mission par l'administration pénitentiaire sur la période 2015-2019. Néanmoins se pose la question du volume des effectifs à transférer, que j'espère voire trancher d'ici la fin de l'année.

Mme Assassi évoquait le moral des forces de l'ordre. C'est en effet un sujet ancien, mais auquel nous sommes toujours attentifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Je souhaiterais répondre à M. le ministre en commençant par rappeler l'étymologie du mot « rafle », qui n'existe pas seulement depuis la Seconde guerre mondiale, mais vient de l'allemand « raffen » qui signifie « emporter rapidement ». Je veux également vous lire la définition qu'en donne le Larousse : « opération policière exécutée à l'improviste dans un lieu suspect, en vue d'appréhender les personnes qui s'y trouvent et de vérifier leur identité ».

Je ne suis pas la première à avoir utilisé ce mot. M. Bernard Roman l'a fait avant moi.

Les personnes qui ont connu les rafles racontent comment elles étaient effectuées dans les écoles. Ce mot a été utilisé également pendant la guerre d'Algérie. Il ne renvoie donc pas seulement à la Rafle du Vel'd'hiv.

J'assume donc tout à fait l'usage de ce mot. Si cela vous a vexé, j'en suis désolée, mais la façon dont cette jeune fille a été appréhendée ressemble beaucoup à ce qui se passait lorsqu'on allait appréhender les enfants dans les écoles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mes chers collègues, je souhaite m'exprimer sur ce point puisqu'un sujet grave a été abordé. Je suis en désaccord avec Mme Benbassa en l'occurrence et je veux en indiquer les raisons.

Les dictionnaires peuvent renvoyer à quantité de définition, mais si les mots ont un sens, ils ont aussi une histoire. J'ai fondé avec Mme Simone Veil et la fille de Jean Zay le Centre d'étude et de recherche sur les camps d'internement du Loiret pour garder la mémoire de ce qui s'est passé à Beaune-la-Rolande et à Pithiviers. Le mot « rafle » a pris cette signification et porte cette part douloureuse de notre histoire.

On peut avoir tous les débats avec le Gouvernement, mais il est important de ne pas utiliser n'importe quel mot. C'est pourquoi, j'exprime ma solidarité avec le ministre de l'intérieur auquel on ne peut appliquer ce mot lorsqu'il met en oeuvre les lois de la République.

Les mots ont un sens, ils ont un poids, ils ont également une histoire.