Intervention de Victorin Lurel

Commission des affaires économiques — Réunion du 13 novembre 2013 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2014 — Audition de M. Victorin Lurel ministre des outre-mer

Victorin Lurel, ministre :

Je revenais à peine de Guadeloupe où j'étais en voyage officiel, que les gérants de stations service ont annoncé des grèves et des actions pour la mi-décembre. Le Gouvernement a pourtant dit et répété qu'ils n'étaient pas inclus dans le périmètre du décret, réservé aux pétroliers, aux raffineurs, aux stockeurs. Les salariés des stations service veulent quand même débrayer.

Nous avons certes décidé de réduire la marge de ces monopoles, aujourd'hui 12 à 15 % après impôt, un niveau exorbitant... D'autant que dans ce régime de monopole et de prix administrés, le risque de faillite est nul, sauf mauvaise gestion caractérisée. Selon les conclusions de la dernière enquête que nous avons diligentée, l'activité est encore plus rentable que ce que nous pensions. Sara, filiale antillaise de Total, est l'unité la plus profitable du groupe. Or l'Etat a dû lui faire un chèque en raison d'une menace de contentieux. Le décret de novembre 2010 n'a pas mis fin à l'ubris profitationnel ; le Premier ministre prendra donc un nouveau décret, afin de contenir les marges entre 8 et 10 %, niveau raisonnable puisque la Commission de régulation de l'énergie estime à 7 % leur niveau normal. On nous accuse d'être « contre les entreprises ». Nullement : nous sommes pour des profits raisonnables et la préservation du pouvoir d'achat.

Nous maintenons les marges des stations-service afin de préserver l'emploi. Le texte est en ce moment soumis à la consultation des cinq collectivités, à l'Autorité de la concurrence et au Conseil d'Etat. L'objectif est une publication du décret avant la fin de l'année, pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2014.

Un mot des accords interprofessionnels, entre les pétroliers, les distributeurs, les locataires-gérants : ces derniers reçoivent des indemnités conséquentes de fin de contrat de gérance, mais les bases juridiques des contrats ne sont pas toujours solides, au point qu'on y a mis fin en Guadeloupe. A la Martinique, les salariés manifestent dans la rue, car leurs arriérés de salaire deviennent insupportables. Les patrons se rendent alors chez le préfet et disent qu'ils sont « d'accord pour payer, si l'Etat proroge de trois ans les accords interprofessionnels pétroliers » ! Nous avons refusé. Ils avaient signé, en Guadeloupe comme en Martinique ou à La Réunion, le RSTA (Revenu supplémentaire temporaire d'activité), avec 200 euros supplémentaires pour les bas salaires, et voilà qu'ils ont décidé, parce que « la conjoncture est mauvaise », de ne pas le payer. Les indemnités devraient être versées, en fin de contrat, aux locataires-gérants et à eux seuls. Or elles sont utilisées pour les propriétaires. Bref, nous demandons la lumière sur tous les aspects de cette question, nous voulons que l'opinion publique et le Parlement soient informés. Le pilonnage des lobbies, contre le décret, contre le ministre que je suis, contre le Gouvernement, est impressionnant ! « Si nous n'obtenons pas satisfaction, disent encore les propriétaires, nous reprenons la gestion directe des stations et nous licencions les pompistes », soit environ 1 000 personnes dans chacune des îles considérées. Le Gouvernement peut-il accepter un tel chantage ?

Le projet de loi compétitivité est en préparation. J'espère pouvoir le présenter très prochainement au Conseil des ministres. Il est encore temps de faire vos propositions. Il est difficile de changer de modèle sans changer de statut, compliqué de faire une révolution fiscale tout en restant dans le territoire douanier européen et le code général des impôts. Pour reprendre une idée de Michel Rocard, comment réformer sans dépenser ? Comment inventer du neuf, renouveler les zones franches d'activité, qui prennent fin en 2017, sachant que la Lodeom n'aura pas été très efficace ? Pour le secteur social et solidaire, nous réfléchissons aussi à la manière d'exploiter la culture mutualiste, créer des sociétés coopératives avec des gérants élus, renouveler les modes de gestion, instaurer des associations de consommateurs, instiller une concurrence de bon aloi. Il faudrait une vraie petite révolution, mais dans les temps actuels, comment la mener sans rien dépenser ? Peut-être en fonctionnant en dons et contre dons, sans échange monétaire ? Pardonnez-moi, je m'égare, je suis en train de rêver...

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