Commission des affaires économiques

Réunion du 13 novembre 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission examine le rapport pour avis sur les crédits du compte spécial « Participations financières de l'État » de la mission « Engagements financiers de l'État » du projet de loi de finances pour 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Chatillon

Je vous présente aujourd'hui les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat », dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014.

L'année dernière, la commission avait approuvé à l'unanimité les recommandations que je lui avais soumises pour dynamiser l'Etat actionnaire. Cette année, je me suis, bien entendu, intéressé au sort réservé à nos préconisations. Je constate que les auditions et plusieurs séries de mesures envisagées par le Gouvernement vont dans la direction que nous avons souhaitée. Il s'agira de vérifier si les annonces sont suivies d'effets et si l'énergie des acteurs sera déployée pour renforcer notre économie, sans trop se disperser dans des réaménagements administratifs ou la création de nouveaux comités.

Je reviendrai plus en détail sur la prise en compte de nos préoccupations après une brève présentation générale des crédits de cette mission.

La première partie du rapport résume le cadre juridique et les données budgétaires pour 2014 de ce compte d'affectation spéciale. Elle se résume à une affirmation : avant tout soucieux de ne pas envoyer de « signaux » aux marchés, le compte de l'Etat actionnaire est également peu instructif pour le Parlement. Il faudra un jour sortir de ce flou.

Juridiquement, je rappelle que, selon l'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), la logique du compte d'affectation spéciale est de rapprocher des recettes de cession de titres et des dépenses d'acquisition de même nature. Pourtant, ce sont les versements exceptionnels du budget général, qui, dans la pratique, sont les montants les plus importants de ce compte. Ainsi, pour 2014, les 10 milliards de recettes prévues, se répartissent à part égales entre des produits de cession de titres, à hauteur de 5 milliards d'euros et des versements du budget général de 5 milliards également. Cependant, entre 2008 et 2013, aucune cession de titres n'a été réalisée, ce qui rend les 5 milliards inscrits en loi de finances largement fictifs. En revanche, les versements du budget général sont effectués. Il n'est pas tout à fait normal qu'en cinq ans aucune recette n'ait été dégagée, ce qui aurait permis de solder l'affaire du Crédit Lyonnais sans recourir intégralement à l'emprunt, comme cela est aujourd'hui prévu.

Les données qui sont présentées au Parlement relèvent donc plus de l'« écran de fumée » que de la transparence budgétaire. Ce n'est pas une nouveauté : nous le redisons année après année, mais je me demande si on a utilisé les bons arguments. J'en ajouterai donc deux pour 2014 : d'une part, comparaison n'est pas raison, mais nos entreprises sont soumises à un tel degré d'exigence et de précision que la présentation de cette mission budgétaire devient un peu « décalée » par rapport à la réalité vécue sur le terrain par les agents économiques de base. D'autre part, je me demande si l'Etat actionnaire, qui « pèse » à peu près 100 milliards de participations (environ 80 milliards pour les titres cotés et 20 pour les titres non cotés) ne surestime pas un peu son importance au regard des « marchés ». 100 milliards, c'est 5 % de notre PIB et de notre dette, mais avec zéro cessions de 2008 à 2013 et moins de 2 milliards en 2013, il n'y a objectivement pas de quoi faire « tanguer » les marchés. Les volumes traités sur les marchés financiers permettraient d'ailleurs sans encombre de faire plus de cessions de titres.

En revanche, on peut se demander s'il n'y a pas là un moyen assez commode de rester discret sur un certain nombre d'éléments périphériques à cette « boite noire » budgétaire, et seule la Cour des comptes publie de temps à autres des informations sur des événements dont on peut se demander si ce sont des maladresses ou le résultat de conflits interne à l'Etat.

Budgétairement, j'insisterai sur les nouveautés 2014 dans le compte de l'Etat actionnaire, et certaines d'entre elles illustrent encore une fois le déficit de sincérité dans la présentation de ce compte. Je prends un exemple : traditionnellement depuis plusieurs années, les sommes affectées au désendettement de l'Etat dans le programme 732 de ce compte étaient systématiquement évaluées à 4 milliards en loi de finances initiale et les réalisations étaient égales à zéro. La nouveauté en 2014 est que le montant prévu de contribution au désendettement est ramené de 4 à 1,5 milliards. On ne trouve aucune justification de cet effondrement dans la documentation budgétaire. Pour en élucider les raisons, il faut recouper plusieurs sources d'information :

- d'une part, la presse, vient d'indiquer que l'Etat, par l'intermédiaire de l'Agence France Trésor, va emprunter 4,5 milliards d'euros sur les marchés financiers en décembre pour solder la dette issue du « naufrage du Crédit lyonnais » ; l'autorisation en serait demandée au Parlement à l'occasion du prochain projet de loi de finances rectificative ;

- d'autre part, mon avis budgétaire de l'an dernier, dans le sillage des rapports de la Cour des comptes, précisait que la sincérité budgétaire devrait conduire à faire apparaître clairement les financements destinés à colmater la défaillance du Crédit Lyonnais - c'est-à-dire 4,5 milliards d'euros remboursables avant le 31 décembre 2014 par l'établissement public de financement et de restructuration (EPFR).

Même si l'on comprend aisément que cet emprunt a pour but d'éviter d'aggraver les déficits en profitant de taux d'intérêt encore bas, il me parait opportun d'interroger le Gouvernement sur ses choix méthodologiques et de manifester notre étonnement sur l'absence d'information du Parlement.

Par ailleurs, je vous suggère, compte tenu de la conjoncture financière, de souligner la nécessité de maintenir ce programme 732 consacré au désendettement de l'Etat. Même s'il n'est plus utilisé, son existence demeure un point de repère essentiel et je serai tenté de proposer qu'il soit alimenté, au moins de manière symbolique, tant une éventuelle hausse des taux menace, à terme, nos équilibres.

Du coté des autres dépenses pour 2014, trois principales séries d'opérations sont prévues. Tout d'abord, 4,76 milliards iraient à des augmentations de capital (c'est l'action 1 du programme 731 intitulée « opérations en capital ») :

- la libération éventuelle d'une nouvelle tranche de l'augmentation de capital de la BPI à laquelle ont souscrit la Caisse des dépôts et consignations et l'EPIC BPI-Groupe pour un montant total de 3,1 milliards d'euros. Une première tranche a déjà été libérée en juillet 2013 lors de la création de la BPI, à hauteur du quart, soit 383,25 millions d'euros pour chacune des deux entités ;

- la recapitalisation des banques multilatérales de développement, pour 56 millions d'euros en 2014.

- et enfin des versements de dotations en fonds propres prévus dans le cadre du nouveau programme d'investissements d'avenir (PIA 2) à hauteur de 1,750 milliard d'euros. Ces montants correspondent aux prises de participation détaillées au sein des programmes 403 « Innovation pour la transition écologique et énergétique », 404 « Projets industriels pour la transition énergétique », 405 « Projets industriels », 406 « Innovation », 407 « Économie numérique », 409 « Écosystèmes d'excellence » et 414 « Villes et territoires durables ».

Ensuite, 378 millions d'euros sont prévus en 2014 au titre de l'action 3 « achats de titres » qui correspond, en principe, au « coeur de cible » de ce compte de l'Etat actionnaire. Le bleu budgétaire précise qu'en 2014, un achat de titres Areva auprès du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives est programmé, afin de participer au financement du démantèlement d'installations nucléaires.

Enfin, je cite également les 3,26 milliards de l'action 6 qui retrace les versements au profit du Mécanisme européen de stabilité (MES), conformément au traité instituant ce mécanisme signé le 2 février 2012 et ratifié en France par la loi du 7 mars 2012. Il est prévu de procéder en 2014 au dernier des cinq versements : en contrepartie, l'Etat actionnaire reçoit des titres, mais on est loin de la logique de prises de participations et c'est pourquoi j'avais pu qualifier ces opérations de « jeux d'écriture » l'an passé.

C'est surtout en recettes que l'on constate du nouveau. Au cours de l'année 2013, les cessions de titres de l'Etat au capital de Safran (3,1 %), d'EADS (3,7 %) et d'Aéroports de Paris (9,5 % conjointement avec le fonds stratégique d'investissement FSI) ont permis de dégager 1,9 milliard d'euros de ressources pour l'Etat.

Ces ventes de titres sont aujourd'hui présentées comme une des composantes de la « nouvelle doctrine de l'Etat actionnaire ». Derrière ces mots, nous retrouvons ce que, pour ma part, et avec votre approbation, j'avais qualifié de nécessité d'une gestion plus active des participations de l'Etat.

Cela m'amène à la seconde partie du rapport consacrée au suivi de nos quatre principales recommandations de l'an dernier.

Je viens d'évoquer la première. Les documents budgétaires ainsi que les auditions témoignent de l'importance qu'attache l'Agence des participations de l'Etat à la communication présentée au Conseil des ministres, le 2 août dernier, par les ministres de l'Économie et des Finances et du Redressement productif sur la « nouvelle doctrine de l'actionnariat public ». Tout ceci semble entouré d'un certain halo de mystère, et je crois comprendre que l'essentiel est d'éviter les mots qui fâchent, en particulier celui de « privatisation ». Bien entendu, votre rapporteur ne peut que souscrire à cette intention de « favoriser la croissance durable dans le respect des principes de bonne gouvernance ». Je m'interroge avant tout sur les modalités concrètes de mise en oeuvre de cette nouvelle doctrine par laquelle on nous dit que « l'État pourra envisager de réduire les niveaux historiques de participation publique dans certaines entreprises ».

Je souligne que la commission avait approuvé ma recommandation qui consiste, pour l'Etat, à vendre des titres tout en préservant son influence. Encore faut-il utiliser et optimiser les outils, comme le vote double, permettant de déconnecter le capital et le pouvoir de décision. J'avais également évoqué la possibilité de créer des holdings ou des « holdings de holdings » qui permettent à un actionnaire de conserver son pouvoir en mobilisant moins de capitaux.

A ce sujet, je vous fais part d'une certaine inquiétude à l'égard d'une disposition aujourd'hui en navette inscrite dans une proposition de loi visant à reconquérir l'économie réelle dont M. François Brottes est l'un des initiateurs. Vous trouverez dans le rapport écrit les détails de ce dispositif que je vous résume très schématiquement. Partant de la très louable intention de favoriser l'actionnariat de long terme, cette proposition de loi prévoit la systématisation du vote double pour les actions nominatives, au bout de deux ans de détention. Cela peut paraître très positif, mais la rigidité d'un tel mécanisme risque de soulever plus de difficultés pour l'Etat actionnaire qu'il ne va en résoudre. En effet, du jour au lendemain, l'Etat va, dans certains cas, franchir des seuils qui l'obligeront à lancer une OPA et à acquérir des titres dont il n'a pas besoin et pas les moyens de financer. Sa principale « parade » serait alors de convertir ses titres « au porteur », comme les fonds d'investissement qui souhaitent faire des allers-retours rapides car les actions au porteur ne bénéficient pas du droit de vote double. Cependant, il ne semble pas raisonnable d'engager l'Etat dans un tel processus qui reviendrait à « se tirer une balle dans le pied » en renonçant à de la valeur patrimoniale. J'attire ainsi votre attention sur ces possibles effets pervers relatifs à l'article 5 de cette proposition de loi.

Notre troisième recommandation, complémentaire d'une gestion plus dynamique et soucieuse de préserver l'influence de l'Etat, était de donner un souffle nouveau à l'Etat actionnaire en faisant appel à des talents reconnus du monde industriel. On l'avait bien vu à l'occasion de la présentation du rapport de M. Louis Gallois : dès qu'une personnalité incontestable s'investit dans un sujet, l'intérêt du pays a tendance à prendre le dessus sur les clivages partisans ou les postures.

Concrètement, l'État participe à la nomination de 936 administrateurs qui siègent actuellement aux conseils d'administration et de surveillance des entreprises du périmètre de l'APE, dont 366 administrateurs représentant l'État. Dans son rapport annuel pour 2014, l'Agence souligne elle-même que la capacité à identifier et à recruter au sein de chaque conseil les profils d'administrateurs les plus adaptés constitue un élément majeur de la mission de l'État actionnaire. Le principal enjeu est donc d'élargir le vivier de candidats susceptibles d'exercer des mandats d'administrateurs. Or les limitations réglementaires imposent de choisir ces représentants parmi les dirigeants d'entreprises publiques ainsi que les fonctionnaires en activité ou retraités, ce qui exclut même les fonctionnaires en disponibilité ou hors cadre travaillant dans des entreprises.

L'article 10 du projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises semble toutefois porteur de progrès dans ce domaine. Il prévoit, dans des termes assez vagues, de « moderniser la gouvernance des entreprises dans lesquelles l'État détient une participation majoritaire ou minoritaire ». Comme on nous l'a affirmé au cours des auditions, il s'agirait, dans les faits, d'assouplir les règles relatives à la nomination d'administrateurs. Si tel est bien le cas, cela va très exactement dans le sens que nous souhaitons.

Encore faudra-t-il examiner de près la nature exacte de l'élargissement du vivier de recrutement de ces administrateurs. L'imprécision des formules employées dans ce texte masque d'importants enjeux, puisque la désignation en tant qu'administrateur constitue une forme de reconnaissance à laquelle sont très sensibles un certain nombre de fonctionnaires ; il parait effectivement souhaitable de préserver une occasion pour ces derniers de se familiariser avec le fonctionnement des entreprises. Le monopole doit cependant être démantelé et à ceux qui craindraient que des non fonctionnaires puissent moins bien défendre les intérêts de l'Etat que des personnalités du secteur public, je rappellerai que la Cour des comptes a signalé, depuis 2004, que les représentants de l'Etat étaient je cite « trop souvent incapables d'exprimer une position cohérente au sein des conseils d'administration. ».

C'est pourquoi je plaide pour un rééquilibrage dans le sens de la mixité des recrutements : parité entre femmes et hommes, bien entendu, et mixité des cultures professionnelles en faisant appel à des personnes issues du secteur privé ayant exercé des fonctions dans le domaine considéré, tout en prévenant tout risque de conflit d'intérêt. Nous l'avions proposé l'an passé et j'avais, par exemple, rappelé à quel point il était important qu'au sein d'EADS puissent siéger plus de spécialistes du secteur aéronautique.

J'évoquerai enfin la question des dividendes de l'Etat actionnaire. Le constat est celui de leur diminution probable de près de 30 % en 2014 et les interrogations concernent la politique et le traitement budgétaire de ces revenus. La maximisation de la distribution de dividendes fait, à juste titre, partie des principaux indicateurs de performance de l'Etat actionnaire.

Alors qu'environ 4,5 milliards de dividendes ont été encaissés par l'État au cours de chacune des années 2010, 2011, 2012 et 2013 au titre de ses participations, le bleu budgétaire de cette année mentionne une prévision de 3,2 milliards pour 2014. Les principaux contributeurs concernés sont EDF, GDF Suez, Orange, SNCF, La Poste, Safran et ADP qui représentent près de 90% du montant total. L'Etat encaisserait donc, en 2014, 1,3 milliard d'euros de moins que les années précédentes. Officiellement, cette baisse s'explique par un contexte de montée des risques qui amène les entreprises à constituer des provisions. Peut-on aller un peu plus loin dans le raisonnement, tout en respectant une certaine confidentialité sur ce sujet extrêmement sensible ? Je dirai simplement que les entreprises ont peut-être fourni un effort suffisamment notable les années précédentes pour que le freinage qui est anticipé ne soit pas choquant.

Au total, comme le souligne l'Agence des participations, le portefeuille de l'Etat conserve un bon rendement, d'environ 6 % en 2012, presque deux fois supérieur à celui du CAC 40 (3,5 %). La composition sectorielle du portefeuille de l'APE, marquée par une forte présence des secteurs énergie et télécommunication, qui traditionnellement ont des politiques de distributions plus élevées que les autres entreprises, est une des explications de cette « surperformance ». Ce rendement va cependant baisser, et au moment où d'éventuels prélèvements sur l'épargne des français sont envisagés, la situation de l'Etat semble témoigner des difficultés que peuvent connaître les petits actionnaires, en particulier par rapport aux épargnants focalisés sur l'immobilier.

Je précise, par ailleurs, que l'hypothèse retenue pour 2014 est celle du versement intégral des dividendes en numéraire, comme en 2013, tandis qu'en 2012, 1,4 milliard de dividendes ont été versés en actions par GDF-Suez et le FSI.

Cette remarque nous amène au suivi de notre quatrième grande recommandation. J'avais souligné l'an dernier que les dividendes versés à l'Etat actionnaire donnent lieu à deux traitements budgétaires différents selon les cas : si le dividende est versé en espèces, il est affecté au budget général et non pas au compte d'affectation spéciale. En revanche le dividende versé en action vient alimenter le patrimoine de l'Etat actionnaire. J'avais suggéré d'harmoniser les mécanismes et d'affecter l'intégralité des sommes au compte d'affectation spéciale à condition que l'arbitrage pour le réemploi de ces sommes entre le désendettement de l'Etat et le financement de projets industriels puisse être éclairé par des personnalités incontestables du monde industriel. Je renouvelle cette suggestion car il convient, plus que jamais, d'agir avec discernement avec l'argent du contribuable.

En résumé, l'Etat dispose d'environ 100 milliards investis dans des entreprises. Pour optimiser l'allocation de ces sommes, il serait logique d'abaisser à 51 % un certain nombre de seuils de participation qui dépassent ce chiffre, l'Etat pouvant se contenter de conserver la majorité absolue. On pourrait également accorder un traitement particulier aux secteurs qui ont besoin de financer des investissements stratégiques en constituant des réserves ou en maintenant une participation plus élevée de l'Etat qui se désengagerait, par la suite, à un prix plus élevé, lorsque les investissements innovants se traduiraient par une amélioration de l'activité des entreprises. Ce qui me surprend, c'est surtout le caractère assez statique de la gestion de l'Etat actionnaire alors que la vie des entreprises et des élus qui accompagnent les évolutions économiques est de plus en plus mobile. L'Etat, sans réduire son influence sur les entreprises qu'il contrôle, pourrait sans doute dégager des marges de manoeuvre de 10 à 15 milliards d'euros pour investir ou réduire la fiscalité pesant sur les ménages contribuant ainsi à la relance de la consommation et à la résolution des difficultés majeures auquel le pays doit faire face.

Au total, les principales suggestions unanimement approuvées l'an dernier par la commission trouvent un prolongement dans des annonces formulées avec prudence mais qui pourraient se traduire par des mesures volontaristes. C'est pourquoi je suggère d'émettre un avis de sagesse sur les crédits de la mission participations financières de l'Etat prévus par le PLF pour 2014. Dans l'hypothèse où ces annonces ne seraient pas suivies d'effets, et compte tenu des imprécisions de ce compte, je préconiserais, en revanche, d'émettre un avis très défavorable à l'occasion du prochain budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Je salue la continuité de la réflexion du rapporteur et j'adhère à ses propos : dans la situation que nous connaissons, 100 milliards ce n'est pas négligeable et nous devrions les utiliser comme levier de développement stratégique. Sans prendre de risques excessifs ni adopter une démarche capitalistique, il serait souhaitable d'augmenter le nombre de prises de participations et d'allers-retours. En même temps, il me parait opportun de « flécher » à la fois les produits de cession et les dividendes de l'Etat actionnaires pour les affecter au développement stratégique de l'économie plutôt que de les reverser au budget général.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Ce n'est peut-être pas tout à fait aussi simple car il y a des versements réguliers du budget général vers ce compte et les chiffres montrent qu'il s'agit souvent d'un jeu à somme nulle.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Chatillon

Je mets surtout l'accent sur le manque de mobilité et de souplesse de la gestion de l'Etat actionnaire qui s'apparente aux pratiques du passé. Pour être tout à fait clair, je ne me range pas du côté de ceux qui prônent un désengagement de l'Etat et je rappelle avoir plaidé pour que ce dernier conserve une majorité de contrôle des sociétés d'autoroutes. A mon sens, il convient, en revanche, d'allouer plus de fonds propres aux secteurs, entreprises ou filiales porteurs d'espoir de croissance et de développement, or il me semble que l'APE se limite trop à gérer son portefeuille « en bon père de famille ». Un gestionnaire industriel s'efforce de doubler son capital de départ en quinze ans et, pour ce faire, procède à une gestion active alors que le périmètre de l'Etat actionnaire a très peu évolué depuis plusieurs années, ce qui témoigne d'une certaine insuffisance de vision stratégique. Il faudrait donc rechercher de nouvelles compétences là où elles se trouvent, c'est-à-dire chez les industriels.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lasserre

Je remercie le rapporteur qui a rendu intéressant un exercice souvent rébarbatif. Son plaidoyer pour financer les secteurs d'avenir mérite, à mon sens, de poursuivre et d'approfondir les investigations pour nous assurer que les orientations ainsi définies se traduisent par un ciblage et des actions précises.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Le rapporteur a évoqué les remarques de la Cour des comptes : quelle suite leur sont-elles réservées ? Il a également mentionné d'éventuelles conséquences néfastes d'une des dispositions de la proposition de loi de M. François Brottes, qui vise cependant à améliorer l'environnement normatif de notre économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bécot

J'avais moi aussi plaidé pour que l'Etat ne cède pas ses participations dans les sociétés d'autoroute. Par ailleurs, je m'interroge sur les raisons de l'annonce de la diminution de 1,3 milliard d'euros des dividendes de l'Etat actionnaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Chatillon

Confrontées à un environnement économique difficile, les entreprises ont tendance à augmenter leurs provisions pour risque, ce qui diminue mécaniquement leur bénéfice distribuable et donc les dividendes versés.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

J'estime avant tout qu'on ne peut pas faire comme si l'Etat n'avait pas une dette abyssale et il faut rappeler que les titres d'Etat ont tout de même permis d'alimenter le budget général. Les orientations présentées par le rapporteur méritent d'être approuvées mais je me souviens également, il y a plusieurs années, des pressions exercées par les précédents Gouvernements pour privatiser de grandes entreprises comme la Poste dont on se rend compte aujourd'hui qu'elle joue un rôle fondamental pour l'aménagement du territoire et le financement des collectivités territoriales. Par ailleurs, si l'Etat avait conservé les sociétés d'autoroute, il n'aurait pas été besoin d'instituer les taxes qui soulèvent tant de contestation. Il n'y a rien de pire que l'amnésie et les ventes de titre ne procurent des recettes qu'une seule fois. Le recours au vote double pour préserver l'influence de l'Etat est une piste intéressante mais, de grâce, ne faisons pas abstraction de la réalité ni des erreurs du passé.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Chatillon

Mon point de vue est celui de l'entrepreneur qui plaide pour le dynamisme de la gestion de portefeuille et non pas pour une diminution de l'influence de l'Etat. Certains seuils très élevés de participations de l'Etat pourraient être réduits sans perte d'influence. On peut, par exemple dans le secteur agroalimentaire, contrôler une grande entreprise avec 3,5 % du capital par le jeu des votes doubles, des pactes d'actionnaires et des holdings, ce qui permet de mobiliser moins de fonds et d'allouer ces derniers à des investissements d'avenir. Sans appliquer nécessairement un tel schéma optimalisé, l'Etat pourrait sans se désengager, trouver des ressources pour accompagner les mutations économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Renée Nicoux

Une partie du produit des cessions pourraient également être utilisée pour aider des secteurs stratégiques momentanément en difficulté afin d'éviter les démantèlements et les délocalisations. L'expérience nous enseigne que les nationalisations ont parfois permis d'améliorer la gestion d'entreprises déficitaires. Il faudrait également recenser précisément les entreprises dans lesquelles l'Etat dispose d'une majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Chatillon

Il faut, à mon sens, surtout viser les secteurs dynamiques. Investir dans des entreprises sans avenir me paraît peu opportun. Investir dans les secteurs porteurs et innovants serait à la fois rentable pour l'Etat et bénéfique pour notre économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Tout en félicitant à mon tour notre rapporteur, je voudrais rappeler que certaines stratégies industrielles de certains groupes dites offensives ont conduit à des catastrophes cuisantes. Certes, l'Etat pourrait se contenter d'une minorité de blocage, mais ne confondons pas la gestion entrepreneuriale et la gestion des participations de l'Etat qui n'obéissent pas aux mêmes objectifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je précise ma pensée : l'Etat doit être un stratège encore plus qu'un entrepreneur.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Chatillon

Entendons-nous : je plaide avant tout pour plus d'investissement dans les métiers d'avenir et je rappelle, par ailleurs, que la prise de risque est inhérente au développement industriel. Mon expérience professionnelle m'a enseigné que les restructurations comportent également des risques et impliquent des décisions courageuses. Il faut transformer ce capital dormant détenu par l'Etat en un capital dynamique investi dans des secteurs qui créent des emplois et de la valeur ajoutée.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je me demande s'il n'y a pas une certaine corrélation entre l'augmentation des cessions de titres et la diminution prévisible des dividendes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Chatillon

L'APE obéit à une certaine culture du secret et j'en suis réduit à des hypothèses. Les cessions sont réalisées lorsque les valorisations augmentent et les dividendes diminuent en corrélation avec la baisse des bénéfices imputables aux provisions pour charges.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je comprends que les recommandations de la commission ont été prises en compte, mais que le rapporteur a des doutes sur les réalisations consécutives aux annonces qui ont été faites. Cela nécessiterait, à mon sens, un avis de sagesse « avec les encouragements du jury » même si ce concept est sans doute difficile à traduire juridiquement.

La commission des Affaires économiques s'en remet à l'unanimité à la sagesse du Sénat en ce qui concerne l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat ».

La commission procède à l'audition, en commun avec la délégation sénatoriale à l'outre-mer, de M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer, sur le projet de loi de finances pour 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Monsieur le Ministre, nous sommes heureux de vous accueillir aujourd'hui pour vous entendre sur votre budget et sur les nombreux dossiers cruciaux pour nos outre-mer. La commission des affaires économiques et la délégation à l'outre-mer ont collaboré et collaborent encore sur plusieurs d'entre eux.

Même si votre budget est en augmentation de 1 %, ce dont on peut se féliciter dans la conjoncture morose, les outre-mer contribueront également à l'effort de redressement des finances publiques. La défiscalisation est sauvegardée, la ligne budgétaire unique (LBU) sanctuarisée, le Fonds exceptionnel d'investissement (FEI) reconduit à l'identique, la TVA n'augmentera pas et le régime d'exonération de charges fait l'objet de recentrages dégageant une économie de 90 millions d'euros qui devrait faire l'objet d'un redéploiement dans le cadre de la future loi sur la compétitivité et l'emploi. Nous vous remercions de bien vouloir nous expliquer plus avant ces différents points.

Nous souhaiterions également aborder avec vous plusieurs dossiers européens aux enjeux déterminants pour nos économies ultramarines : l'octroi de mer, la pêche, la mise en oeuvre du nouveau cadre financier pluriannuel, le renouvellement du régime des aides d'État ou encore la fiscalité du rhum.

A l'approche de cette année charnière 2014, où en est la réforme des Programmes d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI) ? Les premières annonces sur la diversification des agricultures ultramarines avaient suscité de vives inquiétudes et des appréhensions demeurent bien que le dialogue noué avec le commissaire européen Dacian Ciolos lors de son séjour à La Réunion ait apaisé les esprits.

Pouvez-vous nous informer également sur la mise en oeuvre des lois et décrets qui nous intéressent concernant tant la loi sur la régulation économique dans les outre-mer, que celle visant à garantir la qualité de l'offre alimentaire en outre-mer et encore le décret règlementant les prix des carburants ?

Si le président Daniel Raoul en est d'accord et pour structurer le déroulement de notre réunion, je vous propose d'aborder dans un premier temps le projet de loi de finances et, notamment, la question du régime fiscal applicable à l'investissement dans nos outre-mer. Dans un deuxième temps, nous pourrons nous pencher sur les dossiers européens. Puis, en dernier lieu, faire un point sur la programmation législative pour les outre-mer au cours des prochains mois et sur l'application des mesures déjà adoptées.

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre des outre-mer

Même si je redoute vos questions toujours précises et pointues, j'ai plaisir à exposer devant vous l'économie générale du budget de la mission outre-mer. Je n'ai pas à me plaindre des arbitrages rendus par le président de la République et le Premier ministre. Après le budget de combat de 2013, en croissance de 5 %, je vous présente aujourd'hui un budget de continuité dont les crédits de paiement ont augmenté de 1 %.

Nous consolidons les crédits alloués à toutes les grandes priorités. Nous avons sanctuarisé le logement dans le cadre de la LBU. Les autorisations d'engagement comme les crédits de paiement progressent. Les seconds, de 244 millions d'euros, enregistrent une croissance de 25 % par rapport à 2011, 15 % par rapport à 2012 et 8 % depuis 2013.

L'augmentation du budget consacré à la jeunesse et à l'emploi est du même ordre, soit 8 % avec des autorisations d'engagement qui s'établissent à 159 millions d'euros et des crédits de paiement de 151 millions d'euros. Nous poursuivons la montée en puissance du service militaire adapté (SMA).

En matière d'investissement public, nous avons obtenu une nouvelle enveloppe de 50 millions d'euros au titre du FEI. Le président de la République avait annoncé 500 millions sur cinq ans. Vous me direz que le compte n'y est pas. Nous accélèrerons l'an prochain afin que les crédits soient effectivement utilisés. Les autorisations d'engagement augmentent de 10 millions pour les contrats de plan Etat-régions par rapport à la programmation triennale, de manière à clore la génération de contrats en cours. Le taux d'exécution étant de 90 % il n'est pas nécessaire d'envisager un saut qualitatif. Nous augmentons également de 10 millions d'euros en crédits de paiement le troisième instrument financier, spécifique à la Polynésie française. Enfin, nous allouerons 20 millions en faveur de la construction d'écoles en Guyane et à Mayotte.

La rumeur voudrait que le Gouvernement soit hostile à l'entreprise. La rumeur est fausse. Nous avons demandé un reprofilage des hauts salaires. Cela représente 24 millions, qui seront redéployés en faveur des entreprises dans le cadre de la loi sur la compétitivité et l'emploi outre-mer. Nous avons décidé de stabiliser la compensation des exonérations à hauteur de 1,131 milliard d'euros. Il s'agit d'un véritable effort consenti par les outre-mer pour le rétablissement des comptes publics. Nous allons tripler le montant des autres aides aux entreprises : 25 millions en autorisations d'engagement et 16,5 millions en crédits de paiement. La réforme salariale épargne intégralement les bas salaires jusqu'à 1,4 smic et 1,6 Smic dans le secteur renforcé. Avec la mise en place du CICE, 93 % des établissements et 90 % des salariés ne seront pas affectés.

Les outre-mer bénéficieront en effet de 320 millions en crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), à mettre en regard de ces efforts. Les organisations patronales sont très critiques mais ont refusé, pour certaines d'entre elles, la discussion que je leur proposais. En métropole, le CICE est financé par l'augmentation de la TVA ; ce n'est pas le cas outre-mer où la TVA n'est pas modifiée. Nous n'avons pas supprimé les exonérations de cotisations patronales, nous les avons seulement réduites, sur les hauts salaires. Au niveau de 2,5 Smic, la contribution supplémentaire sera de 43 euros. Au total, ce sont 90 millions d'euros à terme qui seront demandés aux entreprises, dont 30 % redéployés en leur faveur, selon des modalités qu'il vous appartiendra de fixer lors de l'examen du projet de loi compétitivité et emploi.

Parallèlement, l'article 13 de la loi de finances préserve les défiscalisations et les aides à l'investissement. Au total, 2 milliards d'euros d'investissement sont maintenus, 1 milliard au moyen de dépenses fiscales directes, 1 milliard par effet de levier.

Nous aidons les entreprises et les chefs d'entreprise : nous avons besoin de bons managers ! Je me réjouis que nous ayons réussi à maintenir l'intensité de l'investissement et de l'intervention de l'Etat aux côtés du secteur privé.

Certains sénateurs, je songe au groupe de travail dont MM. Serge Larcher et Éric Doligé étaient rapporteurs et Mme Marie-Noëlle Lienemann présidente, qui ont proposé l'expérimentation d'un crédit d'impôt : le PLF reprend cette idée avec un crédit d'impôt obligatoire pour les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 20 millions d'euros, et un crédit d'impôt optionnel pour les autres. J'y suis favorable - le président de la BPI également, pourvu qu'il ne s'agisse pas d'un guichet ouvert et sous réserve d'une vérification du coût budgétaire. Nous pourrons transposer l'expérimentation aux collectivités à autonomie fiscale par le biais d'une convention, après délibération de l'assemblée territoriale ou vote d'une loi de pays. Des conventions signées dans les mêmes conditions seront nécessaires afin d'autoriser l'intervention de la BPI dans ces collectivités. Cela a inspiré quelque frayeur à certains, comme M. Patrick Ollier, qui a voté le budget de la mission mais s'est abstenu sur l'article 70 car il craint que l'expérimentation ne soit le prélude, après un bilan en 2015, à une disparition de la défiscalisation en 2016. Quoi qu'il en soit, il ne faut pas s'interdire, compte tenu des pertes en ligne, d'envisager une substitution, si un autre système se révèle aussi efficace, avec moins de déperdition. Le moment venu, il vous appartiendra d'en décider. L'essentiel est de maintenir l'intensité d'aide au secteur privé et aux concessions de service public. Ne fétichisons pas la défiscalisation. Je vous invite toutefois à ne pas altérer l'équilibre issu de l'économie générale des articles 13 et 70.

L'Etat alloue 18 milliards d'euros au titre des politiques transversales en faveur de l'outre-mer. Même si cela correspond à une progression epsilonesque par rapport au budget de l'an dernier, l'effort est considérable en cette période de crise grave des finances publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Si je comprends bien le théorème Lurel, 20 millions d'euros valent epsilon ?

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre des outre-mer

Non, bien au contraire ! J'ai même remercié publiquement mes collègues du Gouvernement qui ont bien compris la nécessité d'un effort envers l'outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Le niveau annoncé du budget ne garantit pas le résultat des politiques menées. Tout est dans la mise en oeuvre. Vous nous flattez en évoquant une coproduction législative mais la question est de savoir comment les choses se passent sur le terrain. C'est pourquoi nous ferons en temps utile des propositions d'amélioration. Voyez la LBU devenant obligatoire dans le schéma de financement de la construction de logements sociaux : elle a été fixée à 5 % à l'Assemblée nationale, nous souhaiterions descendre à 3 % pour éviter une remise en cause de l'élan favorable à la production de logements induit par la LODEOM. Vous invoquez l'objectif d'une meilleure visibilité de l'utilisation des crédits mais nous avons quelques inquiétudes sur l'efficacité de leur utilisation et sur l'attractivité des dispositifs.

Autre source d'inquiétude, l'exécution budgétaire : que vaut d'annoncer un montant de crédits en hausse si durant l'exercice, on fait des économies ?

Une autre difficulté concerne le plafonnement de l'avantage fiscal en faveur de l'investissement productif à 18 000 euros. Si le plafond applicable en outre-mer n'est pas plus attrayant que celui en vigueur en métropole, les investisseurs déserteront les territoires ultramarins.

La BPI constitue un autre sujet d'interrogation. Elle n'est encore en place nulle part outre-mer. Pouvez-vous nous confirmer préciser le calendrier de son installation effective dans les outre-mer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Je voudrais revenir sur la question posée par mon collègue Doligé au sujet des 5 % de la LBU. Loin de moi l'idée de vouloir « casser » le budget du Gouvernement. Mais il faut reconnaître l'existence d'un problème, qui n'est pas évoqué dans les documents budgétaires, lié à la dette de l'Etat en matière de LBU. En Guyane, cette dette avoisine les 70 millions en crédit de paiement. Une fois celle-ci réglée, que restera-t-il pour le financement de la production nouvelle de logements sociaux ? N'y aura-t-il pas in fine un fléchissement important de cette production en 2014 ? Dès lors, ne serait-il pas de bonne politique d'accepter une baisse du taux requis de LBU à 3 % ?

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Le problème des crédits de paiement en LBU est réel. En Guyane, selon les chiffres dont je dispose, il manquerait en effet 35 millions d'euros pour honorer les engagements de l'Etat auprès des bailleurs sociaux et des entreprises de BTP. La crise est profonde, les entreprises sont exsangues et menacent de mener des actions violentes. Les crédits de paiement pour 2014, inférieurs au montant de la dette de l'Etat, seront entièrement absorbés par le service de la dette. Il faudrait augmenter les crédits de 50 millions d'euros.

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre des outre-mer

Monsieur Doligé, à l'origine, Bercy défendait l'idée d'une LBU à 20 %. A l'Assemblée nationale, certains voulaient 3 %, d'autres 10 %. Nous avons finalement obtenu 5% : c'est un bon compromis. Vous proposez 3 %, pourquoi pas ? Cependant, j'attire votre attention sur le fait qu'il n'existe pas de simulation chiffrée solide. Nous avons travaillé avec des approximations. A La Réunion, en pratique, la moyenne est de 10 %, et 7 % pour les opérateurs sociaux...

Nous avons tous voulu sanctuariser la LBU, il faut la consommer. Financer des montages au seul moyen de la défiscalisation, sans recours à la LBU, peut sembler séduisant. Cela poserait toutefois des problèmes de programmation. A démographie constante, pour répondre à la demande sociale, il faudrait construire 10 000 logements pour les cinq territoires (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Mayotte, La Réunion) sur les 10 ans qui viennent. Selon le sénateur Patient, les crédits actuels sont insuffisants pour la Guyane. Comment financerons-nous ces opérations ? Si nous ne mutualisons pas la LBU, Bercy ne reconduira pas les crédits. Je suis donc réservé vis-à-vis d'une baisse du taux de la LBU.

En ce qui concerne le plafond de 18 000 euros, nous l'avons arrêté avant de disposer du rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) mais celui-ci l'a validé. Vous évoquez un déficit d'attractivité par rapport à d'autres dispositifs existants en métropole, tels le Malraux. En réalité, la cohabitation des régimes n'a jamais pénalisé l'outre-mer car, sur le long terme, le Malraux est peu intéressant. En tout état de cause, nous ferons une évaluation à mi-parcours et, s'il apparaissait que le plafond n'est pas adéquat, nous y réfléchirons. En attendant, nous restons attentifs.

La BPI existe en outre-mer même si elle n'est peut-être pas encore suffisamment opérationnelle. Deux directeurs interrégionaux ont été nommés, Mme Michèle Papalia pour les Antilles Guyane et M. Christian Quéré pour l'Océan Indien. Des comités régionaux d'engagement et d'orientation ont été constitués en conformité avec les dispositions de l'ordonnance du 22 août et du décret du 15 octobre 2013. La doctrine d'intervention est fixée. L'Agence française de développement (AFD) intervient pour le compte de la BPI Financements, comme elle le faisait naguère pour Oséo. J'ai demandé à M. Jean-Pierre Jouyet d'accélérer l'octroi des prêts. En ce qui concerne BPI Investissements, la Caisse des dépôts prend le relai. Les directeurs interrégionaux animeront les comités d'engagement que je viens d'évoquer, sauf à ce que les régions créent des fonds de garantie ou de capital risque, comme le FCPR à La Réunion. Une nouvelle doctrine de financement des hauts de bilan est à mettre au point avec la BPI. Je m'y emploie.

Sur les dettes, des réponses ont été apportées même si je crois comprendre que MM. Serge Larcher et Georges Patient les jugent insatisfaisantes. La dotation pour la Guyane au titre de la LBU en 2012 était de 16 millions, je l'ai portée à 20 millions et j'ai ouvert 6 millions de crédits supplémentaires pour les lignes tendues. Après deux augmentations en septembre et octobre, la dotation finale s'établit à 28 millions d'euros pour 2013.

Vous évoquez des impayés importants de l'Etat et m'avez remis, pour appuyer votre propos, un dossier réalisé par la fédération du BTP. Nous sommes d'accord sur le montant des factures payées. En revanche, les chiffres sur les factures en instruction et à venir ne sont pas attestés et leur montant reste, à ce stade, hypothétique, à vérifier.

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre

Certains seulement !

A cette date, nous comptabilisons 17 M€ de factures en instance et un montant de factures à recevoir encore incertain. Cela ne fait pas nécessairement 35 millions. Mais quoiqu'il en soit, nous avons obtenu le « dégel » des crédits mis en réserve ce qui va permettre de débloquer des crédits dès Novembre.

Attention aux manipulations, comme en Guadeloupe, où le BTP a défilé dans les rues. On a manipulé et l'Etat et les entreprises. Une SEM, la Semsamar, a adressé des courriers à ses débiteurs annonçant qu'elle arrêtait ses paiements en raison des retards de l'Etat. Celui-ci a été brocardé dans un climat d'agitation sociale. Or, 80 millions de prêts ont été accordés à cette SEM par la CDC et la caisse d'épargne pour tenir compte des délais de paiement ! La même SEM tente aujourd'hui une manoeuvre identique en Guyane car elle a des ennuis avec la Mission interministérielle d'inspection du logement social (Milos) à propos de sursalaires payés à sa directrice. Celle-ci est gratifiée d'une rémunération très importante, comparable à celle de de dirigeants de groupes qui dégagent un chiffre d'affaires un peu supérieur... Avant de critiquer l'Etat, nous devons tous travailler à la moralisation de la vie économique outre-mer.

Pour 2014, les 32 millions inscrits en crédits de paiement pour 2014 sont à mon sens suffisants car ils correspondent à un doublement de la dotation 2012. Nous nous sommes donné les moyens de répondre aux urgences sociales et financières de la Guyane. Pour ce qui est de la fin de l'année 2013, je vous renvoie au projet de loi de finances rectificative, qui comprend 20 millions d'ouverture de crédits. Ainsi, en fin d'exécution, j'aviserai.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Qu'en est-il du rapport commandé par le premier ministre à Mme Anne Bolliet sur la défiscalisation ? Nous souhaiterions en disposer.

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre des outre-mer

J'ignore si le Premier ministre a décidé de le publié et il a, quoi qu'il en soit, constitué une base de travail pour répondre aux interrogations de vos délégations et des organisations patronales, dont les affirmations ont été contredites par cette étude.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Juste une remarque à propos des SEM. Il serait opportun d'explorer la solution des sociétés publiques locales au sujet desquelles j'avais déposé dans le passé une proposition de loi, qui fut votée. Dans ces sociétés, les actionnaires et la gouvernance sont entièrement publics et contrôlés par les collectivités. Ce mode de fonctionnement évite certaines dérives, évoquées à l'instant à propos de l'outre-mer mais qui existent aussi en métropole.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Vergès

La teneur de votre intervention, Monsieur le Ministre, sera fidèlement rapportée à La Réunion où le débat sur les moyens budgétaires intéresse toutes les catégories sociales. A-t-on conscience de la gravité de la situation dans l'île ? Permettez-moi de vous communiquer quelques chiffres issus du document préparé par les services de l'Etat et de l'Insee à l'occasion de la visite de M. Chérèque. Il apparaît que 42 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, soit 343 000 personnes ; 145 000 personnes sont inscrites à Pôle Emploi, soit près de 30 % de la population active, chiffre inimaginable en métropole, mais qui ne reflète pas le nombre réel de chômeurs - car nombre d'entre eux ne s'inscrivent plus. 43,3 % est le taux d'emploi de la population en âge de travailler, ce qui représente quelque 165 000 personnes sans emploi. Les mesures budgétaires feront-elles baisser le chômage ? La réponse est négative.

En outre, 74 % des ménages sont éligibles au logement social ; 20 à 25 000 demandes sont enregistrées, un quart seulement satisfaites chaque année. Aux problèmes de logement, de chômage et de grande pauvreté, s'ajoutent les inégalités sociales.

Je voudrais aborder ici une question tabou : celle de la rémunération majorée des fonctionnaires d'Etat en vigueur depuis 1946. Les salariés de certaines entreprises privées ont obtenu des avantages équivalents. Ainsi, la convention collective des banques assure une sur-rémunération de 30 % par rapport aux salariés de métropole ; dans les assurances, la majoration est de 42,5 % ; elle atteint 73 % pour les services de radio-télévision.

Pendant ce temps, la croissance démographique se poursuit. A la différence des Antilles, La Réunion n'a pas opéré sa transition démographique. Elle comptait 247 000 habitants en 1947, ils sont 850 000 aujourd'hui. Comment s'étonner des conséquences économiques ? L'agriculture aujourd'hui représente moins de 8 % du PIB, l'industrie un peu moins de 10 %. Les services absorbent l'essentiel de l'activité. La Réunion présente la structure économique de la Californie, sans la Silicon Valley, malheureusement. Comment, dans ces conditions, organiser un développement durable et productif ?

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre des outre-mer

Le Gouvernement n'ignore pas les difficultés de La Réunion, ni celles qui existent ailleurs en outre-mer. Les problèmes démographiques en particulier, que l'on rencontre aussi à Mayotte ou en Guyane, ont des conséquences sur le logement, la sécurité, la santé, la croissance.

La meilleure réponse réside dans l'activité, dans des grands chantiers créateurs d'emplois et de revenus. La nouvelle route du littoral en est un, financée à hauteur de 1 milliard d'euros par l'Etat.

Une autre réponse est celle de la politique nationale menée contre la précarité par le Premier ministre. Elle est expérimentée à La Réunion, qui est pionnière sur la garantie jeune. J'entends certains reprocher à l'Etat une inégalité de traitement avec la métropole au détriment de l'outre-mer. Le grief est infondé. La République fait son travail en outre-mer. Peut-être faut-il changer le modèle économique ? La départementalisation, que nous avons tous voulue, est un succès dans beaucoup de domaines mais pas dans celui de la lutte contre le chômage, aggravé par la situation démographique. Volontarisme économique, interventionnisme politique sont indispensables. La Réunion ne doit pas tout voir en noir, c'est l'une des régions les plus dynamiques de France, elle dispose par exemple d'une solide organisation coopérative mutualiste et solidaire. Un commissaire européen m'a d'ailleurs affirmé que La Réunion était exemplaire en Europe en matière de création d'entreprises et de longévité des entreprises.

Je suis fier de la politique mise en place en pleine crise économique. Lorsque j'étais dans l'opposition, j'entendais vanter le développement endogène. « Comptez sur vos propres forces », nous disait-on... J'aimerais pouvoir faire davantage mais, dans la conjoncture budgétaire actuelle, je crois que nous avons trouvé le moins mauvais équilibre.

Il convient d'être conscient que l'Etat ne peut pas tout. Est-ce à lui, par exemple, de créer une sur-rémunération de 200 euros dans le secteur privé ? Les patrons d'entreprises ne doivent-ils pas faire un effort également, y compris en matière de retraite complémentaire ? Je l'ai dit aux patrons du secteur agricole, qui l'ont mal pris. Le dialogue social peut être un facteur de productivité. Il y a de ce point de vue des formules innovantes à trouver...

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Vergès

Je ne veux pas engager ici une polémique, mais peut-on sur un territoire aussi petit que le nôtre conserver deux modes de rémunération, quand la moitié de la population active ne touche que le Smic ? Il faut réunir tous les acteurs sociaux et trouver un consensus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Cornano

Je me réjouis de l'augmentation du budget de l'outre-mer qui a passé la barre symbolique des deux milliards d'euros et de l'effort maintenu du Gouvernement en faveur des territoires les plus touchés par le chômage. Je souhaite vous interroger sur un amendement adopté par la commission des finances à l'Assemblée nationale, qui impose aux cabinets de conseil de présenter à l'administration fiscale, avant de le commercialiser, tout nouveau schéma d'optimisation fiscale.

Cette obligation englobe-t-elle les autres intervenants du marché de la défiscalisation ? Ne va-t-elle pas freiner les investissements ultra-marins ? S'accompagnera-t-elle de la création d'un registre des « défiscaliseurs » ?

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre des outre-mer

Je ne peux répondre avec certitude à votre première question. Je pense qu'en l'état l'obligation déclarative s'impose aux seuls monteurs en défiscalisation.

La réforme de la défiscalisation emporte inéluctablement une réforme de ce métier. L'ancien gouvernement avait promis un décret sur le sujet mais ne l'a jamais publié. Nous améliorerons le texte et nous le publierons avec l'objectif de moraliser la profession sans entraver les investissements. Nous réfléchissons à un registre. L'Assemblée nationale a imaginé un système de garantie et de préfinancement. Le débat est en cours entre les banques et la direction du Trésor. D'autres chantiers seront ouverts sur la désintermédiation bancaire, le statut fiscal des collectivités, etc... Des groupes de travail seront mis en place pour approfondir certains sujets.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

La question de la moralisation a été en partie prise en compte dans le projet de loi de finances. C'est un objectif partagé par tous. Le rapport du groupe de travail sur les investissements outre-mer contient des propositions.

Venons-en aux dossiers européens.

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre des outre-mer

L'agenda est chargé ! Révision des politiques de cohésion, dont les enjeux sont lourds, préparation de la prochaine programmation, discussion des enveloppes financières 2014-2020, octroi de mer, notification des régimes d'aides d'Etat, fiscalité du rhum... Les débats progressent, vous y contribuez par vos travaux et résolutions. Sur la politique de cohésion, les règlements ne sont pas encore adoptés, mais nous avons obtenu de la Commission une réflexion sur une approche par filière, afin d'envisager des aides au fonctionnement en faveur des domaines d'activité exposés à une forte concurrence : filière bois, énergie, déchets, connexions transfrontalières, tourisme... A cet égard, la méthodologie des POSEI est intéressante.

La Commission n'accordera pas de dérogations permanentes au sens de l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne pour compenser les handicaps structurels des outre-mer. Je ne peux du reste demander à Bruxelles ce qui n'existe pas à Paris. Si l'article 73 de la Constitution autorise une adaptation des lois dans les départements d'outre-mer, une telle adaptation a vocation à être temporaire. Le principe est celui de l'application de plein droit, à terme, des lois françaises aux territoires ultra-marins.

Nous poursuivons nos discussions avec la Commission et nous espérons obtenir des fonds d'amorçage en faveur de plusieurs filières.

Les enjeux de l'octroi de mer sont connus. A Mayotte, il sera appliqué le 1er janvier 2014. Ailleurs, après notification à Bruxelles d'une loi nationale de transposition, le nouveau régime entrera en vigueur le 1er juillet 2014. Le seuil d'assujettissement des entreprises est actuellement de 550 000 euros. Après une longue concertation avec les présidents de région, nous avons proposé à la Commission de le ramener à 300 000 euros.

Je rappelle que 85 % de notre PIB est réalisé dans les services. Or, seule la production matérielle subit l'octroi de mer, si bien que de grosses entreprises échappent à la taxe. A l'occasion du vote de la loi nationale, peut-être faudrait-il envisager d'assujettir les biens et services ?

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre

Je vous renvoie au rapport Lengrand.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

L'extension de l'assiette pose la question de l'assujettissement des artisans et des petites entreprises.

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre

Ceux qui ont un chiffre d'affaires de 300 000 euros ne sont pas légion... Environ 400 entreprises sont assujetties à l'octroi de mer, et 175 le paient, sur environ 40 000 entreprises en Guadeloupe et Martinique. Le produit représente entre 800 millions et 1 milliard d'euros, un prélèvement très productif, donc. J'ai suggéré aux présidents de région, qui fixent les taux, de consentir en contrepartie un effort sur les biens de première nécessité pour conforter le pouvoir d'achat : ils le peuvent, puisqu'ils reçoivent des recettes supplémentaires. Un taux zéro répercuté sur le consommateur final serait une bonne idée. Je n'ai pas encore de réponse. Je le regrette. Les monopoles gangrènent les économies ultramarines, une vraie concurrence est nécessaire, et une fiscalité appropriée.

Une quinzaine de régimes d'aides d'Etat doivent être re-notifiés, en procédure simplifiée pour le premier semestre 2014, puis dans une procédure plus formalisée pour le post 1er juillet 2014. Le travail est engagé.

Sur la fiscalité du rhum, je veux rester prudent mais j'avoue que je suis heureux car nous devrions obtenir un beau résultat : le gouvernement Fillon avait créé un régime d'aides illégal puisque non notifié à Bruxelles, en conséquence de quoi les autorités européennes demandaient aux distilleries ou à l'Etat le remboursement de 60 millions d'euros. Nous avons notifié ces aides a posteriori, prouvé qu'il n'y avait pas de surcompensation du surcoût, réussi finalement à ne pas payer d'arriérés, obtenu la rétroactivité du régime notifié et légal ; et, enfin, notifié un régime d'aides. Je crois que nous aurons gain de cause. C'est un beau résultat, que toutes les distilleries attendaient !

Les perspectives financières européennes n'ont pas été la catastrophe que l'on prédisait. Globalement, le niveau des fonds est supérieur à ce qu'il était dans la période 2007-2013 - même si Mayotte, qui aurait pu recueillir 400 millions, n'en obtient que 224, à quoi s'ajoutent cependant des fonds FEAMP, POSEI et FEADER, environ 110 millions de plus. Une clause de revoyure est prévue en 2016 : si la consommation des crédits est bonne, la Commission débloquera peut-être une rallonge. Sur la période à venir, 2014 à 2020, l'augmentation globale est de 12 %, les sommes progressent partout. Reste à en fixer la répartition entre les territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Il est heureux que l'octroi de mer ait été reconduit. Il y a une particularité concernant la Guyane : en 2014, 33 % de l'octroi de mer sera prélevé pour le conseil général - ce qui prive les communes de 27 millions. Profitera-t-on des nouveaux développements pour rétrocéder cette somme aux communes ?

Sur la répartition des fonds européens, le conseil régional de Guyane a émis une protestation, car notre territoire a la plus forte progression démographique, le plus faible PIB et notre part devrait être bien supérieure à ce qu'elle est : nous attendions plutôt 700 que 440. Il faut absolument revoir la répartition. Pour la DGF, un critère de superficie s'applique, pourquoi pas pour les fonds européens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Faites valoir les besoins de la Guyane, mais ne regardez pas ainsi dans l'assiette des voisins... En outre, la définition des critères relève de Bruxelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Je dis seulement qu'il faut appliquer des critères de PIB et de population.

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre

C'est le Conseil européen qui fixe les critères. Sur la part départementale de l'octroi de mer, la décision n'est pas encore prise ; il nous reste encore quelques mois de concertation avant la transmission. En effet, 27 millions ont été prélevés sur la part des communes, au profit du département de la Guyane. Est-ce à l'Etat de compenser cela ? Je n'ai pas la solution... Sur la répartition des enveloppes de fonds européens, le conseil régional proteste et invoque l'évolution démographique à l'horizon 2020, mais aucun chiffre n'a encore été validé. La demande du conseil régional n'en sera pas moins examinée.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Dans le domaine de l'agriculture, où en est la réflexion pour préparer la transition, puisque l'on sait par exemple que la production de sucre sera mise à mal lorsque les quotas sucriers prendront fin en 2017 ?

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre

Le commissaire européen M. Dacian Ciolos était à La Réunion, pour évoquer la répartition des financements POSEI entre les cultures de rente, banane et canne à sucre, et la diversification. Il y a là un sujet franco-français à examiner avec prudence et détermination, car il y va de l'autosatisfaction alimentaire et de la conquête du marché local. Même chose pour la pêche : comment utiliser les POSEI pour développer l'industrie halieutique ? Je n'ai pas de solution, mais la question est posée. Sur 280 millions, 129 sont prévus pour la banane, 75 pour la canne et autant pour la diversification. Le niveau des financements est maintenu et je précise que 6 millions seront affectés à Mayotte. Une réflexion est en tout cas nécessaire entre professionnels et élus sur les meilleurs modes de financement. Et la mesure décidée en Conseil interministériel de l'outre mer est maintenue, ce qui représente 35 millions d'euros consacrés à la diversification.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Les grandes sont structurantes pour nos territoires. Les accords de libre-échange avec l'Amérique latine, surtout le Pérou et la Colombie, ont mis la production de la banane en difficulté. L'Europe a décidé des compensations pour maintenir à flot cette spéculation agricole. Après 2017, l'économie sucrière deviendra bien vulnérable. Les conditions actuelles vont être totalement bouleversées. Il faut préparer la transition dès maintenant.

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre

C'est vrai. Sur la banane, le Premier ministre a dit que l'épandage aérien devrait s'arrêter d'ici deux ans, nous avons très peu de temps pour préparer la reconversion, mettre au point de nouvelles spéculations, de nouveaux itinéraires techniques et définir la taille optimale des exploitations agricoles. La fin des quotas créera une concurrence supplémentaire pour la production sucrière de La Réunion et de la Guadeloupe : déjà, en dépit des aides actuelles, le surcoût est de 100 euros la tonne de sucre par rapport au coût de production d'autres pays. Nous avons demandé une étude à un cabinet indépendant pour anticiper l'impact de la fin des quotas sucriers et les éventuelles pistes de réorientation. Depuis dix ans, des efforts de productivité considérable ont été réalisés, le prix à la tonne de sucre a été gelé : il en est résulté des efforts de productivité considérables consentis par les exploitants.

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre

La loi d'avenir sur l'agriculture qui sera présentée au Parlement en janvier prochain traitera de ces sujets. L'article 1er comprendra une définition de l'agriculture dans les territoires insulaires, car ceux-ci ont vocation à devenir des terres d'excellence biologique et environnementale. Il y a aussi le texte sur les retraites défendu par Marisol Touraine, qui prévoit une retraite à 75 % du Smic à taux plein, pour les petits exploitants agricoles et leurs salariés - la MSA n'existe pas outre-mer. C'est plutôt une bonne nouvelle, surtout si l'exigence de 17 années de cotisations est allégée - nous verrons.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Reste le problème, pour les petites retraites agricoles, de la date de versement trop tardive, en milieu de mois.

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre

Dans le passé, elles étaient versées tous les trois mois. Aujourd'hui elles sont mensualisées, mais je sais que la date de versement pose encore problème : cependant, nous devons aussi prendre en compte la trésorerie des caisses.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Vergès

Je rappelle que la canne à sucre n'est pas une plante annuelle, que sa durée de vie est de sept années. Les plantations et investissements d'aujourd'hui ont besoin de visibilité et les acteurs de l'activité sucrière aimeraient connaître les orientations du Gouvernement dans la perspective de l'échéance de 2017.

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre

Dans la loi d'avenir pour l'agriculture, il y a également les groupements d'intérêt économique et environnemental, la transparence des coopératives, la préservation des terres agricoles, ou encore cette règle révolutionnaire, dont j'espère qu'elle ne sera pas censurée par le Conseil constitutionnel : la possibilité, pour deux tiers des héritiers d'une propriété agricole en indivision, d'imposer l'exploitation des terres, en fermage par exemple dans le cas de terres insuffisamment cultivées. Un nouveau contrat d'objectifs et de moyens entre l'Etat et les collectivités renforcera les missions des chambres d'agriculture. A quoi s'ajoute une orientation de l'agriculture vers le modèle durable, le renforcement de la protection du foncier, des dispositions sur les produits locaux dans la restauration collective. Je veux mentionner la loi visant à garantir la qualité de l'offre alimentaire outre-mer. Il y a 36 millions de repas à conquérir ! Les critères de performance tels que fraîcheur ou circuit court, appliqués aujourd'hui aux produits frais, seront étendus aux produits transformés issus de l'agriculture ou de la pêche.

Le texte habilite le Gouvernement à prendre des ordonnances de codification, mais - c'est une originalité - cela ne se fera pas à droit constant. Les grandes lois agricoles votées depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, les lois Pisani, Debré, celle du Gouvernement Jospin, sont faites pour un climat tempéré. Elles sont mal calibrées pour nos « pays sans hiver ». Les dispositions applicables outre-mer sont dispersées et méritent d'être ramassées dans un code spécifique à nos territoires. M. Dominique Bussereau et moi avions fait une tentative à ce sujet, hélas l'ordonnance n'a pas été publiée. Une nouvelle habilitation est nécessaire, pour reprendre le travail déjà commencé.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Pourrez-vous nous communiquer le rapport d'expertise sur la canne à sucre ?

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre

Oui, lorsqu'il sera prêt. Il faut absolument anticiper la fin des quotas sucriers et prendre en compte ces nouvelles contraintes sur l'ensemble de la filière...

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre

Non, vous connaissez noter détermination à préserver la canne et le rhum, j'ai notamment en tête le dossier Pécoul où notre objectif est de préserver les approvisionnements en eau et sécuriser le terroir AOC. Le foncier est limité aux Antilles, à La Réunion ; ce n'est pas le cas en Guyane, où une grande ambition agroalimentaire et agricole est possible si l'on trouve les bons vecteurs. Souvenez-vous de cette action menée par Pierre Mauroy, l'achat de 12 500 hectares en Guadeloupe, puis leur revente à des sociétaires collectivement propriétaires, qui étaient aussi des professionnels bien formés. La même chose est possible en Guyane, je souhaite que le Gouvernement s'engage dans cette voie, si les Guyanais veulent se transformer en agriculteurs - car faire venir des exploitants d'ailleurs poserait d'autres problèmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Je voulais aussi aborder la programmation législative, les mesures d'application des lois récentes concernant les outre-mer ainsi que la réglementation de la fixation du prix des carburants. Comment prenez-vous en compte les préoccupations des pompistes ?

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre

Je revenais à peine de Guadeloupe où j'étais en voyage officiel, que les gérants de stations service ont annoncé des grèves et des actions pour la mi-décembre. Le Gouvernement a pourtant dit et répété qu'ils n'étaient pas inclus dans le périmètre du décret, réservé aux pétroliers, aux raffineurs, aux stockeurs. Les salariés des stations service veulent quand même débrayer.

Nous avons certes décidé de réduire la marge de ces monopoles, aujourd'hui 12 à 15 % après impôt, un niveau exorbitant... D'autant que dans ce régime de monopole et de prix administrés, le risque de faillite est nul, sauf mauvaise gestion caractérisée. Selon les conclusions de la dernière enquête que nous avons diligentée, l'activité est encore plus rentable que ce que nous pensions. Sara, filiale antillaise de Total, est l'unité la plus profitable du groupe. Or l'Etat a dû lui faire un chèque en raison d'une menace de contentieux. Le décret de novembre 2010 n'a pas mis fin à l'ubris profitationnel ; le Premier ministre prendra donc un nouveau décret, afin de contenir les marges entre 8 et 10 %, niveau raisonnable puisque la Commission de régulation de l'énergie estime à 7 % leur niveau normal. On nous accuse d'être « contre les entreprises ». Nullement : nous sommes pour des profits raisonnables et la préservation du pouvoir d'achat.

Nous maintenons les marges des stations-service afin de préserver l'emploi. Le texte est en ce moment soumis à la consultation des cinq collectivités, à l'Autorité de la concurrence et au Conseil d'Etat. L'objectif est une publication du décret avant la fin de l'année, pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2014.

Un mot des accords interprofessionnels, entre les pétroliers, les distributeurs, les locataires-gérants : ces derniers reçoivent des indemnités conséquentes de fin de contrat de gérance, mais les bases juridiques des contrats ne sont pas toujours solides, au point qu'on y a mis fin en Guadeloupe. A la Martinique, les salariés manifestent dans la rue, car leurs arriérés de salaire deviennent insupportables. Les patrons se rendent alors chez le préfet et disent qu'ils sont « d'accord pour payer, si l'Etat proroge de trois ans les accords interprofessionnels pétroliers » ! Nous avons refusé. Ils avaient signé, en Guadeloupe comme en Martinique ou à La Réunion, le RSTA (Revenu supplémentaire temporaire d'activité), avec 200 euros supplémentaires pour les bas salaires, et voilà qu'ils ont décidé, parce que « la conjoncture est mauvaise », de ne pas le payer. Les indemnités devraient être versées, en fin de contrat, aux locataires-gérants et à eux seuls. Or elles sont utilisées pour les propriétaires. Bref, nous demandons la lumière sur tous les aspects de cette question, nous voulons que l'opinion publique et le Parlement soient informés. Le pilonnage des lobbies, contre le décret, contre le ministre que je suis, contre le Gouvernement, est impressionnant ! « Si nous n'obtenons pas satisfaction, disent encore les propriétaires, nous reprenons la gestion directe des stations et nous licencions les pompistes », soit environ 1 000 personnes dans chacune des îles considérées. Le Gouvernement peut-il accepter un tel chantage ?

Le projet de loi compétitivité est en préparation. J'espère pouvoir le présenter très prochainement au Conseil des ministres. Il est encore temps de faire vos propositions. Il est difficile de changer de modèle sans changer de statut, compliqué de faire une révolution fiscale tout en restant dans le territoire douanier européen et le code général des impôts. Pour reprendre une idée de Michel Rocard, comment réformer sans dépenser ? Comment inventer du neuf, renouveler les zones franches d'activité, qui prennent fin en 2017, sachant que la Lodeom n'aura pas été très efficace ? Pour le secteur social et solidaire, nous réfléchissons aussi à la manière d'exploiter la culture mutualiste, créer des sociétés coopératives avec des gérants élus, renouveler les modes de gestion, instaurer des associations de consommateurs, instiller une concurrence de bon aloi. Il faudrait une vraie petite révolution, mais dans les temps actuels, comment la mener sans rien dépenser ? Peut-être en fonctionnant en dons et contre dons, sans échange monétaire ? Pardonnez-moi, je m'égare, je suis en train de rêver...

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Où en est la prospection en Guyane ? A-t-on trouvé du pétrole lors de la dernière campagne ?

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre

Non, elle n'a rien donné, un seul forage sur cinq ou six a été heureux, Shell confirme l'échec. La zone de forage devrait se déplacer vers l'Est.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

De nouvelles demandes sont en attente, Shell, Total,...

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre

Nous resterons attentifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Karine Claireaux

Je veux attirer l'attention du ministre sur notre archipel « avec hiver ». Le développement économique est en berne, l'activité de pêche ne dépasse pas le minimum vital. Cela a-t-il un sens de demander encore des quotas aux Canadiens, quand on ne peut plus les exploiter ? Nous aurons besoin de défiscalisation pour le projet Grand port, si celui-ci aboutit ; et besoin d'accéder aux ressources du FEI. Il semble que la part des collectivités, dans les financements prévus par le contrat de développement, soit supérieure à celle de l'Etat. Qu'en est-il ? Notre petit archipel compte 2 500 foyers fiscaux. L'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada risque de nuire à notre économie fragile.

Sur deux questions, nous allons avoir besoin de votre aide. D'abord, le plateau continental pourrait devenir une source de développement économique, si un accord était trouvé avec les Canadiens. Ensuite, deux permis d'exploitation pétrolière vont être déposés, portant sur la zone économique exclusive : la Drire Ile-de-France va devoir donner une réponse, nous avons besoin du soutien du ministère dans ce parcours. Les deux ports, de Saint-Pierre et de Miquelon, sont des ports d'Etat. Il faut ensemble développer l'interface port-ville et les activités de pêche, de commerce, de plaisance - car nous avons une position stratégique qu'il convient d'exploiter.

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre

Je vous suis tout acquis. Je sais vos attentes et vos déceptions. Je suis venu sur place, j'ai pris des engagements que je renouvelle. Concernant l'ordonnance pour le financement du Fonds national d'action social, le ministère des affaires sociales m'indique que 1 million d'euros seront consacrés aux actions envers les familles, les jeunes, les personnes âgées. L'ordonnance a reçu un avis favorable de la CNAF, nous attendons l'avis du Conseil territorial. Sur la revalorisation des retraites, l'arrêté sera pris dans quelques semaines, après l'avis de la Caisse de prévoyance sociale, et avec effet rétroactif à avril 2013. Pour rendre automatique la revalorisation, dans le cadre de la convergence nationale, l'article 34 de la loi sur les retraites prévoit une nouvelle habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance ; le travail a déjà été entrepris, il faudra environ six mois pour l'achever.

Sur l'extension des aides au logement qui figure à l'article 25 de la loi de régulation des activités économiques outre-mer, un avis a été rendu en mai dernier par le Conseil d'Etat, qui introduit un doute sur la compétence logement : il semble que la collectivité soit compétente, le Gouvernement a saisi à nouveau le Conseil d'Etat pour savoir à quelles conditions il peut financer le logement.

J'ai demandé que dans le contrat de développement, les priorités des communes soient prises en compte et non seulement celles du conseil territorial. Le président de la République lui-même a décidé de déposer un dossier à l'ONU sur le plateau continental. Néanmoins, l'affaire est délicate, et M. Laurent Fabius l'a souligné, il faudra être très mesuré pour que la France ne soit pas désavouée par les juges de la Commission des limites du plateau continental.

Enfin, un message à M. Georges Patient : les opérateurs doivent comprendre que les choses avancent, point n'est besoin de bloquer l'économie du pays, je le dis après ce qui s'est passé dans les universités. Le BTP menace à présent de défiler, je demande au secteur de n'en rien faire, nous comprenons les problèmes et travaillons à des solutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Nous répondrons à vos sollicitations sur tous les dossiers, pour apporter notre contribution. Merci de toutes ces informations.