Intervention de Corinne Bouchoux

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 14 novembre 2013 : 1ère réunion
Lutte contre le système prostitutionnel — Audition de Mme Catherine Coutelle députée présidente de la délégation aux droits des femmes de l'assemblée nationale et Mme Maud Olivier députée membre de la délégation aux droits des femmes de l'assemblée nationale

Photo de Corinne BouchouxCorinne Bouchoux :

Je vous remercie de cette présentation très claire ; les sénateurs membres du groupe Écologistes au Sénat ont des avis divers sur ce sujet de la prostitution, tant dans leurs analyses que dans les votes qu'ils seront amenés à exprimer ; cette pluralité d'opinions s'explique par des parcours personnels différents. Ce sujet est compliqué pour chacun. Pour ma part, j'assume pleinement mes trente années passées au sein du Planning familial et mes dix années de militantisme au sein de l'association LGBT (Lesbiennes, Gays, Bi et Trans en France).

La prostitution est un sujet extrêmement inconfortable pour les politiques en général mais plus encore pour les parlementaires - en tout cas au Sénat - pour lesquels l'imagerie populaire prête traditionnellement une connectivité avec le recours à la prostitution, toutes familles politiques confondues. Ce sujet est donc difficile pour les parlementaires, d'autant plus que les développements qu'il a connus ces deux dernières années ont encore compliqué la donne. Aussi nos collègues masculins sont-ils soumis à cette injonction : voter les dispositions de la proposition de loi quoi qu'ils en pensent, ou émettre des critiques sur celles-ci, au risque de se sentir suspectés d'être des « clients ». Le débat s'en trouve singulièrement compliqué.

Je reviens à la proposition de loi : n'aurait-il pas été préférable de travailler sur une proposition de loi concernant la lutte contre les mafias, dans laquelle un texte sur la prostitution et l'aide aux prostituées se serait ensuite inscrit tout naturellement ? En effet, le texte actuel doit porter à lui seul la lutte contre les réseaux de prostitution et la prise en compte du sort des personnes prostituées.

Au regard de l'enjeu économique majeur que représente la prostitution, la lutte contre les mafias aurait dû faire l'objet de travaux significatifs de nos institutions respectives, ce qui n'a pas été le cas. On ne s'attaque pas à la vraie question des mafias.

Lors d'un récent colloque organisé par ma collègue Esther Benbassa se sont exprimées des prostituées « traditionnelles » venues de sept villes différentes. Elles ont précisé que les seuls emplois substitutifs à leur activité de prostitution qui leur aient été proposés se limitaient à des emplois de femmes de ménage ou d'auxiliaires de vie. N'y aurait-il pas d'autres activités à leur proposer pour leur offrir une réelle alternative, gage d'un véritable décrochage de la prostitution ?

Par ailleurs, je me demande pourquoi vous n'avez pas retenu le principe de la taxation de ces clients de préférence à celui de l'amende : ce n'est pas la même chose du point de vue économique.

Au regard des chiffres dont je dispose, c'est-à-dire 20 000 personnes prostituées en France, dont 20 % de prostituées dites « traditionnelles », comment Pôle Emploi voit-il les choses pour sécuriser le volet de la proposition de loi concernant l'insertion professionnelle ? En ce qui me concerne, je n'ai pas de certitude sur cet aspect de la proposition.

Il faudrait que cette proposition de loi ait aussi une vertu pédagogique pour poser autrement le débat de la prostitution et faire changer le regard que l'on porte sur les personnes prostituées. Nos hémicycles respectifs, caractérisés par une forte homogénéité sociale, gagneraient à compter dans leurs rangs des personnes portant une telle voix. La compréhension de nos travaux par le terrain en serait facilitée.

Si je comprends les dispositions de votre proposition de loi, je reste dubitative sur leur mise en oeuvre, notamment dans ma circonscription du Maine-et-Loire. Je demeure perplexe devant un sujet si complexe, où les mafias occupent une place prépondérante depuis les vingt dernières années. Peut-on arriver à lutter contre la prostitution sans lutter frontalement contre les mafias ?

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