Intervention de Laurence Rossignol

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 14 novembre 2013 : 1ère réunion
Lutte contre le système prostitutionnel — Audition de Mme Catherine Coutelle députée présidente de la délégation aux droits des femmes de l'assemblée nationale et Mme Maud Olivier députée membre de la délégation aux droits des femmes de l'assemblée nationale

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol :

Je remercie nos collègues Maud Olivier et Catherine Coutelle pour le travail qu'elles ont réalisé à l'Assemblée nationale. Ce texte permet enfin de progresser sur ce sujet de la prostitution, longtemps laissé en jachère. J'ai relu récemment une tribune que j'avais écrite en 2006 dans le journal « Libération », intitulée « Prostitution : cherchez le client ! ». C'était au moment de la Coupe du monde de football à Berlin, qui avait donné lieu à l'ouverture d'Eros center auprès des stades. C'est d'ailleurs souvent le cas lors de congrès ou de manifestations sportives. Or, rien n'a changé depuis.

Cette proposition de loi inscrit dans le débat parlementaire un sujet apolitique. Elle est indispensable, car on ne pourra rester bien longtemps en équilibre précaire entre une position réglementariste et un abolitionnisme français assez hypocrite car, mis à part le délit de racolage passif, nulle disposition de notre architecture juridique ne sanctionne l'achat de services sexuels.

Les tenants du courant réglementariste en matière de prostitution, notamment dans les pays voisins, avancent sur cette ambiguïté. La multiplication d'Eros center en est le signe. Il faut sortir de l'ambiguïté française et soutenir clairement les pays qui sont passés dans un abolitionnisme actif, comme les pays scandinaves, car seule une coopération entre pays voisins permet de mettre un terme au déplacement d'activités illégales dans des pays limitrophes. Il est d'ailleurs remarquable que la Suède ait continué à mener une politique isolée en la matière pendant si longtemps.

Une majorité de Français est favorable à la pénalisation du client, un récent sondage le montre.

Pour répondre à Mme Corinne Bouchoux, la taxation est une démarche totalement différente de la pénalisation et relève d'une approche réglementariste de la prostitution.

Toutes les questions techniques posées par cette proposition de loi ne pourront être résolues immédiatement dans notre pays qui connaît un taux de chômage important et un déficit public significatif. Certes, des actes de prostitution pourront toujours se produire : il n'existe pas de loi qui ne soit pas contournée. L'existence de tricheries n'est pas une raison pour ne pas légiférer : faut-il remettre en cause les assurances sociales sous prétexte qu'il y a des gens qui trichent ?

Néanmoins, même si cette proposition de loi ne permet pas d'éradiquer la prostitution, elle est un témoignage important du message portée par notre société : l'humanisme et l'égalité sont pour nous des valeurs structurantes, ce qui suppose que l'achat de services sexuels soit interdit.

On ne peut accepter que l'achat du corps de l'autre, et principalement celui des femmes, soit un commerce légal. Accepter l'achat de services sexuels tout en luttant contre les représentations symboliques et collectives préjudiciables aux femmes n'est pas cohérent.

C'est la raison pour laquelle je soutiens la proposition de loi car, comme le disent les Suédois dans le préambule de leur texte, « il n'y aura pas d'égalité possible entre les hommes et les femmes tant que l'on pourra louer ou acheter le corps des femmes ». Cette proposition de loi est donc particulièrement importante pour des raisons d'éthique.

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