Intervention de Aurélie Filippetti

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 14 novembre 2013 : 1ère réunion
Projet de loi de finances pour 2014 — Audition de Mme Aurélie Filippetti ministre de la culture et de la communication

Aurélie Filippetti, ministre :

Le CSA a été saisi de l'affaire. À l'occasion des Assises internationales du journalisme, la semaine dernière, j'ai annoncé le lancement d'une mission de réflexion sur la création d'une instance de déontologie de l'information, en étudiant les pratiques des pays voisins.

Les aides au pluralisme diminuent légèrement, en raison de la disparition de France Soir. Il n'était pas évident de maintenir ces 11 millions d'euros : j'y suis parvenue. Je me suis même opposée aux préconisations du rapport de Roch-Olivier Maistre qui préconisait de rassembler les aides dans un pot commun. J'ai tenu à maintenir la spécificité des aides au pluralisme. L'effort du gouvernement est remarquable sur ce point.

Si la TVA sur la presse en ligne n'a pas été abaissée en 2013, c'est que nous étions alors en contentieux avec la Commission européenne sur le livre. Nous discutons toujours de l'hypothèse d'une modification de la directive TVA. Quoiqu'il arrive, la TVA sur la presse en ligne sera réduite en 2014.

Nous souhaitons mieux cibler les aides de l'État sur l'accompagnement à la transition industrielle et numérique. Les interventions sont aujourd'hui nombreuses, dispersées ; et leurs effets parfois contradictoires. Nos choix reposent sur une aide transversale : la TVA à 2,1 % pour tous. Distinguer les taux de TVA selon la nature des titres n'était pas envisageable : voyez les suppléments et magazines du week-end, qui ne sont guère d'information politique et générale mais sont lancés par des titres relevant de cette catégorie.

L'évolution des technologies nous conduit aussi à rationaliser les aides : celle aux rotatives sera précédée d'une étude d'impact approfondie, afin de vérifier qu'il n'existe pas déjà alentour des surcapacités.

Les aides au postage seront supprimées pour éviter les effets d'aubaine. La presse doit faire sa transition économique et écologique. L'État ne peut être le recours systématique. La levée du moratoire sur les aides postales faisait partie des préconisations du rapport Maistre. En contrepartie, nous augmentons l'exonération de charges sociales pour les vendeurs-colporteurs de presse, y compris pour la presse magazine d'information politique et générale : c'est un choix fort. Le contrat qui lie La Poste à l'État peut évoluer. Un avenant a déjà été signé. Une mission travaillera sur la fin du moratoire et les relations entre l'État, la Poste et les éditeurs à horizon 2015, à l'échéance des accords Schwartz de 2009.

Les crédits du fonds stratégique ont été ciblés sur l'information politique et générale et les tarifs postaux modulés selon que les titres relevaient de l'information politique et générale ou non, et selon la part de ressources publiques reçues. Nous préparons le choc de 2015 : il est donc pertinent de lisser ces évolutions sur deux ans. La médiation sera conduite par l'inspection générale des affaires culturelles et l'inspection générale des finances. La fin du moratoire doit nous conduire à trouver un nouvel équilibre entre l'État, La Poste et les éditeurs.

Sur l'INA, je m'étonne que la trésorerie des établissements publics puisse être considérée comme leur propriété. Ils sont financés par l'argent public. En outre, pourquoi certains établissements accumulent-ils un tel fonds de roulement ? En temps de crise, la pratique est particulièrement contestable. Rien ne s'oppose à ce que l'État puise dans cette manne, du moment que cela ne remet pas en cause le fonctionnement de l'établissement. En l'occurrence, l'État n'a prélevé que 20 des 30 millions d'euros accumulés par l'INA, que celle-ci destinait au financement d'un projet, non de 80 mais de 120 millions d'euros - au départ... Les dérives de certains chantiers devraient nous faire réfléchir. On nous reproche de dépenser de l'argent pour achever la Philharmonie de Paris, mais on critique également mon refus de reproduire cette erreur ! Cela étant dit, je ne conteste pas qu'il faille des locaux adaptés à la conservation des archives : j'ai demandé une mise aux normes des bâtiments actuels. Le prochain contrat d'objectifs et de moyens pour 2015-2019, dont la négociation commencera au second semestre 2014, sera l'occasion de travailler à un autre projet. Je précise qu'il n'y a pas de recul de la dotation de l'INA, et que le point de départ pour établir les dotations futures sera le niveau de 90 millions d'euros inscrits en loi de programmation budgétaire, non les 69 millions de 2014.

Le rapport de Laurent Vallet me sera remis avant Noël. Il traitera notamment du pourcentage minimal de financement des oeuvres pour entrer dans la catégorie des coproductions, des mandats de commercialisation, etc.

Monsieur Legendre, sanctuariser un budget, souvent, signifie ne rien changer au fonctionnement présent. De plus, on peut sanctuariser un budget et tout modifier à l'intérieur, ou consacrer beaucoup de ressources à des dépenses inutiles.

Le financement de la numérisation des oeuvres indisponibles sera assuré par le Commissariat général à l'investissement, sur le programme des investissements d'avenir. Le CNL participera à cette opération à forte dimension patrimoniale. La numérisation sera effectuée par la BnF. La question de la participation patrimoniale est réglée, pas celle de la participation commerciale : néanmoins, que l'on ne compte pas sur l'État pour suppléer des partenaires privés réticents. J'ai reçu les éditeurs. J'ai fait une proposition, qui sera examinée par eux comme par le commissaire général à l'investissement.

Nous avons largement abordé la question de la Hadopi avec David Assouline ici-même. Nous en reparlerons lors de l'examen du projet de loi sur la création en 2014. La lutte contre la contrefaçon continue, comme en témoigne la condamnation prononcée mardi dernier à Thionville. Les 6 millions d'euros alloués à la Hadopi lui permettront d'exercer ses missions, sans compter qu'elle dispose de 5 à 6 millions d'euros de fonds de roulement. Nous travaillerons avec elle et le CSA pour cibler au mieux ses besoins pour l'année prochaine.

La Tribune n'est pas morte, elle a changé de modèle et le personnel semble très satisfait des nouvelles perspectives. Je n'ai en revanche pas de commentaires à faire sur la disparition de France Soir. Les titres vivent et meurent. Ce n'est pas à l'État de maintenir sous perfusion des quotidiens non viables.

Le poids économique de la culture, bien sûr, n'est pas le seul aspect à considérer. Cependant, il est légitime de s'interroger. Si les aides sont insuffisamment ciblées, ou contradictoires, elles deviennent contreproductives. Il était nécessaire de les réorienter afin d'accompagner la modernisation du secteur.

Je suis attentive au respect de la loi sur le prix unique du livre, et je veux éviter les contournements par le recours aux market places comme Amazon : certains vendeurs passent par ce canal pour vendre à prix d'occasion des livres neufs. Nous créons un médiateur du livre, et les agents du ministère seront assermentés pour constater les infractions à cette loi.

Monsieur Le Scouarnec, favoriser les libraires indépendants dans les appels d'offres des collectivités territoriales pour l'approvisionnement des bibliothèques nécessiterait de modifier le code des marchés publics, ce qui n'est pas facile et requiert la collaboration de Bercy.

Le nouveau système de contrôle des publications pour la jeunesse semble fonctionner correctement. Nous travaillons avec la Chancellerie et le ministère de l'Intérieur. Nous en dresserons un bilan en 2014.

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