L’article 22 porte sur les modalités de recouvrement des cotisations au Régime social des indépendants, le RSI. Chacun sait que cette structure, accablée de dysfonctionnements, est devenue une véritable machine à broyer les professions indépendantes ! De fait, on ne compte plus les dépôts de bilan, les dépressions, voire les suicides provoqués par les problèmes constatés dans le calcul et le recouvrement des cotisations.
Nous considérons que cet article - dans notre esprit, une disposition de pur affichage - n’apportera guère de remèdes à ces dysfonctionnements : pour qui connaît le fonctionnement des petites entreprises et des professions indépendantes, il est clair que calculer les cotisations pour l’année en cours sur l’année N-1, au lieu de l’année N-2, ne changera pas grand-chose.
En effet, la régularisation sur le résultat réel aura lieu, de toute façon, avec, dans certains cas, des délais de recouvrement importants. Surtout, que la référence soit l’année N-1 ou l’année N-2, on méconnaît totalement les fluctuations qui peuvent se produire dans l’activité d’une entreprise indépendante : celle-ci peut, une année, enregistrer un gros résultat, parce qu’elle a travaillé sur un chantier important ou qu’elle a été particulièrement performante, et, l’année suivante, parce qu’une créance n’a pas été honorée ou qu’un chantier s’est mal passé, connaître une forte baisse de son résultat ; elle risque de « surprovisionner » ses cotisations.
Acquitter ce que l’on doit, rien de plus, et au moment où on le doit : tel est le principe qui devrait prévaloir !
Du reste, une telle règle existe en droit fiscal : il est possible de limiter les acomptes provisionnels lorsque l’on estime que le revenu de l’année en cours est inférieur à celui de l’année précédente.
J’ai d’abord eu l’intention de présenter un amendement visant à instaurer la même possibilité s’agissant des cotisations au RSI. Puis j’ai découvert à ma grande surprise que, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, le ministre de l’époque, Valérie Pécresse, avait fait adopter une disposition permettant aux artisans, aux commerçants et aux professions libérales de demander le calcul des cotisations pour l’année en cours sur le fondement d’une évaluation de leur résultat réalisée sous leur propre responsabilité.
La règle, simple, qui existe en matière fiscale peut donc aussi s’appliquer aux cotisations au RSI.
Le dispositif adopté sur l’initiative du précédent gouvernement prévoit même la possibilité d’une pénalité au cas où le résultat différerait d’un tiers par rapport à l’estimation ; un décret d’application est paru, qui la fixe à 5 %.
Tout est donc déjà prévu ; il suffit d’appliquer les textes ! Partant, on simplifierait d’une manière considérable la vie des indépendants, littéralement torturés par la crainte de rappels importants au titre du RSI.
Les services de ce régime, que nous avons interrogés, ont invoqué la nouveauté du dispositif pour expliquer les difficultés constatées.
Tout de même ! S’agissant d’une mesure prévue dans la loi et susceptible de simplifier à ce point la vie des petites entreprises, je pense qu’il est du devoir du RSI de faire connaître aux assujettis qu’ils ont le droit d’y recourir. En réalité, on a plutôt l’impression qu’elle gêne et que, en catimini, on a décidé de l’appliquer le moins possible…
Madame le ministre, je vous ai interrogée, il y a quelque temps, sur ces dysfonctionnements : vous m’avez répondu avoir donné des instructions pour que le contact humain entre les permanents du RSI et les entreprises soit facilité, notamment grâce à la mise en place d’une plateforme, outre le décalage de cotisations que vous proposez dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale. Aujourd’hui, je vous lance cet appel : demandez au RSI d’appliquer ce nouvel article du code de la sécurité sociale !
Plus généralement, il faudra bien que l’on entreprenne, et très rapidement, une réforme de fond de ce régime, dont le fonctionnement a été qualifié par la Cour des comptes de « catastrophe industrielle ». En effet, un dysfonctionnement est apparu entre les services des URSAFF et ceux du RSI, qui n’était pas prévu à la création de ce régime.
Nous avons proposé qu’un rapport parlementaire soit préparé sur ce sujet. Il faut que tous les acteurs travaillent ensemble pour présenter des propositions de simplification et d’amélioration du RSI.
Telles sont, madame le ministre, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles les sénateurs de mon groupe ne voteront pas l’article 22.