Comment pouvez-vous tolérer cela, madame la ministre ?
Sur le haut débit et le très haut débit, même chose : aucune amélioration n’a été concrètement observée sur le terrain, au-delà des critiques du gouvernement précédent, des déclarations, des feuilles de route et autres missions.
Pire, les socialistes ont montré leur duplicité sur le sujet lorsque, après avoir adopté, ici même, en février 2013, la proposition de loi que j’avais déposée avec Philippe Leroy visant à assurer l’aménagement numérique des territoires, ils ont voté contre à l’Assemblée nationale quelques mois plus tard.
Entre-temps, les socialistes étaient passés de l’opposition à la majorité et, à ce titre, obtempéraient à la nouvelle ministre chargée du numérique, qui reprenait mot à mot les termes de son prédécesseur, Éric Besson, c’est-à-dire ceux des opérateurs.
En matière de démographie médicale, où sont les dispositions de la proposition de loi de Jean-Marc Ayrault sur le bouclier rural, qui visait, en 2011, à soumettre l’installation des médecins à une autorisation préalable ? Elles sont, comme tant d’autres, oubliées !
Sur ce sujet aussi, le parti socialiste recule et Mme Touraine, dont nous connaissons bien, dans cette assemblée, l’arrogance, critique ses prédécesseurs mais ne propose que des mesurettes qui ont prouvé, en vingt ans, leur inefficacité.
En matière d’infrastructures, le Gouvernement a enterré ou reporté aux calendes grecques, à la suite du rapport Duron, nombre de liaisons autoroutières, ferroviaires ou fluviales, invoquant le fait qu’elles ne seraient pas rentables, notion, vous en conviendrez, mes chers collègues, quelque peu antinomique avec celle d’égalité des territoires.
Autre sujet qui montre que l’égalité des territoires non seulement ne progresse pas, mais au contraire régresse : la réforme des rythmes scolaires. Peut-on imaginer réforme plus inégalitaire ?
Car si cette réforme peut, certes avec difficulté, s’appliquer dans les grandes villes disposant de personnels et de locaux, elle est tout simplement inapplicable dans nos petites communes.
Comment organiser des activités périscolaires dans un village où il n’y a pas d’autres salles que la salle de classe ?
Comment trouver du personnel compétent pour uniquement quarante-cinq minutes par jour ?
Je sais que cette réforme n’est pas la vôtre, madame la ministre, mais je ne crois pas vous avoir entendu émettre la moindre réserve sur ce sujet !
Enfin, la politique de matraquage fiscal et social mise en place par le Gouvernement porte atteinte à l’égalité des territoires dans la mesure où ce sont les entreprises les plus fragiles qui sont les premières victimes de cet acharnement du Gouvernement.
Les territoires qui s’en sortent le mieux sont ceux qui étaient les plus dynamiques, et ceux qui souffrent le plus sont ceux qui étaient déjà les plus faibles.
En période de crise, l’aménagement du territoire doit tout particulièrement se concentrer sur la création d’emplois dans les zones les plus fragiles.
Je n’aurai pas la cruauté, madame la ministre, de vous demander votre bilan sur ce point, alors que chacun observe que le Gouvernement en est réduit à saupoudrer les millions, parfois même les milliards, pour éteindre le feu dans les territoires. Voilà quelques jours, nous avons atteint le record de 4 milliards d’euros dispersés en une journée dans les territoires !
Cette situation est aggravée par un mal-être des territoires ruraux, qui observent que le Gouvernement n’aime pas la ruralité.
Pour s’en convaincre, il suffit d’observer le combat permanent du Gouvernement pour réduire le poids du monde rural dans les assemblées départementales et, ici même, au sein de la Haute Assemblée.
Face à cette réalité, vous allez certainement vous féliciter de la création d’un Commissariat général à l’égalité des territoires, dont on nous dit dans le « bleu » budgétaire que « cette nouvelle organisation sera un instrument de justice territoriale et de lutte contre les inégalités spatiales ».
Comme c’est joli ! Mais, en réalité, il n’aura guère plus de pouvoir ni de moyens que l’actuelle DATAR, la délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale.
J’ai assisté à l’audition du futur commissaire général devant notre commission le 14 octobre dernier : M. Delzant a été bien en peine d’expliquer la différence entre ce commissariat à l’égalité des territoires et la DATAR !
Madame la ministre, il ne suffit pas de changer le nom d’un organisme, ou même d’en créer un, comme Mme Pellerin, qui nous annonce une agence du numérique, pour être dans le concret et dans l’action.
De même qu’il ne sert à rien de multiplier les commandes de rapports, d’annoncer des schémas et de confier des missions, si ce n’est pour créer l’illusion et, par là même, la déception.
Vous avez demandé à Éloi Laurent un rapport sur le concept d’égalité des territoires ; j’ai d’ailleurs accepté d’y apporter ma contribution, prouvant ainsi ma bonne volonté... Et après ?
Quid de ce rapport, qui avait d’ailleurs juste oublié de traiter du numérique ? Même mes collègues socialistes s’en sont offusqués, c’est vous dire…
Ce rapport s’interroge sur le fait de savoir si la France en 2040 sera hyperpolisée, postpolisée, régiopolisée ou dépolisée ! Est-ce vraiment la question ?