Un ministère qui dispose d’une véritable transversalité et qui soit associé à toutes les décisions ayant un impact sur les territoires.
Tous les projets de loi, toutes les décisions doivent intégrer le critère d’aménagement du territoire ; leur impact au regard de l’égalité des territoires doit être évalué comme on le fait aujourd’hui en ce qui concerne la parité. Si nous mettions la même énergie à faire de l’égalité des territoires un devoir politique et moral que nous le faisons – à juste titre – pour la parité entre les hommes et les femmes, la situation s’améliorerait.
Deuxièmement, il faut que l’État se recentre sur ses vraies missions, qu’il s’occupe moins de la sphère économique, qu’il laisse les entreprises se créer, se développer et qu’il allège leurs contraintes. L’État, lui-même ainsi allégé de tâches qui ne sont pas les siennes, pourra se concentrer sur ses missions régaliennes, parmi lesquelles figure, au premier rang, l’aménagement du territoire.
À ce titre, il doit s’investir réellement, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, sur le déploiement des réseaux, c’est-à-dire des infrastructures routières, ferroviaires, fluviales et numériques.
Je rappelle qu’en matière de très haut débit le Gouvernement a confirmé le choix de son prédécesseur – après l’avoir critiqué – de laisser l’initiative du déploiement aux opérateurs privés et la liberté pour eux de déployer uniquement là où ils ont envie de le faire. Comme ce sont des entreprises privées, elles déploient uniquement dans les secteurs rentables, obligeant les collectivités locales à intervenir dans les zones non rentables.
Ce système est totalement antinomique avec la notion d’égalité des territoires.
Tout d’abord, parce que c’est dans les départements les plus ruraux, c’est-à-dire les plus pauvres, que les opérateurs investissent le moins, voire pas du tout, obligeant par là même les collectivités à investir, à un coût élevé pour le contribuable. Il l’est également puisque, selon la capacité financière des collectivités locales et leur volontarisme en la matière, le déploiement des réseaux sera extrêmement différent d’un département à l’autre.
En matière de numérique, les inégalités vont donc continuer à croître.
Il faut sortir de cette logique. Il faut également que l’État s’attache à assurer une véritable couverture de notre territoire en téléphonie mobile, ce qui, je l’ai dit, n’est toujours pas le cas aujourd’hui.
Troisièmement, l’État doit veiller à ce que nos territoires puissent, pour être vivants, bénéficier non seulement d’infrastructures, mais aussi de services. Des services, ce sont d’abord des services publics, notamment en milieu rural.
J’observe à cet égard que le seul projet concret du Gouvernement qui nous a été présenté dans le cadre de la préparation de la loi de finances pour 2014, c’est la généralisation, à l’horizon 2017, du dispositif « + de services publics », expérimenté par notre collègue Michel Mercier lorsqu’il était ministre.
J’ajoute, sur un autre sujet, que c’est également sur l’initiative de notre groupe politique que l’on a instauré dans la loi postale le principe des 17 000 points postaux présents sur le territoire.
Les services, c’est également l’accès aux soins. Je me permets à cet égard de vous rappeler les conclusions de notre groupe de travail sur la démographie médicale adoptées à l’unanimité et qui prônent des mesures ambitieuses en termes de régulation de l’installation des médecins, mesures indispensables si l’on veut un jour mettre un terme à la désertification médicale.
Quatrièmement, l’État doit tout mettre en œuvre pour favoriser la création d’emplois dans les zones fragiles. Les infrastructures et les services publics y contribuent. Il faut que des politiques incitatives le permettent également, et il faut que l’État employeur, comme cela s’est fait dans le passé, donne l’exemple et n’hésite pas à délocaliser certains de ses services pour dynamiser des territoires.
J’évoquais ainsi, voilà quelques jours, avec mon collègue Henri Tandonnet, l’exemple réussi de l’implantation de l’École nationale d’administration pénitentiaire dans le Lot-et-Garonne. Cette implantation décidée en septembre 1994 a permis de dynamiser un territoire en renforçant la présence étudiante. Il y a 6 000 étudiants par an à Agen grâce à cette école, ce qui a indubitablement des conséquences sur l’économie locale.
Cinquièmement, à une époque où l’argent public est rare, je ne vous dirai pas qu’il faut injecter plus d’argent, je vous dirai, au contraire, qu’il faut optimiser les crédits.
À quoi sert de dépenser des sommes élevées pour créer des maisons de santé subventionnées par le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire sans être certain que des médecins viendront s’y installer et sans que le ministère de la santé ou le vôtre ne s’en préoccupe ?
Le moins que l’on puisse exiger lorsque l’on finance une maison de santé, c’est de s’assurer que cet équipement réglera le problème de l’accès aux soins, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas ; je connais un certain nombre d’exemples qui l’attestent.
Sixièmement, sur la méthode, l’État doit veiller à travailler en étroite collaboration avec les élus et non contre eux. Quel que soit le rôle de l’État, qui est primordial, en matière d’égalité des territoires, ce ne doit être à aucun moment l’État contre les collectivités locales.
Je voudrais à cet égard prendre l’exemple du développement de l’éolien.
Comment accepter que des permis de construire soient attribués pour des éoliennes contre l’avis unanime des communes concernées ? Il faut une vision nationale du déploiement de ces infrastructures, qui n’existe pas aujourd’hui, et ensuite une déclinaison locale en concertation avec les élus locaux.
Il n’est pas acceptable que des décisions qui impactent l’avenir d’un territoire soient prises contre la volonté de ceux qui en ont la responsabilité.
L’ambition de l’État ne doit pas aboutir à déposséder les élus locaux des projets de leur territoire.
Voilà, madame la ministre, quelques axes de réflexion qui me semblent prioritaires.
La mission, j’en conviens, n’est pas mince, nous avons cependant la conviction profonde que cette tâche est non seulement nécessaire mais indispensable si nous souhaitons sortir de cette crise et faire de l’égalité des territoires non pas un slogan pompeux mais une réalité concrète.
Il faut simplement, oserais-je dire, une vraie volonté politique, que le Gouvernement ne semble pas avoir.
En conclusion, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais vous citer ces quelques mots prononcés par Georges Pompidou, alors Premier ministre, devant l’Assemblée nationale. Pour présenter l’action de son gouvernement – qui créa la DATAR, il y a tout juste cinquante ans – pour lutter contre l’inégalité entre les territoires, il disait : « Le but de l’action gouvernementale est de remédier à cette inégalité et de tendre vers l’équilibre. Nous en avons tous conscience et nous devons nous pénétrer de l’idée que, de notre action, nous ne tirerons aucune autre satisfaction que celle d’avoir contribué de notre mieux à préparer une France plus harmonieuse ».
Madame la ministre, travailler à préparer une France plus harmonieuse, cet objectif est plus que jamais d’actualité. Nous apprécierions qu’il inspire l’action du Gouvernement dont vous êtes membre et qu’ainsi vous puissiez vraiment agir dans cette direction. §