Intervention de Hélène Masson-Maret

Réunion du 18 novembre 2013 à 17h00
Débat sur la politique d'aménagement du territoire

Photo de Hélène Masson-MaretHélène Masson-Maret :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous le savons tous, l’aménagement du territoire est un domaine sensible. En effet, qu’il s’agisse de la politique de grands travaux, de la couverture numérique, du développement du ferroviaire, ou encore des pôles de compétitivité, toutes les actions liées à l’aménagement du territoire ont un coût, qu’il soit assuré par l’État, les collectivités ou des sociétés commerciales.

De plus, ces investissements, nous le savons également, sont peu valorisants pour les gouvernements, qui ne récoltent que trop tardivement les fruits de leurs arbitrages.

Pourtant, c’est bien à l’État qu’il convient de définir les grands axes de la politique d’aménagement du territoire.

Or, malgré les efforts des précédents gouvernements qui ont largement investi dans l’aménagement du territoire en mettant en place les pôles de compétitivité, le Grand Paris, la couverture numérique avec les réseaux d’initiative publique, le financement de lignes à haute vitesse, il est nécessaire aujourd’hui, madame la ministre, de prendre conscience du fossé qui se crée entre les hyper-centres connectés à la mondialisation et le reste de nos territoires plus démunis, meurtris, comme vous l’avez souvent dit.

Ce constat va à l’encontre même de l’esprit de la politique d’aménagement du territoire et de l’égalité des territoires. Il n’est donc pas supportable.

Il faut l’admettre, les gouvernements précédents n’ont sans doute pas réussi à répondre pleinement à la progression de l’inégalité des territoires. Mais, malheureusement, madame la ministre, en ce qui concerne le gouvernement actuel, malgré l’avancement du phénomène, il ne semble pas que vous proposiez de réponses plus ambitieuses, au contraire.

Je voudrais ici justifier mes propos. Si l’on établit une rapide comparaison entre les projets annuels de performance des programmes 112 et 162 pour les années 2012 et 2014, celle-ci montre une continuité, entre le gouvernement précédent et le gouvernement auquel vous appartenez, dans la plupart des objectifs assignés à la politique des territoires.

Cette continuité se traduit dans quelques objectifs incontournables, tels que la redynamisation des territoires ruraux, ou encore le soutien au développement des pôles de compétitivité.

Remarquons que l’on trouve en supplément, en 2014, de nombreux vœux pieux sur le développement solidaire des territoires. Cela est louable, madame la ministre, mais quels outils sont proposés par le Gouvernement pour réaliser ce développement ?

Pour étayer mes propos, prenons quelques exemples et quelques dates. Les pôles d’excellence ruraux, dont un rapport d’information sénatorial nous informe de la réussite, ont été créés en 2005. C’est lors du Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, le CIADT, en 2010 qu’ont été prises l’ensemble des mesures afférentes à la valorisation du potentiel des territoires ruraux, comme les maisons de santé. C’est encore le 28 septembre 2010 que l’accord « + de services au public » a été signé par neuf opérateurs nationaux et l’État.

Force est de constater que vous utilisez les outils mis en place par le gouvernement précédent. Je constate que lorsqu’il s’agit des objectifs, entre 2012 et 2014, les trois quarts des indicateurs sont restés identiques. Je ne peux que vous en féliciter, madame la ministre !

Malheureusement, les politiques des territoires du gouvernement précédent et du gouvernement actuel se distinguent lorsqu’il s’agit d’évoquer les dépenses.

C’est notamment ce qu’indique l’analyse des crédits de la mission « Politique des territoires » du projet de loi de finances pour 2014. L’examen de ce texte dans quelques jours m’oblige à m’attarder un instant sur des considérations budgétaires. Pardonnez-moi d’anticiper sur l’analyse détaillée des objectifs et des crédits afférents à cette mission, mais elle constitue, madame la ministre, le point cardinal de la politique de l’État en faveur de l’aménagement du territoire.

Première constatation : la mission « Politique des territoires » est dotée de 281 millions d’euros ; sa dotation baisse donc pour la deuxième année consécutive, puisque la loi de finances pour 2013 prévoyait 310 millions d’euros et la loi de finances pour 2012, 340 millions d’euros.

Deuxième constatation, plus grave encore : plus de la moitié des 30 millions d’euros d’économies sont réalisés sur l’action 2 du programme 112, intitulée « Développement solidaire et équilibré des territoires ». Les autorisations d’engagement passent ainsi de 133 millions d’euros pour 2013 à 110 millions d’euros pour 2014. Or, madame la ministre, c’est précisément cette action qui finance l’égalité d’accès des usagers aux services publics, notamment – mes collègues l’ont déjà souligné – dans les zones rurales, ainsi que l’amélioration de l’accès à l’offre des soins par l’achèvement du financement des 300 maisons de santé pluridisciplinaires. Où en est-on ?

À l’évidence, ces restrictions budgétaires mettent en danger la continuité des engagements pris dans le cadre de la politique d’aménagement du territoire. Aussi souhaiterais-je, madame la ministre, que vous nous éclairiez sur la façon dont vous allez pouvoir tenir ces engagements. Cela me paraît capital.

Je me suis également demandé si les baisses de crédits résultaient uniquement d’économies sur les dépenses de fonctionnement. Il n’en est rien. Malgré la création du Commissariat général à l’égalité des territoires, en remplacement – on ne sait pas très bien pourquoi – de la DATAR, du secrétariat général du comité interministériel des villes et de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, les dépenses de fonctionnement augmentent par rapport aux autorisations d’engagement ouvertes en 2013, passant de 10, 3 millions d’euros à 10, 4 millions d’euros. Ce sont donc les dépenses d’intervention qui vont baisser : les autorisations d’engagement passent de 235, 7 millions d’euros pour 2013 à 219, 6 millions d’euros pour 2014.

Afin de ne pas anticiper davantage sur l’examen du projet de loi de finances, je reviendrai maintenant sur un exemple précis, déterminant pour l’égalité des territoires. Cet exemple, qui concerne particulièrement l’aménagement de mon département, les Alpes-Maritimes, mais pas seulement, témoigne à l’évidence du désengagement de l’État. Il s’agit du rapport de la commission « Mobilité 21 » sur la mobilité durable, présenté en juin dernier ; il s’agit surtout – c’est ce point que je veux souligner – de la réaction du Gouvernement, qui a salué un rapport prônant l’arrêt des constructions de lignes à haute vitesse. Madame la ministre, je souhaiterais savoir si le Gouvernement va ainsi bloquer le progrès économique, social et environnemental, au détriment du développement durable.

Les constructions de lignes à haute vitesse sont en effet indispensables pour redynamiser une aire géographique et préserver la qualité environnementale des territoires concernés. Le rapport prône notamment le développement des transports périurbains. Bien sûr, le développement de l’offre de transports périurbains est essentiel au regard des évolutions démographiques, mais elle trouvera à s’appliquer avec une intervention moindre de l’État – c’est cela qu’il importe de souligner –, ce qui n’est pas le cas de la construction des grands axes et du désenclavement de certaines régions, où l’État est et doit être le principal acteur.

Je pose donc la question au Gouvernement : quel sort compte-t-il réserver aux lignes à grande vitesse Montpellier-Perpignan et Paris-Nice ? Madame la ministre, ces deux projets ont en commun d’être essentiels pour l’économie de régions frontalières. Je dirai rapidement quelques mots sur la ligne Montpellier-Perpignan. La construction de cette ligne a été retardée à de nombreuses reprises depuis vingt ans. La situation est telle que le président socialiste du conseil général de l’Aude, André Viola, a annoncé qu’il ne recevrait plus de ministre en visite dans son département tant que le Gouvernement resterait désespérément muet sur le sujet.

J’en viens maintenant à la ligne à grande vitesse Paris-Nice, qui est essentielle pour le développement de mon département des Alpes-Maritimes. Je rappelle pour mémoire – c’est important – les trois objectifs du grand projet ferroviaire Sud Europe Méditerranée : désenclaver l’est de la région, faciliter les déplacements à l’intérieur de la région et constituer le chaînon manquant de l’arc méditerranéen Barcelone-Marseille-Gênes. Au vu de ces trois objectifs, il est évident que la construction de la ligne Paris-Nice permettrait de rationaliser l’offre de transport pour toute la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et accentuerait l’attractivité des départements de cette région.

Soulignons également que, à l’instar de la ligne Paris-Perpignan, cette liaison est essentielle pour des raisons de souveraineté, je dis bien « pour des raisons de souveraineté ». Madame la ministre, vis-à-vis de nos voisins européens, nous devons nous occuper du désenclavement de nos périphéries.

La situation est d’autant plus gênante pour la France que ces régions frontalières luttent sur le terrain de l’attractivité économique avec des régions européennes mondialement connues ; je pense notamment à la Catalogne, côté espagnol, et à la Lombardie, côté italien.

Je demande donc au Gouvernement, en raison des inquiétudes des élus et des populations, de définir les grands axes de sa politique d’infrastructure ferroviaire dans la perspective de l’examen du projet de loi relatif au ferroviaire et de l’adoption du quatrième paquet ferroviaire européen.

En conclusion – puisqu’il est temps de conclure ce bilan alarmant –, le groupe UMP manifeste de vives inquiétudes à l’endroit de la politique d’aménagement du territoire du Gouvernement. La politique d’aménagement du territoire est en danger, et le mal est profond et insidieux.

Prenons un dernier exemple. Si nous accueillons favorablement le nouveau modèle de convention visant à faciliter le déploiement de la fibre optique en France, nous considérons que la fracture numérique ou technologique n’est en fait – je veux insister sur ce point – que le résultat malheureux d’un décrochage programmé – par le gouvernement actuel – des communes classées en zone de montagne, des communes rurales et des villes moyennes, qui ne semblent pas trouver leur place dans l’égalité des territoires ni dans la mondialisation. Or, madame la ministre, le travail de fond sur l’attractivité des territoires, indépendamment de l’offre technologique, n’a toujours pas été réalisé par le Gouvernement. Nous attendons. §

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