Intervention de Yvon Collin

Réunion du 18 novembre 2013 à 17h00
Débat sur la politique d'aménagement du territoire

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le Président de la République a rappelé, dès son élection, la nécessité de lutter contre la « fracture territoriale ». Comme certains d’entre nous l’ont souligné, il a créé à cet effet le bienvenu ministère de l’égalité des territoires, ce qui devrait permettre de prolonger un souci relativement constant de l’action publique, celui de l’aménagement du territoire. En effet, nous avons souvent légiféré en ce domaine, soit directement, par l’adoption de grandes lois, soit indirectement, à travers des textes ambitieux sur la politique rurale, les transports et le logement.

À l’issue de quelques décennies de pratique de la politique d’aménagement du territoire par l’État, mais aussi par les collectivités locales responsabilisées par la décentralisation, la question est de savoir si le déséquilibre entre le milieu rural et le milieu urbain apparu après la guerre s’est aggravé.

Je dirai, pour ma part, que le bilan est mitigé. Nous sommes heureusement loin, madame la ministre, du « désert français » décrit en 1947 par le fameux géographe Jean-François Gravier dénonçant la macrocéphalie parisienne.

L’espace rural a conservé un certain dynamisme, malgré la diminution de l’emploi agricole. Sans occulter les difficultés, je voudrais rappeler, comme le fait régulièrement l’Association des maires ruraux de France, qu’il faut changer de regard sur la ruralité pour lui donner sa véritable dimension, car l’espace rural représente tout de même 70 % de la superficie totale de l’Hexagone. Dans mon département de Tarn-et-Garonne, de trop nombreuses communes enregistrent plus de décès que de naissances. Pourtant, les lois de décentralisation ont donné des compétences aux collectivités locales, qui ont permis de maintenir, pour la plupart des communes, un cadre de vie et des équipements collectifs tous aussi attractifs que ceux des grandes villes.

Il est également vrai – et nous le déplorons tous, mes chers collègues – que l’on observe un retrait très progressif, mais certain, des services publics. Je pense en particulier à la poste, à la santé, à la justice et à la sécurité, avec un affaiblissement de la gendarmerie en milieu rural, qui subit pourtant de nouvelles formes de délinquance. La révision générale des politiques publiques, la RGPP, a ses limites : aujourd’hui, dans certains services de l’État, on a « atteint l’os ».

La couverture numérique, plusieurs orateurs l’ont rappelé, n’est pas non plus à la hauteur des besoins de tous les territoires. Il faut souvent plaider sa cause auprès des opérateurs pour qu’ils assurent une certaine continuité territoriale.

Je n’oublie évidemment pas l’emploi qui est une préoccupation plus aiguë lorsqu’on ne vit pas directement dans l’orbite d’une grande métropole. Quand les salariés du groupe Doux crient « Non à la misère ! », ils rappellent que le malaise de notre industrie touche en premier lieu les territoires ruraux, tandis que le milieu urbain, nous le savons, amortit mieux la crise. Pendant trente ans, grâce à un effet redistributif, la cohésion territoriale a semblé se maintenir, mais elle se fissure dangereusement aujourd’hui.

En réponse à ce constat, que pouvons-nous faire que nous n’ayons pas déjà expérimenté ? Récemment, nous avons déjà eu l’occasion de débattre de la politique d’aménagement du territoire. Je me réjouis de cette nouvelle initiative qui prolonge celle du groupe RDSE, auteur d’une proposition de résolution sur l’égalité territoriale que nous avions examinée l’année dernière. À l’époque, le président de notre groupe, Jacques Mézard, avait rappelé que la République, conformément à ses valeurs fondatrices, était garante de l’égal accès des citoyens aux services publics, mais aussi à l’emploi et au logement.

Cela suppose, mes chers collègues, de se remobiliser pour une nouvelle politique d’aménagement du territoire adaptée aux nouveaux enjeux issus de la mondialisation. Certains outils publics ont besoin d’être toilettés. L’État ne doit pas être plus présent, mais plus efficace. La DATAR doit être réformée. Nous devons mettre en place une démarche planificatrice. Bien sûr, la question des moyens financiers est prégnante. À cet égard, soyons clairs : tant qu’il n’y aura pas de véritable péréquation, les inégalités entre territoires perdureront. Notre Constitution dispose pourtant à son article 72-2 que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ». Cette affirmation est fondamentale, mais disons-le sans détour, mes chers collègues, elle ne crée aucune contrainte.

Les outils existent : qu’il s’agisse de la péréquation verticale ou de la péréquation horizontale, nous disposons d’une palette de dotations et de fonds. Pour autant, la conjugaison de tous ces instruments n’aboutit pas à une véritable solidarité financière qui permettrait aux communes les plus concernées de mieux lutter contre les processus de désertification.

Nous savons comment le sentiment d’abandon alimente tous les populismes. C’est pourquoi, madame la ministre, nous attendons avec beaucoup d’impatience la grande loi de modernisation que vous allez nous proposer : nous participerons très activement au débat auquel elle donnera lieu.

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