Intervention de Delphine Bataille

Réunion du 18 novembre 2013 à 17h00
Débat sur la politique d'aménagement du territoire

Photo de Delphine BatailleDelphine Bataille :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si de nombreux territoires subissent de plein fouet une crise économique qui perdure, ce sont les espaces à dominante rurale qui sont les plus touchés. Ces ensembles, qui comprennent les petites unités urbaines, représentent les deux tiers du territoire métropolitain.

Ce sont les campagnes, les communes rurales et les petites villes qui paient tout particulièrement aujourd’hui le prix de plusieurs années de politiques publiques désastreuses.

La réalité que nous vivons sur le terrain, nous, élus, avec la population, c’est une attente insatisfaite de solidarité nationale et un fort sentiment d’abandon.

La situation du département du Nord est emblématique des difficultés que rencontrent nombre de territoires, dans leurs espaces ruraux en particulier. Le Nord a connu une recomposition sociale importante au cours des dernières années. Ce département, extrêmement jeune dans ses zones urbaines à forte densité de population, voit néanmoins les trois quarts de sa surface désertés de manière croissante par les actifs, laissant place à une population vieillissante, disséminée dans la campagne.

De manière logique, le renforcement du poids des villes entraîne le déclin de l’activité en milieu rural. Les décisions nouvelles relatives à la décentralisation, qui renforcent le poids des entités urbaines, risquent de vider un peu plus les campagnes de leur substance et d’affaiblir les départements, pourtant vecteurs naturels de l’égalité des territoires.

Territoire de tradition ouvrière historique, le Nord est aujourd’hui marqué par une importante artificialisation de ses terres, un habitat individuel très étendu, un vieillissement de la population et, dans le même temps, un renouvellement dû à une arrivée massive de foyers à faibles revenus.

Toutefois, la tendance actuelle des propriétaires en milieu rural est d’aligner les loyers sur les pratiques urbaines et, donc, de réduire la part des loyers accessibles et supportables, notamment pour les familles modestes.

La réponse évidente serait un effort des offices d’HLM en direction des petites communes.

La population rurale est aussi caractérisée, d’une part, par une surreprésentation des sans-emploi et des ouvriers aux modestes revenus, et, d’autre part, par une sous-représentation des cadres, ce qui diminue évidemment l’employabilité des actifs.

Surtout, des pans entiers du territoire constitués de très petits villages sont parmi les moins bien équipés, de sorte que leurs habitants connaissent des difficultés en matière d’accès aux services publics, lesquels ont été progressivement rayés de la carte.

Dans ce contexte, en dépit des politiques d’aménagement conduites par les collectivités locales, pour beaucoup de manière volontariste, on assiste à une fuite des entreprises, accélérée par des infrastructures de transports et de communications insuffisantes ou mal entretenues, au détriment de la création d’emplois, bien sûr.

L’État n’a pas su, au cours des dernières années, répondre aux défis spécifiques auxquels doivent faire face nos territoires. Au contraire, il a fortement nourri à l’égard des politiques nationales, notamment chez les plus fragilisés, un climat de défiance, souvent à l’origine d’attitudes de rejet de la République.

Les milieux ruraux ont été les plus touchés par la réforme générale des politiques publiques, cette RGPP si contestée en son temps, qui a ravagé certains territoires ; Ils ont également subi le désengagement de l’État en matière d’éducation, de santé publique, de mobilité, de sécurité, de logement, de précarité énergétique. On pourrait ainsi multiplier les exemples !

Dans le même temps, avec le retrait des soutiens publics et l’appauvrissement des ménages, les services à la personne se sont effondrés.

Un tel environnement ne peut qu’alimenter l’inquiétude, la peur du lendemain, l’exaspération et la colère dans ces territoires, sentiments renforcés en ce moment par une hausse de la ponction fiscale décidée en 2011. Ces augmentations ont des effets néfastes, notamment pour les plus modestes, qui accusent à tort le gouvernement actuel de ces décisions pourtant antérieures à sa prise de fonctions.

Néanmoins, les attentes restent fortes aujourd’hui et l’impatience continue à gagner du terrain. Nos concitoyens, qui sont confrontés à la disparition de la présence publique de l’État, veulent plus de considération, plus d’égalité et plus de solidarité.

Conscient de la situation dramatique dans laquelle se trouvent la plupart de ces populations, le Président de la République a souhaité, dès son arrivée, repenser l’aménagement des territoires pour lutter contre les inégalités qui se sont aggravées ces dernières années.

Dans ce sens, le choix de placer sous la responsabilité de votre ministère, madame la ministre, l’ensemble des territoires urbains et ruraux constituait une novation pour assurer un développement plus équilibré et plus solidaire entre les villes et les campagnes.

Je salue ce changement d’optique vers plus d’égalité, qui s’oppose à la mise en concurrence des territoires jusqu’ici encouragée.

Vous avez annoncé deux priorités, tout d’abord, la nécessité d’assurer la continuité territoriale permettant, notamment, plus d’accessibilité aux services publics sur tout le territoire, ensuite, votre volonté de donner les moyens à chaque territoire de développer son potentiel.

Je souscris, bien sûr, à ces deux objectifs, dont la réalisation devra contribuer à enrayer les déséquilibres actuels ; toutefois, dans un contexte de crise économique où l’endettement de notre pays augmente, les marges de manœuvre sont considérablement réduites.

Arrivée au deuxième temps de mon propos, je veux vous faire part des attentes ressenties sur le terrain. Je connais vos priorités, madame la ministre. Cependant, face à l’impatience et aux souffrances des populations que je côtoie au quotidien, avec d’autres, je souhaite vous faire partager quelques préoccupations auxquelles il convient que le Gouvernement apporte des réponses appropriées.

Les questions posées par la qualité et l’accessibilité des services au public, absolument vitales pour les habitants des zones rurales, ont des conséquences directes sur l’attractivité des territoires.

Ainsi, face aux carences de l’offre de soins en milieu rural, accentuées dans les petites bourgades par le départ à la retraite de médecins généralistes non remplacés, l’état sanitaire de nos populations, tout comme l’accès aux services d’urgences, tend à se dégrader.

Nos concitoyens attendent toujours la traduction concrète des moyens accordés pour améliorer l’offre de soins disponible dans le Nord, notamment à travers le pacte territoire santé.

Par ailleurs, malgré le vieillissement de la population, de vastes zones restent sans réponse face aux besoins d’hébergement et de prise en charge des personnes âgées.

Les missions de service public de l’éducation sont un autre enjeu important de l’aménagement du territoire. Aujourd’hui, le gouvernement actuel a rendu sa priorité à la politique de l’éducation ; c’est un point qui ne me paraît pas suffisamment souligné.

Ainsi, l’effort en direction des écoles a été bien ressenti à la rentrée scolaire 2013, qui n’a pas été vécue dans l’angoisse des fermetures de classe injustifiées ou des difficultés à ouvrir des classes devenues nécessaires.

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