Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la France et l’Italie, deux grands pays aux origines de la construction européenne, prolongent régulièrement leur coopération de manière bilatérale sur les questions de défense, de sécurité intérieure, d’enseignement supérieur ou encore de recherche. Les liens qui nous unissent sont particulièrement étroits en matière économique : la France est le premier partenaire commercial de l’Italie, et l’Italie, le deuxième partenaire de la France. Les échanges commerciaux entre les deux partenaires atteignent 70 milliards d’euros par an.
Les grands projets bilatéraux d’infrastructures de transport entre nos deux pays apportent donc une plus-value indéniable à ces coopérations et à ces échanges. Ainsi, la construction de la ligne à grande vitesse entre Lyon et Turin est un grand pas de plus qui rapprochera les deux États, leurs économies et leurs peuples. Il s’agit d’un projet ambitieux et réfléchi, conforté par les accords de 1996, de 2001 et par celui que nous examinons ce soir, signé à Rome le 30 janvier 2012.
Un tel projet n’a pas que des enjeux économiques : il est aussi une source de soulagement pour les habitants des zones alpines concernées. Aujourd’hui 7 400 camions traversent chaque jour le massif alpin, affectant durablement la qualité de l’air et impactant négativement le paysage. Cette situation est devenue insoutenable pour les 14 millions d’habitants de l’arc alpin, qui espèrent avec impatience le report modal de la route vers le transport ferroviaire.
Contrairement aux critiques que l’on a pu lire ou entendre, ce projet comporte donc bien une réelle dimension écologique. Il participe à la mise en œuvre de la Convention alpine signée en 1991 par huit pays, en plus de la Communauté européenne, dont l’un des objectifs est « la réduction drastique des émissions de polluants et de leurs nuisances dans l’espace alpin ainsi que des apports externes de polluants de manière à parvenir à un taux non nuisible aux hommes, à la faune et à la flore ».
La nouvelle ligne Lyon-Turin est aussi un outil de lutte contre les pollutions, un outil qui doit participer aux objectifs et à la stratégie de la France et de l’Union européenne en matière de réduction de gaz à effet de serre.
La baisse de la fréquentation de la ligne historique figure parmi les arguments en défaveur de la nouvelle ligne. Un tel argument ignore que le trafic de marchandises transalpin a connu une croissance de 22, 7 % entre 1999 et 2011. Certes, un ralentissement consécutif à la crise de 2008 a pu être constaté, touchant particulièrement le transport ferroviaire. Ce ralentissement ne représente cependant pas la tendance d’ensemble, puisque ce sont 2, 7 millions de camions qui traversaient la frontière en 2011.
Cette nouvelle infrastructure se justifie plus que jamais, car elle permettra le report chaque année de 1, 7 million de poids lourds sur le ferroviaire, comme le prévoit le dossier d’enquête d’utilité publique. Elle aura la capacité de transporter 40 millions de tonnes de marchandises, soit l’équivalent de ce qui est réalisé aujourd’hui tous modes confondus, alors que 85 % de ces échanges reposent sur le mode routier.
Enfin, les enjeux en question ne revêtent pas un caractère uniquement international : le projet améliore avant tout la desserte des territoires situés sur la section française de la ligne ferroviaire. Ainsi, Chambéry, Grenoble et Annecy seront respectivement à deux heures vingt-cinq, deux heures trente-cinq et trois heures de Paris.
Au-delà de ces avantages indéniables, nous sommes conscients que les enjeux financiers soulèvent des interrogations. N’oublions pas que l’accord qui est soumis à ratification ne signifiera pas engagement des travaux. Il ne procède qu’à une simple préparation en fixant les modalités de réalisation, le droit applicable ou encore de nouvelles règles de gouvernance.
À ce titre, il convient de saluer le renforcement du contrôle par les deux États, indispensable au regard des sommes en jeu. La mise en place d’un tiers certificateur sera essentielle pour obtenir une vision claire des coûts. Et, en ce qui concerne ces derniers, il est utile de rappeler que la France ne financera pas les 26, 1 milliards d’euros : sur 8, 5 milliards d’euros de la section transfrontalière couverte par le présent accord, la France n’apportera plus que 2, 2 milliards d’euros si l’Union européenne confirme sa participation au projet à hauteur de 40 %.
Élu du Lot, département de Maurice Faure, qui a signé le traité de Rome, je préfère voir l’Europe investir dans les grands équipements et dans les grands chantiers plutôt que de se focaliser sur les normes, les règlements et l’interdiction des fromages à pâte molle !