Séance en hémicycle du 18 novembre 2013 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire qui s’est réunie sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de plusieurs sénateurs appelés à siéger au sein de différents organismes extraparlementaires.

Conformément à l’article 9 du règlement, la commission des finances a été invitée à présenter des candidatures pour siéger, d’une part, au conseil d’administration de l’établissement public Autoroutes de France, et, d’autre part, au conseil d’administration du Fonds pour le développement de l’intermodalité dans les transports.

La commission de la culture est, quant à elle, invitée à présenter un candidat destiné à siéger au conseil d’administration de l’Institut des hautes études pour la science et la technologie.

Enfin, la commission des lois est invitée à présenter un candidat destiné à siéger au sein du Conseil national de la sécurité routière.

Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste et apparentés a présenté une candidature pour la commission des affaires sociales et une candidature pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame Mme Samia Ghali membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Claude Domeizel, démissionnaire, et M. Claude Domeizel membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de Mme Samia Ghali, démissionnaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne pour la réalisation et l’exploitation d’une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin (projet n° 115, texte de la commission n°140, rapport n° 139, avis n° 147.)

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un beau rendez-vous qui me permet de vous retrouver aujourd’hui, au Sénat, pour débattre de la nécessité de ratifier l’accord conclu le 30 janvier 2012 entre les gouvernements français et italien, en vue de la réalisation et l’exploitation d’une nouvelle ligne à grande vitesse pour le fret et les voyageurs dite « Lyon-Turin ».

La ratification de cet accord a une résonance particulière dans cet hémicycle. De fait, vous connaissez mieux que quiconque l’importance de tels projets en termes de développement et d’attractivité des territoires, dont les membres de la Haute Assemblée sont précisément les représentants.

Cette ratification est donc, je le répète, un beau rendez-vous parlementaire. Elle permet au Sénat de concourir à la construction européenne à travers une avancée importante, sur un projet de très grande envergure à l’échelle, avant tout, du continent européen.

Ne nous y trompons pas : il est bel et bien essentiel de mesurer la pertinence de cette nouvelle ligne ferroviaire au-delà de son seul impact régional. Pour être important, ce dernier ne suffirait pas à légitimer les efforts financiers considérables qui seront consentis au cours des décennies à venir.

Certes, pour les régions concernées en France et en Italie, une nouvelle infrastructure de cette qualité reliant des pôles économiques stratégiques et améliorant la mobilité des citoyens européens revêt un formidable intérêt. Toutefois, ce qui est en jeu aujourd’hui va bien au-delà.

Ce projet, pour lequel vous connaissez mon attachement, comme celui du ministre des transports et du Gouvernement tout entier, mérite d’être envisagé avec un peu de distance. Il convient en particulier d’examiner ses implications au regard de la structuration des échanges, à l’échelle du continent européen tout entier.

Observons la carte de l’Europe en considérant l’ensemble des réseaux européens qui se développent actuellement et, au cœur de ces réseaux, la place occupée par notre pays.

Aujourd’hui, une part de l’avenir de l’Europe se joue dans le développement des échanges transfrontaliers, comme l’illustre le tunnel du Lötschberg, reliant la Suisse et l’Italie, ou encore le tunnel du Brenner, qui entrera en service en 2025 entre l’Italie et l’Autriche. Ces proches pays investissent dans de grands chantiers, qui leur permettent d’ouvrir de nouveaux horizons pour leurs citoyens comme pour leurs entreprises, cependant qu’ils renforcent l’armature des échanges entre le nord et le sud de l’Europe.

À cet égard, le projet Lyon-Turin ne revient pas simplement à relier la France et l’Italie. Il permet également de relier la péninsule ibérique au sud-est de l’Europe, aux Balkans et aux pays dits du « partenariat oriental » jusqu’à Kiev. En pratique, cela signifie replacer la France au centre de gravité de l’Europe et des réseaux transeuropéens en abolissant cette frontière naturelle qu’est la chaîne des Alpes.

Nous devons faire preuve d’ambition pour l’avenir de notre pays et de nos concitoyens, pour la compétitivité de nos entreprises et pour la préservation de notre environnement naturel.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en ratifiant cet accord, nous avons la possibilité de franchir une étape et d’accomplir une avancée pour l’avenir géographique, stratégique et économique de la France, au cœur du projet européen. Ce pas présente une importance toute particulière alors que nous sommes, comme vous le savez, engagés depuis maintenant dix-huit mois avec le Président de la République, dans une réorientation de l’action européenne.

Quel est le rapport, me direz-vous ? Il est on ne peut plus clair, et ce au regard d’au moins trois des objectifs que nous nous sommes fixés.

Le premier objectif, c’est la construction d’une France forte entretenant de solides relations avec ses plus proches partenaires européens.

Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, notre but était clair. Il s’agissait de tout mettre en œuvre pour que la France soit à l’origine de la réorientation de l’Europe, qui n’avait jusqu’alors pour perspective que l’austérité à perte de vue. Il nous fallait donner une impulsion dans le sens d’une politique plus équilibrée, tournée vers la croissance et l’emploi.

Pour y parvenir, pour dessiner ce nouvel horizon, notre pays devait retrouver sa place au cœur de la construction européenne en lien, naturellement, avec l’Allemagne. Nous l’avons fait avec succès.

Parallèlement, il fallait rendre de leur vigueur aux relations privilégiées qui nous unissent à d’autres partenaires européens. L’Italie occupe, à cet égard, une place singulière. Elle est ainsi redevenue, depuis mai 2012 et encore davantage depuis l’arrivée d’Enrico Letta, un partenaire prioritaire et privilégié de la France. Sur de très nombreux sujets européens ou internationaux comme la réorientation en faveur de la croissance, le soutien aux initiatives accompagnant la jeunesse vers l’emploi, la construction d’une politique de voisinage Sud, la politique de sécurité et de défense commune, ou PSDC, nos deux pays ont des intérêts et des approches très similaires.

Notre partenariat avec Rome s’est donc renforcé, pour constituer un moyen de mieux défendre nos intérêts communs à l’échelle européenne.

Après une période durant laquelle nos deux pays ont connu des relations que je qualifierai diplomatiquement de « mouvementées », la France et l’Italie se sont retrouvées. Les changements politiques dans nos deux pays y ont fortement contribué. Ce rapprochement était une nécessité. Nous ne devons pas perdre de vue notre histoire commune : rares sont les pays qui, de par le monde, peuvent affirmer que leur amitié repose sur plus de deux millénaires d’échanges, d’apports mutuels, de destins communs et de croisements culturels aussi étroits et intenses que ceux qui existent entre nous.

Ce rapprochement s’explique par notre convergence sur de nombreux dossiers européens et par notre volonté de travailler ensemble. Il s’illustre au quotidien par les importants échanges commerciaux entre nos deux pays. N’oublions jamais que l’Italie est notre deuxième client et notre troisième fournisseur !

C’est dans ce contexte que s’ouvrira, après-demain à Rome, notre prochain sommet bilatéral. Le projet de liaison ferroviaire entre Lyon et Turin sera bien sûr présent à ce rendez-vous.

De son côté, l’Italie a déjà bien engagé le processus de ratification à la Chambre des députés. Il lui restera ensuite à obtenir l’accord du Sénat. Je peux témoigner de la motivation de nos voisins transalpins qui, à chacune de nos rencontres, me font part de leur volonté d’aboutir rapidement. Nous devons, de notre côté, prouver à l’Italie que la France s’investit et croit en notre avenir commun. Nous l’avons d’ailleurs déjà montré en août dernier, par la publication au Journal officiel de la déclaration d’utilité publique relative à cette future infrastructure ferroviaire, pour une partie de son tracé.

Les relations entre nos deux pays n’ont que rarement – peut-être même jamais – été aussi étroites et productives. La ratification de cet accord que vous allez décider, j’en suis sûr, constitue une pierre supplémentaire à l’édifice du partenariat franco-italien, traduisant notre vision commune de l’avenir de notre continent : celle d’une Europe ambitieuse, qui se projette vers le futur et qui se bâtit à travers de grands projets d’envergure transfrontalière.

Le deuxième objectif visé à travers cet accord, c’est notre investissement pour la croissance durable et pour l’emploi. À ce titre, cet accord pose un cadre : celui de la construction d’une liaison ferroviaire non seulement entre les agglomérations de Lyon et de Turin mais aussi entre celles de Paris et de Milan.

Ce projet recèle un fort potentiel en matière de développement économique, de croissance et d’emploi, lequel repose sur deux finalités : d’une part, basculer de la route vers le fret le trafic de marchandises traversant les Alpes franco-italiennes ; d’autre part, améliorer, pour les usagers de cette future ligne à grande vitesse, la liaison en termes d’accès comme de rapidité. L’une et l’autre de ces finalités méritent notre soutien, et aucune ne doit être minorée.

Dans les deux cas, ce projet présente un intérêt économique indéniable. Les régions Rhône-Alpes, Île-de-France, Piémont et Lombardie constituent des pôles économiques importants qui bénéficieront de l’effacement de la barrière des Alpes.

Le chantier lui-même offre déjà un potentiel important en termes de créations d’emplois, dont plus de la moitié seront créés en France.

Par ailleurs, nous savons tous ici que la mobilité est une des clefs de l’accès à l’emploi et à de nouveaux marchés. Ainsi, alors que l’on met sept heures pour rejoindre Paris depuis Milan, ce trajet sera ramené à près de quatre heures. Voilà une belle occasion de soutenir le train, plutôt que l’avion, pour les transports internationaux de voyageurs !

Nous savons tous aussi à quel point il est important pour les entreprises, dans nos territoires, d’acheminer leurs marchandises ou de recevoir leurs livraisons rapidement. Il s’agit également d’une donnée déterminante de la compétitivité de notre économie, à laquelle répond la création de ce corridor ambitieux prioritairement destiné au fret. Belle occasion, là aussi, de soutenir le train plutôt que les files de camions !

Ajoutons que ce projet aura également des effets en termes de développement durable. La France et les États de l’arc alpin se sont tous engagés, de manière concertée, dans une politique volontariste de report modal, visant à réduire la part de fret routier à longue distance et à favoriser les modes alternatifs. Si l’on en croit son promoteur, la réalisation de cette infrastructure permettra, à terme, d’augmenter sur ce corridor la part modale du transport ferroviaire de 20 % à 55 % et de reporter plus d’un million de poids lourds par an de la route vers le rail.

Combien d’entre nous ne se sont pas dit, en doublant des files entières de camions, qu’il suffirait d’un train pour éviter ces embouteillages, ces risques et cette pollution inutilement générés ainsi ?

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué

Il faut en finir avec le mur de camions qui traverse les Alpes, ses agglomérations, ses vallées, les rivages des grands lacs alpins...

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué

C’est une dimension très importante du projet Lyon-Turin, qui permettra ainsi de réduire les nuisances et la production des gaz à effet de serre subies par les vallées alpines du fait de leur forte fréquentation par les poids lourds. La pollution ne connaît pas de frontière !

La multimodalité, c’est l’avenir de notre économie comme de notre planète !

Le troisième objectif de ce projet, c’est de valoriser une France ambitieuse, qui se saisit de l’espace européen pour bâtir son avenir et celui de ses concitoyens. Investir les espaces transfrontaliers, c’est investir pour l’avenir.

Ce n’est pas un hasard si, de François Mitterrand à François Hollande, en passant par Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, tous les Présidents de la République qui se sont succédé ont été convaincus par ce projet et se sont engagés pour sa réalisation, comme leurs gouvernements, dont tous – je dis bien tous ! – les ministres des transports et de l’écologie successifs.

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué

Bâtir l’avenir de nos concitoyens, c’est saisir toutes les opportunités de faire avancer les politiques et les chantiers qui produiront des bénéfices directs pour leur quotidien.

Bâtir leur avenir, c’est aussi leur proposer de nouveaux challenges, de nouvelles ambitions, de nouveaux projets, positifs, concrets, dont ils pourront être fiers.

Tel est précisément l’objet de cet accord, en permettant de poursuivre notre investissement dans les espaces transfrontaliers, en redessinant les cartes, en repensant un aménagement du territoire qui offrira à la France comme à l’Europe de nouvelles perspectives d’avenir.

J’étais à Grenoble voilà un mois – j’y ai d’ailleurs rencontré le sénateur Jacques Chiron

M. Jacques Chiron acquiesce.

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué

Ce nom qualifie un projet ambitieux qui sera porté par l’Union européenne afin de créer un espace transfrontalier autour des Alpes en vue de fédérer nos idées et nos moyens au service des territoires concernés par le massif alpin.

À mon sens, la ratification de cet accord vient s’ajouter à cette dynamique transfrontalière que nous sommes en train de créer entre pays européens.

Au-delà de la liaison entre la France et l’Italie, la réalisation de ce projet permettra de relier l’Espagne à la Slovénie et à la Hongrie. Elle créera un arc qui rapprochera 350 millions de citoyens européens ; Barcelone sera ainsi à cinq heures de Turin…

Ce tunnel, à lui seul, devrait permettre la mise en réseau de 5 000 kilomètres de lignes existantes dans l’arc est-ouest.

À l’image de ce que l’axe Rhin-Danube représente aujourd’hui pour l’Europe et pour notre pays, le projet Lyon-Turin s’inscrit dans un corridor méditerranéen s’étendant du sud de l’Espagne à la frontière ukrainienne.

Quel est le sens de notre action commune pour l’avenir de notre pays en Europe ? Nous nous sommes battus à partir de mai 2012 pour préserver les moyens budgétaires de la politique de cohésion, et afin que l’Europe relance ses investissements d’avenir, parmi lesquels les infrastructures de transport au cœur des territoires.

Dans le prochain cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020, qui devrait être approuvé demain, mardi 19 novembre, par le Parlement européen, près de 15 milliards d’euros seront ainsi mis à disposition pour créer de nouvelles infrastructures de transport, via le mécanisme d’interconnexion pour l’Europe. Il nous faut saisir cette opportunité.

Le projet Lyon-Turin est, tout comme le canal Seine-Nord, éligible aux financements de l’Union européenne à hauteur de 40 %. Cela a été confirmé le 17 octobre dernier à Tallin par le commissaire Kallas à mon collègue et ami Frédéric Cuvillier, très impliqué dans ce dossier.

Il resterait donc 35 % à la charge de l’Italie, et seulement 25 % à la charge de la France.

Ne nous y trompons pas, la ratification de cet accord n’engage pas nos finances publiques, cela donnera lieu à un autre débat, mais amorce un projet qui inscrit la France au cœur des enjeux du XXIe siècle : une France qui sait se saisir des opportunités pour l’avenir de son pays et de ses concitoyens, une France intégrée et « motrice » aux côtés de ses partenaires.

Je ne peux conclure sans vous dire un dernier mot sur ce que représente également la ratification de cet accord à l’heure où l’euroscepticisme monte, où les Français doutent de notre capacité à répondre à leurs attentes et à leurs besoins, ou à relever de grands défis. La seule réponse possible, comme le dit le Président de la République, c’est la réponse par les actes. Ceux-ci sont autant de symboles manifestes de notre volonté de prendre la morosité ambiante à revers.

Renouer avec les grands projets européens est une réponse, un symbole sans faille : ce sont ceux-là qui, demain, rendront les Français fiers d’être des Européens !

C’est avec tous ces éléments en tête, et notamment au regard de l’importance que revêt l’approfondissement de nos relations avec notre partenaire italien, que le Gouvernement vous demande, mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, de bien vouloir ratifier cet accord franco-italien. §

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’accord que je vais vous présenter représente un chantier ambitieux ; il marque une étape décisive pour un projet d’infrastructure majeur mis à l’étude depuis plus d’une quinzaine d’années par les gouvernements français et italien : la construction d’une liaison ferroviaire nouvelle entre Lyon et Turin.

Une large partie de cet itinéraire sera vouée non seulement aux trains de voyageurs, mais également au trafic de marchandises, notamment par ferroutage.

Vous connaissez comme moi la situation actuelle du trafic transalpin : il est principalement routier. En termes de fret, les chiffres sont particulièrement éloquents : 85 % des tonnes de marchandises qui traversent les Alpes sont acheminées par transport routier et seulement un peu moins de 15 % – les résultats varient selon les stations de comptages – par le fret ferroviaire.

La ligne ferroviaire du Mont-Cenis est ancienne, elle date de 1871, et inadaptée à nos systèmes de transport actuels : située à l’altitude très élevée de 1 300 mètres avec des rampes d’accès en pente forte, jusqu’à 33 ‰. Les convois de fret ne peuvent les franchir sans ajouter deux ou trois locomotives supplémentaires, voire plus. En termes de trafic routier de marchandises, Vintimille est le point de passage le plus important en France, et le deuxième passage alpin. Le trafic s’élève à 1, 3 million de poids lourds en 2011. On ne peut passer sous silence les nuisances qu’il provoque !

Entre 1980 et 2005, le volume total de transport de transit a plus que doublé. En 2011, comme en 2010, 2, 7 millions de poids lourds ont franchi les passages franco-italiens, soit une moyenne de 7 400 camions par jour. Même si le nombre de poids lourds traversant les Alpes est resté constant ces dernières années, les conséquences sont ressenties, particulièrement en termes de nuisances sonores et de pollution. Il est urgent de désengorger les Alpes, d’autant que la pollution stagne dans ces vallées.

À cela s’ajoute le risque sécuritaire. Nous avons tous en mémoire les tragiques accidents qui se sont produits dans les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus, ainsi que dans celui du Gothard, en Suisse.

Le projet dont nous parlons aujourd’hui n’est pas nouveau, et il a déjà été entériné par deux accords, l’un en 1996 et l’autre en 2001. Ceux-ci, tout comme le présent accord, n’enclenchent pas les travaux, ainsi que le rappelait M. le ministre. Ce sont des étapes préparatoires formalisant en particulier les études et la gouvernance et mettant en place des outils adaptés pour une meilleure réalisation du projet.

Cette nouvelle ligne ferroviaire s’inscrit pleinement dans l’objectif de création d’un réseau européen de transport, voulu par la Commission européenne, et constitue un maillon du corridor méditerranéen allant d’Algésiras à la frontière orientale de l’Union. Il s’agira d’une ligne mixte destinée aux passagers et au fret, d’une longueur de 269 kilomètres dont 193 kilomètres en tunnels et 76 kilomètres à l’air libre.

Cette ligne sera divisée en trois tronçons : un accès français entre Lyon et Saint-Jean-de-Maurienne, d’une longueur de 140 kilomètres, une section transfrontalière entre Saint-Jean-de-Maurienne et Suse-Bussoleno, de 64 kilomètres, et un accès italien entre Suse-Bussoleno et Turin, long de 65 kilomètres.

Plusieurs types de trains circuleront : des trains de voyageurs, trains à grande vitesse et trains express régionaux, pourront circuler jusqu’à une vitesse de 220 kilomètres-heure, et les trains de fret et d’autoroute ferroviaire jusqu’à une vitesse de 120 kilomètres-heure. À terme, vous l’avez dit, monsieur le ministre, les temps de transport seront donc considérablement réduits : il faudra quatre heures pour relier Paris à Milan, contre près de sept heures aujourd’hui. C’est exceptionnel !

L’accord qui nous est soumis aujourd’hui crée un promoteur public chargé de la conduite stratégique et opérationnelle de la partie transfrontalière du projet. Sera également créée, au sein de ce promoteur public, une commission des contrats chargée de contrôler la régularité et la transparence des procédures d’attribution des contrats et marchés. Enfin, sera instauré un service permanent de contrôle, dont la mission sera de veiller à l’emploi approprié des fonds publics et au bon fonctionnement du promoteur.

Sont également définies les clés de financement du projet. Pour la seule partie transfrontalière, le coût s’élève à 8, 5 milliards d’euros, à répartir entre l’Union européenne, qui devrait en prendre 40 % à sa charge, et les deux parties : la France paiera 42, 1 % du reliquat, soit 2, 15 milliards d’euros, sur plusieurs années, et l’Italie, 57, 9 %.

En effet, afin d’atteindre l’objectif d’un réseau européen de transport moderne et interconnecté, l’Union européenne a décidé d’y consacrer, dans le cadre de son programme Trans-European Transport Networks, ou TEN-T, 26 milliards d’euros sur la période 2014-2020, c’est-à-dire trois fois plus que sur la période précédente.

Le 17 octobre dernier, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, le commissaire européen chargé des transports, M. Siim Kallas, a rappelé l’importance de ce dossier, le soutien plein et entier de la Commission européenne à la nouvelle ligne ferroviaire et la nécessité, pour les États, de mettre en œuvre concrètement ce projet.

Bien sûr, ce cofinancement suppose aussi le respect de certaines conditions, au premier rang desquelles la présentation d’un plan d’investissement par les deux États, mais également la mise en place d’une procédure d’appel d’offres et d’une évaluation externe et interne pour la sélection du projet proposé.

Les deux États doivent aussi ratifier l’accord aujourd’hui soumis à l’approbation du Sénat et installer le nouveau promoteur. Cela nécessite, en premier lieu, un soutien politique infaillible ! Je sais que tel est votre cas, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Comme vous l’avez souligné, ce projet a été porté au fil des années par quatre Présidents de la République successifs, François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande. Il doit continuer à être soutenu par le Gouvernement, par nous, les représentants de la nation – le vote final de la Haute Assemblée en témoignera peut-être ! –, quelle que soit notre couleur politique.

Monsieur le ministre, pouvez-vous d’ores et déjà nous assurer du soutien du Gouvernement à ce chantier ? Pouvez-vous nous garantir que le dossier sera déposé auprès de l’Union européenne en temps et en heure, c'est-à-dire au plus tard au printemps 2014, et qu’il ne fera pas l’objet d’arbitrages budgétaires défavorables ou dilatoires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Il s’agit d’un projet présidentiel à portée internationale. Nous comptons beaucoup sur vous, monsieur le ministre, sur le chef du Gouvernement et, surtout, sur le Président de la République.

Ce projet est porteur de perspectives.

Les relations franco-italiennes sont riches, vous l’avez dit, monsieur le ministre, les deux pays étant, l’un pour l’autre, le deuxième partenaire commercial, avec des échanges à hauteur de 70 milliards d’euros en 2012, légèrement bénéficiaires pour nos voisins transalpins. L’Italie représente le premier marché pour les ventes de produits agroalimentaires français et constitue l’un des débouchés privilégiés pour les exportations françaises d’automobiles et de produits métallurgiques. L’essentiel de l’économie italienne se concentre dans le nord-ouest du pays, autour de Milan, véritable capitale économique, de Turin et de Gênes, et se caractérise par une forte présence industrielle. Avec la Ruhr, ce sont les deux grandes zones industrielles de l’Europe.

Plus qu’une liaison Lyon-Turin, ce sont aussi les relations entre Paris et Milan qui bénéficieront de cette nouvelle ligne ferroviaire. Mettre ces deux villes à quatre heures de train l’une de l’autre contribue au rapprochement de deux aires économiques fortes : le Grand Paris et la région milanaise. Les chiffres du PIB de ces deux régions sont éloquents : en 2010, le PIB s’élevait à 588 942 millions d’euros en Île-de-France, soit 29 % du PIB national – 22 % seulement étaient utilisés par les Franciliens, et 7 % étaient redistribués à l’ensemble des autres régions – et à 501 862 millions d’euros dans le nord-ouest italien. Il s’agit donc de réunir deux grands pôles économiques, deux « capitales-monde ».

Permettez-moi d’ouvrir une parenthèse à cet égard. D’aucuns peuvent se demander pourquoi un sénateur de Paris défend ce projet de loi, qui est plutôt rhônalpin ? Tout simplement parce qu’il s’agit aussi d’un projet…

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué

… européen !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

C’est également la sécurisation des voies de communication entre la France et l’Italie qui est en jeu.

Les économies française et italienne sont fortement intégrées, mais elles dépendent, je le répète, de trois passages routiers et d’une ligne ferroviaire inadaptée. Or ces axes de communication sont fragiles. À la suite d’incendies, je tiens à le redire, le tunnel du Mont-Blanc a été fermé pendant trois ans et celui du Fréjus deux mois. Un trafic ferroviaire plus intense permettra de réduire la fragilité des axes et de sécuriser les échanges entre les deux États. En outre, dans la mesure où les pays alpins développent des infrastructures de transport de ce type, les flux avec la France risquent d’être très fortement marginalisés si nous restons à l’écart des grands axes de communication modernes.

L’Autriche et l’Italie ont mis en place le chantier du tunnel du Brenner, tandis que la Suisse a mis en service le nouveau tunnel du Lötschberg et s’apprête à mettre en fonctionnement le nouveau tunnel du Saint-Gothard. Au final, ces projets et ces infrastructures renforcent le partenariat économique entre l’Italie et l’Allemagne. Veillons à ce que la France ne s’en exclut pas.

À cet égard, je veux dire à nos collègues qui portent un intérêt à l’Europe que les lignes ferroviaires nord-sud sont très développées. La construction de cette ligne permettra d’avoir, pour la première fois, une ligne est-ouest.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

En outre, rappelons que la liaison Lyon-Turin est un maillon d’une chaîne beaucoup plus longue, allant du sud de l’Espagne à la frontière orientale de l’Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

De fait, nos échanges avec les pays européens hors de l’Union européenne, comme l’Ukraine, dont les exportations représentent tout de même aujourd’hui 1 milliard d’euros, pourront vraisemblablement en profiter.

Enfin, le gain est également assuré en termes écologiques.

Dès 1991, en signant la Convention alpine, la France s’est engagée, avec ses partenaires européens, à prendre des mesures dans le domaine des transports, « en vue de réduire les nuisances et les risques dans le secteur du transport interalpin et transalpin ».

En encourageant le report modal, cet accord permettra aussi de réduire les émissions de gaz à effet de serre, puisque le fret ferroviaire possède une plus grande efficacité énergétique que le transport routier.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

L’objectif recherché est de passer d’une répartition 85/15 en faveur du routier à une répartition 55/45. La Suisse, qui a déjà fait le choix du ferroviaire par référendum, a mis sur les rails 80 % de son trafic de marchandises.

L’autoroute ferroviaire alpine, qui ne peut transporter, en 2013, que 30 000 poids lourds par an, en moyenne, verra ainsi sa capacité augmenter significativement, pour atteindre – il s’agit d’une estimation – 700 000 poids lourds transportés par an à l’horizon 2035 ! Les promoteurs parlent de 1 million de poids lourds. Mais, quel que soit le chiffre, l’augmentation est importante.

Rappelons que les études menées par « Lyon-Turin ferroviaire » ont montré que, sur une liaison de 350 kilomètres, un poids lourd rejetait une tonne de CO2 dans la vallée alpine. Avec le report modal, c’est autant de gaz à effet de serre épargné à l’environnement et de glaciers qui fondent en moins !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Bien sûr, comme tout projet d’envergure, celui-ci n’est pas exempt d’oppositions. À ce propos, la commission a auditionné de nombreuses personnalités, même si nous avons travaillé en urgence.

Tout d’abord, les oppositions portent sur le coût.

Un rapport de la Cour des comptes a estimé le coût total du projet à 26 milliards d’euros ! Sur ce point, M. le Premier ministre a répondu que cette estimation était largement surestimée, car elle englobe des coûts qui n’ont pas à être pris en compte par la France, telle la modification du tracé en val de Suse, intégralement pris en charge par l’Italie.

Par ailleurs, le financement du projet se fera à très long terme, sur plusieurs décennies, ce qui permettra de ne pas grever les finances publiques dans une période budgétaire déjà contrainte.

Par ailleurs, ce projet sera l’occasion d’envisager la mise en place de financements innovants ou différents. Il y a là, monsieur le ministre, une réflexion à mener et, vous le savez très bien, la Banque européenne d’investissement a déjà commencé à examiner ce projet.

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué

Oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Ensuite, les oppositions portent sur le phasage.

Les détracteurs du chantier soulignent que le tunnel débouchera sur la ligne existante, vétuste et inadaptée ! Mais c’est oublier que la construction du tunnel provoquera de fait – en témoigne le rapport Duron – l’accélération de l’ouverture des travaux pour ce qui concerne les accès ! Cet argument n’a donc pas de sens!

Enfin, les opposants pointent la sous-utilisation de la ligne actuelle, qui ne serait empruntée qu’à seulement 17 % de ses capacités, et serait apte au report modal.

La sous-utilisation est certes une réalité, mais les caractéristiques mêmes de la ligne historique sont telles que l’on ne peut en attendre davantage : chaque jour, passent cinq trains, avec simplement dix wagons, tirés par trois locomotives, et qui ne transportent que deux camions°! Or il est techniquement impossible de faire plus. Je comprends d’autant moins que l’on nous oppose cet argument quand on se rend compte, sur place, qu’il faut pousser les locomotives pour qu’elles avancent !

M. Jean-Claude Carle rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Le présent accord est un texte technique de gouvernance du projet, qui n’engage pas l’ouverture des travaux. Cela nécessitera la signature d’un nouvel accord. J’y insiste, monsieur le ministre, il importe que celui-ci intervienne rapidement, afin que nous soyons en mesure d’enclencher véritablement le projet. Le sommet franco-italien du 20 novembre 2013, qui traitera en particulier du présent projet, doit être l’occasion d’engager la prochaine phase. J’espère qu’il n’y aura pas de communiqué dilatoire et que nos amis de Bercy sauront y voir l’intérêt du pays et de l’Europe.

En conclusion, je veux dire que ce chantier n’est ni démesuré ni financièrement inopportun. Il s’agit au contraire d’un projet d’aménagement du territoire cohérent, adapté, vecteur de gains économiques et écologiques. C’est un maillon essentiel de la ligne ferroviaire européenne ouest-est. Faire l’économie de cette ligne nous mettrait, de fait, je le répète, en marge des échanges avec l’Europe du sud et de l’est.

Permettez-moi, enfin, de rendre hommage à tous les acteurs qui, à leur niveau, ont porté ce projet tout au long des quinze dernières années et de leur adresser des remerciements. Je pense aux quatre Présidents de la République, aux chefs de gouvernement successifs, aux ministres qui ont suivi ce dossier, ainsi qu’aux élus locaux et aux acteurs administratifs. Au nom de toutes ces personnes qui se sont impliquées dans ce projet, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l'UMP et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vairetto

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire a décidé de se saisir pour avis de ce projet de loi en raison de l’importance des implications de la future ligne ferroviaire mixte entre Lyon et Turin pour la politique de report modal, pour l’aménagement du territoire et pour le développement durable.

Sans doute n’est-il pas utile de reprendre le descriptif de cette infrastructure ferroviaire majeure ou le détail de l’accord franco-italien du 30 janvier 2012, dont il nous est demandé d’autoriser l’approbation.

Concernant l’infrastructure ferroviaire, je veux rappeler que celle-ci constituera une véritable prouesse technique, en multipliant les ouvrages d’art pour accéder à un tunnel de base long de 57 kilomètres, soit 7 kilomètres de plus que le tunnel sous la Manche.

S’agissant de l’accord, je me contenterai de dire que l’équilibre global de celui-ci paraît tout à fait favorable à la France et permettra d’assurer un contrôle suffisant des deux États concernés sur la conduite du projet. Il convient aussi de souligner qu’il ne constitue encore qu’une étape intermédiaire, avant un prochain accord qui permettra l’engagement des travaux proprement dit.

Dans le souci d’apporter un éclairage complémentaire à nos délibérations, permettez-moi d’organiser mon propos en quatre séries d’observations relatives à la dimension européenne du projet Lyon-Turin, à son intérêt au regard de la protection de l’environnement et de la mobilité durable, à la logique de saut capacitaire qui le sous-tend et à la mise en perspective de ses coûts.

Premièrement, il ne faut pas se tromper d’échelle pour apprécier correctement l’utilité du projet de la ligne ferroviaire entre Lyon et Turin.

Loin d’être d’intérêt purement local, cette nouvelle liaison transalpine sera structurante pour l’ensemble des relations franco-italiennes et, au-delà, pour tout le sud de l’Europe.

Nous autres, Français, sommes naturellement très attentifs à nos relations avec l’Allemagne. Ce faisant, nous avons parfois tendance à oublier que l’Italie reste notre deuxième partenaire commercial, avec 70 milliards d’euros échangés en 2012. Chaque année, ce sont 40 millions de tonnes de marchandises qui transitent à travers les passages franco-italiens, du Léman à la Méditerranée, avec une domination écrasante du transport routier, qui véhicule plus de 90 % de ces flux.

Comme l’a excellemment indiqué M. le rapporteur, la ligne ferroviaire Lyon-Turin permettra de relier le grand bassin parisien au triangle Turin-Milan-Gênes.

Au-delà de sa dimension franco-italienne, le projet Lyon-Turin s’inscrit pleinement dans le cadre de la politique des réseaux transeuropéens de transport, les RTE-T, comme l’a rappelé M. le ministre. Il fait partie des douze premiers projets prioritaires retenus dès le Conseil européen d’Essen en 1994. Après l’élargissement à l’est de l’Europe, il a été intégré à l’axe prioritaire n° 6, qui va de Lyon à la frontière ukrainienne. Dans la nouvelle approche des RTE-T rendue publique par la Commission européenne en 2011, il fait partie du « corridor Méditerranée », qui reliera le sud de l’Espagne à l’Europe centrale.

M. Roland Courteau s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vairetto

À ce titre, cette liaison peut prétendre à un soutien financier renforcé de la part de l’Union européenne, un point sur lequel je reviendrai ultérieurement.

Ma deuxième observation sera relative à l’intérêt de la ligne ferroviaire Lyon-Turin au regard des questions d’environnement et de développement durable.

Les régions françaises et italiennes traversées retireront des bénéfices immédiats du transfert modal massif qu’elle rendra possible. Les gaz à effet de serre émis par les camions dans les vallées alpines pourraient être réduits chaque année d’une tonne par poids lourd de charge moyenne. Si nous étions aussi ambitieux que les Suisses, nous pourrions réduire les gaz à effet de serre dans nos vallées de deux millions de tonnes.

Faut-il rappeler le très grand intérêt du milieu naturel montagnard du point de vue de la biodiversité, qui n’a d’égal que sa très grande fragilité ?

En signant, en 1991, la convention sur la protection des Alpes, la France s’est engagée à réduire les risques dans le secteur du transport transalpin en favorisant le transfert vers la voie ferrée d’une part croissante du trafic, notamment par la création des infrastructures appropriées. Il lui reste encore à mettre ses actes en accord avec cet engagement.

Par ailleurs, comme une bonne part des poids lourds n’emprunteront plus les tunnels routiers, ceux qui continueront à les utiliser verront leur sécurité améliorée. De fait, il faut se souvenir que les accidents mortels du tunnel du Mont-Blanc, en 1999, et du tunnel du Fréjus, en 2005, responsables, pour le premier, de 39 victimes, et de 2 pour le second, ont été causés par des poids lourds.

Du côté français, le doublement des tronçons actuellement encore à voie unique par une ligne à double voie permettra, par contrecoup, d’améliorer considérablement les dessertes pour les passagers dans toute la région Rhône-Alpes.

Au total, le projet de ligne ferroviaire Lyon-Turin correspond donc parfaitement aux objectifs de mobilité durable fixés par le Grenelle de l’environnement.

Ma troisième observation porte sur la logique de « bond capacitaire » qui inspire ce projet de nouvelle infrastructure ferroviaire.

Certes, les capacités théoriques de la ligne historique, qui traverse la vallée de la Maurienne et emprunte le tunnel du Mont-Cenis, sont loin d’être saturées ; mais ses caractéristiques techniques apparaissent inadaptées aux exigences du transport moderne, au point que sa désertion est plus probable que sa saturation, ce dont nous devrons supporter les coûts pour nos échanges.

En effet, les pentes à l’approche du tunnel du Mont-Cenis sont trop fortes et une partie des accès entre Lyon et Chambéry sont à voie unique. Cette ligne pose également des problèmes de sécurité, notamment le long du lac du Bourget, où le déraillement d’un convoi de matières dangereuses aurait des conséquences environnementales catastrophiques.

Le projet de liaison Lyon-Turin, à l’étude depuis le début des années 1990, vise à changer radicalement la donne en perçant un nouveau tunnel de basse altitude, qui pourra accueillir des flux massifs dans des conditions techniques et de sécurité satisfaisantes, et surtout garantir la compétitivité de façon acceptable.

Du reste, la solution du tunnel ferroviaire de plaine a été retenue par la Suisse dans le cadre de « l’initiative des Alpes » : adoptée par référendum en 1994, celle-ci a prévu les deux nouvelles percées du Lötschberg et du Saint-Gothard. C’est aussi la solution adoptée par l’Italie et par l’Autriche pour le nouveau tunnel ferroviaire du Brenner.

Bien sûr, la création d’une infrastructure ferroviaire moderne et de grande capacité n’est que la condition préalable à un transfert massif des flux routiers. Une forte détermination politique sera nécessaire pour atteindre cet objectif. Il faudra aussi que les opérateurs ferroviaires modernisent leur matériel roulant et leurs organisations logistiques.

M. le rapporteur a mentionné l’autoroute ferroviaire mise en service en 2003 sur la ligne historique, entre les terminaux d’Aiton et d’Orbassano. Le succès de cette expérimentation prouve que, lorsque des services performants sont offerts aux transporteurs, ceux-ci n’hésitent pas à charger sur les wagons leurs camions, puis, dans une forte proportion, leurs seules remorques. Le report vers le mode ferroviaire est facilité par la possibilité réglementaire de compter la traversée en ferroutage comme un temps de repos pour les chauffeurs.

Ce transfert modal massif devra être accompagné par une politique tarifaire adaptée, réintégrant les externalités négatives du mode routier ; ce sera enfin possible grâce à l’existence d’une alternative ferroviaire.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vairetto

Ma quatrième observation porte sur les coûts et les modalités de financement du projet de ligne ferroviaire Lyon-Turin.

Les coûts des travaux sont importants, et je ne chercherai pas à les minimiser. Reste que, pour les apprécier de manière pertinente, il convient de les mettre en perspective.

Le référé de la Cour des comptes du mois d’août 2012, qui signale une augmentation des coûts prévisionnels depuis les premières estimations, a fait grand bruit. Le coût du projet y est évalué à 24 milliards d’euros ; l’estimation est réaliste, mais que faut-il en déduire ?

D’abord, je vous fais observer qu’il s’agit d’un coût calculé sur le périmètre le plus large du projet, puisqu’il intègre le coût du tronçon italien, pourtant intégralement financé par l’Italie.

Le coût prévisionnel de la seule section transfrontalière, qui fait l’objet de l’accord bilatéral, s’élève à 8, 5 milliards d’euros ; son financement sera assuré – cela a été rappelé – à 40 % par l’Union européenne, à 35 % par l’Italie et à 25 % par la France.

Le coût prévisionnel des accès du côté français est estimé à 7, 8 milliards d’euros, dont 400 millions d’euros pour le contournement nord de l’agglomération lyonnaise, 4, 4 milliards d’euros pour les aménagements entre Lyon et Chambéry, et 3 milliards d’euros pour la première phase des tunnels sous Chartreuse et sous Belledonne. Toutefois, mes chers collègues, n’oublions pas que le financement de ces travaux sera étalé sur au moins deux décennies, et que les infrastructures réalisées pourront être exploitées pendant deux, voire trois siècles !

C’est la raison pour laquelle la commission Mobilité 21, présidée par Philippe Duron, a classé ces travaux en deuxième priorité. Ce n’est pas qu’elle les ait jugés d’intérêt secondaire : elle a simplement estimé qu’il était inutile de les programmer à une échéance plus proche que celle de la mise en service de la section transfrontalière.

J’ajoute que les ouvrages d’accès seront éligibles aux aides de l’Union européenne : si les participations européennes seront sans doute inférieures au taux de 40 % prévu pour la section internationale, elles seront néanmoins importantes.

Mes chers collègues, lorsque l’on considère les coûts du projet de ligne ferroviaire Lyon-Turin, la seule question pertinente est de déterminer si l’utilité de cette infrastructure ferroviaire sera suffisante, dans la durée, pour les justifier.

Pour s’en convaincre, il convient de mettre en balance le coût de ce projet avec celui de sa non-réalisation, en prenant en compte l’insécurité des longs tunnels routiers, qui comportent un risque de fermeture en cas d’accident grave, ainsi que les atteintes à la qualité de l’air et à la biodiversité alpine.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vairetto

Et je ne parle pas du manque de compétitivité que subirait notre commerce extérieur avec l’Italie, si ce pays ne devait disposer d’infrastructures ferroviaires performantes que pour ses liaisons nord-sud avec l’Allemagne.

En définitive, mes chers collègues, la future liaison ferroviaire entre Lyon et Turin est un projet visionnaire, dans le sens fort du terme. La France et l’Italie du XXIe siècle, qui bénéficient du soutien financier de l’Union européenne, ne peuvent pas se montrer plus timorées que le petit État de Piémont-Sardaigne qui, au XIXe siècle, a engagé seul la percée du tunnel ferroviaire historique du Mont-Cenis, ni même que la Confédération helvétique, qui finance seule, en taxant les camions qui traversent son territoire, les deux nouveaux tunnels ferroviaires du Lötschberg et du Saint-Gothard !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Là-bas, il n’y a pas de bonnets rouges !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vairetto

M. André Vairetto, rapporteur pour avis. Aujourd’hui, la France confie presque exclusivement aux routes la sécurité de ses échanges avec le nord de l’Italie, l’une des régions les plus développées et les plus riches du continent européen. Les nouvelles liaisons ferroviaires à grand gabarit à travers les Alpes suisses et autrichiennes sont toutes orientées nord-sud et relient le cœur économique de l’Italie au cœur économique de l’Allemagne. En réalisant un saut qualitatif majeur dans sa liaison ferroviaire est-ouest avec l’Italie, la France évitera de se trouver marginalisée dans la recomposition industrielle actuellement en cours en l’Europe.

M. Jacques Chiron acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vairetto

Cette liaison constitue une infrastructure hors normes, dont la rentabilité économique doit être calculée à une échelle séculaire, même si je sais que cet horizon est difficile à concevoir à notre époque pressée et obsédée par le rendement de court terme.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vairetto

Mais je ne doute pas que nos petits-enfants nous remercieront d’avoir eu le courage de réaliser cette ligne ferroviaire : elle apparaîtra comme une évidence dans un futur pas si lointain, lorsque non seulement on s’apercevra de ses bénéfices environnementaux, mais que l’augmentation inéluctable des prix du carburant augmentera encore son intérêt.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vairetto

M. André Vairetto, rapporteur pour avis. Sous le bénéfice de ces observations, la commission du développement durable a donné, à l’unanimité, un avis favorable à l’adoption de l’article unique constituant le projet de loi !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, de l'UDI-UC et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, les écologistes sont attachés à la promotion du transport ferroviaire, outil indispensable pour lutter contre la production de gaz à effet de serre et contre la pollution de l’air.

De ce point de vue, nous regrettons évidemment que le fret ferroviaire soit en déclin, car il est l’une des voies de la transition écologique.

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

De fait, notre réseau ferroviaire souffre de réelles faiblesses et doit être modernisé. Dans cette perspective, la commission Mobilité 21, créée en octobre 2012 par le ministère des transports, de la mer et de la pêche pour préciser les conditions de mise en œuvre du schéma national des infrastructures de transport, le SNIT, a publié, le 27 juin dernier, un rapport intitulé : « Pour un schéma de mobilité durable ».

Dans la synthèse de ce rapport, on peut lire ceci : « Le modèle de développement ferroviaire est à revisiter. Ses déséquilibres financiers, la faiblesse du fret ferroviaire, l’absence de réflexions sur les alternatives possibles à la grande vitesse ou encore l’insuffisante prise en compte des problèmes auxquels sont confrontés les principaux nœuds du réseau alors que ceux-ci affectent d’ores et déjà le fonctionnement d’ensemble du système sont autant de problématiques qui invitent de fait à sa rénovation ».

Toutes ces observations s’appliquent fort justement au système ferroviaire du sillon alpin, dont nous débattons ce soir. Pour les écologistes, en effet, il y a urgence à rénover et à reconstruire les lignes vers les Alpes du nord, dont nombre ont plus de cent cinquante ans.

Selon M. le ministre, M. le rapporteur et M. le rapporteur pour avis, ce projet de loi est inspiré par de louables intentions. On nous dit que la construction de cette ligne ferroviaire mixte marchandises-voyageurs réduirait la durée du trajet Paris-Milan de sept à quatre heures, et surtout qu’elle favoriserait le basculement de la route vers le fer du trafic de marchandises à travers les Alpes franco-italiennes.

Pour notre part, nous regrettons que la commission du développement durable n’ait pas jugé utile d’auditionner les membres de la coordination des opposants au projet de ligne ferroviaire Lyon-Turin. Alors qu’ils remettent en cause les études et les argumentations constituant le fondement du projet de second tunnel, ils n’ont pas été entendus ! Les écologistes, quant à eux, ont été sensibles à leurs contre-arguments.

M. Jean Besson soupire.

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

D’une part, la voie du Mont-Cenis n’est utilisée qu’à 17 % de ses capacités, qui sont de l’ordre de 19 millions de tonnes de marchandises par an, comme le confirme l’expertise réalisée en avril 2006 par COWI, sur la demande de la Commission européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

Le seuil de saturation ne sera pas atteint avant une trentaine d’années, tandis que la stagnation du fret ferroviaire et poids lourds franco-italien est une réalité.

De plus, cette ligne a bénéficié de travaux de modernisation, achevés en 2012 ; elle a été mise au gabarit GB1, qui nécessite simplement l’utilisation de wagons surbaissés.

Quant aux problèmes techniques mentionnés dans le rapport, notamment ceux qui tiennent à l’inclinaison de la pente, ils sont sujets à discussion. À cet égard, je vous signale que le tunnel susceptible d’être réalisé en 2025 entre l’Espagne et le Maroc, sous le détroit de Gibraltar, dit aussi « Afrotunnel », comporterait une pente comparable, de 25 ‰ à 30 ‰, sur une longueur de 40 kilomètres. De fait, le défi technique ne semble pas insurmontable !

La voie historique du Mont-Cenis n’étant pas saturée, la construction d’un nouveau tunnel de base ne répond, selon nous, à aucun besoin. §Ce constat a été affirmé avec force, en octobre 2012, dans la position commune finale élaborée à l’occasion de la convention des écologistes sur les traversées alpines, qui a réuni les partis écologistes italien, français et suisse. Le prétendu « gain écologique » annoncé dans le rapport ne les a pas du tout convaincus, bien au contraire !

D’autre part, pour différentes raisons, la construction d’un second tunnel de base s’avère injustifiée.

En premier lieu, le coût financier faramineux du nouveau tunnel, estimé entre 12 milliards et 26 milliards d’euros, captera une grande partie des ressources budgétaires, au détriment du reste du réseau ferroviaire français, national et régional.

C’est ainsi que, dans son référé du 1er août 2012 adressé au Premier ministre, la Cour des comptes estime que ce projet revêt « une faible rentabilité socio-économique » et que « la mobilisation d’une part élevée de financements publics se révèle très difficile à mettre en œuvre dans le contexte actuel ».

De plus, en classant le projet parmi les secondes priorités, la commission Mobilité 21 l’a renvoyé après 2030.

En second lieu, nous ne pouvons tolérer le coût environnemental d’un tel projet. À cet égard, il convient de rappeler que le nouveau tunnel de base serait long de 57 kilomètres, alors que le tunnel sous la Manche n’en compte que 50.

Une liaison de cette ampleur peut affecter de manière significative différents éléments du cycle hydrologique dans les zones traversées ; en particulier, elle risque de tarir les principales sources hydriques de certaines communes. Environ 300 millions de mètres cubes d’eau risquent ainsi d’être perdus chaque année dans les Alpes !

En outre, la concrétisation de ce projet entraînerait une augmentation de plus de 720 000 poids lourds par an dans les Alpes, avec 1 million de camions sur le rail.

Ce projet de ligne nouvelle, qui se veut prestigieux, est donc inutile, onéreux et nocif pour l’environnement.

Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste du Sénat se prononce contre la ratification de cet accord, comme l’ont fait nos collègues députés écologistes.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ma qualité de Rhônalpin et, plus précisément, de Savoyard, c’est un honneur et un réel plaisir d’intervenir au nom de mon groupe en faveur du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord franco-italien du 30 janvier 2012.

C’est un projet majeur. En effet, depuis la réalisation du tunnel sous la Manche reliant la France et la Grande-Bretagne, il s’agit du projet d’infrastructure de transport le plus important pour notre pays.

C’est aussi un projet structurant, car, bien au-delà de l’enjeu franco-italien, qui aurait suffi à lui seul à justifier sa réalisation, il s’agit d’une ambition européenne qui nécessite d’être soulignée et développée.

Force est de le constater, les débats qui ont pu naître ici et là méritent que l’on rappelle les principales étapes de ce projet, pour conforter, s’il en était besoin, le choix de nos deux pays soutenus par l’Europe, même si les craintes, voire les critiques exprimées – on vient d’en avoir un exemple –, nécessitent une réponse.

Dès le 17 janvier 1989, le conseil général de la Savoie, prenant acte de la mise en place d’un réseau ferroviaire européen, demande « une priorité pour l’étude et la réalisation de la liaison Lyon-Turin-Milan ».

Le 23 novembre 1992, le même conseil général délibère longuement sur la réalisation de cette liaison, en soulignant, « face aux perspectives de saturation des axes routiers et ferroviaires […], la nécessité de promouvoir des techniques intermodales de transport ».

Est-il besoin de rappeler la Convention alpine sur la protection des Alpes, signée en 1991 par huit États, dont la France, l’Italie, la Suisse et l’Autriche, ainsi que par l’Europe ? Il est précisé à son article 2-10, au titre des transports, que « les parties contractantes prennent des mesures appropriées, notamment dans les transports :

« - En vue de réduire les nuisances et les risques dans le secteur du transport interalpin et transalpin, de telle sorte qu’ils soient supportables pour les hommes, pour leur cadre de vie et leurs habitats, notamment par un transfert sur la voie ferrée d’une partie croissante du trafic, en particulier du trafic de marchandises, notamment par la création des infrastructures appropriées. »

Nous sommes alors en 1991…

Il est bon quelquefois de rappeler l’histoire à ceux qui se targuent d’être les visionnaires du monde de demain. Oui, l’esprit du Grenelle inspirait déjà le Lyon-Turin, avec vingt ans d’avance !

Ainsi, dès 1994, au sommet d’Essen, l’Europe retenait dix projets prioritaires, parmi lesquels l’axe sud européen, dont la section Lyon-Turin, qui allait devenir le corridor méditerranéen n°3, Algésiras-Budapest.

Les catastrophes des tunnels du Mont-Blanc, en 1999, du Saint-Gothard, en 2001, et du Fréjus, en 2005, allaient accélérer la prise de conscience de la réalité des transports dans les Alpes, au regard de la sécurité, de l’environnement, de l’économie et de son enjeu géostratégique.

Sur le plan de la sécurité, il est difficile d’imaginer qu’un ouvrage monotube de plus de treize kilomètres de long, chers collègues écologistes, datant du XIXe siècle – Cavour en avait lancé la réalisation avant le rattachement de la Savoie à la France –, puisse être prolongé indéfiniment, au moment même où tous les autres ouvrages de l’arc alpin entre la Suisse, l’Autriche et l’Italie ont été modernisés ou sont en cours de l’être, qu’il s’agisse du Lötschberg, du Saint-Gothard ou du Brenner.

L’histoire récente des grands ouvrages tant ferroviaires que routiers, ponctuée de multiples drames, nous apprend que nous ne pouvons nous appuyer sur des infrastructures fragiles pour franchir l’arc alpin. L’itinéraire ferroviaire par la Maurienne et le val de Suse, en Italie, a vocation à rester la colonne vertébrale de nos échanges franco-italiens, d’autant que l’axe par Vintimille ne peut assurer qu’un trafic modeste.

Bien qu’intéressantes, les autres solutions souvent évoquées, telles que le merroutage, ne peuvent être que partielles.

C’est ainsi que les trois principaux ouvrages de franchissement des Alpes entre la Suisse, l’Autriche et l’Italie, dont les altitudes respectives s’échelonnaient de 1 100 à 1 300 mètres, auront été ramenés à une altitude de 500 à 600 mètres, pour accroître la sécurité, la qualité et la capacité d’un meilleur service ferroviaire.

Il en est de même sur le plan de la protection de l’environnement, quand on sait les nuisances qui résultent des transports par poids lourds, des millions de camions traversant chaque année nos agglomérations et nos vallées alpines de Chamonix et de Maurienne ou suivant l’itinéraire côtier par Nice et Vintimille. La seule réponse à apporter ne peut relever que d’une ambition : transférer un million de camions de la route sur le rail, ce qui équivaut de surcroît à un gain annuel équivalent à 700 000 tonnes de CO2.

Sur le plan économique, pour échapper à toute interprétation fantaisiste, il est utile de rappeler l’importance des relations de la France et de l’Italie dans les échanges plus larges au cœur de l’Europe de l’arc alpin. L’Europe l’a bien compris, et son soutien financier, d’une hauteur exceptionnelle, témoigne de la prise de conscience du caractère majeur de ce verrou du franchissement des Alpes ; j’y reviendrai.

Depuis trente ans, oui, mes chers collègues, depuis trente ans, le trafic de marchandises par la route et le rail n’a cessé de progresser à travers l’arc alpin. Il a plus que doublé, passant de 68 millions de tonnes à 150 millions de tonnes, un tiers de ce trafic s’effectuant par les Alpes franco-italiennes.

Certes, ce trafic a été considérablement diminué par la crise économique, dans les années 2008-2010, mais il est de nouveau reparti à la hausse, l’Europe tablant, pour le seul mode routier, sur une progression de 60 % d’ici à 2030.

Même le mode ferroviaire, longtemps en recul, a repris le chemin de la croissance, puisque, avant la crise, la progression du transport de marchandises des neuf pays de l’Union européenne les plus proches a été, en cinq ans, de 32 %, dont 47 % pour la seule Allemagne.

Il est vrai qu’en France l’évolution pendant la même période aura été négative, enregistrant une baisse de 13 %, ce qui témoigne du défi à relever.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Non, la baisse du transport du fret par le rail ne doit pas être une fatalité dont la France et elle seule cultiverait l’idée ! Les prétendus mauvais chiffres du trafic ferroviaire entre la France et l’Italie, qui s’expliqueraient par des travaux et des marchés captés par nos voisins, doivent nous imposer plus de lucidité.

Se trouverait-il quelqu’un, mes chers collègues, pour condamner la pertinence du transport maritime au motif que certains ports français ont perdu pied face au succès de bien d’autres ports européens ? Non ! Là encore, nous savons la part de reconquête qui s’offre à notre pays, à condition de le vouloir. Certains résultats ne constituent-ils pas déjà un encouragement ?

Oui, le rail transfrontalier a de fortes marges de progression, dès que les infrastructures adaptées sont mises en place et que la qualité du service est assurée.

Mes chers collègues, nous en avons un début de démonstration, grâce à des chiffres vérifiables ne pouvant être discutés par une opposition qui avance pour sa part des données ne reposant sur rien.

Ainsi, l’autoroute ferroviaire alpine Aiton-Orbassano, installée à titre expérimental en 2003 à l’entrée de la vallée de la Maurienne, vient de connaître ses progressions les plus spectaculaires, avec l’amélioration, qui vient d’être rappelée, du gabarit du tunnel historique du Mont-Cenis depuis la mi-2012 : de plus de 17 % au deuxième semestre 2012, et de plus de 25 % sur les dix premiers mois de 2013, ce qui aboutira prochainement à la saturation des capacités existantes et nécessitera l’ouverture de la plateforme opérationnelle de Grenay, au sud de Lyon, pour accroître les capacités et, surtout, créer une section de transfert modal suffisante en distance.

Oui, mes chers collègues, tels sont les chiffres !

Mais le Lyon-Turin est aussi un enjeu géostratégique. En effet, les échanges, pour intéressants et importants qu’ils soient entre la France et l’Italie, respectivement deuxième et troisième exportateur l’un envers l’autre avec plus de 77 milliards d’euros par an, ne doivent pas masquer la vocation géostratégique de cette infrastructure au cœur de l’économie européenne.

Certes, l’Italie, parmi nos voisins européens, est le seul pays avec lequel nous ne disposons pas d’une infrastructure ferrée moderne, adaptée aux transports et aux échanges du XXIe siècle : le passage actuel entre Modane et Bardonecchia, à une altitude rédhibitoire pour des transports efficaces, reste un ouvrage de cent cinquante ans, inadapté aux transports du futur.

Ainsi, par la route comme par le rail, la France a aujourd'hui le coût d’accès à l’Italie le plus élevé d’Europe.

Mais il nous faut avoir un regard encore plus large. Oui, les grands courants mondiaux d’échanges ont placé le transport maritime au cœur du commerce mondial.

Face à la position jusqu’alors prédominante des ports du Nord, avec Anvers, Rotterdam, Amsterdam et Hambourg, l’Union européenne a souhaité renforcer le rôle méditerranéen du fuseau Algésiras-Barcelone-Marseille-Trieste-Koper.

Le Lyon-Turin s’inscrit dans cette stratégie du sud de l’Europe. Mais, pour l’Europe, il s’agit également d’un repositionnement à quinze ans du rail dans les rapports avec l’Asie, l’ancienne « route de la soie » permettant de replacer le trafic intérieur de marchandises en concurrence avec le fret maritime.

Puis-je citer, à titre d’exemple, la Deutsche Bahn Schenker, qui opère un service quotidien à destination de la Chine via la Russie, ou Hupac, qui réalise chaque semaine, depuis Barcelone, des convois sur Shanghai, en utilisant déjà l’axe du Mont-Cenis, que nous évoquons ce soir ?

Oui, mes chers collègues, en retenant, en 1994, au sommet d’Essen, le Lyon-Turin parmi les projets prioritaires, l’Europe avait une vraie vision des enjeux stratégiques de l’économie de notre continent. En décidant de contribuer de façon exceptionnelle à hauteur de 40 % du financement de ce maillon central, l’Europe confirme son ambition et l’importance de la réalisation de cette section ferroviaire.

Cette ambition, nos amis italiens la confortent également en décidant un effort financier plus important, pour tenir compte de la difficulté des accès français, plus compliqués.

Ainsi, en prenant en compte l’aide européenne, à hauteur de 40 %, et la contribution italienne, à hauteur de 35 %, la quote-part de la France sera limitée à 25 % d’un ouvrage estimé à 8, 5 milliards d’euros, et ce alors que la majeure partie du tunnel transfrontalier se trouve en territoire national, soit 45 kilomètres sur un total de 57 kilomètres à réaliser. Et je ne parle pas des emplois que cette réalisation suscitera sur notre territoire, qu’il s’agisse du chantier lui-même ou de la maintenance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Nous parlons donc d’un ouvrage de 8, 5 milliards d’euros et d’une contribution de la France de 2, 2 milliards d’euros. Pour vous donner une idée des ordres de grandeur, mes chers collègues, sachez que nous avons, depuis dix ans, réalisé des descenderies dont le coût atteint aujourd'hui presque 1 milliard d’euros, ce qui signifie que la France aura à payer, pour la réalisation du tunnel de base, un peu plus du double d’une somme qui a été dépensée mais qui n’a jamais suscité, dans cet hémicycle, la moindre question… De temps en temps, certains chiffres valent la peine d’être cités !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Faut-il rappeler que le financement de l’ouvrage du Saint-Gothard aura été supporté intégralement par la Suisse ?

Ce sujet n’était-il pas, monsieur le ministre, au cœur des débats entre chefs d’État, voilà quelque mois ? Il s’agissait de convaincre l’Europe de financer de grands projets structurants, préparant l’économie de demain tout en créant les emplois d’aujourd’hui, avec le souhait que ces grands chantiers ne rentrent pas dans le ratio d’endettement de 3 %.

Parmi les grands projets européens et français, je ne pense pas qu’il y en ait beaucoup qui, comme le Lyon-Turin, soient prêts à démarrer immédiatement et donc à jouer l’effet de levier souhaité et attendu. Le lancement, voilà quelques jours, côté italien, des travaux du tunnelier en est une illustration.

Oui, monsieur le rapporteur, vous avez eu raison de souligner, et je vous en remercie, la dimension européenne du Lyon-Turin, même si l’appellation retenue, parce qu’elle identifie la ligne aux deux capitales régionales frontalières, a pu, je dois l’avouer, avoir un effet réducteur sur la véritable dimension de cette infrastructure de transport.

Est-ce un hasard, si, à côté de l’appel de quatre-vingt-onze parlementaires au Président de la République, en vue du sommet franco-italien du 20 novembre prochain, rappelant ainsi l’engagement des Présidents de la République successifs, plus de cinq cents chefs d’entreprises italiens et mille entrepreneurs français ont répondu à l’appel lancé par Jean-Paul Mauduy, président de la chambre de commerce et d’industrie Rhône-Alpes ?

Certes, les mobilisations côté Italie ne doivent pas masquer les risques de récupération politique, de la même façon que les critiques exprimées côté français ne doivent pas masquer davantage les craintes ou appréhensions, notamment celles qui sont exprimées par la profession agricole.

Mais si ces inquiétudes ne concernent pas l’objet traité, qui est le tunnel international, elles méritent en revanche d’être prises en compte le moment venu, lorsqu’il s’agira d’aborder la phase des accès, dont l’impact foncier ne saurait être ni marginalisé ni minimisé.

Oui, monsieur le ministre, vous avez raison, au moment où l’Europe interroge, interpelle, voire inquiète nos concitoyens, alors qu’elle a été une part de rêve de l’après-guerre, cette Europe qui a su montrer avec Jean Monnet des projets structurants, comme ce fut le cas avec l’Europe de l’acier et du charbon, cette Europe qui a réussi le défi de la monnaie unique avec l’euro, n’est-ce pas une chance pour elle de se repositionner au cœur de l’économie réelle, créatrice de richesses et d’emplois, à travers une infrastructure qui favorisera l’échange des biens et des personnes mettant la France et l’Italie au cœur des relations sociales, culturelles et économiques du sud de notre continent ?

Hasard du calendrier, le Parlement européen adoptera demain un budget pour la période 2014–2020 dont la partie consacrée aux transports et aux infrastructures atteindra le niveau exceptionnel de 13 milliards d’euros, une enveloppe financière supérieure à celle du dernier budget, qui n’était que de 8 milliards d’euros.

Dès lors que le Parlement, avec le vote du Sénat, aura ratifié ce soir le traité de 2012 et que l’Europe aura adopté demain son budget, il reviendra aux chefs d’État français et italien, lors du sommet du 20 novembre prochain, d’engager leurs gouvernements respectifs à répondre à l’appel à projets qui sera lancé par l’Europe afin de satisfaire aux exigences de l’article 4 du traité du 29 janvier 2001, ratifié en 2002.

Oui, monsieur le ministre, le vote de ce soir est pour le Sénat l’occasion d’autoriser la ratification du traité qu’il lui est soumis, mais il marque en même temps, pour le Gouvernement, ainsi que le rappelait récemment Laurens Jan Brinkhorst, le coordinateur européen, l’exigence de s’engager à mener à bien la réalisation de la liaison Lyon-Turin, conformément aux moyens que l’Europe a décidé de mobiliser pour ce projet du XXIe siècle.

Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’accord sur lequel nous sommes amenés à nous prononcer ce soir fait partie de ces grands projets dont les enjeux sont tout à la fois économiques, environnementaux et sociaux, des projets qui préparent l’avenir et structurent le territoire.

Cet accord entre l’Italie et notre pays sur la réalisation et l’exploitation d’une nouvelle ligne ferroviaire entre Lyon et Turin est la phase décisive qui permettra enfin la concrétisation d’une idée maintenant vieille d’une quinzaine d’années.

En effet, nos deux pays ont déjà signé deux traités sur cette question, en 1996, puis, sous le gouvernement de Lionel Jospin, en 2001, avec Jean-Claude Gayssot comme ministre des transports.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Depuis lors, les atermoiements des différents gouvernements ont entraîné des retards dommageables à ce grand projet d’infrastructure.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Cet accord, sous forme de traité, a été signé à Rome au mois de janvier de l’année dernière. Il serait donc heureux et de bon augure que nous lui donnions notre approbation parlementaire, à la veille de la rencontre entre nos deux chefs d’État lors du prochain sommet franco-italien. Ce serait montrer la détermination de la représentation nationale à soutenir et à contrôler une réalisation qui va dans le sens de l’intérêt général.

Cela étant, pour se prononcer en toute connaissance de cause, il faut aussi avoir conscience des enjeux élevés et de toute la complexité de ce projet.

Tout d’abord un constat : aujourd’hui, l’essentiel du trafic transalpin passe par la route, que ce soit par les tunnels du Mont-Blanc ou du Fréjus ou bien par l’autoroute A8, qui longe la côte. Ces axes causent d’importantes nuisances à l’environnement et posent de réels problèmes de sécurité. Chacun se souvient des terribles accidents dans les deux tunnels, en 1999 et en 2005.

Ce constat parle de lui-même : les principaux axes qui relient notre pays à l’Italie sont saturés, obsolètes et dangereux. Près de 2, 7 millions de poids lourds franchissent annuellement les passages franco-italiens, soit 7 400 camions par jour environ.

En permettant de basculer de la route vers le fer le trafic de marchandises traversant les Alpes franco-italiennes, cette nouvelle liaison ferroviaire entre Lyon et Turin vise à résoudre ces difficultés. Par ailleurs, d’après les prévisions, vers 2035, la nouvelle ligne pourrait drainer 4, 5 millions de voyageurs par an, dont 1, 1 million transférés de l’avion vers le rail, avec un bénéfice environnemental évident.

Elle aurait également pour avantage non négligeable de réduire la durée des liaisons entre Lyon et Turin, bien sûr, mais aussi entre Paris et Milan, ce qui rapprocherait les deux régions.

L’accord comporte en outre un aspect financier considérable, puisque le coût total du percement du tunnel et de la construction de ses accès français et italiens, dans son évaluation actuelle, s’élèverait à 26 milliards d’euros.

Il faut également souligner la dimension européenne de cette initiative, qui a été très tôt inscrite parmi les dix-huit projets ferroviaires du réseau transeuropéen de transports.

Cette inscription dans le réseau est un atout déterminant. Il permet de prévoir dans le prochain cadre financier pluriannuel 2014–2020 de l’Union européenne une enveloppe importante pour les projets de transport, avec plus de 23 milliards d’euros qui devraient être alloués au mécanisme européen d’interconnexions.

C’est ainsi que l’Union européenne financera à hauteur de 40 % du coût les travaux du tunnel transfrontalier. Grâce à cet apport significatif, ainsi qu’à la clef de répartition du financement retenue par la France et l’Italie, notre pays ne paierait, au total, « que » 25 % du coût du tunnel transfrontalier, ainsi que le financement des infrastructures d’accès de notre côté et le contournement de Lyon.

Enfin, ce gigantesque ouvrage aurait un impact très positif en matière d’emplois dans la région. Dans sa phase « chantier », il pourrait induire environ 3 000 emplois directs dans la vallée de la Maurienne, dont plus de 2 000 sur les cinq années les plus importantes. Quant aux emplois pérennes liés à l’exploitation du tunnel de base, ils sont estimés à près de 300.

Tous ces aspects positifs font que ce projet a une cohérence globale qui paraît constituer une alternative crédible, pertinente et nécessaire pour réduire le trafic routier et ses nuisances, tout en renforçant la sécurité.

Pourtant, si la théorie paraît solide et logique, la mise en œuvre pratique se révèle complexe et peut-être incertaine.

Il faut mesurer que ce projet est aussi fortement contesté, des deux côtés des Alpes, par une partie des populations, diverses associations et quelques élus. Nous en avons eu l’illustration tout à l’heure.

Certains s’interrogent en effet sur l’utilité de cette nouvelle liaison, alors que le fret routier entre la France et l’Italie stagne voire diminue régulièrement depuis quinze ans. D’autres ont relevé le référé d’août 2012, par lequel la Cour des comptes avait signalé des coûts prévisionnels en forte augmentation ainsi que la faible rentabilité par rapport aux investissements consentis, et avait regretté « que d’autres solutions alternatives moins coûteuses aient été écartées sans avoir été explorées de façon approfondie ».

Il y a également ceux qui craignent un « désastre environnemental » faisant notamment disparaître des terres agricoles.

On le voit, ce projet comporte des avantages et des inconvénients sur le plan environnemental, mais, pour nous, le transfert modal est très important.

Reste que notre soutien raisonné à cette nouvelle liaison ferroviaire s’accompagne de quelques inquiétudes, sur les financements en particulier.

L’Union européenne parviendra-t-elle à financer ce projet comme prévu ? Nous en doutons.

M. Alain Néri s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

… pour la période 2014–2020 étaient en baisse, en particulier concernant les transports : 23 milliards d’euros sont consacrés aux infrastructures, dont 10 milliards d’euros pour des projets de cohésion. Seuls 13 milliards d’euros seront disponibles pour les grandes infrastructures.

Par ailleurs, compte tenu de nos propres difficultés nationales, nous pouvons aussi concevoir quelques inquiétudes sur les capacités de l’État et des collectivités territoriales concernées.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous assuriez que cette liaison fait bien partie des priorités du Gouvernement en matière de report modal et qu’elle marque de sa part une réelle volonté de relancer le fret ferroviaire.

Notre discussion de ce soir prend un relief particulier avec l’actualité récente et les débats polémiques autour de l’écotaxe. Les violentes manifestations d’opposition à cette taxe qui devait être prélevée sur la circulation routière des poids lourds ne peuvent qu’aggraver nos inquiétudes quant au financement. Malgré nos critiques sur les conditions peut-être maladroites de sa mise en œuvre, et bien que l’écotaxe ne soit, nous l’espérons, que provisoirement suspendue, nous redoutons que la situation actuelle ne prive, pendant quelque temps, ce projet des financements qui lui sont indispensables.

En dépit de ces inquiétudes, nous réitérons notre souhait de voir ce projet aboutir. En tout cas, le groupe CRC votera ce projet de loi, en rappelant que les élus communistes de la région Rhône-Alpes ont toujours soutenu cette opération.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste, de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la France et l’Italie, deux grands pays aux origines de la construction européenne, prolongent régulièrement leur coopération de manière bilatérale sur les questions de défense, de sécurité intérieure, d’enseignement supérieur ou encore de recherche. Les liens qui nous unissent sont particulièrement étroits en matière économique : la France est le premier partenaire commercial de l’Italie, et l’Italie, le deuxième partenaire de la France. Les échanges commerciaux entre les deux partenaires atteignent 70 milliards d’euros par an.

Les grands projets bilatéraux d’infrastructures de transport entre nos deux pays apportent donc une plus-value indéniable à ces coopérations et à ces échanges. Ainsi, la construction de la ligne à grande vitesse entre Lyon et Turin est un grand pas de plus qui rapprochera les deux États, leurs économies et leurs peuples. Il s’agit d’un projet ambitieux et réfléchi, conforté par les accords de 1996, de 2001 et par celui que nous examinons ce soir, signé à Rome le 30 janvier 2012.

Un tel projet n’a pas que des enjeux économiques : il est aussi une source de soulagement pour les habitants des zones alpines concernées. Aujourd’hui 7 400 camions traversent chaque jour le massif alpin, affectant durablement la qualité de l’air et impactant négativement le paysage. Cette situation est devenue insoutenable pour les 14 millions d’habitants de l’arc alpin, qui espèrent avec impatience le report modal de la route vers le transport ferroviaire.

Contrairement aux critiques que l’on a pu lire ou entendre, ce projet comporte donc bien une réelle dimension écologique. Il participe à la mise en œuvre de la Convention alpine signée en 1991 par huit pays, en plus de la Communauté européenne, dont l’un des objectifs est « la réduction drastique des émissions de polluants et de leurs nuisances dans l’espace alpin ainsi que des apports externes de polluants de manière à parvenir à un taux non nuisible aux hommes, à la faune et à la flore ».

La nouvelle ligne Lyon-Turin est aussi un outil de lutte contre les pollutions, un outil qui doit participer aux objectifs et à la stratégie de la France et de l’Union européenne en matière de réduction de gaz à effet de serre.

La baisse de la fréquentation de la ligne historique figure parmi les arguments en défaveur de la nouvelle ligne. Un tel argument ignore que le trafic de marchandises transalpin a connu une croissance de 22, 7 % entre 1999 et 2011. Certes, un ralentissement consécutif à la crise de 2008 a pu être constaté, touchant particulièrement le transport ferroviaire. Ce ralentissement ne représente cependant pas la tendance d’ensemble, puisque ce sont 2, 7 millions de camions qui traversaient la frontière en 2011.

Cette nouvelle infrastructure se justifie plus que jamais, car elle permettra le report chaque année de 1, 7 million de poids lourds sur le ferroviaire, comme le prévoit le dossier d’enquête d’utilité publique. Elle aura la capacité de transporter 40 millions de tonnes de marchandises, soit l’équivalent de ce qui est réalisé aujourd’hui tous modes confondus, alors que 85 % de ces échanges reposent sur le mode routier.

Enfin, les enjeux en question ne revêtent pas un caractère uniquement international : le projet améliore avant tout la desserte des territoires situés sur la section française de la ligne ferroviaire. Ainsi, Chambéry, Grenoble et Annecy seront respectivement à deux heures vingt-cinq, deux heures trente-cinq et trois heures de Paris.

Au-delà de ces avantages indéniables, nous sommes conscients que les enjeux financiers soulèvent des interrogations. N’oublions pas que l’accord qui est soumis à ratification ne signifiera pas engagement des travaux. Il ne procède qu’à une simple préparation en fixant les modalités de réalisation, le droit applicable ou encore de nouvelles règles de gouvernance.

À ce titre, il convient de saluer le renforcement du contrôle par les deux États, indispensable au regard des sommes en jeu. La mise en place d’un tiers certificateur sera essentielle pour obtenir une vision claire des coûts. Et, en ce qui concerne ces derniers, il est utile de rappeler que la France ne financera pas les 26, 1 milliards d’euros : sur 8, 5 milliards d’euros de la section transfrontalière couverte par le présent accord, la France n’apportera plus que 2, 2 milliards d’euros si l’Union européenne confirme sa participation au projet à hauteur de 40 %.

Élu du Lot, département de Maurice Faure, qui a signé le traité de Rome, je préfère voir l’Europe investir dans les grands équipements et dans les grands chantiers plutôt que de se focaliser sur les normes, les règlements et l’interdiction des fromages à pâte molle !

Rires et applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Et sur la chasse aux petits oiseaux !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

L'accord qui sera conclu ultérieurement afin d'autoriser véritablement l'engagement des travaux, pourra tenir compte de cette participation qui devrait être confirmée à l'issue de l'appel d'offres dont le lancement est prévu pour 2014 et de l'adoption du cadre pluriannuel financier pour 2014-2020.

Nous pouvons nous montrer optimistes sur les probabilités d'obtenir ces financements puisque la nouvelle ligne ferroviaire participe au déploiement de l'Europe du Rail.

Mais je conclus, car il me semble que mon temps de parole est presque épuisé.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour toutes les raisons évoquées, le groupe du RDSE apportera, dans sa grande majorité, son soutien au présent projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et l'Italie pour la réalisation et l'exploitation d'une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin.

Pour nous, cette nouvelle infrastructure est un projet d'aménagement du territoire et de développement économique à l'échelle européenne – il donnera ainsi un peu l’accent du Sud à l’Europe –, à l'échelle binationale, mais aussi à l'échelle régionale du massif alpin. Un seul de nos collègues, le sénateur francilien Philippe Esnol, se prononcera contre ce projet de loi. Son vote n'est pas motivé par une quelconque opposition à la réalisation de la LGV entre Lyon et Turin, …

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’accord qui est soumis ce soir à notre approbation porte sur le projet de liaison ferroviaire nouvelle Lyon-Turin, projet majeur d’infrastructure de transport qui a pu faire débat, qui fait toujours quelquefois débat – on l’a entendu – et qui trouve dans le présent texte un nouvel élan.

Le Gouvernement souhaite que nous adoptions ce projet de loi dans la perspective du sommet bilatéral franco-italien qui aura lieu dans deux jours seulement.

Ce projet de ligne Lyon-Turin remonte au début des années quatre-vingt-dix et répond à un triple objectif. Il s’agit d’abord de développer un réseau ferroviaire transeuropéen par connexion des réseaux nationaux et de sécuriser les échanges entre la France et l’Italie à travers les Alpes. Ce projet répond également à un objectif de protection du massif alpin par le report sur le rail d’une large part du transport routier des marchandises. Je reviendrai sur ce point et sur l’aspect écologique du projet.

En premier lieu, la ligne Lyon-Turin fait partie des axes prioritaires du réseau transeuropéen de transport, lequel doit permettre l’harmonisation, la jonction et le développement à l’échelle du continent européen des infrastructures indispensables pour permettre la circulation des marchandises et des personnes.

Je ne reviendrai pas sur le détail des dispositions de l’accord signé le 30 janvier 2012 dont nous devons autoriser l’approbation ce soir, car nos rapporteurs l’ont fait avec une précision et une exhaustivité que je salue. Je rappellerai seulement que ce nouvel accord, après ceux conclus en 1996 et en 2001, a pour objectif principal d’avancer significativement vers la réalisation de la section internationale du projet. Il porte en particulier sur la section transfrontalière, c’est-à-dire le tunnel de cinquante-sept kilomètres et ses abords immédiats. C’est la partie du projet qui est la plus délicate.

Il s’agit donc d’une étape intermédiaire : ce projet a été décidé dès 1994 dans le cadre de l’Union européenne, puis lancé par les gouvernements français et italien. L’accord constitue la troisième étape du processus. Le lancement des travaux définitifs de construction devra, quant à lui, faire ultérieurement l’objet d’un nouvel accord bilatéral. Il s’agit donc ce soir non d’autoriser le premier coup de pelle, mais de permettre la poursuite du projet.

Ce texte représente néanmoins une étape importante de la réalisation du Lyon-Turin dans sa partie internationale, puisqu’il précise la gouvernance du projet par les deux États, la définition du droit applicable au règlement des différends, et qu’il clarifie enfin le partage des coûts de la section internationale.

Au-delà de l’accord que je viens d’évoquer ici rapidement, nous n’ignorons pas les incertitudes que comporte ce projet et les inquiétudes qu’il peut susciter. Le rapporteur les a évoquées, notre collègue écologiste y est également revenue, chacun à sa façon.

Ainsi, le monde agricole craint que le projet de Lyon-Turin ne conduise à une consommation excessive de terres agricoles. Il faudra sans doute, monsieur le ministre, porter une attention particulière à cette question pour assurer la pérennité des exploitations agricoles. Un dispositif dédié pourrait être utile.

S’agissant des incertitudes, j’évoquerai d’abord la question du calendrier de réalisation : il est indéterminé, compte tenu du fait que le plan de financement n’est pas bouclé et de la complexité technique du projet.

Les inquiétudes financières, quant à elles, sont liées en partie au chiffre de 26 milliards d’euros avancé par la Cour des comptes pour évaluer le coût total du projet, initialement estimé à 12 milliards d’euros. Compte tenu de ce coût, certains élus s’inquiètent du financement des autres projets d’infrastructures de transport, qui risqueraient d’être sacrifiés, étant donné les contraintes de nos finances publiques.

Mme Kalliopi Ango Ela opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

La question se pose en effet : comment financer un tel investissement ? Notre rapporteur a donné tout à l’heure des éléments rassurants et des pistes sur ce point. Il est bien évidemment souhaitable, monsieur le ministre, que vous acheviez de nous tranquilliser.

Ces éléments financiers expliquent, avec la complexité technique de l’ouvrage, l’étalement du projet sur plusieurs décennies. On parle en effet d’une ouverture en 2030, ce qui renforce le scepticisme quant à la réalisation finale de ce projet.

C’est pourquoi, comme l’a indiqué excellemment Yves Pozzo di Borgo, la contribution du budget de l’Union européenne est décisive. En effet, l’Union s’est fermement engagée à participer au financement de la partie transfrontalière à hauteur de 40 %. Cela réduirait la participation de la France à environ 2, 15 milliards d’euros sur les 8, 5 milliards d’euros que représente le tunnel transfrontalier, financement échelonné évidemment sur plusieurs années, voire sur une décennie.

Enfin, précisons que les 26 milliards d’euros cités concernent l’ensemble du coût du projet pour la France et l’Italie. Le financement à la charge de notre pays serait en réalité plus proche des 10 milliards d’euros.

En outre, comme cela a été rappelé par les rapporteurs, la clé de répartition financière arrêtée dans l’accord est favorable à la France : l’Italie financera 60 % des dépenses concernant le tunnel, qui est pourtant bien plus long sur le territoire français. Ce n’est pas négligeable.

La nouvelle ligne Lyon-Turin bénéficiera aux déplacements régionaux, nationaux et européens à travers les Alpes. Ce n’est pas seulement un projet d’infrastructure de transport, mais un projet de territoire aux enjeux environnementaux, économiques et sociaux importants pour les régions concernées et bien au-delà, compte tenu de son aspect européen. La question des enjeux environnementaux est discutée – elle l’a été tout à l’heure à la tribune. Examinons les enjeux économiques et sociaux avant de revenir sur la problématique environnementale.

Cela a été rappelé par d’autres, cette ligne permettra de relier deux régions importantes du point de vue économique – l’Italie est en effet notre deuxième partenaire commercial – et de leur donner un nouvel élan. Elle est également un élément du développement économique de toute l’Europe du Sud et, au-delà, du renforcement des liens entre les régions du Grand Paris et de Milan, comme l’a rappelé le rapporteur de la commission des affaires étrangères.

L’enjeu économique du projet est donc réel : il favorisera les échanges européens. La ligne est l’un des chaînons du corridor transeuropéen de transport, qui va du sud de l’Espagne à la frontière orientale de l’Union européenne.

Avec la ligne ferroviaire Lyon-Turin, il s’agit bien de créer une offre de très haute qualité, performante et donc compétitive par rapport à la route, permettant un report efficient de la route vers le rail.

Selon les projections, la nouvelle ligne devrait attirer 4, 7 millions de voyageurs à l’horizon 2035, dont une grande partie par transfert de la route sur le rail.

Mais le report modal pour le fret est la justification majeure du Lyon-Turin. De nos jours, 40 millions de tonnes de marchandises transitent chaque année par les Alpes franco-italiennes ; 85 % des flux de fret entre la France et l’Italie sont routiers ; près de 7 400 poids lourds circulent chaque jour dans cette zone transalpine.

En transférant sur la nouvelle ligne ferroviaire la moitié du fret circulant entre les deux pays à l’horizon 2035, on éviterait 1 million de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre par an. Cela limiterait aussi grandement les nuisances environnementales dans les Alpes françaises et les risques dus au trafic routier. La nouvelle ligne sera, en cela aussi, un élément d’amélioration de la sécurité des passages routiers alpins.

Atteindre effectivement cet objectif environnemental doit être essentiel pour les régions alpines franco-italiennes, qui sont fragilisées sur le plan écologique par les nuisances sonores et par la pollution atmosphérique.

Nous ne pouvons que soutenir cette politique de développement du fret ferroviaire. Elle doit être accompagnée par des mesures réglementaires et tarifaires, comme l’a souligné notre collègue rapporteur pour avis de la commission du développement durable.

Même si des inquiétudes existent sur ce projet – je les ai évoquées –, il me semble qu’il n’existe pas d’alternative ferroviaire crédible au Lyon-Turin. C’est pourquoi le groupe UDI-UC autorisera l’approbation de cet accord.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe socialiste et de l'UMP, ainsi que sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Chiron

Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en novembre 2012, dans ce même hémicycle, nous avons su nous réunir et dépasser les clivages politiques pour lancer « l’appel des parlementaires » en faveur de la réalisation du Lyon-Turin. Certains de mes collègues s’en souviennent, une députée européenne espagnole était présente, un député italien, ainsi que les anciens ministres Louis Besson et Claude Gayssot, et de nombreuses autres personnalités représentant notamment le monde syndical et économique pour témoigner de leur engagement en faveur de cette réalisation.

Ce projet a été porté par tous les Présidents de la République successifs depuis François Mitterrand. Le Président François Hollande nous propose, un an après notre appel, de concrétiser ce projet européen majeur, majeur pour l’environnement, la sécurité et l’activité économique, majeur pour l’Europe et pour ses habitants.

Monsieur le ministre, merci d’avoir œuvré avec votre collègue ministre des transports, Frédéric Cuvillier, pour faire avancer ce projet résolument européen.

Comme tous les projets d’investissement structurants, il suscite des interrogations, voire des controverses, parfois légitimes, auxquelles il faut alors répondre, mais malheureusement trop souvent idéologiques.

À ceux qui jugent ce projet d’un autre temps et qui s’enferment dans des postures, je réponds en deux mots : réalisme et pragmatisme. En 2012, les échanges entre la France et l’Italie ont été 1, 3 fois supérieurs aux échanges entre la France et la Chine, et 90 % de ces échanges s’effectuent par la route. Ces chiffres sont sans équivoque.

Nous connaissons tous, nous, les élus des Alpes, les conséquences de ces échanges dans nos vallées en matière de qualité de l’air et de qualité de vie. Chaque année, ce sont 2, 7 ou 3 millions de poids lourds qui franchissent les passages franco-italiens. C’est dire les nuisances subies par les habitants de nos vallées alpines.

Il est donc urgent de désengorger les Alpes, mais aussi l’autoroute du littoral entre Nice et Marseille, en proposant une solution alternative à la route. Le Lyon-Turin constitue l’une des réponses, car c’est avant tout un projet de fret ferroviaire qui va permettre le report des poids lourds vers le rail, tout en assurant une meilleure sécurité – d’autres l’ont rappelé avant moi.

Tandis que certains parlent d’écologie, nous nous proposons, bien modestement, d’agir pour l’écologie. Dès la mise en service du tunnel de base de cinquante-sept kilomètres au départ de Saint-Jean-de-Maurienne, on estime le nombre de poids lourds dont le chargement serait susceptible de se reporter vers le rail à 1 million par an. Cela permettra d’économiser entre 530 000 et 700 000 tonnes de CO2 par an, sans compter le transport des voyageurs. Cette économie est considérable et d’une importance majeure pour les habitants de nos territoires.

Ce projet est une véritable chance pour aménager plus durablement le territoire en veillant à la qualité de l’air et à l’environnement. Évidemment, nous devrons assurer – nous y sommes déjà attentifs – le maintien de la surface de nos terres agricoles cultivées. Sur ce point, je sais que le président de la région Rhône-Alpes, Jean-Jack Queyranne, est en relation permanente avec la profession agricole, dont je comprends l’inquiétude.

Certains pensent que ce projet est devenu inutile parce que l’évolution des trafics est moins rapide que prévu et que la ligne existante n’est pas saturée. Je leur réponds qu’en effet la ligne actuelle est sous-utilisée ; d’ailleurs, personne ne le conteste. Mais allons jusqu’au bout et rappelons pourquoi : si cette ligne n’est pas utilisée à plein, c’est peut-être en partie à cause de la crise économique, mais c’est surtout parce que la ligne actuelle, inaugurée en 1871, est vétuste ; elle est d’ailleurs classée monument historique… Son vieux tunnel, qui culmine à 1 300 mètres d’altitude, rend son utilisation très coûteuse et lui retire toute compétitivité, sans parler de ses accès à voie unique sur quarante-trois kilomètres et du fait qu’elle surplombe du lac du Bourget.

La ligne historique est donc loin des capacités potentielles d’une nouvelle ligne qui sera, de fait, une infrastructure performante.

Sur la période 2010-2030, la Suisse prévoit une croissance de 3 % par an du fret ferroviaire, ce qui signifie son doublement d’ici à 2035. Pour la Suisse, il s’agit non pas forcément d’augmenter le volume global des échanges qui passent par son territoire, mais de prendre des mesures autoritaires pour que tous les échanges ou presque utilisent le fret ferroviaire, alternative crédible à la route.

Si nous ne réagissons pas, si nous ne sommes ni attractifs ni compétitifs sur le fret ferroviaire, cela pourrait avoir des répercussions fortes sur l’utilisation de nos autoroutes en France. À cet égard, monsieur le ministre, il faudrait envisager, concomitamment à la mise en service du Lyon-Turin, une augmentation du coût des autoroutes pour les poids lourds qui n’emprunteraient pas, dans ce secteur, le fret ferroviaire. Notre collègue André Vairetto l’a envisagé, et je le soutiens naturellement sur ce point.

Les Suisses, eux, ont bien compris les enjeux. Ainsi, alors même que nous discutons, ils sont en train de réaliser les investissements nécessaires pour améliorer encore leurs lignes de fret ferroviaire, en creusant des tunnels de plaine comme ceux du Lötschberg et du Saint-Gothard.

Dans ce contexte, serait-il opportun de renoncer au Lyon-Turin et à son tunnel de base ?

Serait-il raisonnable de renoncer à un projet permettant de faire de la haute capacité ?

Serait-il souhaitable de renoncer à un projet rééquilibrant les échanges européens est-ouest à travers les Alpes ?

Car ce projet dépasse largement les frontières franco-italiennes ! Le Lyon-Turin est en effet le maillon central qui va parachever la liaison est-ouest européenne, permettant de relier Lisbonne à la frontière ukrainienne, en passant par l’Espagne, notamment Barcelone, et en allant vers la Slovénie.

Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, il permettra de mettre en réseau 5 000 kilomètres de lignes ferroviaires à travers l’Europe, de desservir 350 millions d’habitants et de nous relier à des pays dotés de réels potentiels économiques, dont certains frappent d’ailleurs à la porte de l’Europe. Nul doute que cette nouvelle liaison aura des retombées positives sur l’activité économique, l’emploi, mais aussi sur les échanges humains et culturels.

Dans un contexte où elle est souvent perçue comme une source de contraintes supplémentaires suscitant la défiance, le projet Lyon-Turin donne à l’Europe une dimension extrêmement concrète, au service de l’environnement et de nos populations.

Grâce à votre engagement, monsieur le ministre, la Commission européenne a d’ailleurs reconnu tout l’intérêt de ce projet, en confirmant que la réalisation du tunnel de base serait éligible à une subvention européenne à hauteur de 40 % des dépenses.

Avec l’engagement de l’Union européenne, et compte tenu de la clé de répartition des financements décidée par la France et l’Italie, la France ne paiera que 25 % de la réalisation de cette infrastructure, soit 2, 2 milliards d’euros ! C’est un élément tout à fait déterminant, qui me semble en partie répondre à la Cour des comptes quand elle s’interroge sur la possibilité d’un financement européen.

Alors, nous pouvons toujours douter ; nous pouvons discuter encore, et tergiverser à l’infini. Oui, nous pouvons « regarder passer les trains », et voir ainsi les investissements, l’activité économique et les emplois qui vont avec quitter la France. Nous pouvons ne pas répondre aux populations de nos vallées alpines, dont les attentes sont fortes en termes de santé publique.

Mais nous pouvons au contraire prendre nos responsabilités en soutenant la réalisation de cet investissement résolument européen. Comme nos prédécesseurs ont su le faire avant nous, sachons préparer l’avenir. Gardons confiance dans le futur. Osons poser dès aujourd’hui les conditions qui seront nécessaires demain pour maintenir l’activité économique dans nos régions et les emplois en Europe, tout en œuvrant pour le développement durable.

Le groupe socialiste, vous l’avez compris, apportera avec détermination sa voix à ce projet ferroviaire Lyon-Turin.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC, de l'UMP et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Besson

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les brillantes interventions de MM. les rapporteurs Yves Pozzo di Borgo et André Vairetto, et les présentations quasi unanimes des différents orateurs qui se sont succédé à la tribune, mon propos sera plus bref que prévu.

Comment ne pas soutenir ce grand projet européen ? Il offre une occasion d’investir, de relancer l’économie, de soutenir l’emploi, de renforcer le lien européen entre nos régions et nos pays, de favoriser le tourisme et de protéger l’environnement.

C’est pourquoi, je l’avoue, je ne comprends pas très bien la position de nos amis écologistes.

Voilà plus de soixante ans, Robert Schuman affirmait : « L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble ; elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. » Jacques Delors disait la même chose il y a dix ans. Tous deux avaient raison.

Je vois dans la construction de ce tunnel ferroviaire Lyon-Turin un acte fort, une réalisation concrète qui montre à quel point l’Europe et les échanges entre les régions de pays voisins peuvent devenir des réalités.

Enfin, à l’heure où nos pays ont tant besoin de relever leurs économies, à l’heure où l’Europe elle-même doit se renforcer, car elle a un rôle déterminant à jouer face à cette crise internationale, ce projet est l’exemple même des actions politiques concrètes que nous devons mener pour faire avancer cette Union européenne qui nous est si chère.

Notre rapporteur, Yves Pozzo di Borgo, a insisté sur la nécessité de réaliser une liaison est-ouest. Tous les membres de la commission des affaires étrangères ont défendu cette position. Il existe en effet beaucoup de liaisons nord-sud, mais un examen attentif de la carte montre que cette liaison est-ouest, de Séville à Kiev, est indispensable. J’ajoute qu’il n’est pas impératif qu’elle passe par Lyon. Elle peut aussi emprunter le sillon alpin via Chambéry, Grenoble et Valence.

Avec le conseil régional de Rhône-Alpes et les conseils généraux de la Drôme – n’est-ce pas, cher président Didier Guillaume ? – et de l’Isère, nous avons déjà investi 70 millions d’euros pour nous engager dans ce projet d’avenir et réaliser des travaux, puisque cette ligne du sillon alpin sera mise en service dès le 15 décembre.

Comme l’a souligné notre collègue député Étienne Blanc, 81 des 83 parlementaires de la région Rhône-Alpes se sont prononcés en faveur du projet, dont bien entendu Bernard Piras, Didier Guillaume et moi-même, les opposants à ce projet étant, on le voit, marginaux. Ce projet est aussi unanimement soutenu par le monde de l’entreprise, les collectivités, l’État et l’Union européenne, qui consent un apport financier exceptionnel à hauteur de 40 %.

Monsieur le ministre, pour ce bel accord européen, vous pouvez compter sur le soutien unanime du groupe socialiste, mais aussi – je n’en doute pas, compte tenu des interventions de nos collègues – sur un « oui » franc et massif de notre assemblée.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC, de l'UMP et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Je remercie l’ensemble des intervenants et souhaite répondre à une remarque formulée par l’un de nos collègues.

Ce projet de loi est examiné selon la procédure accélérée. À l’Assemblée nationale, la commission des affaires étrangères n’a procédé à aucune audition ; la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire n’en a organisé qu’une seule et la commission des affaires européennes a réuni une sorte de table ronde avec cinq intervenants extérieurs.

La commission des affaires étrangères du Sénat a souhaité aller beaucoup plus loin, en procédant à l’audition de douze personnes, dont des opposants au projet, en particulier leur porte-parole, qui est aussi parlementaire, dans l’intention d’entendre leurs arguments et de mieux pouvoir les contrer.

Je trouve donc quelque peu inélégant de la part de l’une de nos collègues de se faire l’écho d’une campagne sur Internet et les réseaux sociaux actuellement dirigée contre les travaux de la commission sans s’être préalablement renseignée sur ce qui a été notre méthode de travail.

La commission des affaires étrangères a beaucoup travaillé sur ce sujet et a proposé un projet.

Je remercie également la commission du développement durable de s’être saisie de ce texte pour avis, et j’aurais aimé que la commission des affaires économiques et la commission des affaires européennes en fassent de même, car ce projet est d’une très grande importance, mes chers collègues.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur les travées de l'UMP et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je vous remercie de ces précisions, monsieur le rapporteur.

La parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Madame la présidente, après avoir écouté l’ensemble des sénatrices et sénateurs inscrits dans la discussion générale, je souhaiterais verser aux débats quelques compléments d’information.

Je remercie tout d’abord ceux d’entre eux – la plupart ! - qui ont exprimé, avec conviction et responsabilité, leur soutien à ce grand projet.

Il est vrai que de grands chantiers de cette nature peuvent parfois causer d’importants bouleversements sur le terrain, notamment pour le monde agricole, les habitants et quelques entreprises, qui se verront sans doute expropriées ou déplacées. Mais n’est-ce pas le lot des grands chantiers qui ont modelé notre pays ?

À celles et ceux qui ne sont pas convaincus, comme Mme Ango Ela, je voudrais dire qu’ils peuvent encore changer d’avis.

Les caractéristiques de l’infrastructure existante, qui passe effectivement par Modane, à la frontière franco-italienne, et emprunte le tunnel historique du Fréjus, inauguré en 1871, ne sont plus adaptées aux nouveaux enjeux du développement du fret en France.

Ainsi, alors que le futur tunnel passera à une altitude comprise entre 450 et 500 mètres, la ligne historique culmine à 1 300 mètres d’altitude. Son dénivelé est tel qu’il rend très difficile le passage des trains de fret, qui doivent être tractés ou poussés par deux ou trois locomotives diesel pour atteindre cette altitude. Évidemment, la nature même du service proposé n’est pas compétitive au regard des tunnels voisins du Fréjus et du Mont-Blanc, deux accès routiers de très grande qualité qui voient passer 1, 3 million de véhicules chaque année.

Disons-le clairement : le tunnel historique ne sera jamais utilisé à 100 % de ses capacités, quels que soient les travaux de modernisation que nous pourrons engager. Au cours des dernières années, des efforts importants ont été consentis par notre pays : la fréquentation de la ligne a certes augmenté, mais nous n’atteindrons jamais sa pleine capacité.

En revanche, lorsqu’une nouvelle infrastructure performante est proposée, on constate une augmentation du trafic de fret. Car si le fret marchandises a globalement diminué dans les Alpes au cours des dernières années, il n’a pas baissé partout. Il a même augmenté là où des tunnels ferroviaires performants ont été construits.

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué

Le tunnel du Lötschberg, ouvert il y a quatre ans par nos amis suisses, atteint près de 100 % de sa capacité.

Dès lors que nous sommes en mesure d’offrir aux acteurs économiques, notamment aux transporteurs routiers, une infrastructure plus rapide que les tunnels routiers, ils s’en saisissent et utilisent le rail, y compris pour se déplacer.

C’est l’ambition des travaux du Lyon-Turin que de faire du rail un concurrent redoutable de la route, pour la protection du massif des Alpes. Et cela passe par la réalisation que nous vous proposons d’approuver.

Par ailleurs, madame Ango Ela, la commission Mobilité 21, chargée d’établir les priorités entre les différents projets inscrits dans le schéma national des infrastructures de transport a, par principe, exclu du périmètre de son analyse les projets ayant déjà fait l’objet d’un engagement international, comme c’est le cas du Lyon-Turin.

En outre, cette commission confirme l’intérêt, à terme, de réaliser les accès français prévus, donc sur le territoire national, en relation avec le projet de liaison binationale. Ayant fort logiquement classé ce projet d’accès en priorité de second rang, la commission a proposé que ces travaux soient réalisés à partir de 2030 ; c’est le temps qu’elle a estimé nécessaire pour la construction du tunnel dont nous parlons aujourd’hui.

Toutefois, cette même commission indique dans son rapport que la planification peut faire l’objet de révisions tous les cinq ans. Ainsi, si le tunnel Lyon-Turin est percé plus rapidement que prévu, les conclusions du rapport Mobilité 21 seront révisées.

Je souhaite en outre revenir sur la présentation qui a pu être faite du financement du projet, laissant penser que les financements par l’Europe du projet Lyon-Turin viendraient en concurrence de la modernisation du réseau actuel. Ce ne sera pas le cas. La modernisation du réseau et la construction du tunnel sont totalement déconnectées.

Il faut d’ailleurs se défaire de l’idée que les milliards d’euros apportés par l’Union européenne pourraient financer la modernisation du réseau ferroviaire actuel. Celui-ci a certes besoin d’investissements nouveaux. Toutefois, les fonds dédiés au mécanisme d’interconnexion européenne, selon la terminologie exacte, ne concernent que les projets reliant au moins deux pays de l’Union européenne. Si ces fonds ne sont pas utilisés, ils seront affectés à d’autres projets d’interconnexion, dans d’autres pays, mais pas en France, du moins pas à ce titre.

En effet, pour la France, la Commission européenne n’a acté que deux projets au titre du mécanisme d’interconnexion européenne : la ligne ferroviaire Lyon-Turin et le projet fluvial du canal Seine-Nord, porté par Frédéric Cuvillier. Pour répondre au sénateur Esnol, ces projets bénéficieront d’un taux de financement européen à hauteur de 40 % pour les travaux et de 50 % pour les études. Cela nous a été confirmé le 17 octobre dernier, à Tallinn, par le commissaire Siim Kallas.

Si ces sommes ne sont pas utilisées pour ces deux projets, elles seront redistribuées à d’autres pays, et non pas affectées à la modernisation du réseau français.

Pouvons-nous nous priver d’une telle manne financière pour la relance de l’activité économique ?

Non ! sur un grand nombre de travées.

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué

Effectivement, je ne le pense pas.

Certains ont pu également laisser penser qu’en raison du report de l’application de l’écotaxe, les travaux de la ligne Lyon-Turin ne pourraient être financés. Soyons sérieux, ne confondons pas la suspension – temporaire – de l’écotaxe en France et les besoins financiers de long terme liés au projet de liaison ferroviaire franco-italienne.

De surcroît, rappelons que, parallèlement, des mesures seront prises par les futurs gouvernements pour favoriser le report modal. Dès lors que ces infrastructures existeront, les transporteurs routiers seront incités à utiliser la nouvelle infrastructure ferroviaire du Lyon-Turin pour le transport du fret. Le présent accord bilatéral franco-italien prévoit ainsi plusieurs dispositions favorables au report modal, à court, moyen ou long terme.

À l’avenir, il conviendra de définir, avec l’ensemble des pays alpins et la Commission européenne, les modalités de régulation des flux transalpins, notamment les flux de marchandises, par des dispositifs incitatifs ou coercitifs, voire tout à la fois incitatifs et coercitifs, notamment financiers.

Enfin, M. le rapporteur et d’autres de ses collègues m’ont interrogé sur la volonté de la France de s’engager en faveur d’une mobilisation rapide des financements que l’Europe est prête à mettre à notre disposition et qui, pour la période 2014-2020, seront votés demain au Parlement européen. Je vois en ce hasard du calendrier un signe positif devant vous inciter, mesdames, messieurs les sénateurs, à adopter ce projet de loi à la plus large majorité.

Sur la mobilisation des fonds, je ne peux m’exprimer qu’au nom du gouvernement français ; or, vous l’avez compris, ce dossier se porte à deux, avec l’Italie. Toutefois, je peux vous assurer que le gouvernement français s’engage, dès à présent, à prendre toutes les mesures nécessaires en vue d’obtenir, pour la période 2014-2020, le cofinancement communautaire. Dès 2014, nous présenterons à la Commission européenne une demande, que nous souhaitons conjointe avec l’Italie, pour obtenir ce soutien au taux maximum.

Il me reste à espérer que nous trouverons dans quarante-huit heures un écho favorable auprès de l’Italie. Je n’ai pas de raison d’en douter, mais la réponse définitive vous sera apportée par les conclusions du sommet franco-italien de Rome, auquel participeront les deux chefs de Gouvernement, français et italien, ainsi qu’une grande majorité des deux gouvernements respectifs. Je suis plutôt optimiste sans pouvoir, ce soir, parler avec une totale certitude, car la réponse doit être apportée aussi bien par la France que par l’Italie.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du RDSE, ainsi que sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l’article unique.

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne pour la réalisation et l'exploitation d'une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin (ensemble trois annexes), signé à Rome, le 30 janvier 2012, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jean-Claude Carle, sur l'article unique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, il est des projets de loi dont l’examen procure plus de satisfaction que d’autres. C’est le cas de celui-ci, et ce pour deux raisons déjà évoquées par beaucoup d’entre nous et en particulier par Jean-Pierre Vial.

La première raison, c’est la pertinence même de ce projet ferroviaire : pertinence économique et pertinence écologique.

La deuxième raison, c’est que ce projet s’inscrit dans la vraie mission de l’Europe. À l’heure où l’Europe est perçue par bon nombre de nos compatriotes comme un « machin » à produire des contraintes et normes en tout genre, cet accord montre qu’elle peut être le lieu d’initiatives et d’investissements structurants. Et en période de crise, chacun le sait, seuls les investissements préparent l’avenir.

Je voudrais à mon tour saluer l’action constante de la France. À tous les niveaux, tous les Présidents de la République, tous les gouvernements de droite ou de gauche qui se sont succédé, ont soutenu ce projet. Monsieur le ministre, vous en êtes ce soir l’expression. Et je suis convaincu que le Président Hollande fera du sommet franco-italien du 20 novembre l’occasion de lancer la prochaine phase, vers la réalisation et l’exploitation de cette ligne.

Permettez-moi, mes chers collègues, de saluer également l’engagement de celles et ceux qui, hier et aujourd’hui, ont permis au Parlement de débattre de ce projet. C’est une étape indispensable à la réalisation de l’infrastructure.

Je ne les citerai pas tous, mais je veux témoigner du rôle déterminant de notre ancien collègue, le regretté Pierre Dumas. Vice-président chargé des transports au conseil régional Rhône-Alpes, il est à l’origine du projet. Sa ténacité, alliée à son talent de diplomate, a permis de vaincre nombre de réticences et de convaincre les plus sceptiques.

Permettez-moi de lui associer ses deux successeurs au Sénat : Michel Barnier, aujourd’hui commissaire européen, dont la position actuelle est un atout supplémentaire pour le bon cheminement du projet, et notre collègue Jean-Pierre Vial, qui, depuis qu’il siège dans notre hémicycle, ne manque jamais une occasion de nous convaincre du bien-fondé du Lyon-Turin. Son intervention ce soir en est une illustration supplémentaire.

Je voudrais également associer Jean-Jacques Queyranne, le président du conseil régional Rhône-Alpes, qui, comme ses prédécesseurs, soutient avec la même conviction ce projet.

J’y ajoute le soutien de l’ensemble des acteurs économiques de la région. Plus de mille entreprises ont signé un communiqué en faveur du Lyon-Turin !

Oui, mes chers collègues, ce Lyon-Turin, malgré les inquiétudes légitimes qu’il suscite en termes de coût et de financement, malgré les préoccupations environnementales, est une nécessité économique, et pas seulement pour les deux régions transfrontalières, pas seulement pour la France et l’Italie, mais pour l’Europe tout entière.

Cet axe est le maillon central et incontournable des échanges entre l’Europe du Nord et celle du Sud, et ce depuis des siècles, voire des millénaires. Cette « banane bleue », comme l’appellent les spécialistes des transports, va de Rotterdam à Milan. Et Lyon est le point de bifurcation de ces flux, d’une part, vers l’Espagne et le Portugal via Montpellier, et d’autre part, vers l’Italie et l’Europe du Sud-Est via Turin par le futur tunnel sous les Alpes.

Or, aujourd’hui, nous sommes face à une réalité : 90 % des flux de marchandises se font par camion. Est-il normal qu’un camion parte de Rotterdam pour aller à Milan voire plus loin encore ? Non !

Nos infrastructures ferroviaires ne sont pas adaptées, et le parcours par le fer est dissuasif, en temps et en coût. En effet, il ne faut guère plus de vingt-quatre heures à une semi-remorque au départ du port hollandais pour rejoindre la capitale lombarde, alors que cette même remorque mettra presque une semaine sur un wagon !

Ce à quoi il convient d’ajouter la pollution générée par les mêmes camions dans la vallée de Chamonix ou celle de la Maurienne, lorsqu’ils rejoignent l’Italie via les tunnels routiers du Mont-Blanc et du Fréjus. Le préfet de Haute-Savoie vient d’ailleurs de limiter la vitesse sur les autoroutes face à la pollution suscitée par ces trafics.

Ce projet est une nécessité, et en particulier le tunnel de base qui, il est vrai, mobilisera plusieurs milliards d’euros. Il nous faudra être imaginatifs et innovants, monsieur le ministre, pour mobiliser des fonds publics et privés.

Certes, Hannibal, il y a vingt siècles, a traversé les Alpes à dos d’éléphant, une espèce aujourd’hui protégée ; mais la notion d’espace-temps n’est plus du tout la même, vous en conviendrez !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Permettez-moi enfin, mes chers collègues, d’ajouter une raison supplémentaire, plus locale, voire plus égoïste. Ce maillon Lyon-Turin permettra également de réduire le temps de parcours entre Chambéry, Annecy et Paris de vingt à trente minutes. C’est considérable. Ce projet affirmera également le rôle multimodal de l’aéroport et de la gare de Saint-Exupéry.

Autant de raisons qui me conduisent, ainsi que le groupe UMP, à voter ce texte.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Didier Guillaume, sur l’article unique.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le vote que nous nous apprêtons à émettre est important pour l’Europe comme pour la France, son développement économique et la protection de son environnement. Je salue un engagement aujourd’hui en passe d’être tenu : jamais les circonstances n’auront été aussi favorables.

Depuis des années, beaucoup ont œuvré, notamment d’éminents élus dont certains sénateurs, pour que nous aboutissions à ce résultat. À la liste qu’a dressée Jean-Claude Carle, j’ajouterai deux noms qui ont également beaucoup compté dans ce dossier. Il s’agit, d’une part, de Jean-Claude Gayssot qui, lorsqu’il était ministre des transports, a joué un rôle déterminant. Il s’agit, d’autre part, de notre ami Louis Besson, qui s’est impliqué avec toute la rondeur qu’on lui connaît, et l’opiniâtreté, aussi.

Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du RDSE, ainsi que sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le ministre, j’ai beaucoup apprécié vos propos et notamment l’engagement du gouvernement français. Je vous rejoins, le sommet de Rome, dans deux jours, sera déterminant. Le Président Hollande comme ses prédécesseurs, et M. Letta comme autrefois M. Monti, y sont favorables. C’est l’occasion d’y aller !

Dans le contexte économique qui est le nôtre, si nous voulons profiter de certains effets de levier, la réalisation de ce tunnel, soit une dépense de 8 à 10 milliards d’euros, sera un engagement sans précédent pour le développement économique.

Jean-Claude Requier l’a fort bien dit, les relations économiques entre la France et l’Italie, ou entre l’Italie et la France, soit environ 70 milliards d’euros, sont très fortes, notamment dans le secteur de l’agroalimentaire, qui n’a rien de mineur. Cette seule raison pourrait suffire à justifier la réalisation de ce projet.

À ce premier motif s’ajoutent également les enjeux environnementaux, bien décrits par M. le ministre. Plus il y aura de voies ferroviaires à emprunter, plus les camions se reporteront sur le rail et plus les trains seront utiles. Au contraire, moins il y a de possibilités ferroviaires, moins on utilise le train. C’est tellement évident ! Voilà pourquoi nous devons avancer.

Mais je ne saurais ignorer la motivation européenne. Songeons à ce que nos concitoyens pensent de l’Europe. Je fais partie de ceux qui craignent que les prochaines élections européennes, en France comme dans le reste de l’Europe, voient les extrémistes et les populistes européens recueillir un grand nombre de voix. L’Europe est effectivement parfois perçue comme une contrainte.

Ce projet constitue une occasion unique de faire la démonstration que l’Europe est concrète, parce qu’il y aura cet engagement de l’Union européenne de financer à hauteur de 40 % le tunnel de base.

Je ne reviens pas sur l’ensemble des relations qui peuvent avoir lieu entre l’Italie et la France. Nous avons évoqué les relations économiques, mais les relations culturelles et scientifiques seront également renforcées. Il y a ainsi beaucoup de raisons pour que cette construction soit une formidable chance à saisir.

Enfin, j’ajouterai qu’à la quasi-unanimité les élus de la région Rhône-Alpes – beaucoup sont ici présents – sont favorables au projet.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les gains attendus tant pour l’économie qu’en matière de lutte contre le réchauffement climatique, ainsi que la possibilité de mettre l’Europe au cœur de ce dispositif, font du moment une occasion unique. Ainsi, la convergence de tous les élus de ce pays, Président de la République, membres du Gouvernement, parlementaires, en faveur de ce projet serait véritablement formidable.

Notre vote, s’il était unanime ou quasi-unanime, serait une aide précieuse pour le Président de la République qui, fort du soutien des parlementaires français, porterait avec plus de vigueur encore la parole de la France au sommet de Rome.

Pour toutes ces raisons, les membres du groupe socialiste, et sans doute beaucoup d’autres, voteront cet article unique, avec l’espoir que nos enfants voient un jour la réalisation du tunnel et du tracé ferroviaire Lyon-Turin, chance unique pour la région Rhône-Alpes, pour la France, et pour l’Europe !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du RDSE, ainsi que sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela, sur l’article unique.

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

Certes, nous n’en tirons pas toujours les mêmes conclusions, mais je ne pouvais pas ne pas le relever.

Cela étant, je m’interroge, notamment sur le déroulement des travaux en commission. Certaines des personnes qui ont manifesté leur volonté de poser des questions sur le projet ont-elles été entendues ? Je pense à M. Essig, ancien président de la SNCF, ou à M. Duport, ancien président de RFF. Les chambres d’agriculture de Rhône-Alpes ou de Savoie, ou encore certains maires des communes rurales de la région et plus généralement le monde de l’agriculture, ont-ils été auditionnés ? Et je ne parle pas des conseillers du parti Europe Écologie-Les Verts élus en région Rhône-Alpes.

Bien entendu, les écologistes ne sont pas contre le développement économique, mais leur façon de le considérer est peut-être plus respectueuse des populations locales et de l’environnement, soucieux qu’ils sont de favoriser un développement social harmonieux.

J’ai rappelé que nous étions en faveur du transport de marchandises par voie ferroviaire et du ferroutage. Ne serait-il pas cependant plus judicieux de commencer par les régions de notre pays, les plaines en particulier, où il est plus facile de mettre en place un transport de marchandises par chemin de fer, plutôt que de commencer par une véritable prouesse technologique, un tunnel creusé en pleine montagne, et à 400 mètres de la base ?

Il faut également envisager une modernisation de l’existant, techniquement possible, et qui pourrait éventuellement créer plus d’emplois.

Il est donc possible d’avoir des visions différentes sur le projet Lyon-Turin.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Alain Néri, sur l’article unique.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

M. Alain Néri . Je ne suis pas un élu rhônalpin ; je suis un élu du Massif central, région qui a la particularité de souffrir d’un enclavement ferroviaire important. Clermont-Ferrand attend en effet avec impatience une liaison par TGV. Je crois cependant qu’il faut savoir être pragmatique, et milite donc pour l’amélioration en priorité de la ligne Clermont-Ferrand-Paris, grâce à une rénovation des trains qui circulent sur la ligne. Je pense à notre Téoz, que l’on pourrait rebaptiser « train Orangina » tellement on y est secoué. Et en hiver, c’est comme au restaurant : éclairage ou chauffage, mais jamais les deux à la fois !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Non, si l’on veut que le train retrouve grâce aux yeux de nos concitoyens, il doit être de qualité. Il doit aussi être rapide pour répondre aux besoins des populations. Si la relation entre Clermont-Ferrand et Paris pouvait ne prendre que deux heures et vingt minutes, le TGV serait moins urgent.

Je suis tout à fait favorable à la liaison Lyon-Turin, et ce d’autant plus que Clermont-Ferrand est aujourd’hui à deux heures et vingt minutes de train de Lyon. Monsieur le ministre, un effort important sur les infrastructures permettrait de gagner du temps et de réaliser une ligne Clermont-Ferrand- Lyon – Turin, et au-delà ! Ce serait un levier puissant de développement économique.

Alors que nous recevons beaucoup de critiques, et des plus acerbes, sur les normes, critiques parfois justifiées, cher collègue Requier, mais parfois beaucoup moins, la participation de l’Europe à la relance de l’économie et de l’emploi par des investissements indispensables à la modernisation de notre territoire serait une bonne chose. Nous montrerions ainsi à nos collègues issus des autres pays membres que nous sommes prêts à participer au développement européen.

Notre ami Didier Guillaume l’a dit, ce projet permettrait aussi de faire prendre conscience à nos concitoyens que l’Europe peut aider au développement social, et qu’il est possible de bâtir cette Europe sociale que nous sommes un certain nombre à appeler de nos vœux.

Pendant trop longtemps, notre pays a été jacobin et centralisateur. J’en veux pour preuve la carte ferroviaire de nos livres de géographie : toutes les voies convergeaient vers Paris, du nord au sud, sans qu’il y en ait une seule qui soit transversale.

Monsieur le ministre, le « changement maintenant », ce seraient peut-être précisément des investissements pour des équipements ferroviaires transversaux qui prennent en compte les intérêts de chaque région !

En tant qu’élu de la région Auvergne, j’apporte mon suffrage à ce texte, par solidarité avec les Rhônalpins, mais aussi pour soutenir le développement et la relance de l’économie et de l’emploi dans notre pays.

Avec ce vote, mes chers collègues, nous réhabilitons l’Europe aux yeux de nos concitoyens tout en améliorant l’aménagement de notre territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Louis Nègre, sur l’article unique.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la constance de la position française depuis les années quatre-vingt-dix, avec quatre présidents de la République successifs favorables au projet, n’a d’égale que la volonté de l’État italien d’ouvrir lui aussi cette nouvelle ligne, soit une ligne par siècle !

Cette obstination de nos deux États répond d’abord à une réalité économique. En effet, l’Italie est notre deuxième client et notre troisième fournisseur, avec près de 70 milliards d’euros d’échange par an.

La ligne Lyon-Turin créera ainsi une relation directe et féconde entre la région parisienne, Rhône-Alpes et l’un des territoires les plus riches de toute l’Europe, l’Italie du Nord.

Mais, en attendant, on constate qu’en 2013 90 % des échanges s’effectuent par la route, soit près de 2, 7 millions de poids lourds par an. Nous ne pouvons plus continuer de publier à son de trompe que nous sommes favorables au transport modal et, parallèlement, admettre une telle situation, surtout après le Grenelle de l’environnement, voté à l’unanimité, et les alarmes de plus en plus préoccupantes du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC.

Ces transports routiers massifs, du fait des nuisances qu’ils induisent – gaz à effet de serre, pollution, risques d’accidents, congestion – font l’objet d’un rejet de plus en plus virulent de la part des populations concernées – sauf des Verts !

Dans ces conditions, seul un report modal significatif et donc une ligne ferroviaire mixte, fret et voyageurs, en lieu et place de la ligne historique obsolète – le monotube du Mont-Cenis date de 1871 et est situé à 1 300 mètres d’altitude, avec des pentes rédhibitoires – permettra de répondre de manière qualitative et efficace aux besoins que suscitent ces échanges.

Je ne peux, par ailleurs, m’empêcher de rappeler que le tunnel du Lötschberg a été terminé par la Suisse en 2007, que le tunnel du Saint-Gothard de 57 kilomètres, toujours en Suisse, sera livré en 2016, et qu’un nouveau projet de tunnel lancé par l’Autriche est en préparation sous le Brenner.

Ces infrastructures majeures sont le fait de petits pays au plan démographique, mais animés par une vision à long terme des transports, et une forte, très forte volonté politique de bénéficier des grands flux d’échanges européens.

Il serait très étrange que deux grands pays européens comme la France et l’Italie, forts de leurs 120 millions d’habitants et plus, n’arrivent pas à dégager les financements nécessaires pour réaliser la ligne Lyon-Turin ! En tout état de cause, on pourrait toujours s’inspirer des exemples suisse ou autrichien.

Il serait tout aussi étrange que l’on ne perçoive pas l’absolue nécessité de replacer la France au centre de gravité de l’Europe, au risque, sinon, de voir notre pays rejeté en périphérie du continent européen.

Par ailleurs, en tant qu’habitant de la Côte d’Azur, je constate avec mes compatriotes, monsieur le ministre, de plus en plus inquiets, l’augmentation incessante des flux routiers en transit qui traversent la Côte d’Azur, induisant une saturation de l’autoroute A8 de plus en plus fréquente, avec son mur de camions.

Je ne peux que m’élever vigoureusement contre cet état de fait.

Chaque année, mes chers collègues, 650 000 poids lourds se présentent à la frontière de Vintimille, soit une augmentation de plus 50 % de poids lourds depuis l’an 2000. Nous ne pouvons plus continuer ainsi !

Il est donc plus que temps de réaliser cette infrastructure ferroviaire majeure, inscrite dans le réseau transeuropéen de transport. Elle permettra de transférer deux millions de camions sur le rail et d’économiser deux millions de tonnes de CO2.

Enfin, ce projet est porteur d’une vraie vision, d’une véritable ambition européenne. Cette infrastructure est stratégique ; elle donne une image positive et valorisante de l’Europe, en ce sens que l’on comprend ainsi que cette dernière participe aussi, et concrètement, à l’union de nos deux pays et de nos deux peuples et, au-delà, de trois cent cinquante millions d’Européens.

Je terminerai en évoquant la participation exceptionnelle de l’Union européenne, à hauteur de 40 %. Cet engagement, qui a été rappelé par plusieurs d’entre nous, constitue une occasion rare que la France, qui ne financera que 25 % du tunnel, ne saurait ignorer, surtout par les temps qui courent.

En conclusion, j’approuve totalement cet accord, et j’espère que la réalisation de la nouvelle ligne ferroviaire se fera dans les meilleurs délais.

Monsieur le ministre, je me félicite que le tout prochain sommet franco-italien ait inscrit à son ordre du jour, comme nous l’avions tous souhaité sur notre territoire, le dossier, beaucoup plus modeste, de la ligne ferroviaire existante, Coni-Nice-Vintimille, qui a, elle aussi, besoin du soutien déterminé de nos deux pays !

Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC, du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, je commencerai par souligner combien je suis fier de présider cette commission !

Chère Kalliopi Ango Ela, il est un peu regrettable que ce ne soit pas au sein de la commission, mais en séance publique, que vous nous proposiez certaines auditions auxquelles je serais tout à fait favorable, par ailleurs. Il vous a pourtant été expliqué que notre commission était la seule sur les différentes assemblées de la République à avoir organisé douze auditions. Nous avons donc traité le sujet en profondeur. Nous avons notamment auditionné le porte-parole des opposants au projet. Nous n’avons donc pas balayé l’opposition potentielle d’un revers de main.

J’ajoute que, si un membre de la commission veut rejoindre un groupe de travail, il est le bienvenu. Jamais les étiquettes politiques ne constituent un élément clivant dans la constitution des groupes de travail. Je vous inviterai donc à participer à la prochaine réunion, ma chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

J’en viens au projet lui-même. Je ne reprendrai pas les excellentes interventions des différents orateurs. Je suis très sensible au rappel du travail effectué par Jean-Claude Gayssot lorsqu’il était ministre dans le gouvernement de Lionel Jospin, sous la présidence de Jacques Chirac.

Je crois d'ailleurs – mais peut-être me suis-je laissé abuser – que ce gouvernement comprenait une certaine ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement nommée… Dominique Voynet ! Il y avait donc une certaine convergence et une certaine cohérence en 2001 ; je souhaiterais qu’il en aille de même aujourd'hui.

Nous n’avons pas, chevillée au corps, la volonté d’obtenir des votes unanimes. J’aime les aspérités. J’aime même l’échange et la confrontation. C’est de là que jaillissent les bonnes idées parfois. Comme vous l’avez souligné, madame Ango Ela, c’est la première fois que nous entendons autant d’arguments écologiques dans cette assemblée. Profitez-en, soutenez-nous ! §Puisque vous nous avez influencés, ne vous contentez pas d’exprimer votre satisfaction d’avoir entendu des arguments écologiques !

Je ne refuse absolument pas que nous ayons des échanges ou des débats un peu vigoureux, pour peu que nous parvenions à de bonnes conclusions. Cependant, il est des grands dossiers – je pense à celui qui nous occupe, mais aussi aux questions de défense, par exemple – sur lesquels un pays doit savoir se rassembler après avoir exprimé ses différences. Un vote vraiment unanime donnerait au Gouvernement et au Président de la République une force de négociation supplémentaire au niveau européen.

Mes chers collègues, comme l’a souligné Didier Guillaume, c’est avec des projets comme celui-ci, qui servent indiscutablement l’intérêt général, que l’Europe, qui est aujourd'hui mal perçue, pourra reprendre la main. Nous en sommes tous convaincus.

Alors, aidons l’Europe à reprendre la main en étant nous-mêmes rassemblés, au lieu d’offrir le spectacle de nos « chicailles » sur des dossiers d’une telle ampleur.

Ma chère collègue, vous avez cité Philippe Essig et Jean-Pierre Duport. J’ai travaillé avec eux pendant douze ans au conseil régional d’Aquitaine. Vous les écoutez au sujet de la ligne Lyon-Turin, mais que ne les avez-vous écoutés au sujet de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique ! Leurs avis, vous les combattiez, alors. Et vous les reprendriez maintenant au sujet de la ligne Lyon-Turin, au motif qu’ils ne sont pas aussi favorables que nous l’aurions souhaité ?

Ce n’est pas de très bonne méthode ; je vous le dis avec beaucoup de gentillesse, mais aussi avec beaucoup de fermeté. Lorsque l’on veut fonder son engagement politique sur une argumentation féconde et forte, on ne fait pas une utilisation à géométrie variable des arguments.

Compte tenu des exigences de sécurité et du souci de l’attractivité économique, mais aussi de la moindre dangerosité écologique, le dossier me semble indiscutable. Il convient donc que nous lui apportions le soutien le plus massif, afin qu’il puisse prospérer d'abord au niveau bilatéral, dans deux jours, puis au niveau européen, comme le souhaitent tous nos amis rhônalpins.

Monsieur le ministre, permettez à l’Aquitain que je reste, même à la tête de cette commission, de vous dire que les flux de fret sont encore plus importants dans les Pyrénées que dans les Alpes. Je ne suis pas en train de réclamer quoi que ce soit ; la priorité, c’est la ligne Lyon-Turin, et il faut s’en occuper dès maintenant. Mais que l’on ne me parle pas d’Algésiras, de Séville ou de Lisbonne comme le cœur de l’Europe : il est nécessaire de franchir les Pyrénées pour atteindre ces villes !

Si nous en sommes à 7 400 camions par jour dans cette partie des Alpes, ce sont plus de 10 000 camions qui traversent quotidiennement les Pyrénées à chacune de leurs extrémités. La réalisation d’une ligne ferroviaire aurait donc exactement les mêmes vertus dans les Pyrénées que dans les Alpes. En outre, le projet coûterait moins cher dans les Pyrénées, car le massif à traverser, même pour un tunnel de base, est beaucoup moins important. Au moment où nous travaillons sur la LGV Sud Europe Atlantique, il faut intégrer ce paramètre dans notre vision de l’aménagement du territoire, d’autant que d’intéressants financements européens pourraient être mobilisés.

Cela étant, il s’agit aujourd'hui de la ligne Lyon-Turin. Nous soutenons ce projet. Après deux heures de débats féconds en commission – je vous en remercie, monsieur le rapporteur –, le vote de la commission a été extrêmement favorable, puisqu’il n’y a eu qu’une seule opposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je vais mettre aux voix l’article unique du projet de loi.

Je rappelle que le vote sur l’article unique a valeur de vote sur l’ensemble du projet de loi.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne pour la réalisation et l’exploitation d’une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin.

J'ai été saisie de quatre demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe socialiste, la deuxième, du groupe écologiste, la troisième, du groupe UMP, et, la quatrième, du groupe de l’UDI-UC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je salue la présence dans nos tribunes de M. Louis Besson, ancien ministre et ancien maire de Chambéry, président de la communauté d’agglomération Chambéry Métropole et coprésident de la conférence intergouvernementale pour le projet de ligne ferroviaire Lyon-Turin, qui n’a pas été indifférent à nos débats et le sera encore moins au résultat du scrutin.

Voici donc le résultat du scrutin n° 61 :

Nombre de votants346Nombre de suffrages exprimés346Pour l’adoption333Contre 13Le Sénat a adopté définitivement.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du CRC, du RDSE, de l’UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 19 novembre 2013 :

À neuf heures trente :

1. Questions orales

Le texte des questions figure en annexe.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :

2. Proposition de loi visant à élargir les conditions d’attribution de la carte du combattant aux anciens combattants de l’armée française totalisant au moins quatre mois de présence en Algérie avant le 1er juillet 1964 ou en opérations extérieures (669, 2011-2012) ;

Rapport de M. Marc Laménie, fait au nom de la commission des affaires sociales (135, 2013-2014) ;

Résultat des travaux de la commission (n° 136, 2013-2014).

3. Proposition de loi visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire (355, 2011-2012) ;

Rapport de Mme Catherine Troendlé, fait au nom de la commission des lois (122, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 123, 2013-2014).

De dix-huit heures trente à dix-neuf heures trente et de vingt et une heures trente à zéro heure trente :

4. Proposition de loi visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national (40, 2013-2014) ;

Rapport de M. Ronan Dantec, fait au nom de la commission du développement durable (124, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 125, 2013-2014).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le mardi 19 novembre 2013, à zéro heure quinze.