La question se pose en effet : comment financer un tel investissement ? Notre rapporteur a donné tout à l’heure des éléments rassurants et des pistes sur ce point. Il est bien évidemment souhaitable, monsieur le ministre, que vous acheviez de nous tranquilliser.
Ces éléments financiers expliquent, avec la complexité technique de l’ouvrage, l’étalement du projet sur plusieurs décennies. On parle en effet d’une ouverture en 2030, ce qui renforce le scepticisme quant à la réalisation finale de ce projet.
C’est pourquoi, comme l’a indiqué excellemment Yves Pozzo di Borgo, la contribution du budget de l’Union européenne est décisive. En effet, l’Union s’est fermement engagée à participer au financement de la partie transfrontalière à hauteur de 40 %. Cela réduirait la participation de la France à environ 2, 15 milliards d’euros sur les 8, 5 milliards d’euros que représente le tunnel transfrontalier, financement échelonné évidemment sur plusieurs années, voire sur une décennie.
Enfin, précisons que les 26 milliards d’euros cités concernent l’ensemble du coût du projet pour la France et l’Italie. Le financement à la charge de notre pays serait en réalité plus proche des 10 milliards d’euros.
En outre, comme cela a été rappelé par les rapporteurs, la clé de répartition financière arrêtée dans l’accord est favorable à la France : l’Italie financera 60 % des dépenses concernant le tunnel, qui est pourtant bien plus long sur le territoire français. Ce n’est pas négligeable.
La nouvelle ligne Lyon-Turin bénéficiera aux déplacements régionaux, nationaux et européens à travers les Alpes. Ce n’est pas seulement un projet d’infrastructure de transport, mais un projet de territoire aux enjeux environnementaux, économiques et sociaux importants pour les régions concernées et bien au-delà, compte tenu de son aspect européen. La question des enjeux environnementaux est discutée – elle l’a été tout à l’heure à la tribune. Examinons les enjeux économiques et sociaux avant de revenir sur la problématique environnementale.
Cela a été rappelé par d’autres, cette ligne permettra de relier deux régions importantes du point de vue économique – l’Italie est en effet notre deuxième partenaire commercial – et de leur donner un nouvel élan. Elle est également un élément du développement économique de toute l’Europe du Sud et, au-delà, du renforcement des liens entre les régions du Grand Paris et de Milan, comme l’a rappelé le rapporteur de la commission des affaires étrangères.
L’enjeu économique du projet est donc réel : il favorisera les échanges européens. La ligne est l’un des chaînons du corridor transeuropéen de transport, qui va du sud de l’Espagne à la frontière orientale de l’Union européenne.
Avec la ligne ferroviaire Lyon-Turin, il s’agit bien de créer une offre de très haute qualité, performante et donc compétitive par rapport à la route, permettant un report efficient de la route vers le rail.
Selon les projections, la nouvelle ligne devrait attirer 4, 7 millions de voyageurs à l’horizon 2035, dont une grande partie par transfert de la route sur le rail.
Mais le report modal pour le fret est la justification majeure du Lyon-Turin. De nos jours, 40 millions de tonnes de marchandises transitent chaque année par les Alpes franco-italiennes ; 85 % des flux de fret entre la France et l’Italie sont routiers ; près de 7 400 poids lourds circulent chaque jour dans cette zone transalpine.
En transférant sur la nouvelle ligne ferroviaire la moitié du fret circulant entre les deux pays à l’horizon 2035, on éviterait 1 million de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre par an. Cela limiterait aussi grandement les nuisances environnementales dans les Alpes françaises et les risques dus au trafic routier. La nouvelle ligne sera, en cela aussi, un élément d’amélioration de la sécurité des passages routiers alpins.
Atteindre effectivement cet objectif environnemental doit être essentiel pour les régions alpines franco-italiennes, qui sont fragilisées sur le plan écologique par les nuisances sonores et par la pollution atmosphérique.
Nous ne pouvons que soutenir cette politique de développement du fret ferroviaire. Elle doit être accompagnée par des mesures réglementaires et tarifaires, comme l’a souligné notre collègue rapporteur pour avis de la commission du développement durable.
Même si des inquiétudes existent sur ce projet – je les ai évoquées –, il me semble qu’il n’existe pas d’alternative ferroviaire crédible au Lyon-Turin. C’est pourquoi le groupe UDI-UC autorisera l’approbation de cet accord.