Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la constance de la position française depuis les années quatre-vingt-dix, avec quatre présidents de la République successifs favorables au projet, n’a d’égale que la volonté de l’État italien d’ouvrir lui aussi cette nouvelle ligne, soit une ligne par siècle !
Cette obstination de nos deux États répond d’abord à une réalité économique. En effet, l’Italie est notre deuxième client et notre troisième fournisseur, avec près de 70 milliards d’euros d’échange par an.
La ligne Lyon-Turin créera ainsi une relation directe et féconde entre la région parisienne, Rhône-Alpes et l’un des territoires les plus riches de toute l’Europe, l’Italie du Nord.
Mais, en attendant, on constate qu’en 2013 90 % des échanges s’effectuent par la route, soit près de 2, 7 millions de poids lourds par an. Nous ne pouvons plus continuer de publier à son de trompe que nous sommes favorables au transport modal et, parallèlement, admettre une telle situation, surtout après le Grenelle de l’environnement, voté à l’unanimité, et les alarmes de plus en plus préoccupantes du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC.
Ces transports routiers massifs, du fait des nuisances qu’ils induisent – gaz à effet de serre, pollution, risques d’accidents, congestion – font l’objet d’un rejet de plus en plus virulent de la part des populations concernées – sauf des Verts !
Dans ces conditions, seul un report modal significatif et donc une ligne ferroviaire mixte, fret et voyageurs, en lieu et place de la ligne historique obsolète – le monotube du Mont-Cenis date de 1871 et est situé à 1 300 mètres d’altitude, avec des pentes rédhibitoires – permettra de répondre de manière qualitative et efficace aux besoins que suscitent ces échanges.
Je ne peux, par ailleurs, m’empêcher de rappeler que le tunnel du Lötschberg a été terminé par la Suisse en 2007, que le tunnel du Saint-Gothard de 57 kilomètres, toujours en Suisse, sera livré en 2016, et qu’un nouveau projet de tunnel lancé par l’Autriche est en préparation sous le Brenner.
Ces infrastructures majeures sont le fait de petits pays au plan démographique, mais animés par une vision à long terme des transports, et une forte, très forte volonté politique de bénéficier des grands flux d’échanges européens.
Il serait très étrange que deux grands pays européens comme la France et l’Italie, forts de leurs 120 millions d’habitants et plus, n’arrivent pas à dégager les financements nécessaires pour réaliser la ligne Lyon-Turin ! En tout état de cause, on pourrait toujours s’inspirer des exemples suisse ou autrichien.
Il serait tout aussi étrange que l’on ne perçoive pas l’absolue nécessité de replacer la France au centre de gravité de l’Europe, au risque, sinon, de voir notre pays rejeté en périphérie du continent européen.
Par ailleurs, en tant qu’habitant de la Côte d’Azur, je constate avec mes compatriotes, monsieur le ministre, de plus en plus inquiets, l’augmentation incessante des flux routiers en transit qui traversent la Côte d’Azur, induisant une saturation de l’autoroute A8 de plus en plus fréquente, avec son mur de camions.
Je ne peux que m’élever vigoureusement contre cet état de fait.
Chaque année, mes chers collègues, 650 000 poids lourds se présentent à la frontière de Vintimille, soit une augmentation de plus 50 % de poids lourds depuis l’an 2000. Nous ne pouvons plus continuer ainsi !
Il est donc plus que temps de réaliser cette infrastructure ferroviaire majeure, inscrite dans le réseau transeuropéen de transport. Elle permettra de transférer deux millions de camions sur le rail et d’économiser deux millions de tonnes de CO2.
Enfin, ce projet est porteur d’une vraie vision, d’une véritable ambition européenne. Cette infrastructure est stratégique ; elle donne une image positive et valorisante de l’Europe, en ce sens que l’on comprend ainsi que cette dernière participe aussi, et concrètement, à l’union de nos deux pays et de nos deux peuples et, au-delà, de trois cent cinquante millions d’Européens.
Je terminerai en évoquant la participation exceptionnelle de l’Union européenne, à hauteur de 40 %. Cet engagement, qui a été rappelé par plusieurs d’entre nous, constitue une occasion rare que la France, qui ne financera que 25 % du tunnel, ne saurait ignorer, surtout par les temps qui courent.
En conclusion, j’approuve totalement cet accord, et j’espère que la réalisation de la nouvelle ligne ferroviaire se fera dans les meilleurs délais.
Monsieur le ministre, je me félicite que le tout prochain sommet franco-italien ait inscrit à son ordre du jour, comme nous l’avions tous souhaité sur notre territoire, le dossier, beaucoup plus modeste, de la ligne ferroviaire existante, Coni-Nice-Vintimille, qui a, elle aussi, besoin du soutien déterminé de nos deux pays !