Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 19 novembre 2013 à 9h30
Questions orales — Concentration dans le secteur des médias

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

Monsieur le ministre, le pluralisme et l’indépendance de la presse sont l’un des principaux moteurs de la vivacité de notre démocratie. Néanmoins, force est de constater que la mainmise par quelques grands groupes industriels sur les titres de la presse régionale et nationale tend à mettre à mal ce pluralisme et cette indépendance.

Par exemple, le groupe belge Rossel a racheté les principaux titres de la région Nord-Pas-de-Calais, en acquérant entre autres Nord Littoral, Nord Éclair, Direct Lille et, bien sûr, La Voix du Nord, si bien que le pluralisme de la presse y a presque totalement disparu.

Ces opérations financières menées depuis quelques années aboutissent à ce que quatre à cinq groupes industriels fassent la pluie et le beau temps de l’actualité nationale et surtout régionale.

De plus, ce processus de concentration s’accompagne d’une fusion des rédactions qui conduit à des licenciements, à la disparition de titres de presse et, pour les journalistes, à une insécurité professionnelle grandissante et, surtout, à un taux de précarité exorbitant.

C’est ainsi que de 20 % à 25 % des journalistes sont désormais pigistes ou en contrat à durée déterminée ; preuve que le malaise est profond, la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels a dû abaisser ses critères d’attribution à des revenus équivalents à un demi-SMIC.

Cette situation, qui découle principalement des stratégies financières des grands groupes industriels, est particulièrement préoccupante tant le journalisme est non pas un secteur industriel comme un autre mais le garant de la qualité du débat public et de la bonne santé de notre démocratie.

Ce phénomène de concentration est d’autant plus inquiétant que, si vous ajoutez la concurrence du journalisme en ligne et la rupture annoncée du moratoire postal, qui représente une charge nouvelle de 45 millions d’euros imputée aux éditeurs de presse, c’est la presse écrite tout entière qui se meurt à petit feu.

Alors que les lois anticoncentration apparaissent particulièrement dépassées du fait de leur contournement systématique par les grands groupes industriels, il est nécessaire de renforcer les dispositifs anticoncentration, comme s’y était d’ailleurs engagé, à juste titre, le Président de la République à l’occasion de la campagne présidentielle.

Dans cette optique, ne serait-il pas judicieux d’envisager quelques pistes, comme l’établissement d’un seuil de concentration capitalistique, d’audience ou de diffusion, une limitation du nombre de titres entre les mêmes mains, l’obligation pour les entreprises de presse de publier les informations relatives à la composition de leur capital ?

Monsieur le ministre, ma question est donc la suivante : quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre concernant la concentration dans le secteur des médias ?

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