Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 10 octobre 2012, la mission commune d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement, dont j’ai demandé la création et été le rapporteur, rendait ses conclusions. Son rapport, auquel Joël Labbé s’est associé, a été adopté à l’unanimité.
Au terme de sept mois de travail et d’une centaine d’auditions, ce document dressait un tableau assez alarmant de la situation sanitaire liée aux pesticides en France. Il établissait cinq constats majeurs, que je veux rappeler en cet instant : les dangers et les risques des pesticides pour la santé sont encore sous-évalués ; le suivi de ces produits, après leur mise sur le marché, n’est qu’imparfaitement assuré au regard de leur incidence sanitaire réelle ; les protections contre les pesticides ne sont pas à la hauteur des dangers et des risques qu’ils font peser sur leurs utilisateurs comme sur le reste de la population ; les pratiques industrielles, agricoles et commerciales actuelles ne prennent pas suffisamment en compte la problématique de la santé ; le plan Ecophyto, lancé dans le cadre du Grenelle de l’environnement, qui établissait pour objectif, à l'horizon de 2018, la réduction de 50 % de la quantité de pesticides utilisés dans le pays, ne sera vraisemblablement pas respecté, puisque l’usage des pesticides a au contraire continué d’augmenter depuis son lancement.
Au mois de juin dernier, une étude des experts scientifiques de l'INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, renforçait à son tour les conclusions et les préconisations de la mission commune d’information.
En effet, l’expertise collective identifiait très clairement le lien entre l’utilisation de certains pesticides et la survenue de plusieurs pathologies graves telles que la maladie de Parkinson et les cancers de la prostate, de la moelle osseuse ou de la vessie. De plus, elle soulignait que les expositions aux pesticides semblent particulièrement à risque pour le développement de l’enfant.
La nécessité d’une réaction rapide, du fait de la dangerosité de nombreux produits pesticides, ne fait donc plus aucun doute.
C’est pourquoi, pour ma part, j’ai déposé, au mois de juillet dernier, une proposition de loi visant à encadrer le recours à des produits pesticides présentant un risque pour la santé. Ce texte reprend une partie des recommandations de la mission qu’il convient, et qu’il est possible, d’appliquer rapidement : le renforcement des moyens de contrôle des produits mis sur le marché, l’interdiction des pesticides dans les zones non agricoles, la meilleure protection des riverains de zones d’épandage, l’interdiction de la vente de produits phytosanitaires au grand public, la meilleure reconnaissance des maladies professionnelles induites, ou encore le développement des techniques agricoles alternatives.
Aussi, je me réjouis que notre collègue Joël Labbé, à travers son initiative, reprenne ces différents travaux pour essayer d’inscrire dans la loi quelques dispositions qui permettront d’encadrer davantage l’usage des pesticides, de réduire leur consommation et d’atténuer les dangers sanitaires qu’ils font peser sur la population.
Cela a été rappelé, de nombreuses collectivités ont déjà pris les devants et adopté des mesures fortes pour aboutir au zéro phyto. Ainsi, depuis le lancement du plan Ecophyto, 60 % des villes de plus de 50 000 habitants se sont fixé l’objectif d'un recours intégral aux méthodes alternatives aux pesticides. En Charente, dans mon département, nombre de communes, y compris rurales, ont décidé d’adhérer à la charte régionale Terre saine dans la perspective de renoncer progressivement à l’usage des pesticides, sans attendre que la législation les y contraigne.
De même, des centrales d’achats ont récemment entrepris d’arrêter de vendre des produits phytosanitaires dans leurs grandes surfaces pour commencer à accompagner les consommateurs vers un nécessaire changement d’habitudes.
Je me félicite de ces initiatives, qui démontrent qu’il est d’ores et déjà possible d’engager la transition vers un autre modèle. Mais je n’oublie pas que les zones non agricoles, que cible particulièrement le texte que nous examinons et sur lesquelles portent ces initiatives, ne représentent que 5 % à 10 % des lieux où sont répandus des pesticides. Il sera donc important d’aller plus loin en poursuivant la transposition dans les textes législatifs des nombreuses recommandations de la mission commune d’information.
Le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt devra constituer l’une des occasions de cette transposition, afin de développer un autre modèle agricole, plus économe en intrants et plus respectueux de l’environnement.
La stratégie nationale de santé, dont la mise en œuvre devrait aussi être amorcée en 2014, sera une autre occasion importante, celle du développement des outils à disposition des politiques publiques de santé sur les questions relatives aux pesticides.
Nous devrons saisir toutes les opportunités qui se présenteront à nous pour faire reculer les risques que fait peser sur la santé et l’environnement l’usage irraisonné des pesticides. J’espère bien, mes chers collègues, que, sur cette question cruciale pour la qualité de vie de nos concitoyens, nous pourrons continuer à travailler de concert, par-delà la diversité de nos sensibilités politiques, pour une défense réelle de l’intérêt commun. §