Pour la deuxième année consécutive, les crédits de la mission « Outre-mer » augmentent sensiblement : après 3,4 % en autorisations d'engagement (AE) et 3,8 % en crédits de paiement (CP) en 2013, les crédits augmentent de 1,1 % en CP, ce qui est remarquable dans le contexte de redressement des comptes publics et confirme la détermination du Gouvernement à apporter des réponses aux graves difficultés rencontrées par nos outre-mer. Ceux-ci ne restent pas pour autant à l'écart de l'effort de redressement des comptes publics. Le ministère réalise un effort de maîtrise de ses dépenses courantes : l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom) voit ainsi sa subvention pour charges de service public diminuer conformément à la norme appliquée à l'ensemble des opérateurs de l'État. En outre, l'article 70 du projet de loi de finances, rattaché à la mission « outre-mer », qui recentre sur les bas salaires les exonérations de charges sociales patronales spécifiques aux entreprises ultramarines, devrait permettre une économie de 90 millions d'euros en 2014.
Cette augmentation des crédits ne constitue en rien un traitement de faveur ou un privilège pour nos outre-mer. À l'heure où l'opinion publique hexagonale s'inquiète légitimement des difficultés économiques et sociales rencontrées par certaines régions hexagonales, je souhaite souligner par quelques chiffres la gravité de la situation économique et sociale dans nos outre-mer : le taux de chômage atteignait au deuxième trimestre 2012 21 % en Martinique, 22,3 % en Guyane, 22,9 % en Guadeloupe et 28,5 % à La Réunion contre 10,2 % en France hexagonale au dernier trimestre ; les Rmistes représentaient 16 % de la population à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, 24,4 % en Martinique, 26,1 % en Guadeloupe, 26,5 % en Guyane et près de 30 % à La Réunion en décembre 2012 contre 6,8 % dans l'hexagone ; les besoins des départements d'outre-mer sont estimés à 12 000 logements sociaux par an, ce qui, rapporté à la population hexagonale, correspond à un besoin de 380 000 logements sociaux par an ; le ratio entre nombre de demandeurs de logements sociaux et relogements en cours d'année, qui apparaît pour la première fois dans les bleus budgétaires, est dans l'hexagone de 2,5 en zone C, de 3,1 en zone B2, de 6 en zone B1 et de 12,1 en zone A, quand il atteint 15,4 dans les outre-mer ! L'augmentation des crédits constitue simplement l'affirmation de la solidarité nationale à l'égard de territoires en souffrance.
Le premier programme de la mission « outre-mer », le programme 138 « Emploi outre-mer », voit ses crédits stabilisés en 2014. Près de 80 % d'entre eux financent la compensation aux organismes de sécurité sociale des dispositifs d'exonérations de charges patronales spécifiques aux outre-mer qui doivent être recentrés sur les bas salaires (article 70), sans que cela remette en cause leur équilibre : leurs effets seront désormais concentrés sur les rémunérations dont le montant est inférieur ou égal à 1,4 SMIC, ce qui couvre les deux tiers des salariés ultramarins ; la mise en oeuvre du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) permettra de compenser cette réforme pour les entreprises dont les salariés sont rémunérés entre 1,4 et 2,5 SMIC ; un projet de loi devrait prévoir de nouvelles mesures d'aides ciblées en 2014 sur la compétitivité outre-mer.
Le second programme, le programme 123 « Conditions de vie outre-mer », voit ses crédits augmenter de près de 5 % en crédits de paiement. Au sein de ce programme la ligne budgétaire unique (LBU) voit ses crédits sanctuarisés une année encore en AE et augmenter fortement, de près de 8 %, en CP. En trois ans, ces crédits se sont accrus de plus de 25 %, ce qui constitue un signal fort de la priorité donnée par l'État à la politique de logement dans les outre-mer. Si la construction de logements sociaux s'est accélérée au cours des dernières années, notamment sous l'effet du dispositif de défiscalisation créé par la loi pour le développement économique des outre-mer (Lodeom), je souhaite attirer l'attention du gouvernement sur plusieurs problèmes : les impayés de l'État à l'égard des organismes de logement social ont fortement augmenté au cours des dernières années en passant de 2,9 millions d'euros en 2010 à plus de 40 millions d'euros en 2012 - nous sommes loin de la sous-consommation de la LBU que nous connaissions il y a quelques années ! - ce qui pénalise tant les organismes de logement social que les entreprises du BTP ; l'accession à la propriété est totalement en panne dans les outre-mer puisque seuls 575 logements en accession à la propriété devraient être financés en 2014 ; en matière d'encouragement à la construction de logements intermédiaires dans les outre-mer, le dispositif Duflot a fait l'objet d'adaptations insuffisantes pour le rendre attractif, alors qu'il faudrait l'exclure outre-mer du plafond global des dépenses fiscales de 10 000 euros pour le soumettre au seul plafond spécifique de 18 000 euros, sous peine d'être aussi inefficace outre-mer que l'a été le Scellier.
Ce programme comprend également 50 millions d'euros en AE et 25,9 millions d'euros en CP au titre du Fonds exceptionnel d'investissement (FEI) qui doit contribuer au plan de rattrapage des équipements structurants annoncé par le Président de la République au cours de sa campagne, et dont je me réjouis qu'il soit maintenu en 2014. Plus d'une quarantaine de projets ont été sélectionnés en 2013, pour un montant de 47 millions d'euros générant 118 millions d'euros d'investissements publics dans des domaines tels que l'adduction d'eau, la prévention des risques naturels ou encore les équipements publics de proximité. Pour autant, ce plan devra monter en puissance en 2015, 2016 et 2017 pour respecter l'engagement du Président de la République d'un plan de 500 millions d'euros sur le quinquennat.
L'article 13 prévoit quant à lui une réforme des dispositifs de défiscalisation spécifiques aux outre-mer, qui ont fait l'objet d'une évaluation dans le cadre du Comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (Cimap) après une large concertation avec les acteurs socio-professionnels. Le Sénat s'est fortement mobilisé sur cette question : la délégation sénatoriale à l'outre-mer et notre commission des affaires économiques ont constitué un groupe de travail, dont la présidente était Marie-Noëlle Lienemann et les rapporteurs Éric Doligé et moi-même, et qui a dressé un tableau sans concession et sans a priori des dispositifs de défiscalisation, estimant qu'ils constituent un levier incontournable. Soucieux de prendre en compte les impératifs de discipline budgétaire et d'amorcer de nouvelles avancées vers davantage de maîtrise et d'efficience, il a élaboré une dizaine de propositions pour optimiser l'impact de l'aide fiscale
L'article 13 crée deux nouveaux crédits d'impôts. Les organismes de logement social pourront recourir au premier, créé dans le domaine du logement social, s'ils le souhaitent. Dans les autres secteurs, la quasi-totalité des entreprises conserve la possibilité de maintenir la réalisation d'investissements avec le régime actuel de défiscalisation. Seules les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 20 millions d'euros devront recourir au second crédit d'impôt créé. Cela devrait limiter les frais d'intermédiation et supprimer la part de la dépense fiscale qui ne bénéficie qu'aux contribuables. L'article 13 comporte également plusieurs mesures de rationalisation et de moralisation de ces dispositifs, telles que l'augmentation du taux de rétrocession minimal légal.
Je me réjouis du maintien des dispositifs de défiscalisation et du niveau de l'aide en faveur des entreprises et des organismes de logement social ultramarins, ainsi que de la reprise de certaines propositions du groupe de travail sénatorial, comme le relèvement des taux de rétrocession légal. Je regrette l'absence d'autres propositions : aucune mesure n'encadre la défiscalisation de plein droit par un régime déclaratif effectif, et le décret prévu par la loi de finances pour 2012 visant à moraliser et à encadrer l'intervention des intermédiaires n'a toujours pas été publié... Je vous proposerai d'adopter cinq amendements, qui ne reprennent pas l'intégralité des propositions du groupe de travail, car je prends acte de certains choix opérés par le gouvernement, entérinés par l'Assemblée nationale. Notre assemblée s'apprêtant, selon toutes probabilités, à rejeter la première partie du projet de loi de finances...