Intervention de Martial Bourquin

Commission des affaires économiques — Réunion du 20 novembre 2013 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2014 — Mission « économie » - examen du rapport pour avis

Photo de Martial BourquinMartial Bourquin, rapporteur pour avis :

Merci Monsieur le Président.

La finalité de la mission « Économie » est, je le rappelle, de favoriser la mise en place d'un environnement propice à une croissance durable et équilibrée et de promouvoir le redressement productif du pays. Elle retrace pour 2014, comme les années précédentes, les crédits relatifs à trois programmes :

- le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » ;

- le programme 220 « Statistiques et études » ;

- le programme 305« Pilotage de l'économie française ».

À ces trois programmes, qui constituent le coeur historique de la mission, s'ajoutent, en 2014, trois programmes temporaires destinés à mettre en oeuvre le nouveau plan d'investissements d'avenir (PIA). Il s'agit des programmes 405 « Projets industriels », 406 « Innovation » et 407 « Économie numérique ».

Compte tenu de l'ajout de ces trois programmes, qui représentent 1,6 milliard d'euros, comparer globalement les crédits de la mission par rapport à ceux de l'année dernière n'aurait pas de sens. Je vous propose donc de scinder l'analyse de l'évolution des crédits en deux, en commençant par examiner les programmes pérennes de la mission, avant d'analyser ceux qui servent de support au nouveau PIA.

Les crédits relatifs à la conception et au pilotage des politiques économiques nationales figurent sur les programmes 220 et 305. Ils financent l'expertise économique, statistique et juridique présente dans les directions du Trésor, de la législation fiscale et de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Aucun changement significatif n'est à souligner en ce qui les concerne. Leur périmètre est inchangé et ils se voient dotés de 471 millions d'euros pour le programme « Statistiques et études », en progression de 0,5 %, et de 494 millions d'euros pour le programme « Pilotage de l'économie française », en recul de 3 %.

Le programme 134 « Développement des entreprises et de l'emploi » regroupe les moyens nécessaires à la mise en oeuvre d'un ensemble de politiques assez disparates, qui portent sur l'accompagnement des entreprises par les pouvoirs publics, la surveillance du cadre concurrentiel général ou sectoriel, ou encore la protection des consommateurs.

Les crédits de ce programme sont en baisse par rapport à 2013 : ils s'établissent à 1 027 millions d'euros en crédits de paiement, en recul de 5,5 %. Si l'on tient compte du fait que ce programme inclut pour 2014 une dotation de 50 millions d'euros au titre d'une nouvelle action « Fonds de soutien aux collectivités ayant contracté des produits structurés », action sans lien avec la finalité du programme et qui devrait plutôt être rattachée à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », le recul des crédits du programme 134 par rapport à 2013 s'établit en réalité à 108 millions d'euros , soit une baisse de 10%.

L'évolution négative des crédits de ce programme 134 recouvre cependant des évolutions contrastées. Parmi les actions en baisse, il y a :

- les crédits de l'action 02 « Commerce, artisanat et services », qui visent à soutenir le commerce de proximité et les services à la personne. Ils perdent 12,4 millions d'euros, soit un recul de 12 %. En cinq ans, les crédits de cette action auront été divisés par deux. En particulier, les crédits du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) - Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) inclus -, prévus à 27 millions d'euros pour 2014, perdent de nouveau 5 millions d'euros. Mais la question est plus complexe qu'elle n'en a l'air ; j'y reviendrai ultérieurement.

L'aide au comité professionnel de la distribution de carburant connaît elle-aussi une nouvelle érosion, tombant à 3,1 millions d'euros. Je rappelle à cet égard qu'en première lecture du projet de loi sur la consommation, le Sénat s'est prononcé en faveur du report au 31 décembre 2020 de l'obligation d'enterrer les réservoirs des stations-service distribuant moins de 500 mètres cubes par an, report indispensable compte tenu de l'asphyxie progressive du CPDC ;

- en baisse également, les crédits de l'action 3 « Actions en faveur des entreprises industrielles ». Ils s'établissent, pour 2014, à 196 millions d'euros, soit un recul de 8,1 % par rapport à 2013. Je tiens cependant à souligner que les crédits figurant sur cette action ne constituent qu'une fraction minime de l'effort national en faveur des entreprises et du renouveau industriel de la France. Je pense qu'il serait souhaitable, pour rendre plus lisible la politique industrielle de la nation, de disposer d'un document budgétaire de synthèse permettant de chiffrer l'investissement public consenti dans le domaine industriel via des dépenses budgétaires et fiscales aujourd'hui dispersées dans plusieurs missions et programmes ;

- les crédits de l'action 04 « Développement des télécommunications, des postes et de la société d'information » reculent de 33,7 % ; mon collègue co-rapporteur pour avis Pierre Hérisson vous les détaillera tout à l'heure ;

- les crédits de l'action 07 « Développement international des entreprises », c'est-à-dire la dotation à Ubifrance, s'établissent à 97,8 millions d'euros, en baisse de 6 % par rapport à 2013. C'est un nouveau recul après la diminution de 14 millions d'euros entre 2012 et 2013 ;

- évolution en baisse très légère également pour les crédits de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII), dont la dotation perd 300 000 euros à 13,9 millions d'euros ;

- enfin, baisse de près de 4 % pour les crédits de l'action 21 en faveur du développement du tourisme.

D'autres actions voient au contraire leurs crédits se stabiliser ou augmenter légèrement :

- c'est le cas des crédits des autorités administratives indépendantes rattachées au programme 134 - action 13 : Autorité de régulation des communications électroniques et des postes [ARCEP], action 14 : Commission de régulation de l'énergie [CRE] et action 15 : Autorité de la concurrence -, qui restent stables nominalement par rapport à 2013, respectivement à 23, 20 et 21 millions d'euros ;

- les crédits de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) - action 15 « Régulation concurrentielle des marchés », action 16 « Protection économique du consommateur » et action 17 « Protection économique du consommateur » - sont en hausse. Globalement, ils s'établissent à 238 millions d'euros, contre 235 millions d'euros en 2013. Le plafond d'emplois sur ces trois actions est également en augmentation d'une centaine d'équivalents temps plein (ETP) pour atteindre 3 109. Je me réjouis de l'inflexion intervenue depuis le début de la nouvelle législature en vue de mettre en accord les moyens de la DGCCRF avec les missions fondamentales que le législateur lui assigne.

J'en viens maintenant aux trois programmes portant les crédits du deuxième PIA, annoncé par le Premier ministre le 9 juillet 2013. Ce PIA 2, d'un montant de 12 milliards d'euros, a pour objet de prolonger l'effort d'investissement national engagé par le premier PIA de 2010. Il est articulé autour de trois axes : le soutien à la recherche et à l'université ; la transition énergétique et écologique et la ville durable ; et enfin l'innovation et la recherche dans les filières industrielles. Budgétairement, ces crédits seront portés par neuf missions, dont la mission « Économie » au travers des programmes 405 « Projets industriels », 406 « Innovation » et 407 « Économie numérique ». Au total ces trois programmes, pilotés par direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) sous la responsabilité du ministre du redressement productif, représentent une enveloppe de 1,675 milliards d'euros.

Il faut souligner qu'une partie des dépenses du second PIA, singulièrement celles inscrites sur les programmes 405, 406 et 407, accroissent le patrimoine de l'État puisqu'elles prennent la forme de créances détenues sur les acteurs économiques - prêts et avances remboursables - ou de prises de participation.

Le programme 405 « Projets industriels » vise à soutenir l'investissement des filières industrielles dans des projets structurants pour le tissu économique national.

L'action 01 « Projets industriels d'avenir » tend à conforter les grandes filières actuelles au niveau national. La Banque publique d'investissement (BPI) en sera l'opérateur. Les projets industriels seront sélectionnés par appels à projets en fonction, d'une part, de leur cohérence avec les priorités de la politique industrielle et, d'autre part, des enjeux stratégiques de chaque projet pour la filière concernée, notamment eu égard au potentiel de croissance qu'ils recèlent.

L'action 02 « Projets pour l'industrialisation » est dotée de 30 millions d'euros. Elle servira à financer des prêts pour l'industrialisation pour des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Il s'agit de concrétiser au travers d'une industrialisation et d'une valorisation commerciale des projets de recherche et développement (R&D) qui arrivent à leur terme mais peinent à trouver les financements nécessaire pour passer au marché. Les 30 millions d'euros figurant sur cette action ne sont pas destinés à alimenter les prêts pour l'industrialisation eux-mêmes, mais à les garantir.

Enfin, l'action 03 « Usine du futur : robotisation » est dotée de 60 millions d'euros. Elle permettra de bonifier et garantir pour 300 millions d'euros des prêts destinés à financer des investissements de robotisation de PME et ETI industrielles.

Doté d'une enveloppe substantielle de 690 millions d'euros, le programme 406, intitulé « Innovation », vise à renforcer la compétitivité de notre économie en favorisant la croissance des entreprises innovantes. Il comporte trois actions :

- la première, bénéficiant de 150 millions d'euros, est un complément de l'action « Innovation de rupture » du premier programme d'investissements d'avenir, déjà dotée de 150 millions d'euros de subvention ;

- la deuxième, dotée de 240 millions d'euros, permettra de soutenir un fonds souverain de la propriété intellectuelle, de renforcer l'innovation de modèle et de procédé, et de développer la culture de l'innovation et de l'entrepreneuriat ;

- la troisième, mobilisant 300 millions d'euros, permettra de réaliser les projets structurants des pôles de compétitivité.

Enfin, le programme 407 « Économie numérique » comprend deux actions :

- l'action 01 « Quartiers numériques » est dotée de 215 millions d'euros en vue de dynamiser et d'accompagner les programmes de soutien à la croissance des entreprises numériques et de constitution de quartiers numériques ;

- l'action 02 « Usages et technologies du numérique » est dotée de 350 millions d'euros.

Un dernier mot pour évoquer les 86 dépenses fiscales associées à la mission « Économie ». La très grande majorité - 77 exactement - est rattachée au programme 134 « Développement des entreprises et de l'emploi ». Ces niches représentent une perte de recettes fiscales dont le montant total est estimé à 16,874 milliards pour 2014.

Il faut évidemment souligner la mise en place du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui constitue la plus connue des 35 mesures du Pacte national pour la croissance. Ce crédit d'impôt est conçu comme un outil pour rétablir les marges des entreprises et permettre, grâce à la restauration des capacités d'autofinancement, une reprise de l'investissement et une montée en gamme de l'économie française.

Budgétairement, pour 2014, le coût du CICE est évalué à 9,76 milliards d'euros. Il est à noter que cette somme correspond au coût du CICE enregistré en 2013, pendant que la mesure se mettait en place et n'avait pas encore atteint son plein régime

Concernant le CICE, je souhaite faire deux remarques :

- tout d'abord, les entreprises peuvent depuis le début de l'année solliciter auprès de BPI France le préfinancement du CICE. Ce mécanisme de préfinancement a permis de donner un effet immédiat à la mesure ;

- le ciblage du CICE pourrait être amélioré. Applicable aux salaires inférieurs à 2,5 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), il s'applique très largement au-delà des entreprises industrielles, innovantes et exportatrices qui constituent le socle du redressement productif national. De fait, deux tiers de la masse salariale des entreprises françaises entrent dans le champ du CICE. Ainsi, l'industrie manufacturière n'en bénéficie que pour 18 % du total. Le CICE apparaît donc davantage comme un dispositif de soutien à l'emploi, équivalent à des mesures d'allègement du coût du travail, que comme une mesure destinés à stimuler la compétitivité et à faire évoluer la structure productive dans le sens d'une montée en gamme. Pour donner sa pleine mesure, le dispositif mériterait donc d'être mieux ciblé au bénéfice des entreprises industrielles et exportatrices.

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