La commission examine le rapport pour avis sur les crédits « Économie » du projet de loi de finances pour 2014.
Mes chers collègues, nous examinons ce matin les crédits de la mission « Économie » dans le projet de budget pour 2014, qui mobilise trois rapporteurs pour avis. Je laisse la parole à notre collègue Martial Bourquin, qui va nous en faire une présentation générale.
Merci Monsieur le Président.
La finalité de la mission « Économie » est, je le rappelle, de favoriser la mise en place d'un environnement propice à une croissance durable et équilibrée et de promouvoir le redressement productif du pays. Elle retrace pour 2014, comme les années précédentes, les crédits relatifs à trois programmes :
- le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » ;
- le programme 220 « Statistiques et études » ;
- le programme 305« Pilotage de l'économie française ».
À ces trois programmes, qui constituent le coeur historique de la mission, s'ajoutent, en 2014, trois programmes temporaires destinés à mettre en oeuvre le nouveau plan d'investissements d'avenir (PIA). Il s'agit des programmes 405 « Projets industriels », 406 « Innovation » et 407 « Économie numérique ».
Compte tenu de l'ajout de ces trois programmes, qui représentent 1,6 milliard d'euros, comparer globalement les crédits de la mission par rapport à ceux de l'année dernière n'aurait pas de sens. Je vous propose donc de scinder l'analyse de l'évolution des crédits en deux, en commençant par examiner les programmes pérennes de la mission, avant d'analyser ceux qui servent de support au nouveau PIA.
Les crédits relatifs à la conception et au pilotage des politiques économiques nationales figurent sur les programmes 220 et 305. Ils financent l'expertise économique, statistique et juridique présente dans les directions du Trésor, de la législation fiscale et de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Aucun changement significatif n'est à souligner en ce qui les concerne. Leur périmètre est inchangé et ils se voient dotés de 471 millions d'euros pour le programme « Statistiques et études », en progression de 0,5 %, et de 494 millions d'euros pour le programme « Pilotage de l'économie française », en recul de 3 %.
Le programme 134 « Développement des entreprises et de l'emploi » regroupe les moyens nécessaires à la mise en oeuvre d'un ensemble de politiques assez disparates, qui portent sur l'accompagnement des entreprises par les pouvoirs publics, la surveillance du cadre concurrentiel général ou sectoriel, ou encore la protection des consommateurs.
Les crédits de ce programme sont en baisse par rapport à 2013 : ils s'établissent à 1 027 millions d'euros en crédits de paiement, en recul de 5,5 %. Si l'on tient compte du fait que ce programme inclut pour 2014 une dotation de 50 millions d'euros au titre d'une nouvelle action « Fonds de soutien aux collectivités ayant contracté des produits structurés », action sans lien avec la finalité du programme et qui devrait plutôt être rattachée à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », le recul des crédits du programme 134 par rapport à 2013 s'établit en réalité à 108 millions d'euros , soit une baisse de 10%.
L'évolution négative des crédits de ce programme 134 recouvre cependant des évolutions contrastées. Parmi les actions en baisse, il y a :
- les crédits de l'action 02 « Commerce, artisanat et services », qui visent à soutenir le commerce de proximité et les services à la personne. Ils perdent 12,4 millions d'euros, soit un recul de 12 %. En cinq ans, les crédits de cette action auront été divisés par deux. En particulier, les crédits du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) - Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) inclus -, prévus à 27 millions d'euros pour 2014, perdent de nouveau 5 millions d'euros. Mais la question est plus complexe qu'elle n'en a l'air ; j'y reviendrai ultérieurement.
L'aide au comité professionnel de la distribution de carburant connaît elle-aussi une nouvelle érosion, tombant à 3,1 millions d'euros. Je rappelle à cet égard qu'en première lecture du projet de loi sur la consommation, le Sénat s'est prononcé en faveur du report au 31 décembre 2020 de l'obligation d'enterrer les réservoirs des stations-service distribuant moins de 500 mètres cubes par an, report indispensable compte tenu de l'asphyxie progressive du CPDC ;
- en baisse également, les crédits de l'action 3 « Actions en faveur des entreprises industrielles ». Ils s'établissent, pour 2014, à 196 millions d'euros, soit un recul de 8,1 % par rapport à 2013. Je tiens cependant à souligner que les crédits figurant sur cette action ne constituent qu'une fraction minime de l'effort national en faveur des entreprises et du renouveau industriel de la France. Je pense qu'il serait souhaitable, pour rendre plus lisible la politique industrielle de la nation, de disposer d'un document budgétaire de synthèse permettant de chiffrer l'investissement public consenti dans le domaine industriel via des dépenses budgétaires et fiscales aujourd'hui dispersées dans plusieurs missions et programmes ;
- les crédits de l'action 04 « Développement des télécommunications, des postes et de la société d'information » reculent de 33,7 % ; mon collègue co-rapporteur pour avis Pierre Hérisson vous les détaillera tout à l'heure ;
- les crédits de l'action 07 « Développement international des entreprises », c'est-à-dire la dotation à Ubifrance, s'établissent à 97,8 millions d'euros, en baisse de 6 % par rapport à 2013. C'est un nouveau recul après la diminution de 14 millions d'euros entre 2012 et 2013 ;
- évolution en baisse très légère également pour les crédits de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII), dont la dotation perd 300 000 euros à 13,9 millions d'euros ;
- enfin, baisse de près de 4 % pour les crédits de l'action 21 en faveur du développement du tourisme.
D'autres actions voient au contraire leurs crédits se stabiliser ou augmenter légèrement :
- c'est le cas des crédits des autorités administratives indépendantes rattachées au programme 134 - action 13 : Autorité de régulation des communications électroniques et des postes [ARCEP], action 14 : Commission de régulation de l'énergie [CRE] et action 15 : Autorité de la concurrence -, qui restent stables nominalement par rapport à 2013, respectivement à 23, 20 et 21 millions d'euros ;
- les crédits de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) - action 15 « Régulation concurrentielle des marchés », action 16 « Protection économique du consommateur » et action 17 « Protection économique du consommateur » - sont en hausse. Globalement, ils s'établissent à 238 millions d'euros, contre 235 millions d'euros en 2013. Le plafond d'emplois sur ces trois actions est également en augmentation d'une centaine d'équivalents temps plein (ETP) pour atteindre 3 109. Je me réjouis de l'inflexion intervenue depuis le début de la nouvelle législature en vue de mettre en accord les moyens de la DGCCRF avec les missions fondamentales que le législateur lui assigne.
J'en viens maintenant aux trois programmes portant les crédits du deuxième PIA, annoncé par le Premier ministre le 9 juillet 2013. Ce PIA 2, d'un montant de 12 milliards d'euros, a pour objet de prolonger l'effort d'investissement national engagé par le premier PIA de 2010. Il est articulé autour de trois axes : le soutien à la recherche et à l'université ; la transition énergétique et écologique et la ville durable ; et enfin l'innovation et la recherche dans les filières industrielles. Budgétairement, ces crédits seront portés par neuf missions, dont la mission « Économie » au travers des programmes 405 « Projets industriels », 406 « Innovation » et 407 « Économie numérique ». Au total ces trois programmes, pilotés par direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) sous la responsabilité du ministre du redressement productif, représentent une enveloppe de 1,675 milliards d'euros.
Il faut souligner qu'une partie des dépenses du second PIA, singulièrement celles inscrites sur les programmes 405, 406 et 407, accroissent le patrimoine de l'État puisqu'elles prennent la forme de créances détenues sur les acteurs économiques - prêts et avances remboursables - ou de prises de participation.
Le programme 405 « Projets industriels » vise à soutenir l'investissement des filières industrielles dans des projets structurants pour le tissu économique national.
L'action 01 « Projets industriels d'avenir » tend à conforter les grandes filières actuelles au niveau national. La Banque publique d'investissement (BPI) en sera l'opérateur. Les projets industriels seront sélectionnés par appels à projets en fonction, d'une part, de leur cohérence avec les priorités de la politique industrielle et, d'autre part, des enjeux stratégiques de chaque projet pour la filière concernée, notamment eu égard au potentiel de croissance qu'ils recèlent.
L'action 02 « Projets pour l'industrialisation » est dotée de 30 millions d'euros. Elle servira à financer des prêts pour l'industrialisation pour des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Il s'agit de concrétiser au travers d'une industrialisation et d'une valorisation commerciale des projets de recherche et développement (R&D) qui arrivent à leur terme mais peinent à trouver les financements nécessaire pour passer au marché. Les 30 millions d'euros figurant sur cette action ne sont pas destinés à alimenter les prêts pour l'industrialisation eux-mêmes, mais à les garantir.
Enfin, l'action 03 « Usine du futur : robotisation » est dotée de 60 millions d'euros. Elle permettra de bonifier et garantir pour 300 millions d'euros des prêts destinés à financer des investissements de robotisation de PME et ETI industrielles.
Doté d'une enveloppe substantielle de 690 millions d'euros, le programme 406, intitulé « Innovation », vise à renforcer la compétitivité de notre économie en favorisant la croissance des entreprises innovantes. Il comporte trois actions :
- la première, bénéficiant de 150 millions d'euros, est un complément de l'action « Innovation de rupture » du premier programme d'investissements d'avenir, déjà dotée de 150 millions d'euros de subvention ;
- la deuxième, dotée de 240 millions d'euros, permettra de soutenir un fonds souverain de la propriété intellectuelle, de renforcer l'innovation de modèle et de procédé, et de développer la culture de l'innovation et de l'entrepreneuriat ;
- la troisième, mobilisant 300 millions d'euros, permettra de réaliser les projets structurants des pôles de compétitivité.
Enfin, le programme 407 « Économie numérique » comprend deux actions :
- l'action 01 « Quartiers numériques » est dotée de 215 millions d'euros en vue de dynamiser et d'accompagner les programmes de soutien à la croissance des entreprises numériques et de constitution de quartiers numériques ;
- l'action 02 « Usages et technologies du numérique » est dotée de 350 millions d'euros.
Un dernier mot pour évoquer les 86 dépenses fiscales associées à la mission « Économie ». La très grande majorité - 77 exactement - est rattachée au programme 134 « Développement des entreprises et de l'emploi ». Ces niches représentent une perte de recettes fiscales dont le montant total est estimé à 16,874 milliards pour 2014.
Il faut évidemment souligner la mise en place du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui constitue la plus connue des 35 mesures du Pacte national pour la croissance. Ce crédit d'impôt est conçu comme un outil pour rétablir les marges des entreprises et permettre, grâce à la restauration des capacités d'autofinancement, une reprise de l'investissement et une montée en gamme de l'économie française.
Budgétairement, pour 2014, le coût du CICE est évalué à 9,76 milliards d'euros. Il est à noter que cette somme correspond au coût du CICE enregistré en 2013, pendant que la mesure se mettait en place et n'avait pas encore atteint son plein régime
Concernant le CICE, je souhaite faire deux remarques :
- tout d'abord, les entreprises peuvent depuis le début de l'année solliciter auprès de BPI France le préfinancement du CICE. Ce mécanisme de préfinancement a permis de donner un effet immédiat à la mesure ;
- le ciblage du CICE pourrait être amélioré. Applicable aux salaires inférieurs à 2,5 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), il s'applique très largement au-delà des entreprises industrielles, innovantes et exportatrices qui constituent le socle du redressement productif national. De fait, deux tiers de la masse salariale des entreprises françaises entrent dans le champ du CICE. Ainsi, l'industrie manufacturière n'en bénéficie que pour 18 % du total. Le CICE apparaît donc davantage comme un dispositif de soutien à l'emploi, équivalent à des mesures d'allègement du coût du travail, que comme une mesure destinés à stimuler la compétitivité et à faire évoluer la structure productive dans le sens d'une montée en gamme. Pour donner sa pleine mesure, le dispositif mériterait donc d'être mieux ciblé au bénéfice des entreprises industrielles et exportatrices.
Je n'ai jamais compris pourquoi le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) avait accepté l'instauration du CICE. La meilleure chose à faire aurait été de réduire les charges des entreprises, une mesure plus efficace économiquement et plus forte symboliquement. Certes, elle posait des problèmes politiques, mais il aurait fallu passer outre, tant le consensus est unanime sur la nécessité d'une baisse des charges.
Vous dites, Monsieur le Rapporteur, qu'il faut réviser le périmètre du CICE. Cela serait compliqué à mettre en oeuvre pour les entreprises, et notamment pour les PME, qui ont besoin d'une stabilité et d'une plus grande lisibilité du cadre règlementaire. Il faudra du temps pour leur redonner de la compétitivité et réindustrialiser le pays.
Pour ma part, je rejoins l'analyse qu'a faite le rapporteur pour avis. Il importe en effet de mieux cibler le CICE, plutôt que de décider une baisse générale des charges : l'emploi n'est pas le seul objectif devant être poursuivi, l'innovation doit tout autant être recherchée.
Le CICE poursuit concurremment deux objectifs : l'emploi et la compétitivité. Certes, il concerne pour 18 % seulement l'industrie et la grande distribution en profite. Si l'on veut l'axer davantage sur la compétitivité et la réindustrialisation, alors il faut le cibler en effet.
Le CICE réduit de facto le coût du travail. Mais 18 % consacrés à l'industrie, c'est trop peu. Les entreprises manufacturières doivent davantage en profiter.
Attention cependant à ne pas réduire l'industrie à l'industrie manufacturière stricto sensu. D'autres secteurs, comme l'agroalimentaire, l'industrie du numérique ou l'industrie pharmaceutique par exemple, contribuent également à la production industrielle...
Je donne à présent la parole à notre collègue Pierre Hérisson, qui va nous présenter la partie « Poste et communications électroniques » de la mission « Économie ».
Effectivement Monsieur le Président, et je le ferai en deux temps : tout d'abord, une analyse des évolutions budgétaires pour 2014, puis quelques développements sur les problématiques actuelles du secteur des communications électroniques, à savoir le déploiement de la fibre et de la 4G.
Mais je voudrais en introduction souligner que nous allons vivre, l'année prochaine, un bouleversement des secteurs des télécommunications et de la poste. Certains opérateurs sont à bout de souffle, d'autres profitent d'un marché très changeant. L'insuffisance de règles d'encadrement européennes en ce domaine se fait sentir.
Je porte à votre connaissance le fait que le gouvernement australien vient de céder l'intégralité de ses participations dans l'opérateur historique des communications électroniques, afin de financer le déploiement de la fibre sur l'ensemble du territoire. Et que la Nouvelle-Zélande et le Canada ont mis fin à la distribution du courrier à domicile, les usagers devant désormais aller le chercher au bureau de poste le plus proche ...
J'en reviens à l'analyse budgétaire, qui porte tout d'abord sur les actions 0 et 13 du programme 134. Elles correspondent à des sommes relativement faibles - 215 millions d'euros - au regard du poids du secteur dans la richesse nationale.
L'action 04 « Développement des télécommunications, des postes et de la société de l'information », qui voit ses crédits reculer de 33,7 %, à 194,8 millions d'euros, finance plusieurs dépenses :
- une dotation de 33,8 millions d'euros à l'Agence nationale des fréquences (ANFR). Cette enveloppe est en baisse de 2,8 % cette année, après avoir déjà diminué de 3 % l'an passé. Cela est préoccupant à l'heure où les missions de l'ANFR se diversifient : l'Agence doit notamment gérer les problèmes de réception de la télévision numérique terrestre (TNT) dus à la proximité de fréquence de la 4 G ; elle doit par ailleurs intégrer, au 1er janvier, la mission « très haut débit » supervisant le déploiement de la fibre ;
- la compensation par l'État des surcoûts liés à la mission de service public de transport postal de La Poste, qui s'élève à 150,1 millions d'euros. Cette compensation avait été transférée, l'an passé, à la mission « Médias » ; elle est aujourd'hui réintégrée dans la mission « Économie », dans cette action 04 ;
- le remboursement de La Poste pour l'acheminement réalisé en franchise postale, pour 1,5 millions d'euros ;
- des subventions attribuées par la France à divers organismes internationaux, dont l'Union postale universelle et la Conférence européenne des postes et télécommunications, pour 9,5 millions d'euros.
L'action 13 « Régulation des communications électroniques et des postes » est quasi stable, à 22,9 millions d'euros ; elle finance l'ARCEP. Hors dépenses de personnel, les crédits de l'Autorité ont diminué de 15 % au cours des cinq dernières années. Et le cycle budgétaire 2013-2015 programme une baisse significative de ses crédits de fonctionnement sur l'exercice, conformément à l'effort demandé à toutes les administrations de l'État.
Comme l'année passée, nous attirons à nouveau l'attention sur les limites d'une telle régulation. L'ARCEP a anticipé ces évolutions en réduisant de 21 % ses frais de fonctionnement depuis 2009. Mais elle arrive aujourd'hui « dans le dur », comme nous l'avait déjà dit son président, M. Jean-Ludovic Silicani, l'année dernière. Les budgets d'étude et ceux affectés aux enquête de vérification de la couverture mobile risquent fort d'être diminués. Ce sont donc les capacités du régulateur à connaître le marché, et par conséquent à y intervenir en encadrant ses acteurs, qui sont désormais remises en cause.
Enfin, pour en finir avec l'analyse budgétaire, quelques mots du programme n° 407, « Économie numérique », qui est un « nouveau venu » dans cette mission. Bénéficiant d'une enveloppe importante de 565 millions d'euros, il met en oeuvre des crédits mobilisés au titre du « PIA ». Il comporte deux actions :
- la première, dotée de 215 millions d'euros, vise au développement de « quartiers numériques ». Elle est portée par la Caisse des dépôts et consignations ;
- la seconde, à hauteur de 350 millions d'euros, tend à soutenir, plus largement, les « usages et technologies du numérique ». Elle est prise en charge par la BPI.
Je voudrais à présent vous dire quelques mots du déploiement des réseaux de communications électroniques du futur : fibre pour le fixe, 4G pour le mobile. En sachant qu'un « mix technologique », intégrant d'autres supports de transmission, sera indispensable pour obtenir une couverture satisfaisante du territoire dans des délais raisonnables. La ministre en charge de l'économie numérique, Mme Fleur Pellerin, semble l'avoir compris, et je m'en réjouis.
S'agissant de la fibre, pour commencer, je vous rappelle que l'ancien plan national très haut débit, le PNTHD, a été remplacé au printemps par un plan France très haut débit (PFTHD).Très ambitieux, il vise une couverture intégrale du territoire en très haut débit d'ici une dizaine d'années.
Avec notre collègue Yves Rome, de la commission du développement durable, nous avions remis au mois de mars un rapport plaidant pour un « triple play » gagnant du très haut débit. Certaines de nos orientations ont été suivies dans le nouveau plan, et nous nous en félicitons, même si des zones d'incertitude demeurent encore.
Les schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique, les fameux SDANT, sont désormais bien lancés, après des débuts difficiles. Sur les 98 départements qui se sont engagés dans leur élaboration, 80 les ont même achevés aujourd'hui. Je tiens à citer à cet égard l'exemple emblématique du département de la Haute-Marne, présidé par notre collègue Bruno Sido, qui procède à une expérimentation en recourant à une mise en régie de la desserte en fibre optique.
Le cadre règlementaire a été arrêté par l'ARCEP. Si les contraintes qu'il a fait peser sur les opérateurs en termes de mutualisation ont retardé leur déploiement, ces derniers n'en ont pas moins conclu des accords de cofinancement.
Certes, les Français sont encore loin d'être tous raccordés, mais les taux de souscription au très haut débit progressent sensiblement : + 22 % sur un an, avec 1,8 millions d'abonnés au deuxième semestre.
Pourtant, des interrogations demeurent sur le financement du dispositif, notamment. Interrogations que nous avions soulevées dans notre rapport précité.
La « feuille de route » présentée par le Gouvernement au printemps table sur un besoin total de financement de 20 milliards d'euros ; or, cela constitue la fourchette basse des projections réalisées par les spécialistes, qui vont jusqu'à 37 milliards. Ensuite, le Gouvernement annonce une taxe sur les communications électroniques qui n'apparaît pas dans le projet de loi de finances ; or, elle est censée représenter la majeure source de financement provenant de l'État. Enfin, il reste elliptique sur les moyens de financement des collectivités, dont 3 milliards d'euros sont attendus ; notamment, il ne clarifie pas la façon dont serait alimenté le Fonds d'aménagement numérique des territoires (FANT), fonds spécialement créé par la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, dite « loi Pintat », en vue de soutenir l'intervention des collectivités pour le financement des réseaux numériques à très haut débit.
Quelques mots pour finir sur le déploiement du réseau très haut débit mobile, cette fois : la 4G. Le groupe d'études « communications électroniques et poste », que je copréside avec notre collègue Michel Teston, a auditionné les quatre opérateurs nationaux au mois de septembre dernier. Ces derniers investissent fortement depuis 2012 dans le déploiement de leurs réseaux mobiles 4G. Ils ont, à l'exception de Free Mobile, déjà ouvert commercialement leurs services 4G, pour 35 à 60 % de la population. Et Free déploie son réseau intégré de sites 3G/4G, sans donner de date de commercialisation. On peut toutefois s'attendre à ce que l'opérateur propose à nouveau une offre fracassante, ce qui devrait reposer la question de l'équilibre entre l'intérêt des consommateurs à bénéficier de tarifs bas et celui des opérateurs à pouvoir investir.
Vous avez sûrement vu les publicités pour la 4G, et peut-être certains d'entre vous y sont déjà abonnés ? Ce réseau très haut débit mobile, c'est une qualité de service inégalée pour les usages nomades. Et ce, à terme, sur une majeure partie du territoire. La bande des 800 MHz, ou « fréquence en or », possède en effet des propriétés de propagation exceptionnelles. De plus, et du fait de la « loi Pintat », le déploiement doit avoir lieu concurremment en zones denses et en zones peu denses, grâce notamment à des accords de mutualisation. Ce principe, toutefois, n'est pas respecté, ce qui a été signalé à la ministre ; les contrôles doivent être plus stricts sur ce point.
Certains obstacles à un déploiement massif et rapide de la 4G devront être surmontés.
Les opérateurs devront amortir les 3,6 milliards d'euros qu'ils ont déboursés pour obtenir les fréquences 4G. Et ce alors que l'arrivée de Free leur a « fait beaucoup de mal », en tirant les marges vers le bas. Et alors, surtout, qu'ils devront à nouveau réinvestir des montants très importants pour le « deuxième dividende numérique », la bande des 700 MHz. Une problématique que connaît bien notre collègue Bruno Retailleau.
Par ailleurs, les problèmes de brouillage sur la bande des 800 MHz, proche de la TNT, devront être résolus. Toutefois, l'expérimentation menée à Saint-Etienne semble plutôt rassurante sur ce point.
Enfin, la demande devra suivre pour tirer le marché. Comme pour la fibre, restent encore à inventer les nouveaux usages, les « killing applications » de demain, qui rendront indispensables d'être connecté en permanence à 100 Mbit/s.
Pour conclure, et en revenant à La Poste, je tiens à souligner l'importance d'une pérennisation de la dotation du fonds postal national de péréquation territoriale, qui s'élève à 170 millions d'euros, et ce alors que l'ARCEP a chiffré à 250 milliards d'euros le coût de la couverture du territoire par le groupe.
Vous avez signalé, Monsieur le Rapporteur pour avis, que deux pays avaient arrêté la distribution du courrier à domicile. Sur le territoire national, elle intervient en n'importe quel endroit au même prix : y a-t-il un risque de remise en cause de ce principe ?
Je souhaitais simplement porter cette information à votre connaissance. Dans notre pays, le service universel de la poste a été confié au groupe La Poste pour une durée de 15 ans, lors de la modification de son statut. Et le groupe assure une distribution du courrier six jours sur sept, alors que les directives européennes ne l'exigent que cinq jours sur sept. Il n'est pas question de revenir sur ces principes.
Toutefois, le chiffre d'affaires de l'activité « courrier » du groupe est passé sous la barre des 50 % du chiffre d'affaires total, à 49 % exactement. Si le compte d'exploitation 2013 est encore excédentaire sur ce segment d'activité, on peut légitimement se demander combien de temps cela continuera d'être le cas. À terme, la diminution attendue de l'activité « courrier » devra faire l'objet de compensations avec d'autres segments d'activité, sans que le service universel ne soit pour autant remis en cause.
En matière de couverture numérique du territoire, on assiste, d'un gouvernement à l'autre, à une continuité des programmes de déploiement de la fibre. Mon département, la Somme, s'est engagé, via un syndicat mixte, à une couverture à 70 % de la population, en intégrant les opérateurs privés. Sachant que les 30 % restants, qui représentent 80 % du territoire, seront extrêmement coûteux à desservir en très haut débit. Les capacités des opérateurs, qui ont souscrit des emprunts pour financer la première tranche de déploiements, seront très limités pour la deuxième. En-dehors d'un financement par le FANT, il n'y aura point de salut pour nos zones rurales !
Il est inévitable que le chiffre d'affaires « courrier » de La Poste finisse par plonger. Il nous faudra y apporter une réponse à caractère général, en favorisant la mutualisation, sachant que les opérateurs alternatifs se concentreront naturellement sur les seules zones rentables.
La présence de La Poste en zone rurale est extrêmement importante. Afin de favoriser son maintien, et dans une perspective de développement durable, ne devrait-elle pas prendre en charge, en plus du courrier, la distribution des journaux et publicités ? Celle-ci est aujourd'hui assurée, en effet, par des manutentionnaires qui doublonnent en partie l'activité du facteur.
L'équipement de nos territoires en infrastructures à très haut débit a fait l'objet d'annonces successives, sans que cela ne s'accélère pour autant sur le terrain. Or, la dématérialisation de l'administration, qui affecte jusqu'à la gestion par les agriculteurs de leur exploitation, exige que l'on en fasse en priorité. À cet égard, on peut s'interroger sur l'importance des moyens alloués à cet objectif, tant au niveau national que local. Il faut aller plus vite, aujourd'hui, au risque de voir se creuser la fracture numérique.
Je partage ce sentiment d'inquiétude au sujet de La Poste, dont la baisse du chiffre d'affaires « courrier » est encore plus importante que ce qui était attendu. Un constat positif s'impose, toutefois : le rôle du facteur, particulièrement bien perçu dans l'opinion publique. Il faut qu'il soit utilisé au profit d'autres administrations ou services, par exemple pour relever les compteurs d'eau, de gaz et d'électricité. Il est aujourd'hui possible de connaître précisément les pertes d'énergie en chaque point du territoire ; le facteur pourrait informer les personnes concernées des possibilités qu'elles ont d'y remédier.
La problématique de la réaffectation de la bande des 700 MHz est certes importante, mais elle n'interviendra pas avant 2017. Le produit des licences octroyées sera affecté au budget de la défense. Ce changement d'usage aura des répercussions sur la réception de la télévision, obligeant les téléspectateurs à acquérir un adaptateur, d'un coût chiffré de 30 à 50 euros, voire à changer de téléviseur. Il y a là un risque réel d'extension de la fracture numérique à la réception de la télévision.
Avez-vous des informations, Monsieur le Rapporteur, sur les projets de fusion de l'ARCEP et du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) ? S'agissant de la couverture numérique du territoire, je suis d'avis que la 4G constitue l'une des réponses à la problématique des « zones blanches » en matière de téléphonie mobile, comme à celle de l'apport du très haut débit à des territoires très reculés.
Je souscris entièrement à vos propos sur le second point, Monsieur le Président : la 4G constitue l'un des moyens de remédier à la fracture numérique qu'entraînera nécessairement l'insuffisance de moyens alloués au déploiement du très haut débit. Les associations de consommateurs se sont d'ailleurs déjà saisies du sujet. Cependant, j'entends insister sur le fait que la 4G ne constitue pas - et ne doit pas constituer - un palliatif à l'absence de déploiement d'un réseau très haut débit.
S'agissant des autorités de régulations des secteurs des télécommunications et de l'audiovisuel, il semblerait que soit privilégié un rapprochement des services et la mutualisation de certaines fonctions, sans aller jusqu'à la fusion, chaque autorité conservant son propre collège. Mais sont en jeu des considérations politiques, allant bien au-delà des seuls éléments techniques.
Enfin, et au vu des motifs d'insatisfaction et d'inquiétude que procure l'examen des crédits dont j'ai à connaître, je donnerai un avis négatif sur l'adoption des crédits de la mission « Économie ».
La 4G est très importante, mais elle ne constitue ni l'alpha et l'oméga de la politique de déploiement, ni un palliatif à d'autres technologies. Elle mettra longtemps avant de desservir les zones les plus rurales. Pour ces dernières, et à l'exception des plus reculées, il n'y a pas d'autre solution que leur équipement en FttH. Celui-ci ne représente pas un coût si élevé, au regard de son importance. Certes, le nouveau plan national de déploiement diffère peu du précédent dans ses modalités, si ce n'est qu'il s'accompagne de de crédits substantiels, comme ceux mobilisés par certaines régions. La ministre en charge de l'économie numérique vient d'ailleurs demain dans mon département, la Drôme. Nous y avons déjà déployé 2 300 km de fibre optique, et nous avons comme projet de rendre éligible 800 000 personnes, pour un coût total de 450 millions d'euros, que nous allons financer.
Monsieur le Président, mes chers collègues, je reprends la parole pour vous présenter un état des lieux du Fisac. Depuis plusieurs années, notre commission suit avec inquiétude l'évolution de ses moyens budgétaires, en soulignant que leur baisse drastique et continue menace de disparition un outil pourtant indispensable au maintien et au développement du commerce de proximité dans les secteurs ruraux ou urbains les plus fragiles.
Le projet de loi de finances pour 2014, dans sa version déposée initialement devant le Parlement, n'était pas de nature à dissiper cette inquiétude. Avec une dotation annuelle annoncée de 20 millions d'euros, 27 millions en comptant la subvention versée à l'EPARECA, on semblait en effet entériner l'impasse budgétaire du Fisac et acter la disparition de fait de cet outil.
L'annonce par le Gouvernement d'une rallonge budgétaire significative pour solder plusieurs années de sous-financement du fonds et une réforme législative qui devrait se faire à l'occasion de l'examen prochain du projet de loi sur l'artisanat, le commerce et les très petites entreprises pourraient cependant marquer le renouveau d'un Fisac recentré sur ses missions essentielles.
Mais avant de tracer les perspectives, je crois qu'il faut prendre le temps de dresser un bilan objectif de la situation du Fisac. Par lettre de mission du 13 septembre 2012, la ministre du commerce, de l'artisanat et du tourisme a saisi le Contrôle général économique et financier d'une mission de diagnostic et de propositions sur le Fisac. La mission a rendu ses conclusions dès le mois de décembre 2012.
Le premier constat est celui d'un élargissement des missions du Fisac au cours du temps, notamment lors du vote de la loi de modernisation de l'économie (LME). Le rapport du contrôle financier est assez sévère sur ce point, parlant d'élargissement « tous azimuts » ou encore « d'inventaire à la Prévert ». Je suis plus nuancé. Aucune des missions confiées au cours du temps au Fisac ne semble franchement aberrante et contraire à son objectif fondamental, qui est de soutenir le commerce de proximité dans les secteurs démographiquement et économiquement fragiles.
Le problème réside sans doute moins dans la définition du champ des missions du Fisac que dans un sous-financement chronique. Quelques chiffres éloquents. À la fin de septembre 2012, au moment où la mission de contrôle commence son travail, le besoin de financement pour honorer la file d'attente des dossiers recevables est estimé à 120 millions d'euros, alors que les fonds Fisac disponibles à cette date se montent à seulement 15 millions d'euros. Le trou à combler est donc de l'ordre de 100 millions d'euros.
Le rapport de la mission de contrôle évoque un effet de ciseaux entre l'élargissement des missions du Fisac d'un côté et la réduction de sa dotation budgétaire annuelle de l'autre. L'explication n'est cependant qu'à moitié convaincante. Les chiffres mettent en effet en évidence une augmentation du nombre de dossiers déposés mais pas une augmentation concomitante de la valeur cumulée de ces dossiers. La valeur des dossiers déposés atteint en 2011 un montant analogue à celui de 2007 ou de 2009, environ 55 millions d'euros. Autrement dit, l'élargissement des missions du Fisac a conduit à un saupoudrage des crédits - ce qui certes n'est pas une bonne chose -, mais pas à une explosion des besoins de financement.
Si l'augmentation en valeur des dossiers de demande n'est pas criante, la réduction drastique des crédits du Fisac est en revanche manifeste, avec une réduction par deux de la dotation budgétaire entre 2007 et 2012. La cause première de l'impasse budgétaire du Fisac est donc bien une politique constante de sous-dotation budgétaire.
Le second constat fait par la mission de contrôle est celui des dysfonctionnements dans l'administration du Fisac. La crise financière du Fisac les a exacerbés et rendus manifestes. Parmi les principaux problèmes, je citerai :
- une absence de sélectivité. Les opérations individuelles (ORI) sont par exemple éligibles dès lors qu'elles concernent les communes de moins de 3 000 habitants et les entreprises faisant moins d'un million d'euros de bénéfice. Entrent donc dans le champ des ORI 90 % des communes et la quasi-totalité des entreprises artisanales et commerciales ! La même remarque vaut pour les opérations urbaines ;
- une absence de modularité des taux de subvention en fonction de l'intérêt intrinsèque de l'opération. Selon la mission de contrôle, les dossiers présentés par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), à quelques exceptions près, font tous état de demandes de subvention au taux maximal ;
- une gestion assez opaque des dossiers et crédits. L'absence de modularité et de sélectivité, dans un contexte de pénurie financière, conduit en effet à une gestion très empirique. Les dossiers instruits par les DIRECCTE, trop nombreux eu égard aux fonds disponibles, sont conservés avant d'être transmis à la DGCIS. Celle-ci fait de même avant de les transmettre au ministre pour signature. Ce dernier stocke lui-même les dossiers avant d'autoriser la délivrance des fonds. D'où une incroyable accumulation de dossiers recevables en attente de règlement : environ un millier fin 2012. À cette gestion par allongement de la file d'attente s'ajoute une gestion par abattement des taux de subvention : ainsi, après s'être vus accordés une subvention au taux maximal dans un premier temps, les dossiers se voient tous appliqués un taux d'abattement arbitraire de 20 % en 2009, 26 % en 2010, 32 % en 2011 et 43 % en 2012 ;
- un dispositif coûteux à faire fonctionner, notamment du fait d'une double instruction par les DIRRECTE et la DGCIS. En équivalents temps plein, le traitement des dossiers mobilise 10 agents à la DGCIS et 70 à 80 agents dans les DIRECCTE. Si on ne prend en compte que les agents de l'État - en région et au niveau central -, le Fisac occupe ainsi près d'une centaine d'agents, soit un coût - salaires et fonctionnement induit - de l'ordre de 8 millions d'euros par an. Ce montant est à rapporter à celui des fonds distribués par le Fisac, de l'ordre de 30 à 40 millions d'euros ces dernières années ;
- enfin, une répartition géographique des aides peu égalitaire. Les trois premières régions bénéficiaires (Rhône-Alpes, Aquitaine, Île-de-France) captent un tiers des sommes allouées alors que les trois dernières s'en partagent 3 %. La région Aquitaine, malgré un nombre de commerces équivalent, bénéficie de deux fois plus d'aides que le Nord-Pas-de-Calais. La région Rhône-Alpes, avec un nombre de commerces équivalent à celui de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), est quatre fois mieux pourvue que cette dernière. On pourrait multiplier les exemples. La comparaison des aides allouées en regard du tissu artisanal et commercial de chaque région illustre une forte distorsion entre les attributions de crédits du FISAC et le tissu commercial et artisanal, et démontre une inégale capacité des collectivités à capter les crédits disponibles.
Il est évident que pour rebâtir le Fisac, il prendre en compte tous ces constats. L'urgence est d'apurer ses comptes dans un contexte de maîtrise des finances publiques. La mission du contrôle économique et financier a proposé quelques pistes :
- la récupération des soldes inutilisés. Les données du régime social des indépendants (RSI) font en effet état d'un important volume de subventions accordées avant 2009 mais non encore utilisées - de l'ordre de 30 millions d'euros. Les sommes concernées sont inemployées sur le compte Fisac du RSI. Ces dossiers ayant parfois fait l'objet d'une prorogation, une expertise précise au cas par cas est cependant nécessaire pour déterminer les crédits effectivement récupérables. Certains projets ont également fait l'objet d'avances, mais n'ont pas été mis en oeuvre effectivement. Ces avances, d'un montant total de quelques 5 millions d'euros, devraient donc être remboursées. Le recouvrement de ces sommes peut cependant poser des difficultés ;
- la réduction des taux de subvention. En l'absence de « coup de pouce budgétaire », cette coupe dans les subventions devrait atteindre théoriquement 70 %.
Au cours de l'année 2013, ces deux solutions ont été partiellement mises en oeuvre. Une sélection des dossiers en faveur des territoires les plus fragiles et des opérations à plus forte valeur ajoutée, ainsi que la mobilisation des crédits bloqués depuis plusieurs années sur des opérations non réalisées ont permis de ramener le besoin de financement de 100 à 60 millions d'euros.
Le 7 novembre 2013, le Gouvernement a annoncé une rallonge budgétaire pour le Fisac par rapport à ce qui était prévu par la loi de finances initiales. Un premier effort d'un montant de 35 millions d'euros, sera réalisé dès cette année par dégel de crédits au sein du programme 134 de la mission « Économie », ce qui permettra de financer dès cette année les dossiers prioritaires. Les fonds destinés au Fisac devraient atteindre en 2014 62 millions d'euros, et non 27 millions, comme inscrit en loi de finances, retrouvant ainsi leur niveau de 2010 et 2011.
Un exercice identique sera mené l'année prochaine pour clore les derniers dossiers en attente.
Sur cette base financièrement apurée, il sera possible de rebâtir un nouveau Fisac. L'axe de la réforme est déjà connu : il s'agit de faire passer le Fisac d'une logique de guichet ouvert - logique intenable dans un contexte financièrement très contraint, peu favorable à une allocation optimale des ressources publiques et conduisant au saupoudrage des fonds et à une gestion opaque des crédits - à une logique d'appel à projet dont les critères de sélections seront fixés ex ante et en toute transparence. Cela permettra d'utiliser de façon plus efficace la ressource financière disponible, en ciblant les projets à plus fort effet de levier.
Cette réforme figure déjà à l'article 25 du projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, qui sera examiné dès décembre prochain par l'Assemblée nationale. Nous aurons à nous y pencher dans les mois à venir.
Ce constat est sévère, mais réaliste. Cependant, il faut le nuancer : nous avons tous profité du Fisac. Ses crédits, s'ils n'ont pas bénéficié directement aux commerces, y sont allés indirectement, au moins...
L'étude menée sur le Fisac est extrêmement intéressante. Le Premier ministre a parlé hier d'équilibre territorial et d'une nécessaire solidarité sur ces questions ; le Fisac peut en être un levier non négligeable pour que les bourgs-centres, la ruralité, les quartiers sensibles aient des activités de commerce à côté des maisons de service public. Lorsque des villes ont des bases importantes, elles pourront financer elles-mêmes certains projets et veiller à faire en sorte qu'on ait un cahier des charges du Fisac permettant de réduire la fracture territoriale.
Juste une précision technique : les 35 millions d'euros ne figurent pas dans le projet de loi de finances pour 2014 ; où sont-ils ?
Ils feront l'objet d'une réaffectation, après dégel de crédits. Pour terminer, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie ».
Je vous présente les crédits de la mission économie consacrés au commerce extérieur dans le projet de lois de finances pour 2014. J'articulerai mon exposé en deux temps. Tout d'abord, il s'agit d'analyser ces crédits de façon précise et réaliste tout en essayant de mieux cadrer leurs enjeux et leurs limites. Cela débouche sur un premier constat : au moment où notre appareil de soutien aux exportateurs fait l'objet de critiques assez sévères, en réalité il se réforme pour optimiser ses moyens en sévère contraction.
En second lieu, et comme de coutume, le commentaire de ces crédits s'accompagne d'un diagnostic sur notre commerce extérieur et de recommandations. Je souligne d'emblée une évidence qui ne se dégage pas clairement dans le flot des documents et informations budgétaires : les quelques 100 millions de crédits que nous examinons représentent à peine deux millièmes de notre déficit extérieur, qui s'élève à 67 milliards d'euros (soit environ 3,5 % du PIB) et de l'ordre du dix millième du volume des exportations (environ 20 % de notre PIB). Il ne faut donc pas surestimer l'impact de ces crédits mais, en même temps, l'accompagnement qui est ainsi financé a une importance humaine fondamentale : au cours des auditions, on nous a cité l'exemple de dirigeants de PME dont le moral est peu à peu miné parce qu'ils sont entrés en relation, dans certains pays, avec des clients ou des correspondants peu recommandables.
Par ailleurs, les périodes de restriction budgétaire ont le mérite de stimuler la réflexion sur les moyens pour la France d'anticiper la nouvelle donne économique mondiale qui se profile dans les années à venir. C'est le principal message de la seconde partie du rapport qui dresse un bilan de l'évolution de notre déficit et des stratégies pour mieux anticiper les mutations de l'économie mondiale. L'État doit ici pleinement jouer un rôle de stratège et de soutien : je signale, par exemple, que nos entrepreneurs confrontés à la concurrence chinoise en Afrique témoignent qu'ils ont eu l'impression de lutter non pas seulement contre d'autres entreprises mais contre le déploiement de toute la puissance du Gouvernement Chinois.
Première question : que représentent et à quoi servent les 100 millions de crédits que nous examinons ? Le rapport répond en trois temps à cette interrogation.
Tout d'abord, il constate la contraction générale des crédits de soutien à l'exportation pour 2014. Vous trouverez au rapport écrit une vue générale des outils et des crédits d'État. Ces derniers s'élèvent à 342 millions d'euros pour 2014, contre 354 en 2013, ce qui correspond à une baisse de 3,5 %. Par ailleurs, les régions consacrent à ce même objectif environ 65 millions d'euros chaque année. Cette dépense reste globalement maîtrisée puisque, comme l'ont confirmé à votre rapporteure les représentants de la Coface, ce coût est plus que compensé par des recettes non fiscales, à hauteur de 650 millions d'euros, correspondant à la récupération des créances détenues par la Coface et Natixis.
Dans cet ensemble, les crédits de la mission « Économie » consacrés au commerce extérieur, qui font, stricto sensu, l'objet du présent rapport, se limitent à deux actions du programme 134 intitulé « Développement des entreprises et du tourisme ». Leur montant total - identique en autorisations d'engagement et en crédits de paiement - s'élève, dans le projet de loi de finances pour 2014, à 124 millions d'euros qui se décomposent en :
- 98 millions d'euros, contre 103,9 en 2013 - en diminution de 6 % - au titre de l'action 07 « Développement international des entreprises », qui couvre les dépenses de l'Agence française pour le développement international des entreprises, Ubifrance ;
- et, pour le reste, soit 26 millions d'euros en diverses lignes de crédits rassemblés dans l'action 20 intitulée Financement des entreprises et de l'attractivité du territoire. Ces sommes financent essentiellement l'Agence française pour les investissements internationaux, mais également des bonifications accordées à des prêts en faveur des PME.
Comme vous le savez, il n'est pas simple de comparer les chiffres d'une année sur l'autre car le périmètre des actions est souvent modifié, et on voit apparaitre des dotations ponctuelles : ainsi, pour 2014, les crédits de l'action 20 incorporent une dotation du budget général d'un montant de 25 millions d'euros pour abonder les fonds de garantie gérés par Bpifrance financement.
Deux principales observations peuvent être faites sur ces crédits pour 2014. D'une part, on constate donc une contraction des crédits de ces actions à périmètre constant, alors même que la priorité affichée pour le commerce extérieur dans le projet de loi de finances pour 2013 n'était pas aisément démontrable en raison d'un certain éparpillement des crédits budgétaires. D'autre part, dans le bleu budgétaire pour 2014, l'« efficience du dispositif d'Ubifrance » de soutien aux entreprises à l'exportation est mesuré par un indicateur qui a décliné : de 19 en 2011, à 13,6 en 2013, les prévisions pour 2014 s'établissant à ce même niveau. Or on constate que cet indicateur d'efficacité se définit essentiellement comme le ratio du nombre annuel d'interventions d'Ubifrance sous forme d'accompagnements rapporté au nombre d'agents d'Ubifrance. Un tel système de mesure est critiquable : il suffit de faire observer qu'une explosion du nombre de réunions ferait mécaniquement grimper l'indicateur vers des sommets, quelqu'en soit l'efficacité ultérieure en matière économique. Je m'interroge sur cette méthode et l'audition des représentants d'Ubifrance a permis de préciser que des sondages réalisés par des organismes indépendants permettent également de mesurer si, selon l'entreprise, l'accompagnement par Ubifrance a déclenché ou favorisé un courant d'affaires nouveau. Je vous propose donc de suggérer qu'il est peu cohérent de maintenir un indicateur qui pourrait favoriser la « réunionite » au moment même où les entreprises ont fait savoir qu'elles attendent des dispositifs publics des résultats et pas seulement un déploiement de moyens. Par ailleurs, Ubifrance, conformément à l'objectif qui consiste à faire émerger 1 000 nouveaux acteurs de l'exportation, est incité par le Gouvernement non pas à multiplier ou à « saupoudrer » les accompagnements mais à les cibler et à les concentrer de façon efficace.
Dans un second temps, je dresse un rapide bilan des critiques adressées aux dispositifs de soutien des exportations. La synthèse la plus récente de ces critiques a été établie en juillet 2013 par le rapport d'information de nos collègues députés MM. Jean-Christophe Fromantin et Patrice Prat, au nom du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l'évaluation du soutien public aux exportations. Seulement 10 % des entreprises exportatrices utilisent des mécanismes de soutien pilotés par l'État, ce ratio n'intègrant pas les dispositifs régionaux : il s'agit, pour l'essentiel des accompagnements Ubifrance, avec 9 295 nouvelles entreprises aidées en 2012, et du recours à l'assurance prospection, qui a également bénéficié à 1 873 nouvelle entreprises en 2012.
De son côté, le réseau CCI International revendique 20 000 contacts de PME différentes pour un appui à l'export en France en 2012 et l'accompagnement annuel de 3 000 primo exportateurs ainsi que 3 000 entreprises à fort potentiel qui font partiellement doublon avec les bénéficiaires des dispositifs étatiques.
En revanche, l'assurance-crédit ne concerne que quelques centaines d'entreprises par an et sa concentration financière est particulièrement élevée puisque trois entreprises mobilisent 46 % des encours, soit 27,6 milliards d'euros.
Cette proportion minime est d'autant plus notable que le nombre d'entreprises exportatrices françaises (119 000 en 2012) est faible par rapport à l'Allemagne (de l'ordre de 300 000) ou à l'Italie (200 000).
Interrogés sur les raisons de ce faible intérêt, par voie de sondage en février 2013, les chefs d'entreprise qui exportent répondent qu'ils jugent le système français de soutien à l'export peu ou pas efficace (61 %), peu ou pas compréhensible (66 %) et peu ou pas adapté au contexte économique actuel (67 %). En conséquence, 78 % d'entre eux se chargent eux-mêmes de la commercialisation de leurs produits à l'exportation. De même, les chefs d'entreprise estiment inefficace à 58 % le soutien à l'exportation dans une enquête d'Ernst Young de février 2013 consacrée aux aides publiques aux entreprises. En revanche, le soutien à l'innovation jugé efficace à 71 %, le soutien à l'investissement étant pour sa part jugé inefficace à 74 %.
Face à ce désaveu, la stratégie des pouvoirs publics ne doit vraisemblablement pas consister à faire du chiffre en s'évertuant à intégrer davantage de TPE ou PME, qui n'en ont pas les moyens, dans une démarche d'exportation. Au regard de la concentration des chiffres des exportations (2,5 % des entreprises sont à l'origine de 43 % des exportations et les ETI, c'est-à-dire, 8 % des entreprises représentent 30 % des exportations), il est préférable de se focaliser sur l'identification des entreprises à fort potentiel afin de les aider à mettre en place ou consolider une stratégie de moyen terme à l'exportation.
L'accompagnement des 1 000 ETI et PME de croissance identifié par le pacte de compétitivité correspond à cette orientation qui doit être assignée aux différents acteurs du soutien à l'export. La marge de progrès sur ce segment est importante car la moitié des ETI françaises ne sont pas exportatrices et, parmi les ETI exportatrices, 40 % réalisent moins de 10 % de leur chiffre d'affaires à l'export. Je souligne que ces sondages et ces diagnostics rejoignent les remontées de terrain que je constate, en particulier dans ma région.
Cependant, à la lumière des auditions, je crois utile de relativiser ces critiques. En particulier, j'ai longuement entendu les représentants d'Ubifrance et j'estime que nous devons rendre justice aux efforts consentis par cette agence. Deux remarques à ce sujet, en commençant par la plus générale : je l'ai dit en introduction, les quelques 400 millions d'euros de crédits de soutien en question représentent moins d'un millième de la valeur des exportations de notre pays et les montants les plus importants sont concentrés sur quelques opérations de grande ampleur. Dans ces conditions, rechercher ou suggérer une quelconque « responsabilité » d'Ubifrance dans l'aggravation de nos déficit serait particulièrement absurde puisque l'Agence accompagne des PME, qui nous l'avons vu, représentent une part infime des exportations. Notre déficit commercial est, en effet, avant tout le révélateur d'une compétitivité insuffisante, ce qui relève de facteurs bien plus puissants que les dispositifs spécifiques de soutien à l'exportation.
Ma seconde remarque porte sur la gestion et la réorganisation de l'Agence Ubifrance. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : sa dotation budgétaire a diminué de 10 % depuis 2012, ses frais de fonctionnement, hors personnel, ont été réduits de 30 % depuis 2009 et ses effectifs expatriés de droit français ont diminué du quart depuis deux ans. En particulier, le représentant d'Ubifrance a souligné que le nombre de cadres expatriés français avait été diminué de moitié et que les effectifs ont étés particulièrement réajustés dans les pays où le niveau de vie est le plus élevé, avec un redéploiement dans les pays émergents.
Je m'arrête un instant sur ce point : faute de moyens, il semble donc que la baisse du nombre de fonctionnaires a été compensée par des recrutements de contractuels locaux, rémunérés en devise locale et selon des standards locaux. Or il semblerait que ce recours à ces contractuels locaux très proches de la réalité de terrain permette à Ubifrance de détecter des signaux et des opportunités économiques, de manière encore plus efficace qu'avant. Sans en tirer de conclusions hâtives, il nous faudrait peut-être méditer sur cet exemple qui témoigne que l'augmentation des moyens n'est pas toujours l'alpha et l'oméga de l'efficacité et que la diminution du nombre de fonctionnaire réduit la dépense publique.
Malgré ce relatif désengagement de l'État, Ubifrance a maintenu ses missions. A mon sens, l'essentiel dont j'ai dit un mot en introduction, n'est pas mesurable : alors que les grandes entreprises disposent d'une logistique impressionnante à l'exportation, les ETI et les PME sont confrontés à des risques importants de désillusion et de chausse-trappe. Ubifrance peut ici jouer un rôle d'alerte et de mise en relation avec des correspondants fiables et c'est ce dont ont besoin nos entrepreneurs pour éviter les situations cauchemardesques dans les pays émergents ou ailleurs.
Ma conclusion est que tout en prenant acte des critiques justifiées de nos dispositifs de soutien trop souvent redondants, il nous faut éviter de saper le moral de nos opérateurs qui ont consenti des efforts considérables et qui ont une connaissance fine du terrain. Il faut, bien au contraire, utiliser leurs intuitions et leur vision de terrain pour anticiper les opportunités et les transformations rapides de l'économie mondiale.
Ce thème fait l'objet du second volet du rapport également consacré au suivi de notre commerce extérieur. Je me limiterai à trois rapides observations.
Tout d'abord, notre déficit commercial après un montant record de 73 milliards d'euros en 2011 a été réduit à 67 milliards en 2012 et avoisinera probablement 60 milliards en 2013. La séquence chiffrée est plutôt rassurante mais les mécanismes sous-jacents le sont moins : c'est, en effet, la contraction de la demande intérieure et de nos importations qui explique la réduction du déficit, et non pas la hausse de nos exportations. Un phénomène similaire est observé dans de nombreux pays : par exemple, au premier semestre 2013, l'Allemagne a enregistré l'un de ses plus importants excédents commerciaux semestriels de ces dix dernières années avec un recul plus prononcé de ses importations (-2 %) que des exportations (-1 %). D'ailleurs, le repli des exportations allemandes a été particulièrement prononcé en direction de la zone euro et surtout de la France (-5 %), ce qui confirme l'analyse précédente.
S'agissant des indicateurs de notre commerce extérieur, j'avais, l'an dernier, évoqué l'un des principaux « combats » de Pascal Lamy, ancien directeur général de l'OMC, pour une mesure plus intelligente du solde des échanges. Je rappelle, en effet, que l'achat d'un Iphone par un américain aggrave le déficit de son pays, car les douanes enregistrent un transfert entrant en provenance de la Chine où sont fabriqués ces objets. Pour autant, cet achat est bénéfique pour les entreprises américaines qui capturent la valeur ajoutée du produit. Je note que nos collègues députés ont placé cette suggestion à la première place de leurs recommandations en juillet dernier, en prenant l'exemple allemand de la Porsche Cayenne dont 90% des composants sont importés. Je vous suggère donc de renouveler notre souhait auprès du Gouvernement, même si cela vient nuancer ou contredire un certain nombre de postures prises par certains de ses membres, ce qui a d'ailleurs conduit ce même directeur général de l'OMC à se demander si le GPS de la France n'était pas un peu déréglé en matière économique. Les stratégies de progrès adaptées au monde d'aujourd'hui et de demain ne peuvent plus se contenter d'instruments de mesure du dix-neuvième siècle.
Quelques mots enfin sur les orientations stratégiques.
Tout d'abord, comme le souligne l'OMC dans son dernier rapport, en 2020, 30 % des classes moyennes seront issues des pays émergents. Or il s'agit là de nouveaux clients extrêmement séduits par la France et ses produits. On perçoit une immense attente, en particulier en Inde et au Brésil, qui contraste avec une certaine morosité ambiante dans notre pays qui a besoin de retrouver confiance en lui-même.
Ensuite, les exportateurs, à commencer par les PME, connaissent de sérieux obstacles pour l'accès au financement à l'exportation. A la lumière des auditions, je suis réservée sur la reconstitution d'un établissement financier spécifiquement axé sur le financement à l'exportation, tout simplement parce que ce modèle ne fonctionne à peu près dans aucun grand pays exportateur. Les solutions sont plutôt à rechercher du côté des garanties de refinancement qui permettent aux banques de réduire à zéro le risque de prêt à l'exportation. Cette garantie à 100 % de paiement inconditionnelle à première demande à l'organisme refinançant un crédit export assuré par la COFACE existe en Allemagne et est en cours d'adoption aux Pays-Bas. Elle a fait l'objet d'une disposition spécifique de la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, mais il a fallu attendre mai 2013 pour la publication du décret d'application. Nous suivrons attentivement l'utilisation de ce mécanisme, même si cela ne rentre pas directement dans le champ de nos investigations budgétaires.
Je termine en attirant votre attention sur les recompositions de l'économie mondiale. Comme le rappelle l'OMC, pour la première fois de l'histoire du monde, en 2012 la production des pays en développement a dépassé celle des pays développés « dits riches ».
Vous vous souvenez sans doute à quel point la thèse du déplacement du centre de gravité de l'économie-monde vers l'Asie-Pacifique avait marqué les esprits. Aujourd'hui, on nous annonce que « le 21e siècle sera africain ». La démographie va effectivement dans ce sens et les nouvelles technologies, en particulier le téléphone portable, doivent permettre à l'Afrique de bruler ce que l'on appelait les étapes du développement. Un des signes de cette évolution est, par exemple, qu'aujourd'hui, l'Angola serait le premier pays du monde en termes d'utilisation du téléphone mobile comme moyen de paiement. La France a cependant eu tendance à se désengager de l'Afrique au cours des vingt dernières années pour essayer, avec un succès limité, de conquérir les marchés asiatiques. Pendant ce temps, la Chine prenait pied en Afrique avec énergie. On nous indique qu'il y a aujourd'hui un créneau porteur pour la France : la Chine aurait, en effet, développé des infrastructures de façon très rapide en Afrique mais avec des normes de qualité parfois jugées insuffisantes. Il y a donc un relai possible pour l'économie française. Les stratèges du commerce extérieur ont, en même temps, souligné qu'il convenait de surveiller attentivement le moment où des pays comme l'Algérie s'ouvriraient. Vous trouverez sur ce point, au rapport écrit, quelques éléments sur ce pays très solide financièrement.
Notre ministre du commerce extérieur semble influencée par ces perspectives et il convient effectivement d'organiser une veille stratégique adaptée. Cependant, je rappelle que d'autres pays de la zone euro, comme l'Allemagne ou la Suède, donnent l'exemple de la voie royale de la compétitivité en réduisant à la fois la conflictualité des relations de travail et les dépenses publiques ainsi que les réglementations superfétatoires.
J'évoquerai le secteur viticole qui représente notre deuxième poste exportateur après l'aéronautique. Je souligne que la consommation mondiale de vin est en train de progresser, en particulier en Europe du Nord, dans les pays asiatiques et aux États-Unis. Or la concurrence est particulièrement vive sur ce marché en croissance, avec l'offensive du Chili, de l'Australie, de l'Afrique du Sud, de la Californie et de l'Espagne, laquelle consacre des moyens importants à la promotion de ses produits sur les marchés porteurs. Je m'interroge sur les crédits que consacre aujourd'hui l'État à la promotion de nos vins, en rappelant que la part de ce dernier était, en 2007-2008, inférieure aux sommes allouées par la région Languedoc-Roussillon et très inférieure à l'effort public consenti en Espagne ou en Australie.
Notre co-rapporteure pour avis a très habilement souligné les divergences entre les thèses défendues respectivement par Pascal Lamy et par notre ministre du Redressement productif. Je souligne, pour ma part, de façon très réaliste qu'étant donné la situation de l'industrie française dont la part dans le PIB se limite à 14 % voire 12 %, il nous faut absolument produire en France. Cela ne remet pas en cause la nécessité de maintenir, par ailleurs, les implantations européennes et mondiales de nos grands groupes qui vont chercher la croissance là où elle est la plus dynamique. J'estime que certaines des analyses formulées par l'ancien directeur général de l'OMC ne vont pas dans le sens des orientations visant à renforcer les douze grandes filières productives françaises en faisant en sorte de les localiser le plus possible sur notre territoire, tout en sachant qu'elles sont intégrées dans un processus internationalisé de « global sourcing » que l'on peut traduire approximativement de politique d'achat au niveau mondial.
Je partage, par ailleurs, l'idée que l'Afrique jouera un rôle croissant, mais plutôt que de se focaliser trop exclusivement sur la mondialisation, ce qui a contribué au déclin industriel de la France, il me parait préférable - sans pour autant verser dans une conception hexagonale étriquée - de produire sur notre territoire. La France a d'ailleurs une des meilleures productivités du travail d'Europe et le « made in France » commence à connaître un réel succès : je constate d'ores et déjà des changements de comportements très positifs de la part des consommateurs dans l'agroalimentaire ou dans l'habillement. La Suisse et d'autres pays ont parcouru ce chemin avant nous et il doit nous permettre de fabriquer des produits de qualité en France sans ignorer la mondialisation des échanges. Enfin, je souligne que le partenariat étroit d'Ubifrance avec la Caisse des dépôts et la BPI me paraît la solution la plus opportune pour aider les PME à réaliser leur potentiel à l'exportation.
Sur la première partie du rapport budgétaire, je rappelle, comme vous le savez, que mon groupe n'est pas favorable au CICE qui prive les collectivités locales de possibilités de développement de l'emploi. Sa réorientation vers l'industrie serait, j'en conviens, un moindre mal car il profite, dans sa configuration actuelle, trop à la grande distribution au détriment des petits producteurs locaux.
Nous sommes en revanche favorables aux orientations présentées sur le FISAC même s'ils consistent surtout en redéploiements.
S'agissant du commerce extérieur, nous pensons qu'on ne réfléchit pas suffisamment aux possibilités de réduire les achats d'objets importés et, parfois superfétatoires pour le consommateur, ce qui aurait également l'avantage de produire des effets bénéfiques en matière d'environnement puisqu'on réduirait, en particulier, les transports de marchandises.
Puisqu'il nous faut exprimer un vote global sur les crédits de la mission, nous nous prononcerons contre, tout en précisant que le volet consacré au Fisac recueille plutôt notre approbation.
J'insiste sur le fait que la croissance des PME passe souvent par un développement à l'exportation. Ce ne sont donc pas seulement les grandes PME, les ETI et les grands groupes qui doivent être accompagnés par les dispositifs publics.
S'agissant du secteur viticole, il faut distinguer l'accompagnement des entreprises, y compris du secteur viticole, qui relève d'Ubifrance et l'aide à la promotion qui relève sans doute des filières et d'autres canaux budgétaires.
Effectivement, il conviendrait d'analyser les crédits qui alimentent, au niveau national, les filières du secteur viticole.
Autrefois, l'Etat à travers l'ONIVINS apportait une contribution spécifique.
Le « made in France » est un concept certainement intéressant, et tout le monde s'accorde à souhaiter la relocalisation industrielle en France. Pour autant, le « made in France » ne doit pas devenir un dogme. Il faudrait commencer par mieux définir de façon précise cette notion en essayant d'intégrer des produits dont certains composants peuvent être importés mais qui incorporent une valeur ajoutée de source française. Je pense également que la relocalisation de l'industrie textile, même si elle est souhaitable, est un objectif difficile à atteindre car un certain nombre de ressources en ateliers et en savoir-faire ont été délocalisés. En pensant aux récents événements du Bengladesh, je crois qu'il faut également veiller à ne pas bouleverser les équilibres existants et à ne pas détruire des emplois dans les pays en développement.
Je rappelle enfin, pour bien souligner la nécessité d'accompagner les PME, que Mme Christine Lagarde, en 2009, a confié à Ubifrance cette mission de soutien des petites entreprises : c'est la vocation première de cette agence.
Ubifrance a fait l'objet de critiques assez sévères ; j'estime cependant que ses efforts de restructuration sont encourageants et, par conséquent, justifient un avis de sagesse sur ce volet de notre rapport budgétaire qui est centré sur son action.
Nous devons nous prononcer sur l'ensemble de la mission qui, je le rappelle, a reçu un avis favorable de M. Martial Bourquin, l'avis défavorable de M. Pierre Hérisson et un avis de sagesse de Mme Élisabeth Lamure.
Il s'agit, pour le FISAC, certes d'un redéploiement des crédits mais aussi et surtout d'un effort sans précédent.
La commission émet un avis favorable aux crédits de la mission économie du projet de loi de finances pour 2014.
La commission examine le rapport pour avis sur les crédits « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2014.
Je vais vous présenter, pour le deuxième exercice, les crédits de la MIRES, la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur ».
Je me propose de vous exposer les grandes orientations du budget pour 2014, puis d'approfondir deux sujets sur lesquels j'ai fait porter mes auditions : l'Agence nationale de la recherche et le crédit d'impôt recherche, notamment pour ce qui est de ses modalités de contrôle.
Le budget de la MIRES atteint pour la première fois les 26 milliards d'euros. C'est un budget de consolidation, en hausse très légère de 0,44 %. Dans le contexte actuel de contrainte des finances publiques, et de recul de la majorité des autres budgets ministériels, cette stabilisation est à souligner. Ainsi, la MIRES constitue toujours le troisième budget de l'Etat, derrière l'enseignement scolaire et la défense.
Ce constat plutôt rassurant, à première vue, doit toutefois être relativisé à plusieurs égards.
Tout d'abord, la part consacrée à la recherche, qui intéresse notre commission, n'est pas la mieux lotie : avec presque 14 milliards d'euros, elle est en baisse de 0,55 % par rapport à l'exercice précédent. C'est en fait, comme l'année passée, la réussite étudiante qui est la grande priorité.
Cette contraction de l'enveloppe « recherche » se retrouve, logiquement, dans les subventions allouées aux grands organismes. Ceux que j'ai pu auditionner ou questionner m'ont fait part de la situation « limite » dans laquelle ils se trouvaient. Leur dotation d'État est en recul : - 0,2 % pour l'Institut national de recherche agronomique (INRA), - 0,4 % pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), - 0,64 % pour l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), - 1,1 % pour le Centre national d'études spatiales (CNES) ... Le problème est que ces baisses, certes limitées, se rajoutent aux autres baisses des années précédentes pour constituer finalement des « coupes » sensibles. L'IFP - Énergies nouvelles (IFP-EN), par exemple, a vu ainsi sa dotation reculer de 34 % depuis une dizaine d'années ; il est aujourd'hui « à l'os », pour reprendre son expression. Comme par ailleurs l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR), qui craint même de se retrouver en cessation de paiement si cette tendance se poursuit !
Or, la situation de ces organismes risque de s'aggraver, du fait des mises en réserve demandées à l'ensemble des opérateurs de l'État, au nom de la maitrise des finances publiques. D'une part, ces taux ont augmenté cette année : stables pour la masse salariale, à 0,5 %, ils passent de 6 à 7 % pour les autres dépenses. Si leur réduction de moitié avait été finalement décidée l'année passée, l'arbitrage n'a pas encore été rendu pour cet exercice. Aussi plusieurs organismes - IFP-EN et IFSTTAR, mais aussi Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) et Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) - ont-ils demandé conjointement au Gouvernement de prendre des résolutions en ce sens. Sachant qu'ils ne seront pas à l'abri d'un gel supplémentaire en cours d'exercice, comme cela est arrivé à l'IFSTTAR en 2013, ce qui les mettrait alors dans une situation budgétaire plus que délicate.
Comment les organismes gèrent-ils ce retrait des dotations d'État ? Ceux qui le peuvent s'adaptent et tentent de diversifier leurs moyens de financement. Soit en augmentant leurs ressources propres : dividendes versés par les filiales, prestations réalisées auprès des industriels, redevances issues de la valorisation de la recherche ... Les ressources propres de l'IFP-EN ont ainsi presque doublé en 10 ans, représentant plus de 50 % de son budget.
L'autre solution est de se tourner vers les appels à projet, qu'ils soient issus du programme d'investissements d'avenir (PIA) ou de l'Europe. C'est ce que fait l'INRIA, qui cette année voit encore ce type de ressources augmenter, de 2,7 %.
Ces solutions sont à encourager, car il est certain que la tendance sera au désengagement progressif de l'État dans le financement de ces structures. Cependant, elle a ses limites, et ces organismes sont contraints aujourd'hui de réaliser de nouvelles économies. Ce peut être sur le budget de fonctionnement, en se « serrant la ceinture » un peu plus. Ce peut être sur les emplois, ce qui remet en cause la transmission du savoir au sein de la structure : recul de 479 équivalents temps plein (ETP) au CNRS en 2014, suppression de 150 emplois depuis 2011 à l'IFP-EN...
Ce peut être enfin, dans le pire des cas, sur les capacités d'intervention : plusieurs organismes (IFP-EN, INRIA ...) nous ont ainsi indiqué avoir arrêté ou suspendu, au moins en partie, certains programmes de recherche. Dans une économie où la connaissance et l'innovation seront, demain plus que jamais, la source de toute valeur ajoutée, on mesure les conséquences désastreuses d'une telle évolution pour notre pays.
J'en viens à présent à l'Agence nationale de la recherche, l'ANR. La mise en place de cette agence de moyens, en 2006, a considérablement modifié le financement de la recherche en France, qui consistait jusqu'alors à subventionner chaque année de grands organismes. Elle l'a en effet réorienté vers le financement de projets précisément définis et correspondant à des thématiques jugées essentielles, comme c'est le cas dans les autres grands pays de recherche. Cela a permis de mettre en concurrence les équipes, de sélectionner les meilleures et de définir de grandes priorités nationales. Tout en conservant des financements pour des projets originaux, en rupture avec les itinéraires de recherche traditionnels, dits aussi « programmes blancs ».
L'ANR n'a pas été remise en cause par la dernière loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, que j'ai rapportée pour avis au nom de la commission il y a quelques mois. Mais ses capacités d'action se trouvent aujourd'hui limitées de façon inquiétante.
Le budget de l'Agence, tout d'abord, est réduit cette année de 81 millions d'euros avant mise en réserve, soit - 12,3 % ! Cette diminution n'est pas ponctuelle : elle correspond à un recentrage délibéré du financement de la recherche vers les « crédits récurrents », octroyés aux grands organismes nationaux. Depuis la création de l'agence, sa subvention a baissé de 30 %, alors que le budget global de la MIRES progressait de 24 % ! Ils ne représentent plus désormais que 2,2 % des crédits de la MIRES, soit une enveloppe très insuffisante pour une agence à laquelle est censée être déléguée la majeure partie du financement de la recherche dans notre pays.
Cette évolution a des conséquences dramatiques sur le paysage de la recherche. La baisse des moyens de l'ANR, alors que les dossiers qui lui sont soumis augmentent fortement, aboutit à un fort recul du taux de succès aux appels à projet. Il est passé de plus de 25 % il y a quelques années à 16/17 % cette année, soit un des taux les plus bas d'Europe. Et bien inférieur à celui du 7ème programme cadre de recherche et développement (PCRD), qui est de 24 %.
À ce niveau-là, et vu la baisse des crédits qu'elles peuvent subir, les équipes de recherche risquent d'être découragées et ne plus soumissionner, surtout lorsque l'on connaît la complexité du montage des dossiers. L'ANR pourrait ainsi perdre de son influence au profit d'autres sources de financement, que ce soit le programme « investissements d'avenir », dont une nouvelle tranche vient d'être annoncée, ou les appels à projet européens.
Devant ce risque, l'Agence n'est pas restée inactive. Elle a en effet profondément modifié sa procédure d'appel à projets, qui aura lieu désormais en deux temps : l'examen de pré-propositions sous un format allégé, puis l'analyse de dossiers détaillés parmi celles sélectionnées. Cette procédure révisée devrait permettre de réduire le nombre de projets examinés, et donc d'augmenter mécaniquement le taux de succès, pour le porter à 40 % environ. Espérons qu'elle redonnera un second souffle à l'Agence, et que celle-ci sera davantage prise en compte dans le prochain budget, car il en va de sa crédibilité auprès de la communauté scientifique, et même de sa pérennité.
Quelques mots pour finir sur le crédit d'impôt recherche (CIR), élément incontournable du budget de la recherche. Avec 5,8 milliards d'euros inscrits au projet de loi de finances pour 2014, contre 4,05 milliards en 2013, il représente en effet 41,5 % de la part « recherche » des crédits de la MIRES !
Je ne reviens pas sur son historique, mais je vous rappelle que son enveloppe a été multipliée par plus de 13 depuis son instauration en 2003, au gré de ses diverses réformes, et qu'il représente désormais l'aide fiscale à la recherche et développement (R&D) la plus avantageuse des pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), avec 0,26 % du produit intérieur brut (PIB).
L'efficacité du CIR, certes délicate à mesurer, semble cependant acquise sur le principe. Le rapport de la Cour des comptes de juillet dernier sur ce dispositif fiscal souligne ainsi son intérêt en termes de développement de la recherche privée, d'attractivité territoriale et de baisse des charges des entreprises.
Dans ces conditions, la pérennisation du dispositif pour 2014 est une bonne chose. Cependant, du point de vue des entreprises, et notamment des plus petites, son régime reste source de difficultés et d'incertitudes :
- le montage des dossiers s'est complexifié de façon considérable. Les entreprises doivent réunir des compétences pluridisciplinaires, tandis que la détermination de l'éligibilité des projets repose sur un jugement difficile à objectiver. L'administration s'appuie sur la réalisation d'états de l'art que les petites et moyennes entreprises (PME) sont souvent peu armées pour réaliser. Et la mise en oeuvre du crédit d'impôt innovation (CII), instauré l'an dernier, ne contribue pas à éclaircir les choses : malgré l'instruction fiscale parue début octobre, la différenciation d'avec le CIR semble déjà très délicate, et l'enveloppe prévue sous-dimensionnée. Aussi l'élaboration d'un référentiel clair et stable sur le périmètre des dépenses éligibles, pour le CIR comme pour le CII, ainsi que de « bonnes pratiques » dans la conduite des contrôles, permettraient aux entreprises de mieux affecter fiscalement leurs dépenses et d'en préparer la justification en amont ;
- cela serait également de nature à réduire le recours aux cabinets de conseil, qui a explosé ces dernières années, avec la complexification du dispositif, et qui pose problème. Leur taux moyen de rémunération est en effet de 20 %, et peut atteindre jusqu'à 40 %. Or, leur intervention massive, notamment auprès des PME, n'a pas permis d'endiguer l'augmentation des rectifications, particulièrement sensible en 2012.
Plutôt qu'un agrément de ces cabinets qui, pour certains, entérinerait leur existence et leur recours, il semblerait préférable de favoriser l'autonomie des entreprises : il importe en effet que les dossiers soient bien rédigés par les responsables en charge des projets en interne, eux seuls étant capables d'exposer les raisons de leur éligibilité, en cas de contrôle. Aussi faut-il davantage les former - et les informer - aux techniques du CIR. Le réseau public ou consulaire, via les conseilleurs innovation, semble tout indiqué à cet égard ;
- enfin, dernière problématique relative au CIR, celle des procédures de contrôle. Elles sont en effet, elles aussi, très incertaines, car elles dépendent pour beaucoup de l'expert qui a été désigné par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche pour assister les services fiscaux : un même dossier peut être tranché de façon diamétralement opposée selon son interprétation de règles par ailleurs - comme je le disais tout à l'heure - peu claires.
De plus, ces experts sont souvent des universitaires qui, s'ils ont de solides connaissances théoriques, ne sont pas au fait du fonctionnement concret des entreprises. Ils demandent des bibliographies particulièrement fournies, qu'elles n'ont pas les moyens de réunir. Et le dialogue contradictoire entre entreprises et experts est souvent inexistant, malgré la parution d'un décret en début d'année sur ce point.
Des pistes d'amélioration restent pourtant envisageables : mieux former les experts aux particularités de la recherche en entreprise ; encourager à un contrôle « sur place », accompagné d'un débat oral et contradictoire avec les responsables de l'entreprise ; prévoir une contre-expertise « à l'aveugle », avec un second expert différent du premier ; informer les entreprises du stade d'examen de leur dossier lors d'un contrôle fiscal...
Voilà, Monsieur le Président, mes chers collègues, les analyses et propositions que m'ont inspirées cet avis « recherche ». Pour conclure, il me reste à donner mon avis sur les crédits de la MIRES pour 2014.
À titre d'élément positif, figure la préservation des crédits de la MIRES, dans un contexte budgétaire difficile, ainsi que la pérennisation du CIR et du dispositif de la Jeune entreprise innovante (JEI).
Mais d'un autre côté, la baisse importante de crédits de l'ANR interpelle quant à l'avenir du financement sur projet. De plus, certains organismes de recherche se trouvent dans une situation budgétaire extrêmement délicate du fait de la stagnation ou de la baisse de leurs dotations publiques.
Dans ces conditions, je m'abstiendrai sur les crédits de la mission.
A titre personnel, l'examen des crédits de la MIRES me laisse toujours sur ma faim, car il ne permet pas de cerner vraiment les crédits de la recherche. Vous évoquez l'ANR, les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST), etc. Mais il y a eu aussi le premier PIA, maintenant le deuxième, les initiatives d'excellence (Idex)... Ces crédits sont-ils comptabilisés ? Comment les intégrer ? Il y a en effet des crédits consomptibles et non consomptibles. Comment compter des crédits qu'on n'a pas le droit d'engager ? On voit bien que la labellisation Labex a des conséquences financières concrètes : les laboratoires sélectionnés vivent dans un certain confort financier. Mais les crédits dont ils bénéficient au titre du PIA ne sont pas comptés dans la MIRES. La représentation qui est donnée de la réalité par les bleus budgétaires est donc incorrecte. Il faudrait pouvoir distinguer, dans les crédits du PIA, la destination budgétaire finale.
Par ailleurs, il faut prendre en compte la réalité de l'exécution budgétaire, avec la pratique systématique du gel de crédits ouverts en loi de finances. Entre l'affichage en projet de loi de finances initial et la consommation des crédits, l'écart peut être important.
Concernant l'ANR, je crois utile de rappeler qu'il est indispensable qu'elle accorde un volume important de crédits aux programmes blancs, car c'est là que se trouvent les vraies chances de sauts scientifiques et technologiques. Prenez l'exemple fameux de la diode esaki. C'est en travaillant sur un isolant qu'on a créé un semi-conducteur.
Enfin, concernant les crédits affectés aux universités, et en particulier les clés de cette répartition, il y aurait beaucoup à dire. Le fonctionnement de la conférence des présidents d'université (CPU) relève d'une forme de cogestion, dans laquelle les grandes universités se servent et les petites et moyennes universités (PMU) reçoivent des moyens ridicules en termes de dotation par étudiant. Certaines grandes universités comme Orsay disposent des ressources externes si importantes du fait des partenariats et des appels à projet qu'elles pourraient presque se passer des dotations de l'État.
On voit en affichage des montants très importants dans le cadre des investissements d'avenir, mais vers quoi sont-ils fléchés ? Qu'est-ce qui est réellement mis en oeuvre ? S'agissant des enveloppes non consomptibles, on ne peut utiliser que les intérêts produits par ces crédits. Les sommes affichées sont donc extrêmement fortes mais les sommes effectivement utilisables sont beaucoup plus faibles. Il y a aussi le problème de la dispersion des lignes de crédits. Nous avons examiné ce matin les crédits de la mission « Économie » : y figurent d'importants crédits de recherche. Tout cela ne participe pas à la transparence nécessaire pour appréhender globalement les choses. Le PIA, c'est plus de 22 milliards d'euros pour la recherche : comment cela est-il utilisé ? Qu'est-ce qui va vers Labex/Idex, qu'est-ce qui va vers les instituts de recherche ? Comment cela s'articule-t-il ? Après on pourra regarder si effectivement l'ANR a son utilité. Des professeurs du Collège de France ont attiré notre attention sur le risque, du fait de taux de succès trop faibles, de passer à côté des bons projets et de décourager les bonnes initiatives. Surtout, il faut conserver les crédits blancs. Ces professeurs n'ont pas cité la diode esaki mais le chant des oiseaux, dont l'étude a débouché sur de grandes avancées en matière de génome par le plus pur des hasards. Des sujets d'apparence anodins se sont révélés stratégiques. Je crois qu'il faut aussi sélectionner de très bonnes équipes de chercheurs et leur faire confiance pour explorer des pistes, comme c'est le cas par exemple dans les instituts Max Planck.
Je tiens aussi à souligner un point important concernant la politique en direction des jeunes chercheurs. Ils sont formés au meilleur niveau, ils participent à des programmes stratégiques et, après dix ans d'études supérieures, ils sont rémunérés 1500 euros par mois. Aujourd'hui, les meilleurs éléments des équipes doctorales partent directement à l'étranger. Il est urgent de mieux les accompagner et de mieux les rémunérer. C'est l'avenir de la recherche qui se joue ici.
Heureusement tout de même que ces jeunes chercheurs, après leur post doc, souhaitent revenir en France. Car si la recherche est mieux rémunérée aux États-Unis, la condition des chercheurs y est aussi plus précaire.
La question des relations entre l'ANR et les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) est un vrai débat. L'ANR avait deux vocations. D'une part, servir d'outil à l'État stratège qui sélectionne des domaines de compétences et des priorités d'avenir en les subventionnant à 50 ou 60 % de son budget. D'autre part, alimenter, à hauteur de 40 % des crédits, des programmes blancs, non fléchés, qui sont les plus intéressants en termes d'innovation. C'est dans ces programmes blancs qu'il peut y avoir des sauts technologiques importants.
Ensuite a été mis en place le PIA, qui a apporté des masses de crédits à certains laboratoires en laissant les autres à l'écart. Je crois qu'il doit y avoir une dotation minimale, un socle, permettant d'assurer le fonctionnement et que le PIA doit apporter un « plus ».
Le CIR profite aux très petites entreprises (TPE) et aux PME, mais la masse des crédits va quand même à de grandes sociétés qui n'ont pas forcément besoin de recevoir de telles sommes pour conduire un effort de recherche et d'innovation. Le dispositif devrait être plus différencié pour éviter certains effets d'aubaine.
Les crédits du CIR ont considérablement augmenté depuis sa création. Il représentera en 2014 une enveloppe de 5,8 milliards d'euros. Cependant on n'observe aucune corrélation entre l'augmentation du CIR et le développement de la R&D. Cela a été relevé par la Cour des comptes. Le fait que les principaux bénéficiaires du CIR soient de grandes sociétés n'y est sans doute pas pour rien : ce dispositif fiscal leur permet de capter des crédits, mais cela ne les incite pas pour autant à faire plus de recherche. Je crois qu'il faudrait déplacer le curseur vers les PME. En outre, ces dernières, compte tenu de la complexité du dispositif, doivent recourir à des officines de conseil qui peuvent récupérer pour leur compte plus de 30 % du montant du CIR. Or, la vocation de ce dernier n'est pas d'enrichir des cabinets conseil en fiscalité !
Il faut simplifier ! Les PME n'ont pas les ressources en interne pour administrer un dispositif aussi complexe.
Quelques chiffres de la Cour des comptes pour éclairer ce débat. 80 % des bénéficiaires du CIR sont des entreprises de moins de 250 salariés. Seuls 5 % des déclarants ont plus de 500 salariés. Et les entreprises de plus de 5000 salariés, représentent 0,4 % des déclarants, mais soumettent 7 milliards d'euros de déclarations, soit 38 % du total déclaré.
Certaines grandes sociétés, qui ont l'expertise juridique suffisante pour exploiter le dispositif, sont de grosses consommatrices du CIR, mais l'on peut s'interroger sur le rapport sur investissement en termes de recherche pour la collectivité.
L'accompagnement des PME par des tiers dans la demande de CIR est également une vraie question. Faut-il un agrément des sociétés de conseil ? Il y a des conseillers qui font de la défiscalisation sans rien connaître au CIR. De nombreux redressements ont concerné des entreprises qui avaient été mal conseillées. Les choses se sont un peu améliorées au cours du temps, mais l'accompagnement des PME reste une problématique d'actualité. Il y a ce problème du conseil fiscal, mais il y a aussi la question de l'expertise des dossiers sur le fond. Selon que l'expert est plutôt proche du monde académique ou du monde de l'entreprise, l'appréciation d'un même dossier va être différente.
Il faudrait aussi évoquer, s'agissant du CIR, la question de la technique de la filialisation mise en oeuvre par les grands groupes. Ces derniers peuvent créer des filiales à la seule fin d'optimiser le volume de CIR perçu. Limiter ce genre de dérive ne doit pas être si compliqué.
Je reste sur ma faim. J'ai le sentiment qu'il n'existe pas véritablement de système d'évaluation sur ce qu'est la recherche en France. Peut-on véritablement en chiffrer le budget consolidé ? Peut-on véritablement savoir s'il augmente ou pas ? Dotations budgétaires, PIA, CIR, ANR, dispositifs fiscaux divers... Peut-on véritablement chiffrer l'effort national de recherche ?
Il faudrait aussi compter les crédits européens en matière de recherche dont profite la France ! Sans oublier non plus le budget recherche des collectivités, notamment les régions. Ces deux niveaux, supra et infra national, doivent être prise en compte dans une réflexion stratégique sur la recherche.
Tout à fait. Pour prendre l'exemple de ma communauté d'agglomération, elle dépense chaque année 8 millions d'euros pour l'enseignement supérieur et la recherche. Une fois déduite des dépenses dans le domaine de l'immobilier, notamment, il reste encore 2 millions d'euros pour la recherche elle-même. Et puis, il faudrait prendre en compte également les pôles de compétitivité, et le Fonds unique interministériel (FUI) ... C'est une usine à gaz.
On fait souvent des comparaisons internationales, on nous dit que la France est en retard. Mais je constate que, même pour la France, nous avons du mal à établir un budget clair de la recherche. Alors que signifient les chiffres des autres pays ? Quelle est la pertinence de ces comparaisons ?
Les comparaisons sont très difficiles à faire car les systèmes nationaux de recherches sont extrêmement divers. Parfois, on fait des comparaisons internationales qui mettent en avant un élément au sein de ces systèmes. On va nous parler par exemple des instituts Max Planck. En France, cela n'existe pas. Mais dans un système organisé très différemment, cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas des institutions qui remplissent un rôle analogue. Faire des comparaisons pertinentes exige un énorme travail préalable de compréhension des systèmes de recherches, pour saisir qui fait quoi, l'affectation des différents crédits, comment tout cela se complète, ou au contraire entre en redondance ou bien laisse des « trous ».
Même une approche disciplinaire est complexe. Répondre à une question telle que : dans tel domaine, quel est le niveau de la recherche ? Cela ne va pas de soi. S'agissant des sciences du vivant par exemple, on va spontanément s'intéresser à l'INSERM, au CNRS...En réalité, c'est le CEA qui est leader dans ce domaine. Comprendre ce qui se passe en France est compliqué, procéder à la comparaison avec des systèmes étrangers l'est encore plus.
Il faut maintenant en venir au vote sur les crédits de la mission. Quel est votre avis, Madame la rapporteur ? Vous avez signalé très honnêtement qu'il y avait un effort appréciable pour maintenir le budget de la recherche, avec une progression de 0,44 % des crédits, et ce malgré un contexte budgétaire très contraint. Vous ne voudriez pas donner un avis favorable assorti de réserve ?
La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « recherche et enseignement supérieur ».
La commission auditionne Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, sur le projet de loi de finances pour 2014.
Nous sommes heureux d'accueillir Mme la ministre pour la présentation de son budget. Nous nous reverrons bientôt, également, pour la deuxième lecture du projet de loi par l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur).
Malgré une conjoncture budgétaire difficile, le budget de mon ministère est en hausse de 100 millions d'euros à périmètre constant : cela montre que le logement et l'égalité des territoires sont une priorité inscrite dans la durée. Le Premier ministre vient en outre d'annoncer des mesures concernant la rénovation des centres-bourgs, sur laquelle nous avons mené un travail intense ; un fonds sera créé, je m'y étais engagée et cela est désormais confirmé.
Ce budget traduit quatre ambitions principales. La première est la production de logements, grâce à des mesures comme le maintien à un niveau très élevé des aides à la pierre, le prêt signé entre Action Logement et la Caisse des dépôts, l'application d'un taux réduit de TVA à l'ensemble du champ locatif social et à l'accession à la propriété, tant pour des travaux de rénovation que de construction. De plus, le Fonds d'épargne est mobilisé via une prime exceptionnelle de 120 millions d'euros, disponible jusque fin février 2014.
La mutualisation des capacités de financement des bailleurs sociaux vise à mieux utiliser les fonds propres disponibles : ceux qui les accumulent sans avoir besoin de les utiliser, faute de se trouver sur des secteurs tendus, pourront en faire bénéficier les autres. Un pacte a été signé en ce sens entre État et Union sociale pour l'habitat (USH). L'objectif de 500 000 logements sociaux par an est ambitieux et sera difficile à atteindre, mais il est la condition nécessaire pour résoudre la crise structurelle du logement : c'est pourquoi je le maintiens et assume le risque de ne pas y parvenir.
La crise économique pèse lourdement sur le secteur du bâtiment : à septembre 2013, seuls 340 000 logements avaient été construits, soit une baisse de 11 % par rapport à la même période l'année précédente. Un certain nombre d'opérations de promotion incluant du logement social n'ont pas démarré faute de ventes suffisantes sur la partie privée.
Une mobilisation exceptionnelle de nouveaux fonds à destination du logement social a cependant permis au président de l'USH d'envisager une hausse d'au moins 5 % sur les logements conventionnés au cours de l'année 2013.
La construction de logements sociaux, par son rôle contra-cyclique, revêt une grande importance. Les mesures pour la soutenir, déjà prévues l'année dernière, seront amplifiées, avec l'objectif d'atteindre dès 2014 l'objectif de 150 000 nouveaux logements sociaux.
Couplées au « super PLAI » (prêt locatif aidé d'intégration), des subventions exceptionnelles du Fonds national de développement de l'offre de logements locatifs très sociaux (FNDOLLTS) seront mobilisées. Le doublement du forfait de charges allègera significativement la quittance. Ces ressources financeront en 2014 la construction d'au moins 2000 logements destinés à des ménages exclus de l'accès au logement social : c'est un bon début.
En parallèle, l'enveloppe globale des aides au logement augmente à hauteur de 173 millions d'euros, mais son évolution dynamique est maîtrisée. Un compromis a été voté avec les députés de façon à revaloriser les paramètres de calcul en fonction de l'évolution de l'indice de référence des loyers à compter du 1er octobre 2014.
Un taux réduit de TVA à 10 % financera la construction de logements intermédiaires, afin de faciliter la mobilité résidentielle des ménages sous plafond de ressources.
De nouvelles méthodes de construction permettront de produire mieux, plus et moins cher : c'est le sens de la démarche « Objectif 500 000 » que j'ai lancée avec la profession. Cette réflexion porte sur les pistes pour réduire les surcoûts de la construction, dans les champs des normes, des types de production, des parcours résidentiels,...
Vous le constatez, j'ai choisi de prendre simultanément des mesures d'urgence - les mobilisations financières en font partie - et des mesures structurelles.
La deuxième ambition est d'amplifier le soutien à la rénovation thermique. L'amélioration de la performance énergétique de 500 000 logements anciens concerne aussi bien le parc privé que social. Dans le parc privé, cela sera rendu possible grâce à un renforcement de 40 % des crédits consacrés par l'Agence nationale de l'habitat (Anah) à la lutte contre la précarité énergétique, ils seront adossés à la prime du Fonds d'aide à la rénovation thermique (Fart) et à la prime exceptionnelle financée par les investissements d'avenir. L'éco-prêt à taux zéro et le crédit d'impôt développement durable seront simplifiés et rendus plus incitatifs.
Le président de la République a annoncé que les travaux de rénovation énergétique des logements du parc privé bénéficieront également dès 2014 du taux de TVA réduit de 5,5 %. Pour les bailleurs sociaux, ce taux sera étendu aux principaux travaux de rénovation et les organismes auront accès à l'éco-prêt, dont le taux a été ramené à 0,5 %.
Le parc social est la locomotive du plan de rénovation énergétique. Parmi les propriétaires privés, bailleurs ou occupants, les ménages âgés dont les ressources sont modestes sont les principales victimes de la précarité énergétique. Nous lancerons donc un guichet unique et une campagne de communication très simple, à destination du grand public. Les personnes pourront appeler un numéro de téléphone unique pour recevoir des conseils sur l'ingénierie financière et les travaux à réaliser.
La troisième ambition du budget vise à combattre les situations inacceptables. Le projet de loi Alur contient déjà des avancées, sur la prévention et le traitement des copropriétés en difficulté. L'Anah mobilisera aussi près de 71 millions d'euros pour traiter 26 500 logements ; et 176 millions pour lutter contre l'habitat indigne, dégradé et très dégradé, détenu par des propriétaires modestes, bailleurs ou occupants : 16 500 logements seront traités. Ce genre de situation, qui participe grandement au mal logement, est souvent difficile à gérer par les élus locaux : l'appui de l'Anah est essentiel.
Pour les personnes sans abri, le budget suit les engagements pris dans le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. La reconduction des crédits du programme 177, auxquels se sont ajoutées les dotations du plan pauvreté, servira à développer les places d'hébergement d'urgence et à renforcer les dispositifs de logement adaptés. Les succès obtenus avec les maisons-relais ou les pensions de famille montrent que des personnes à la rue peuvent retrouver une stabilité durable. De plus, les pensions de famille présentent un coût très raisonnable pour les finances publiques : elles sont une excellente réponse. Je le dis avec d'autant plus de liberté qu'elles ne résultent pas d'une initiative du présent gouvernement.
La quatrième ambition vise à soutenir les territoires, en créant les conditions nécessaires à un aménagement concerté et durable. C'est ainsi que 46 millions seront consacrés à l'accompagnement des collectivités dans leur démarche d'élaboration des documents de planification territoriale, en particulier les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUI) et les schémas de cohérence territoriale en milieu rural. Je précise que si la loi Alur est votée, les crédits versés aux intercommunalités qui se dotent d'un PLUI ne seront pas supprimés. Nous suivrons et évaluerons les projets exemplaires, écocités, écoquartiers.
Dans les nouveaux investissements d'avenir (PIA 2), 2,3 milliards d'euros sont affectés à la transition énergétique. Un nouveau programme, « Ville et territoires durables », sera doté de 410 millions, pour promouvoir l'innovation dans les territoires, dont 75 millions soutiendront des projets de « territoires à énergie positive », notamment bourgs et villages de zones rurales. Les quartiers visés par la politique de la ville bénéficieront de 335 millions d'euros, via un appel à projets pour sélectionner les investissements d'excellence environnementale ; 10 millions sont en outre prévus pour des appels à projets numériques.
Près de 527 millions d'euros de recettes fiscales seront affectés à la Société du Grand Paris. Les premiers appels d'offres ont été réalisés pour les marchés d'études de la ligne 15 du métro. Le projet est donc sur les rails, si j'ose dire...
Le budget de la mission « Egalité des territoires, ville et logement » est constitué à 90 % de dépenses d'intervention. Le repositionnement des agents, le maintien des équipes d'accompagnement - décisives en matière d'aménagement et de droit des sols - au plus près des élus ont fait l'objet d'un engagement du Premier ministre à l'occasion du congrès des maires.
En dépit d'une conjoncture budgétaire difficile, le ministère a réussi à augmenter ses autorisations d'engagement et ses crédits de paiement. Ce budget comporte cependant 2,2 milliards d'euros qu'il faut bien appeler des « boulets du passé » : le crédit d'impôt de la loi Tepa coûtera encore 1,2 milliard cette année, le dispositif Scellier 990 millions. On pourrait ajouter à cela la queue de comète du « Borloo populaire »... Ces sommes sont considérables et obèrent le budget.
Le pacte avec l'USH a été signé en juillet. Mais pourquoi le taux réduit de TVA applicable est-il passé, très peu de temps après, de 5 % à 5,5 % ? Cela n'est pas négligeable dans l'équilibre des opérations. Cette évolution ne rendra pas impossible le respect des objectifs, mais pèsera lourd, et longtemps, si par malheur les taux d'intérêt remontent et renchérissent les prêts issus du livret A en faveur des HLM.
La loi sur la mise à disposition des terrains de l'État est exécutée de manière très hétérogène. Le Président de la République avait annoncé une décote pouvant aller jusqu'à 100%. Ce n'est jamais le cas ! Voyez l'exemple des terrains de Réseau ferré de France (RFF). Les décrets d'application sont en retrait, ce qui déçoit beaucoup les professionnels du secteur et les élus locaux.
Les crédits de l'aide à la pierre baissent de 150 millions, alors que le président de la République annonçait leur doublement au cours de son mandat. Bercy a toujours de bons arguments... La baisse serait compensée par 173 millions prélevés sur le fonds de concours de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). Mais cela revient à une ponction sur le mouvement HLM ! Ce n'est pas une bonne décision et nous proposerons son abandon au profit d'une hausse de l'aide à la pierre. Au minimum, nous voulons que ces 173 millions, au lieu d'être utilisés pour du tout-venant - la CGLLS soutient déjà des prêts bonifiés - servent à d'autres missions. Je songe à la production, inscrite dans le pacte signé avec l'USH, de 10 000 logements HLM accompagnés. Ils ne peuvent pas être financés par les règles habituelles, encore moins par les fonds d'accompagnement, déjà très sollicités pour les ménages les plus en difficulté. On pourrait y consacrer une petite partie du Fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNADVL) et une partie des crédits affectés à la CGLLS pour le logement HLM accompagné.
Reste l'épineux dossier des aides à la personne. Si la perte de neuf mois d'indexation se confirme, je suggèrerai que nous revenions à ce qui avait été promis, l'indexation des aides à la personne. Il y va du pouvoir d'achat et de la politique de croissance.
Quel est le bilan de la réflexion sur le PTZ+ ? Il ne solvabilise pas suffisamment, semble-t-il, les primo-accédants. Peut-être pourrait-on augmenter la quotité et allonger la durée du différé ? Le PTZ+ doit prendre fin au 31 décembre 2014. Or il est souvent une garantie dans des dossiers de prêt social de location accession (PSLA). L'incertitude sur son avenir conduit les banques à refuser les demandes de PSLA. Il faut donc que le PTZ+ soit maintenu au-delà de 2015, au moins pour certaines catégories de la population, sous peine d'hémorragie dans l'accession au logement social.
Le fonds pour les centres-bourgs est très positif, mais comment va-t-il fonctionner ? Y aura-t-il des appels à projets ? Si c'est à Bercy qu'est confié le soin de définir ce qui peut être financé, vous pouvez être certains que les trois quarts des projets indispensables seront écartés. Les formules classiques du logement social restreignent la diversité sociale nécessaire au regain des centres anciens. Or un logement dans un centre-bourg, rénové, sera toujours bien plus coûteux que dans un lotissement en marge du village. Il faudra regarder comment produire des logements en accession en centre ville. Les opérations doivent respecter un équilibre dans le temps, car les banques rechignent à financer des projets où tous les déficits interviennent au début et les profits seulement à la fin. Beaucoup se jouera dans l'outil mis en place : l'enfer est pavé de bonnes intentions...
Je proposerai donc de voter ce budget en tenant compte de nos amendements.
La récente mesure touchant la TVA risque d'amener Bercy à créer des milliers de critères de différenciation du taux. Du coup, les services déconcentrés imposeront par défaut une TVA de 10%, compromettant l'équilibre du projet de réhabilitation. Nous plaidons pour un taux par défaut de 5, 5 %, dans l'optique du choc de simplification que le président de la République a appelé de ses voeux.
Je me félicite de la hausse des crédits, qui montre la priorité accordée par le Gouvernement au logement social. Je me réjouis notamment de la forte augmentation des crédits du programme 177, « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables ».
Malgré l'avis de Madame Lienemann, j'observe que le niveau des aides à la pierre est maintenu, pour espérer atteindre les objectifs fixés par le Président de la République, avec la construction de 150 000 logements locatifs par an.
Nous avons toujours demandé que le taux de 5, 5 % soit appliqué à la construction et à la rénovation : ne boudons pas notre plaisir ! La réforme du régime d'imposition des plus-values, demandée par les professionnels, va dans le bon sens. Tout comme la modification du régime fiscal qui favorise l'investissement institutionnel dans le logement intermédiaire.
Quelques questions cependant. Quel est le bilan du dispositif Duflot ? Quels objectifs de construction peut-on espérer des investisseurs institutionnels ? Où en sont les ordonnances prévues par la loi du 1er juillet 2013 ? Enfin, quel bilan dressez-vous, Madame la ministre, du programme national de mobilisation du foncier public ? J'avais proposé dans le projet de loi, suivant en cela le Président de la République, une décote fixée par principe à 100 %. Quand je vois ce qui se passe sur le terrain, je regrette la modification du dispositif. Tout cela va finir par faire mentir le Président de la République !
Je suis satisfait des décisions prises en matière de rénovation énergétique, notamment l'opération « Habiter mieux ». Je regrette cependant que les départements compliquent tout en ajoutant leurs propres critères... Il est vrai que ce problème ne dépend pas du ministère.
À l'exception de la remarque sur les 2, 2 milliards d'euros qui seraient hérités du passé, je m'associe à ce qu'a dit Madame Lienemann. Dans les opérations de réhabilitation, la TVA doit être la même pour la cuvette et la chasse d'eau... sous peine de valoir aux artisans de terribles maux de crâne.
Le Premier ministre a assuré que les maires auraient le dernier mot dans les plans locaux d'urbanisme intercommunautaire (PLUI) : où en est la traduction dans la loi Alur ? J'aimerais, de plus, connaître votre position sur la construction dans les milieux ruraux qui ne sont pas desservis par une gare, et où les habitants vivent à 20 à 30 kilomètres de leur lieu de travail. N'y a-t-il pas un frein majeur, presque orchestré, à la construction dans ces zones ? Enfin, je ne suis pas aussi optimiste que vous, Madame la ministre, concernant la première ambition de votre budget. La production de logement social va augmenter de 5 %, mais est-il envisageable pour autant d'atteindre vos objectifs de 500 000 logements dont 150 000 logements sociaux ?
Le logement social rencontre de grandes difficultés dans nos départements ruraux. La rénovation thermique avantage le gaz sur l'électricité. Or la construction de citernes et de canalisations de gaz renchérit les opérations, alors que l'électricité apporterait autant de confort et un rendement sûrement meilleur.
Je fais partie de ceux qui soutiennent les PLUI et cela m'a amené à prendre mes distances avec mon groupe lors des discussions de la loi Alur. J'aimerais cependant être certain que les élus ne se verront pas imposer des documents d'urbanisme par l'administration.
Avez-vous des informations sur la procédure du financement de la rénovation du coeur des bourgs et des centres-villes ? Je suis prêt à déposer un dossier dès demain...
Vous avez raison, Madame Lienemann, de noter que 2 milliards d'euros sont mangés par des mesures du passé. En 2009, les chiffres de la construction avaient provoqué une panique et conduit à ouvrir les vannes du dispositif Scellier. La subvention des constructions a eu une incidence sur le volume de nouveaux logements mais elle a été extrêmement coûteuse en argent public. De plus, l'augmentation des prix qui en a résulté a fragilisé la solvabilité des emprunteurs. La suppression brutale des dispositifs aurait néanmoins été dangereuse. L'idée est de les maintenir, en les aménageant de façon à ce qu'ils ne soient pas trop consommateurs en fonds publics. Nous avons choisi quant à nous des dispositifs qui ne soient pas un gouffre pour les finances publiques et qui ne poussent pas les prix à la hausse. L'objectif de 40 000 logements, sur le Duflot, ne devrait pas être atteint : 11 000 logements ont été construits au premier trimestre.
Le vote des parlementaires en faveur de la TVA à 5,5 % est un choix, en contrepartie duquel on a renoncé à d'autres taxes. C'est un arbitrage !
Votre disposition sur la décote des terrains publics, Monsieur Bérit-Debat, aurait été censurée par le Conseil constitutionnel : l'État ne peut en aucune mesure se placer dans une logique d'aliénation sans cause de ses propriétés. Dans ce domaine, nous suivons deux scénarios. D'abord, une liste a été établie par les préfets de région, sauf dans les cas où les cessions ont été empêchées par les élus locaux, qui préfèrent attendre les échéances municipales avant de concrétiser des projets. À Bordeaux, nous avons vendu deux terrains et une quinzaine de maisons appartenant à la Direction générale de l'aviation civile, à des niveaux de prix adaptés aux opérations : les maisons vont accueillir des ménages en très grande précarité. Le deuxième scénario passe par le décret d'octobre dernier, qui vise RFF et la SNCF ; il n'a pas encore pu déployer ses effets. Nous avons préféré un décret précis pour éviter des discussions sans fin : c'est pourquoi la rédaction a pris un certain temps. Si vous avez connaissance de difficultés sur le terrain, n'hésitez pas à les faire remonter à mon cabinet.
Le dispositif a produit des effets inattendus et intéressants. Comme la décote est calculée en fonction du projet, celui-ci doit être élaboré avant la cession. Il en résulte ensuite une mise en oeuvre très rapide : tant mieux ! D'habitude, l'État ergote sur les détails mais ne s'implique pas dans la réalisation. Ici, il contribue au financement des futures opérations et ses services y sont associés en amont. Le préfet de la région Aquitaine a même parlé d'un renversement du logiciel de l'État.
La baisse de l'aide à la pierre est plus que compensée par une prime de 120 millions apportée par la Caisse des dépôts, à quoi s'ajouteront, sur trois ans, 960 millions d'équivalents-subventions d'Action Logement. Quant à la cotisation additionnelle de la CGLLS, elle résultait initialement d'une proposition du rapporteur du budget à l'Assemblée nationale. Ce prélèvement sera affecté au fonds de péréquation, également alimenté par la surtaxe sur les plus-values immobilières. L'argent vient du logement, mais retourne au logement : il sera plus utile en étant remis en mouvement qu'en restant dans les caisses de la CGLLS.
En faveur du logement et du logement social.
J'assume la position prise sur les APL : eu égard à l'obligation de désendettement, le budget du logement a fait l'objet de gros efforts. La progression du budget des APL sera modérée.
La première réforme du PTZ a commencé à faire ses effets. Les opérations en centre-bourg sont plus complexes et plus coûteuses, mais très utiles à l'intérêt général : je pousserai jusqu'à leur terme les discussions avec les ministres de l'économie et du budget. L'annonce du Premier ministre a été faite hier, je ne peux pas encore vous répondre, Monsieur Lenoir. Je ne manquerai pas de le faire très rapidement.
Sur le retour des institutionnels, les choses avancent. S'agissant des ordonnances, une grande partie est rédigée à ce jour : celle sur le logement intermédiaire est actuellement soumise à la concertation.
Aujourd'hui, 25 cessions de foncier public sont en cours. La phase d'apprentissage est passée ; après les municipales, nous pourrons avancer plus vite.
Le dispositif de rénovation thermique progresse. Certaines collectivités, comme la Picardie, l'ont abondé. Mais je n'ai pas bien compris votre question, Monsieur Dubois, sur le développement rural.
Contrairement à l'avis de certains députés, le Sénat a voté une proposition qui laisse aux maires concernés la décision concernant le PLUI, afin que les élus ne se sentent pas dépossédés. Le Premier ministre soutient cette position et la défendra.
La surchauffe des prix est alimentée par les obligations qui pèsent sur les banques, les amenant à demander toujours plus de garanties. Le faible taux de crédit, les prix élevés, la demande d'un fort apport personnel, bloquent le système. Il faudra faire baisser, sans crise, les prix de l'ancien et du neuf.
Dans le cadre de la démarche « Objectif 500 000 » et dans la perspective du projet de directive européenne, un groupe de travail se penche sur les normes de la Réglementation thermique 2020. Elles sont différentes de celles, plus techniciennes, de 2012. Je tiens à associer à ce travail l'ensemble des professionnels.
Les normes ne sont inefficaces que lorsque leur accumulation les a rendues incompréhensibles. Il n'y aura pas de retour en arrière, mais une clarification.
Nous nous reverrons en janvier, lors de la discussion de la loi Alur. L'engagement que vous aviez pris dans l'hémicycle sur le PLUI est tenu par le Premier ministre et je vous en remercie.