Intervention de Martial Bourquin

Commission des affaires économiques — Réunion du 20 novembre 2013 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2014 — Mission « économie » - examen du rapport pour avis

Photo de Martial BourquinMartial Bourquin, rapporteur pour avis :

Monsieur le Président, mes chers collègues, je reprends la parole pour vous présenter un état des lieux du Fisac. Depuis plusieurs années, notre commission suit avec inquiétude l'évolution de ses moyens budgétaires, en soulignant que leur baisse drastique et continue menace de disparition un outil pourtant indispensable au maintien et au développement du commerce de proximité dans les secteurs ruraux ou urbains les plus fragiles.

Le projet de loi de finances pour 2014, dans sa version déposée initialement devant le Parlement, n'était pas de nature à dissiper cette inquiétude. Avec une dotation annuelle annoncée de 20 millions d'euros, 27 millions en comptant la subvention versée à l'EPARECA, on semblait en effet entériner l'impasse budgétaire du Fisac et acter la disparition de fait de cet outil.

L'annonce par le Gouvernement d'une rallonge budgétaire significative pour solder plusieurs années de sous-financement du fonds et une réforme législative qui devrait se faire à l'occasion de l'examen prochain du projet de loi sur l'artisanat, le commerce et les très petites entreprises pourraient cependant marquer le renouveau d'un Fisac recentré sur ses missions essentielles.

Mais avant de tracer les perspectives, je crois qu'il faut prendre le temps de dresser un bilan objectif de la situation du Fisac. Par lettre de mission du 13 septembre 2012, la ministre du commerce, de l'artisanat et du tourisme a saisi le Contrôle général économique et financier d'une mission de diagnostic et de propositions sur le Fisac. La mission a rendu ses conclusions dès le mois de décembre 2012.

Le premier constat est celui d'un élargissement des missions du Fisac au cours du temps, notamment lors du vote de la loi de modernisation de l'économie (LME). Le rapport du contrôle financier est assez sévère sur ce point, parlant d'élargissement « tous azimuts » ou encore « d'inventaire à la Prévert ». Je suis plus nuancé. Aucune des missions confiées au cours du temps au Fisac ne semble franchement aberrante et contraire à son objectif fondamental, qui est de soutenir le commerce de proximité dans les secteurs démographiquement et économiquement fragiles.

Le problème réside sans doute moins dans la définition du champ des missions du Fisac que dans un sous-financement chronique. Quelques chiffres éloquents. À la fin de septembre 2012, au moment où la mission de contrôle commence son travail, le besoin de financement pour honorer la file d'attente des dossiers recevables est estimé à 120 millions d'euros, alors que les fonds Fisac disponibles à cette date se montent à seulement 15 millions d'euros. Le trou à combler est donc de l'ordre de 100 millions d'euros.

Le rapport de la mission de contrôle évoque un effet de ciseaux entre l'élargissement des missions du Fisac d'un côté et la réduction de sa dotation budgétaire annuelle de l'autre. L'explication n'est cependant qu'à moitié convaincante. Les chiffres mettent en effet en évidence une augmentation du nombre de dossiers déposés mais pas une augmentation concomitante de la valeur cumulée de ces dossiers. La valeur des dossiers déposés atteint en 2011 un montant analogue à celui de 2007 ou de 2009, environ 55 millions d'euros. Autrement dit, l'élargissement des missions du Fisac a conduit à un saupoudrage des crédits - ce qui certes n'est pas une bonne chose -, mais pas à une explosion des besoins de financement.

Si l'augmentation en valeur des dossiers de demande n'est pas criante, la réduction drastique des crédits du Fisac est en revanche manifeste, avec une réduction par deux de la dotation budgétaire entre 2007 et 2012. La cause première de l'impasse budgétaire du Fisac est donc bien une politique constante de sous-dotation budgétaire.

Le second constat fait par la mission de contrôle est celui des dysfonctionnements dans l'administration du Fisac. La crise financière du Fisac les a exacerbés et rendus manifestes. Parmi les principaux problèmes, je citerai :

- une absence de sélectivité. Les opérations individuelles (ORI) sont par exemple éligibles dès lors qu'elles concernent les communes de moins de 3 000 habitants et les entreprises faisant moins d'un million d'euros de bénéfice. Entrent donc dans le champ des ORI 90 % des communes et la quasi-totalité des entreprises artisanales et commerciales ! La même remarque vaut pour les opérations urbaines ;

- une absence de modularité des taux de subvention en fonction de l'intérêt intrinsèque de l'opération. Selon la mission de contrôle, les dossiers présentés par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), à quelques exceptions près, font tous état de demandes de subvention au taux maximal ;

- une gestion assez opaque des dossiers et crédits. L'absence de modularité et de sélectivité, dans un contexte de pénurie financière, conduit en effet à une gestion très empirique. Les dossiers instruits par les DIRECCTE, trop nombreux eu égard aux fonds disponibles, sont conservés avant d'être transmis à la DGCIS. Celle-ci fait de même avant de les transmettre au ministre pour signature. Ce dernier stocke lui-même les dossiers avant d'autoriser la délivrance des fonds. D'où une incroyable accumulation de dossiers recevables en attente de règlement : environ un millier fin 2012. À cette gestion par allongement de la file d'attente s'ajoute une gestion par abattement des taux de subvention : ainsi, après s'être vus accordés une subvention au taux maximal dans un premier temps, les dossiers se voient tous appliqués un taux d'abattement arbitraire de 20 % en 2009, 26 % en 2010, 32 % en 2011 et 43 % en 2012 ;

- un dispositif coûteux à faire fonctionner, notamment du fait d'une double instruction par les DIRRECTE et la DGCIS. En équivalents temps plein, le traitement des dossiers mobilise 10 agents à la DGCIS et 70 à 80 agents dans les DIRECCTE. Si on ne prend en compte que les agents de l'État - en région et au niveau central -, le Fisac occupe ainsi près d'une centaine d'agents, soit un coût - salaires et fonctionnement induit - de l'ordre de 8 millions d'euros par an. Ce montant est à rapporter à celui des fonds distribués par le Fisac, de l'ordre de 30 à 40 millions d'euros ces dernières années ;

- enfin, une répartition géographique des aides peu égalitaire. Les trois premières régions bénéficiaires (Rhône-Alpes, Aquitaine, Île-de-France) captent un tiers des sommes allouées alors que les trois dernières s'en partagent 3 %. La région Aquitaine, malgré un nombre de commerces équivalent, bénéficie de deux fois plus d'aides que le Nord-Pas-de-Calais. La région Rhône-Alpes, avec un nombre de commerces équivalent à celui de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), est quatre fois mieux pourvue que cette dernière. On pourrait multiplier les exemples. La comparaison des aides allouées en regard du tissu artisanal et commercial de chaque région illustre une forte distorsion entre les attributions de crédits du FISAC et le tissu commercial et artisanal, et démontre une inégale capacité des collectivités à capter les crédits disponibles.

Il est évident que pour rebâtir le Fisac, il prendre en compte tous ces constats. L'urgence est d'apurer ses comptes dans un contexte de maîtrise des finances publiques. La mission du contrôle économique et financier a proposé quelques pistes :

- la récupération des soldes inutilisés. Les données du régime social des indépendants (RSI) font en effet état d'un important volume de subventions accordées avant 2009 mais non encore utilisées - de l'ordre de 30 millions d'euros. Les sommes concernées sont inemployées sur le compte Fisac du RSI. Ces dossiers ayant parfois fait l'objet d'une prorogation, une expertise précise au cas par cas est cependant nécessaire pour déterminer les crédits effectivement récupérables. Certains projets ont également fait l'objet d'avances, mais n'ont pas été mis en oeuvre effectivement. Ces avances, d'un montant total de quelques 5 millions d'euros, devraient donc être remboursées. Le recouvrement de ces sommes peut cependant poser des difficultés ;

- la réduction des taux de subvention. En l'absence de « coup de pouce budgétaire », cette coupe dans les subventions devrait atteindre théoriquement 70 %.

Au cours de l'année 2013, ces deux solutions ont été partiellement mises en oeuvre. Une sélection des dossiers en faveur des territoires les plus fragiles et des opérations à plus forte valeur ajoutée, ainsi que la mobilisation des crédits bloqués depuis plusieurs années sur des opérations non réalisées ont permis de ramener le besoin de financement de 100 à 60 millions d'euros.

Le 7 novembre 2013, le Gouvernement a annoncé une rallonge budgétaire pour le Fisac par rapport à ce qui était prévu par la loi de finances initiales. Un premier effort d'un montant de 35 millions d'euros, sera réalisé dès cette année par dégel de crédits au sein du programme 134 de la mission « Économie », ce qui permettra de financer dès cette année les dossiers prioritaires. Les fonds destinés au Fisac devraient atteindre en 2014 62 millions d'euros, et non 27 millions, comme inscrit en loi de finances, retrouvant ainsi leur niveau de 2010 et 2011.

Un exercice identique sera mené l'année prochaine pour clore les derniers dossiers en attente.

Sur cette base financièrement apurée, il sera possible de rebâtir un nouveau Fisac. L'axe de la réforme est déjà connu : il s'agit de faire passer le Fisac d'une logique de guichet ouvert - logique intenable dans un contexte financièrement très contraint, peu favorable à une allocation optimale des ressources publiques et conduisant au saupoudrage des fonds et à une gestion opaque des crédits - à une logique d'appel à projet dont les critères de sélections seront fixés ex ante et en toute transparence. Cela permettra d'utiliser de façon plus efficace la ressource financière disponible, en ciblant les projets à plus fort effet de levier.

Cette réforme figure déjà à l'article 25 du projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, qui sera examiné dès décembre prochain par l'Assemblée nationale. Nous aurons à nous y pencher dans les mois à venir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion