Intervention de Didier Houssin

Commission des affaires sociales — Réunion du 20 novembre 2013 : 4ème réunion
Conseil d'administration de l'agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation de l'environnement et du travail anses — Audition de M. Didier Houssin candidat pressenti à la présidence

Didier Houssin, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) :

candidat pressenti à la présidence du Conseil d'administration de l'Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). - Mesdames les sénatrices et Messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de vous remercier d'avoir accepté de m'auditionner en aménageant un agenda que je sais fort chargé.

Dans ce bref exposé introductif, avant de répondre à vos questions, j'évoquerai deux points : tout d'abord, des éléments vous permettant de juger de mon aptitude à devenir président du conseil d'administration de l'Anses et ce, autour de trois aspects - les métiers de l'Anses, la sécurité sanitaire et l'impartialité - et de deux principaux critères que sont la recherche et l'évaluation.

J'ai fait de la recherche, en tant que chargé de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) durant six ans, puis comme professeur d'université en chirurgie spécialisé dans le domaine de la greffe du foie, en particulier chez l'enfant. Par goût pour les sciences humaines et sociales, j'ai accepté d'en coordonner l'enseignement durant plusieurs années pour les étudiants de première année en médecine.

Ma production scientifique se compose, à ce jour, de plus de trois cents articles originaux dans des revues scientifiques entre 1974 et 1997 et de deux ouvrages : « l'aventure de la greffe », en 2001, « Maintenant ou trop tard. Essai sur le phénomène des urgences », en 2003, les deux aux éditions Denoël.

J'ai eu aussi une expérience en termes de politique de recherche : en tant que directeur de la politique médicale pilotant la délégation à la recherche clinique de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, puis comme directeur général de la santé, par la création puis l'animation du comité d'orientation de la recherche du ministère chargé de la santé.

Mon expérience dans le domaine de l'évaluation est diversifiée et concerne, d'une part, les personnels chercheurs et enseignants-chercheurs, dans le cadre d'une commission spécialisée de l'Inserm, puis du Conseil national des universités et les politiques publiques. Comme directeur général de la santé, délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire et coordonnateur interministériel du plan chlordécone, j'ai ainsi préparé de nombreuses évaluations de politiques publiques dans le champ de la santé (ex ante, formative ou ex post). Mon expérience d'évaluateur concerne enfin et surtout les programmes de formation de l'enseignement supérieur, des unités de recherche, des organismes de recherche et des établissements d'enseignement supérieur et de recherche en France dans le cadre de mes fonctions de président de l'Aeres depuis deux ans et demi.

Je veux souligner qu'en tant que directeur général de la santé, j'ai organisé des travaux en vue de valoriser l'expertise en santé publique, travaux auxquels j'ai pu donner une orientation concrète dans le cadre de l'Aeres.

J'en viens à présent à mon expérience de terrain et de pilotage interministériel dans le champ de la sécurité sanitaire

J'ai eu en effet un rôle d'acteur direct de la sécurité sanitaire en tant que chirurgien, puis chef de service en chirurgie, dans le domaine de la sécurité des patients, ensuite à un échelon de pilotage national comme directeur général de la santé. J'ai alors exercé une tutelle sur l'ensemble des agences nationales de sécurité sanitaire, dont l'Anses, et appris aussi à partager cette tutelle avec d'autres ministères, notamment concernant l'Anses ou l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (Irsn), qui ont chacun cinq tutelles.

En tant que délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire et que coordonnateur du plan chlordécone aux Antilles, j'ai pu me familiariser avec la coordination interministérielle, notamment entre les ministères chargés de l'agriculture, du travail, de l'environnement et de la consommation et de la santé qui ont la tutelle sur l'Anses.

Permettez-moi un petit mot sur l'impartialité.

La tutelle que j'ai exercée sur l'Anses en tant que directeur général de la santé est déjà ancienne : j'avais déjà quitté la direction générale de la santé lorsque le contrat d'objectifs et de moyens entre l'Etat et l'Anses a été signé.

Je n'ai pas de lien d'intérêt avec les acteurs économiques, ni avec les parties prenantes du secteur associatif, dans les domaines de l'Anses. Je tiens à signaler toutefois qu'une de mes enfants est employée par un Think Tank, l'Institut Veolia, où elle organise des conférences internationales sur des thèmes scientifiques relevant de ce secteur et qui associent cet institut et des partenaires académiques étrangers.

J'en viens à présent à l'Anses et à son conseil d'administration.

L'Agence a su, au cours des trois dernières années, se positionner en tant qu'instance de référence tant au plan national qu'international par la qualité de son expertise mais aussi par sa capacité à intégrer les questionnements, qu'ils proviennent de la sphère scientifique ou de la société.

Cette capacité résulte des conditions mêmes de sa naissance. Avec l'Anses, le vote du Parlement a fait naître un nouveau modèle d'agence sanitaire permettant une évaluation transversale des risques.

L'Agence a engagé depuis plusieurs années déjà des efforts en matière d'organisation et d'optimisation des ressources. Néanmoins, pour préserver ses capacités à anticiper les risques émergents et à faire face à une crise sanitaire, elle doit maintenir ses capacités de surveillance et de vigilance. Elle doit également poursuivre ses efforts de recherche. Tout comme elle doit sans cesse, évaluer ou réévaluer les risques et rester active sur la scène scientifique internationale.

Le conseil d'administration de l'Agence est le premier des éléments fondant le socle de l'ouverture à la société. Il se compose des cinq collèges du Grenelle de l'environnement : représentants de l'Etat et du personnel de l'Agence, représentants d'associations agréées de protection de l'environnement, ayant une activité dans le domaine de la qualité de la santé et de la prise en charge des malades, de défense des consommateurs, représentants d'associations nationales de victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, représentants d'organisations et de fédérations professionnelles, des organisations syndicales représentatives et enfin d'élus représentés par l'Autorité des marchés français (AMF) et l'Assemblée des départements de France (ADF).

Le mandat de président est un poste non exécutif, au sens que l'Agence est dirigée par son directeur général. L'activité du président n'est pas rémunérée. Il a toutefois la charge importante de coordonner et d'animer le conseil d'administration de l'Agence. J'ai pu constater que le mode de gouvernance de l'Agence est très ouvert. Le conseil d'administration est une instance vivante dont les membres sont très impliqués et attachés à garantir le maintien de standards élevés en termes d'excellence scientifique et d'indépendance. Je tiens d'ailleurs à saluer le travail des précédents présidents et en particulier de celui qui a bien voulu jouer le rôle d'intérim.

Le conseil d'administration discute et vote les orientations générales de l'Agence, et notamment sa stratégie pluriannuelle, son programme de travail annuel et son contrat de performance conclu avec l'Etat. Il délibère sur l'organisation générale de l'Agence, notamment la création de comités d'experts spécialisés, l'établissement de conventions avec des organismes extérieurs et intervient dans la fixation des règles de déontologie.

Dans un contexte de contraintes budgétaires pesant sur l'ensemble des opérateurs, le conseil d'administration sera d'autant plus vigilant que les attentes vis-à-vis de l'Anses sont de plus en plus fortes, qu'il s'agisse de celles des ministères de tutelles ou des acteurs de la société.

Pour conclure, je tiens à vous évoquer les défis auxquels sont confrontés l'Anses et son conseil d'administration.

En effet, l'Anses est confrontée à des défis importants, tant d'un point de vue scientifique que sociétal : par la diversité et la complexité des sujets dont elle a la charge, et par les attentes grandissantes de la société en termes de transparence et d'indépendance de l'expertise.

Je n'aurai pas la prétention de vous livrer une vision toute faite sur l'avenir de l'Anses, mais je voudrais, alors que ma candidature au poste de Président du conseil d'administration de l'Anses est agréée par ses cinq ministères de tutelle - santé, agriculture, environnement, travail et consommation -, évoquer les quatre défis majeurs qui m'apparaissent pour le conseil d'administration :

Le premier, assurer l'indépendance et la crédibilité des travaux de l'Agence. Si l'Anses a su devenir, en trois ans, une voix respectée et écoutée, en particulier grâce à la mise en oeuvre d'un cadre de déontologie et d'expertise particulièrement rigoureux, rien n'est jamais acquis. Les standards doivent pouvoir être questionnés et évalués, de même qu'ils doivent pouvoirs être confrontés aux meilleurs standards y compris internationaux. Le comité de déontologie et de prévention des conflits d'intérêts qui a été mis en place dès 2010 est une instance dont les travaux, indépendants, sont, et resteront particulièrement précieux pour le conseil d'administration.

Maintenir un haut niveau d'exigence scientifique passe également par la capacité de l'Agence à mobiliser les meilleurs experts scientifiques, qu'ils soient français ou étrangers, ainsi qu'à assurer les conditions d'une expertise collective et contradictoire. Le conseil scientifique de l'Agence, récemment renouvelé, sera un partenaire essentiel du conseil d'administration.

Second défi : favoriser une coordination fructueuse avec les ministères de tutelles. En raison de son large champ de compétences, l'Agence est placée sous la tutelle de cinq ministères : l'agriculture, l'écologie, la santé, le travail et la consommation. Lors de la création de l'Anses, certaines voix s'en étaient inquiétées, craignant des difficultés d'arbitrages et de décisions. Force est de constater que le choix d'instituer un système tournant de chef de file tous les six mois a jusqu'ici plutôt bien fonctionné. Néanmoins, la vitalité des relations concernant l'Agence à un niveau interministériel pourrait sans doute être renforcée et le conseil d'administration y contribuera autant que possible.

Troisième défi : la communication et l'ouverture à la société. Les attentes de la population en termes de maîtrise et d'anticipation des risques sont aujourd'hui accompagnées d'une exigence croissante de transparence et de participation à l'élaboration des processus de décision. En ce sens, le conseil d'administration de l'Anses, par sa forme originale est le garant de son ouverture à la société. Bien entendu, cette garantie n'est pas la seule. L'Anses a développé une approche globale alliant ouverture, dialogue, transparence et communication proactive dans le respect du rôle des différents acteurs, et dans le cadre d'une grande rigueur dans la mise en oeuvre de l'expertise qui doit rester protégée de toute influence.

Grâce à une fonction de « veille sociétale », à l'entretien de contacts permanents avec ces parties prenantes, et à l'apport des sciences humaines et sociales dans le cadre de l'évaluation des risques, l'agence dispose des capacités de mieux contextualiser les travaux d'expertise et d'en cerner les enjeux et les attentes le plus en amont possible.

Il n'en reste pas moins que l'Anses est particulièrement attendue sur le terrain de la communication et se doit de délivrer une information scientifique de référence y compris en s'appuyant sur les données récentes des sciences de la communication en termes de communication sur les risques. Elle se doit également de la mettre en perspective pour assurer la meilleure compréhension de ses messages de santé publique. Le conseil d'administration délibère sur la stratégie d'ouverture et de communication de l'Agence, et je serai particulièrement vigilant.

Quatrième défi enfin: le positionnement européen et international de l'Agence. La dimension européenne et internationale des activités de l'agence a été placée au rang de priorité dès la création de l'Anses, qui est désormais la plus grande agence de sécurité sanitaire en Europe par la largeur de son champ de compétences. Cette forte présence doit être encore développée. A l'échelle européenne, c'est d'abord un impératif pour peser sur les décisions communautaires, sachant qu'une part importante de l'action de l'Agence s'inscrit dans le cadre de réglementations européennes, au sein du marché unique européen. Mais la collaboration de l'Anses avec ses principaux homologues dans le monde et son ouverture à la communauté scientifique internationale contribuent également à promouvoir les standards d'excellence français et donc à améliorer la prévention et la maîtrise des risques sanitaires en France. Autre objectif important : elle permet enfin d'éviter des duplications inutiles de travaux que ce soit avec l'échelon européen ou les agences homologues.

Madame la présidente, Mesdames les sénatrices et Messieurs les sénateurs, vous l'avez compris, je serai plein d'ardeur, heureux et fier de présider le conseil d'administration de l'Anses.

Merci de votre attention.

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