Intervention de Jean-Marc Lacave

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 19 novembre 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Marc Lacave candidat désigné aux fonctions de président-directeur général de météo-france

Jean-Marc Lacave, candidat désigné aux fonctions de président-directeur général de Météo-France :

Agé de 57 ans, je suis ingénieur des ponts, des eaux et forêts. De manière assez classique, j'ai débuté ma carrière au ministère de l'équipement en 1980. J'ai été nommé d'abord à Niort puis à Nantes pour traiter de questions d'urbanisme, de logement, d'aménagement et d'infrastructures de transport. J'ai notamment travaillé sur le chantier du périphérique de Nantes et sur celui du pont de Cheviré. Je suis ensuite revenu pour trois ans à Paris comme sous-directeur des investissements routiers. J'ai occupé les fonctions de directeur départemental de l'équipement de la Sarthe, puis de directeur régional de l'équipement de Basse-Normandie et de directeur départemental du Calvados. Après vingt ans à l'équipement, j'ai pris la direction générale d'un établissement public, le port autonome du Havre, au moment du démarrage du projet Port 2000, destiné à agrandir la capacité d'accueil des conteneurs dans l'estuaire de la Seine. Cela a été une aventure passionnante. Il m'a fallu faire dialoguer les armateurs, les chargeurs et les syndicats de dockers, dont vous savez qu'ils ne sont guère dociles, afin d'assurer la réussite du projet dans un contexte compliqué par la discussion de la réforme portuaire. A l'été 2008, je suis entré au directoire de la CMA CGM, troisième armateur mondial pour le transport maritime par conteneurs et premier armateur français. J'ai oeuvré pour redonner confiance aux clients et aux banques afin de poursuivre l'exploitation de cette entreprise très endettée. On m'a ensuite confié la responsabilité de l'organisation du Forum mondial de l'eau à Marseille en 2012, ce qui m'a donné l'occasion de travailler avec des organisations internationales. Avec quinze mille participants, il a connu un succès. Depuis, j'ai réalisé diverses missions, dont une mission de coordination interministérielle auprès de la SNCM, entreprise en difficulté et sous le coup de sanctions européennes pour avoir perçu des aides d'Etat considérées par Bruxelles comme illégales.

Grâce à l'ensemble de ces expériences, je dispose d'une connaissance institutionnelle de l'Etat, de ses départements ministériels et de ses services territoriaux mais également des établissements publics et des collectivités territoriales. Ayant travaillé sur le terrain avant et après la décentralisation, j'ai mesuré l'évolution des rapports entre l'Etat et les collectivités. Je connais également le mode de fonctionnement des entreprises privées. Confronté au long de ma carrière à la complexité technique (par exemple pour la construction de ponts), économique (puisque j'ai travaillé dans des entreprises en difficulté), j'ai vécu avec le chantier Port 2000 la construction au quotidien du développement durable, qui oblige à marier le social, l'environnement et l'économique.

Je dispose d'expérience managériale pour piloter un établissement public comme Météo-France. Bien que ma connaissance de l'établissement soit encore partielle, je veux d'abord souligner l'atout que constituent sa très forte identité et sa grande notoriété. Météo-France est connu à la fois pour ses missions au service du public et pour ses missions de service public. Synonyme de technique et de recherche, l'entreprise bénéficie d'une excellente réputation scientifique, y compris au niveau européen et international. Elle dispose de moyens de bonne qualité et constitue l'organisme public français de référence sur les questions climatiques. Elle participe d'ailleurs à l'élaboration des rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).

Le contrat d'objectifs et de performance 2012-2016 a structuré ses ambitions et ses orientations, tandis que la qualité de ses prestations est reconnue, même si la fiabilité des prévisions peut encore être améliorée. Météo-France dispose d'outils techniques performants, qu'il s'agisse des outils d'observation des conditions climatiques ou des modèles numériques nécessaires à l'exploitation des données recueillies. Les agents de Météo-France ont démontré une culture opérationnelle de la gestion de crise tout à fait remarquable. L'établissement a su évoluer et consentir des efforts importants pour maîtriser ses charges : les effectifs ont été réduits de 200 personnes entre 2010 et 2013 ce qui s'est traduit par une baisse des crédits de fonctionnement courant de 17 %. Enfin, Météo-France a engagé un véritable développement commercial : le service public détient 62 % du marché de la prévision météorologique en France.

Je distingue cependant des sujets de préoccupation pour l'avenir. Le modèle économique de l'établissement, d'abord, repose sur une importante dotation publique, qui n'a pas vocation à croître. Dans le même temps, la concurrence limite les marges de progression commerciale et les recettes sont menacées par la politique de mise à disposition gratuite de données publiques ainsi que par le ciel unique européen, tandis qu'il n'existe plus de possibilité de diminuer sensiblement les dépenses, l'exercice de réorganisation ayant déjà été mené. Le point crucial sera de parvenir à maintenir l'investissement. Je me battrai naturellement pour obtenir une dotation publique satisfaisante - je compte sur le soutien des sénateurs -, ce qui suppose d'être exemplaire dans son utilisation et dans la performance du service public. Je poursuivrai les efforts de modernisation en interne sans négliger les partenariats à l'international : la mutualisation des moyens constitue en effet un outil de réduction des coûts.

La réorganisation territoriale constitue la grande affaire du moment. Après des atermoiements, elle a commencé en 2008. Nous voilà à mi-parcours du contrat d'objectifs 2012-2016, qui prévoit la fermeture de 55 centres sur 108 ; 31 ont déjà été fermés, 22 doivent l'être. Touchant à la fois les personnes à titre individuel et l'organisation collective du travail, cette réforme délicate est une conséquence de la modernisation des outils, ce qui la rend acceptable par les agents d'autant qu'un travail important d'explication et de concertation a été réalisé. Je m'attacherai à poursuivre cette démarche d'écoute afin de mener à bien cette réorganisation.

Au nom du ciel unique européen, le projet d'ouvrir à la concurrence la fourniture de prévisions météorologiques à l'aéronautique civile a été mis sur la table en juin dernier. Ce serait un séisme : il y va de 25 % des recettes de Météo-France, soit 45 millions par an. Indépendamment de son aspect financier, cette réforme risque de démotiver fortement le personnel et d'entrainer des pertes de synergies internes. L'amélioration de la productivité de l'aéronautique civile ne passe pas nécessairement par la mise en concurrence. Pour avoir travaillé à la SNCM, je suis bien placé pour savoir qu'en matière de transport, la recherche dogmatique de la concurrence conduit parfois au monopole. Nos homologues allemands et anglais partagent notre avis. Appuyons nous sur eux.

En 2015, la France accueillera la Conférence des parties à la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Météo-France doit participer efficacement à l'analyse et à la production de données utiles à cette réunion. De même, il nous faut améliorer la coordination entre les différents organismes qui traitent des questions climatiques en France (Météo-France, universités, CEA).

Météo-France bénéficie d'une image positive au niveau européen et au sein de l'Organisation internationale de la météorologie ; ses modèles servent de référence. J'aurai le souci de maintenir son rang.

Enfin, la gestion interne et le dialogue social dans cet espace circonscrit. On entre souvent à Météo-France pour la vie... Il est important que les agents, ingénieurs et techniciens puissent évoluer dans l'entreprise, s'y épanouir. Nous devons faire en sorte qu'ils soient fiers d'y travailler et il nous faut attirer les jeunes.

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