Intervention de Alain Milon

Réunion du 15 février 2011 à 9h30
Questions orales — Adoption des enfants haïtiens

Photo de Alain MilonAlain Milon :

Monsieur le garde des sceaux, l’article 27-1 de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 prévoit que, lorsqu’une adoption ne rompant pas le lien de filiation préexistant a été prononcée dans l’État d’origine de l’enfant, elle peut être convertie en une adoption produisant cet effet, à la double condition que l’État d’accueil le prévoie et – en substance – que le représentant légal de l’enfant ait donné un consentement libre et éclairé à cette conversion.

En 2001, la France a repris cette disposition à l’article 370-5 du code civil, afin que tous les enfants adoptés à l’étranger soient susceptibles de bénéficier de la protection maximale qu’accorde l’adoption plénière. Ce texte exige, pour la conversion d’une adoption étrangère équivalente à une adoption simple en adoption plénière, un consentement exprès à une rupture complète et irrévocable du lien de filiation préexistant.

Il n’est pas discuté que l’adoption en Haïti équivaut à une adoption simple de droit français, donc qu’un acte de consentement indépendant de celui qui est fourni dans le cadre de la procédure haïtienne doit être présenté aux tribunaux français en vue de la conversion.

Entre 2001 et 2009, selon le service de l’adoption internationale, le SAI, du ministère des affaires étrangères, 4 199 enfants haïtiens ont été adoptés par des Français, de sorte que l’on peut estimer à plusieurs milliers les adoptions haïtiennes ainsi converties au vu d’actes reçus par des notaires ou, plus rarement, par des juges de paix.

Durant toutes ces années, ni le SAI ni ses prédécesseurs n’ont averti les familles adoptives d’avoir à faire légaliser ces actes qui, comme ils ne sont pas nécessaires à l’obtention du visa, voire sont obtenus après l’arrivée de l’enfant en France, ne passaient pas par les autorités diplomatiques ou consulaires françaises.

Apparemment, les tribunaux et les cours d’appel, dans leur ensemble, ne se sont pas non plus préoccupés de l’exécution de cette formalité.

Au début de l’année 2010, le responsable du SAI a fait passer aux tribunaux, puis confirmé par une simple lettre adressée à un procureur de la République local, une information selon laquelle les « autorités haïtiennes » seraient « opposées » à ces conversions.

Seules preuves avancées de cette opposition, les juges de paix se seraient vu interdire de recevoir ces consentements, sans qu’il soit précisé ni quand ni par qui, et le commissaire du Gouvernement de Port-au-Prince aurait interdit à ses services, en septembre 2009, de légaliser les consentements reçus par des notaires.

Malgré les demandes qui lui ont été faites, le SAI n’a fourni aucun document d’origine haïtienne susceptible de confirmer cette information, dont on peut s’étonner d’ailleurs qu’elle n’ait pas fait l’objet d’une communication officielle au ministre de la justice et des libertés, vu sa gravité évidente.

Depuis quelques mois, les procureurs de la République, s’appuyant sur cette seule information, donnent à peu près systématiquement des avis défavorables aux conversions demandées, sous les prétextes les plus divers mais, de plus en plus souvent, au seul motif du défaut de légalisation des actes en cause.

Pourtant, dans la plupart des cas, ces actes sont antérieurs, parfois de plusieurs années, à l’interdiction alléguée, de sorte que celle-ci ne peut être la cause de l’absence de cette formalité.

Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous confirmer que l’absence de légalisation des actes de consentement, dont la finalité est seulement d’authentifier la signature de leur rédacteur et en aucun cas d’en approuver le contenu, interdit radicalement la conversion ? Dans ce cas, estimez-vous admissible que les tribunaux aient négligé leurs contrôles au point d’avoir accordé illégalement des milliers de conversions sans consentement légalisé depuis 2001 ?

En tout cas, comment envisagez-vous de contribuer à mettre fin à la disparité impressionnante de jurisprudence, non seulement dans l’espace mais aussi dans le temps, qui est actuellement constatée et qui est susceptible de s’aggraver après l’arrivée de plusieurs centaines d’enfants par convoi spécial à la fin de 2010, certains tribunaux refusant au second enfant d’une famille ce qu’ils ont accordé au premier au vu de dossiers parfaitement identiques, au risque de créer entre les enfants une disparité de statuts certainement peu conforme à leur intérêt ?

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